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parations ; aucune ne peut former une union aussi parfaite, aussi entière que la société conjugale ; aucune ne procure d’aussi vifs plaisirs, des avantages aussi constants, un honneur et un charme aussi considérables. L’amour que des femmes honnêtes inspirent à leurs maris se conserve au milieu même des rides et des cheveux, blancs, et les suit jusque dans le tombeau. On citerait bien peu d’exemples d’un attachement solide pour des jeunes gens ; mais on ne pourrait compter tous les maris et les femmes qui ont conservé jusqu’à la fin de leur vie l’union la plus intime et la fidélité la plus constante.

À l’appui de ces éloges qu’il donne aux femmes et à l’amour conjugal, Plutarque raconte deux histoires touchantes, celle d’Eponine et de Sabinus, et celle de Camma.

Sabinus, accusé d’avoir conspiré contre Vespasien, resta caché dans un souterrain où sa femme Eponine allait le visiter et passait quelques jours avec lui ; puis elle revenait à Rome pour déjouer les soupçons, ayant fait croire à tout le monde que son mari était mort, et même en ayant porté le deuil. Les deux époux vécurent ainsi plusieurs années dans leur souterrain, ayant pour consolation de leur adversité leur amour, l’espérance d’un temps meilleur, des enfants nés pendant» leur malheur et qui en adoucissaient l’amertume. À la fin, la retraite de Sabinus fut découverte ; il fut conduit avec Eponine devant Vespasien et condamné à mort. Eponine essaya en vain d’obtenir la grâce de son mari, montrant ses deux enfants qu’elle n’avait enfantés, disait-elle, que pour avoir plus d’intercesseurs auprès de l’empereur. Vespasien fut inflexible, et Eponine, alors, cessant de prier, et insultant la cruauté de Vespasien, dit qu’elle se félicitait de mourir, sûre d’avoir été plus heureuse, cachée auprès de son mari dans le souterrain qui leur avait servi de retraite, que Vespasien lui-même dans tout l’éclat de la majesté impériale.

Sinatus, tétrarque de Gaule, avait pour femme une Gauloise parfaitement belle, nommée Camma. Synorix, un des plus puissants d’entre les Gaulois, en devint amoureux, et, désespérant ou de la séduire ou de lui faire violence tant que son mari vivrait, il le fit périr. Le sacerdoce de Diane, héréditaire dans la maison de Camma, fut pour elle un asile contre les poursuites de Synorix, et un adoucissement à son malheur. Elle passait presque tous les jours dans le temple de cette déesse, et refusa constamment les grands partis qui se présentaient. Synorix ayant enfin osé lui faire la proposition de l’épouser, elle ne parut pas la rejeter ; et, sans lui faire aucun reproche sur la mort de son mari, elle feignit de croire que c’était l’amour seul et non la méchanceté qui l’avait porté à ce crime. Synorix ajoutant foi à ce qu’elle lui disait, se rendit au temple pour la célébration du mariage. Camma alla au-devant de lui, le prit par la main, et le conduisit au pied de l’autel de la déesse. Là, après avoir fait une libation de vin et de miel empoisonnés, elle en but la moitié et donna le reste à Synorix. Lorsqu’il eut achevé de boire, elle jeta un grand cri, et appelant à haute voix son époux : « Mon cher Sinatus, dit-elle, c’est dans l’attente seule de ce jour que j’ai traîné, séparée de toi, une vie malheureuse. Maintenant, reçois avec plaisir ton épouse, qui t’a vengée du plus scélérat des hommes, et qui est aussi satisfaite de mourir avec lui qu’elle l’était de vivre avec toi. » Synorix s’étant fait transporter dans sa litière, expira bientôt après. Camma lui survécut le reste du jour et de la nuit, et, dit-on, mourut comblée de joie.

L’histoire de Camma a fourni le sujet d’une tragédie à l’un des plus illustres enfants de l’Italie moderne, Montanelli.

Amours du grand Alcandre (Histoire des), par Louise-Marguerite de Lorraine, princesse de Conti. Cette histoire curieuse des galanteries de Henri IV, que désigna ici le nom poétique d’Alcandre, se distingue par la légèreté du style et la vivacité des tableaux, et ne laisse que le regret de voir que ces galanteries aient pu tenir une place si large et si importante dans la vie de ce grand roi. La princesse de Conti nous le fait connaître à ce point de vue dès le temps où il venait d’épouser Marguerite de France. Catherine de Médicis, qui le haïssait mortellement, lui avait tendu plusieurs pièges dont il s’était tiré avec adresse ; mais comme elle connaissait son faible, et qu’elle savait qu’il n’était pas à l’épreuve du beau sexe, elle mit en jeu certaines demoiselles aux charmes desquelles il ne fut que trop sensible. Cette princesse, qui n’avait que son ambition en tête, et qui comptait pour rien la pudeur et la religion, avait toujours un escadron volant, composé des plus belles femmes de la cour, dont elle se servait à toutes mains pour amuser les princes et les seigneurs, et pour découvrir, par ce moyen, leurs plus secrètes pensées. — Mme de Sauve, veuve d’un secrétaire d’État, fut la première qu’elle mit sur les rangs. Le duc de Guise devint aussi amoureux de cette dame, et elle y répondit si bien, qu’elle oublia pour lui le roi de Navarre. Obligé de quitter la cour, celui-ci se rendit en. Guyenne. Pendant son séjour à Bordeaux, il fit connaissance de la comtesse de Guiche, qui lui parut charmante ; il lui rendit plusieurs visites, et bientôt il se consola de l’infidélité de Mme de Sauve. La comtesse répondit à son amour, et contribua même beaucoup à l’avancement, de ses affaires, en lui envoyant des secours considérables d’hommes et d’argent. Cependant il s’en fatigua et ne tarda pas à chercher d’autres amours.

En passant en Normandie, il conçut une passion violente pour Antoinette de Pons, veuve du comte de La Roche-Guyon ; mais il trouva plus de résistance qu’il ne s’était imaginé. Cette dame avait autant de vertu que de beauté, et ne voulut jamais lui rien accorder.

Tandis qu’il était occupé au siège de Paris, il vit Marie de Beauvilliers, fille du comte de Saint-Aignan, abbesse de Montmartre, et crut qu’il serait dommage qu’une personne si jolie et si bien faite finit ses jours dans un couvent. Cette charmante religieuse, que les austérités du cloître n’avaient pas rendue intraitable, ne fut point insensible aux compliments du galant monarque. Contraint de lever le siège de Paris, il fit conduire sa nouvelle maîtresse à Senlis. Un jour qu’il vantait fort les charmes de cette belle religieuse, disant qu’il la préférait à toutes les autres femmes, le duc de Bellegarde, grand écuyer de France, prétendit qu’il changerait de sentiment s’il voyait Mlle d’Estrées. Il lui en dit tant de bien et lui en fit un si beau portrait, qu’il lui donna envie de la voir. Bellegarde sentit la faute qu’il avait faite ; mais il n’y avait pas moyen de s’en dédire, ne pouvant disputer contre son maître. Il fit avec lui le voyage de Cœuvres, où était Gabrielle. Le roi la trouva si charmante, qu’en effet il oublia pour elle la belle abbesse de Montmartre, et déclara d’un ton de maître à Bellegarde qu’il ne voulait partager ce cœur avec personne. La résistance de la belle Gabrielle rendit le roi plus amoureux encore. La difficulté était de la voir, car il ne pouvait aller à Cœuvres sans beaucoup de risque. Il fallait faire sept lieues en pays ennemi, traverser un grand bois, et passer à la vue de deux garnisons de la Ligue. Mais il résolut de tout risquer. Il monta à cheval avec quelques officiers de confiance, et fit quatre lieues avec eux ; puis, il renvoya sa compagnie, s’habilla en paysan, se chargea d’un sac plein de paille, et acheva son voyage à pied avec son sac sur le dos. Mlle d’Estrées le reçut avec assez de mépris, et ne demeura que quelques moments avec lui. Mais dans la suite, l’élévation du père de Mlle d’Estrées et les faveurs dont le roi le combla, la rendirent plus humaine et l’amenèrent à mieux traiter un prince si libéral. Henri l’accabla, pour ainsi dire, de ses bienfaits. Il la fit d’abord marquise, puis duchesse de Beaufort, et résolut même de l’épouser. Il fit à cet effet solliciter vivement à la cour de Rome la cassation de son mariage avec Marguerite. Après la fin tragique de Gabrielle, il parut quelque temps inconsolable. Pour la lui faire oublier, ou du moins pour le distraire, ses favoris crurent qu’il fallait le mettre aux prises avec une nouvelle beauté, qui pût le consoler de celle qu’il venait de perdre. Vient alors le récit de ses amours avec Mlle d’Entragues, qu’il fit marquise de Verneuil, et à laquelle succédèrent la comtesse de Moret, la duchesse de Nevers, Mlledes Essarts, etc.

Amour conjugal (Tableau de l’), ouvrage publié en 1688, à Amsterdam, sous le pseudonyme de Salocini, Vénitien (Salocini est l’anagramme de Nicolas), par Nicolas Venette, docteur en médecine et professeur d’anatomie et de chirurgie à La Rochelle. Ce livre, fréquemment, trop fréquemment réimprimé depuis, sous le propre nom de l’auteur, est un traité élémentaire et populaire des organes sexuels et de la fonction génératrice dans l’espèce humaine. Il est divisé en quatre parties. La première est consacrée à la description anatomique des organes génitaux de l’homme et de la femme, aux défauts et aux maladies de ces organes. La seconde s’occupe des signes de la virginité, de l’âge le plus propre au mariage, des moyens aphrodisiaques et antiaphrodisiaques, de la conception, de la grossesse et de l’enfantement. Le troisième traite de la menstruation, des signes de la grossesse, des divers temps de la formation de l’homme, de l’art de faire à volonté des garçons et des filles ; la quatrième, de l’impuissance et de la stérilité, de la ridicule et immorale institution du congrès, des hermaphrodites, etc.

Au point de vue scientifique, des notions anatomiques à peu près exactes, mais superficielles, des notions physiologiques et médicales qui pouvaient être celles du XVIIe siècle, mais qui, dans l’état actuel de la science, n’ont rien de sérieux ; au point de vue littéraire, un langage de corps de garde, des histoires indécentes, ramassées de tous côtés : tel est ce livre, qui n’a dû sa vogue qu’à la nature du sujet qu’il traite, à l’ignorance du public auquel il s’adresse, et à la satisfaction malsaine qu’il donne aux premières curiosités de l’adolescence. Quelle qu’ait été l’intention de l’auteur, on doit condamner ce livre comme immoral, parce que si le respect dû à l’enfance n’interdit pas d’une façon absolue de vulgariser certaines connaissances, le physiologiste ne saurait s’attacher avec trop de soin dans cette vulgarisation, qui peut être une initiation au mal, à conserver la chaste gravité du style scientifique, et à ne rien accorder à la curiosité d’imagination.

Amours des Anges (LES) ( the Loves of the Angels), poëme de Thomas Moore. Thomas Moore a emprunté le sujet de ce poëme au deuxième verset du chapitre VI de la Genèse, où on lit : « Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils prirent pour femmes celles qui leur plurent. » Eclat de style, puissance d’imagination, telles sont les qualités qui distinguent ce poëme resté célèbre dans la littérature anglaise.

Amour (l), pièce de vers que Voltaire composa chez Mme du Châtelet, dans ce séjour délicieux, où l’adultère s’abritait sous le manteau de la philosophie. On sait que Gabrielle-Emilie Le Tonnelier de Breteuil, après avoir épousé le marquis du Châtelet-Lomont, lieutenant général des armées du roi, fut attachée à la reine en qualité de dame de tabouret. Quoiqu’elle se livrât avec une sorte de passion aux études les plus abstraites, elle subit l’influence contagieuse des mœurs de la cour et elle devint la maîtresse du duc de Richelieu. Voltaire l’avait vue tout enfant chez son père, et quand il la rencontra de nouveau, en 1733, il connaissait, comme tout le monde, les relations qu’elle avait eues avec le duc de Richelieu. Cependant, comme elle était alors dans tout l’éclat de sa beauté, il fut ému par ses charmes et, s’appuyant sur le souvenir des amusements qu’il avait partagés avec elle quand il l’avait connue enfant, il parvint facilement à lui faire partager sa passion. E le quitta tout pour se donner tout entière à son nouvel amant. Ils se retirèrent d’abord à Montjeu, près d’Autun, puis bientôt ils se rendirent à Cirey, véritable paradis terrestre, où ils se mettent à étudier ensemble Newton, Leibniz, à lire en latin les œuvres philosophiques de Cicéron, en anglais les œuvres de Pope. On les vit même réunir leurs efforts pour concourir sur une question proposée par l’Académie des sciences ; mais ils ne gagnèrent point le prix, qui fut décerné au savant Euler. Quelquefois il survenait des querelles entre les deux amoureux. Voltaire se surprenait à regretter Paris et les applaudissements qu’il était sûr d’y recueillir. Mais la brouille ne durait guère et elle était bientôt suivie d’un raccommodement plus ou moins durable. Cependant Voltaire, qui avait alors plus de cinquante ans, voyant, à son grand regret, l’amour prendre peu à peu, chez la marquise, la figure de l’amitié, laissa tomber de sa plume et de son cœur ce petit chef-d’œuvre digne de l’antiquité, et qui même, suivant M. Arsène Houssaye, n’a son pareil ni chez les anciens, ni chez les modernes. Malgré ses neuf strophes, nous ne saurions résister au plaisir de le donner ici à nos lecteurs :

Si vous voulez que j’aime encore,
Rendez-moi l’âge des amours :
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.

Des beaux lieux où le dieu du vin
Avec l’Amour tient son empire

Le temps, qui me prend par la main,
M’avertit que je me retire.

De son inflexible rigueur
Tirons au moins quelque avantage.
Qui n’a pas l’esprit de son âge,
De son âge a tout le malheur.

Laissons à la belle jeunesse
Ses folâtres emportements :
Nous ne vivons que deux moments,
Qu’il en soit un pour la sagesse.

Quoi ! Pour toujours vous me fuyez,
Tendresse, illusion, folie,
Dons du ciel qui me consoliez
Des amertumes de la vie !

On meurt deux fois, je le vois bien ;
Cesser d’aimer et d’être aimable,
Cest une mort insupportable ;
Cesser de vivre ce n’est rien.

Ainsi je déplorais la perte
Des erreurs de mes premiers ans ;
Et mon âme, aux désirs ouverte,
Regrettait ses égarements.

Du ciel alors daignant descendre,
L’amitié vint à mon secours :
Elle était peut-être aussi tendre,
Mais moins vive que les amours.

Touché de sa beauté nouvelle,
Et de sa lumière éclairé,

Je la suivis, mais je pleurai
De ne pouvoir plus suivre qu’elle.

Quant à la marquise du Châtelet, quelque appétissante que fût une amitié chantée en si beaux vers, elle trouva que l’amour valait encore mieux, et elle continua seule cette double culture : la première avec Voltaire ; la seconde avec Clairaut, Saint-Lambert, etc.

Amours du chevalier de Faublas (les), roman de Louvet de Couvray. V. Faublas.

Amour (de l’) selon les lois premières et selon les convenances des sociétés modernes, par de Sénancour. Dans cet ouvrage, publié pour la première fois en 1806, l’auteur étudie l’amour et les diverses questions qui s’y rattachent, au point de vue de la raison et de la conscience naturelle, en dehors des préjugés répandus et consacrés par les législateurs religieux et politiques. Véritable fils du XVIIIe siècle, il porte dans cette étude, en face de la réaction philosophique et religieuse qui commence avec Chateaubriand, de Maistre, de Bonald, le mode de raisonnement et de recherche, les sentiments et même le langage qui caractérisent cette grande époque : ici un esprit d’observation et d’analyse qui rappelle Montesquieu ; ailleurs, une éloquence émue qui fait penser à Jean-Jacques.

Les pensées maîtresses qu’on y trouve développées sont : que nos affections les plus vantées prennent leur source dans les penchants qu’on affecte de trouver honteux, lors même qu’elles paraissent le plus s’en éloigner ; — que les premières déterminations de l’amour doivent avoir plus de suite chez les femmes d’après leurs goûts plus sédentaires, et à cause de l’assiduité agréable pour elles que demande l’éducation des enfants ; — que la disposition à la constance est naturelle chez les femmes, en raison des modifications que la maternité imprime à leur existence physique, tandis que c’est l’ordre social qui aura fait de la persévérance des hommes une qualité louable ; —que les femmes font naturellement de la chasteté leur première vertu, afin d’offrir une sorte de garantie d’une fidélité sans laquelle le titre de père de famille n’aurait rien que d’onéreux ; —que la continence absolue ne doit pas être considérée comme une vertu ; —que les plaisirs de l’amour n’ont en eux-mêmes rien d’impur, ni d’illégitime, mais qu’ils ne doivent pas faire exception à la règle commune de la moralité et de l’honneur ; — que les devoirs étant plus évidents et plus étendus en proportion des liens, ils ne sauraient se trouver sans force entre un homme et une femme qu’unissent les rapports de l’amour ; en un mot, que ces rapports relèvent, comme toutes les autres relations, de la loi de justice, de responsabilité et de sincérité ; — que si, dans nos sociétés, le sens moral est perverti à cet égard, il faut s’en prendre à la théologie, qui décourage la conscience en faisant consister le devoir dans l’austérité, et dans une perfection chimérique le but qu’il nous est commandé d’atteindre ; —que le mariage n’est pas fondé sur l’amour, mais sur la procréation, et qu’il a été institué surtout dans l’intérêt des enfants et dans celui des femmes ; — qu’on ne saurait attacher la même importance à la fidélité des hommes qu’à celle des femmes, et que cette dernière est seule réellement inséparable du mariage ; — que la subordination des femmes est naturelle, parce que les travaux sont interdits à leur faiblesse, et que le pouvoir, du moins en général, sera toujours une suite de travaux ; — que le mariage, pour être en rapport avec notre nature et nos fins terrestres, doit cesser d’être indissoluble, c’est-à-dire perdre le caractère inflexible des institutions sacerdotales.

Nous devons signaler d’une façon spéciale le chapitre consacré à l’analyse du sentiment de la pudeur, celui qui justifie le mariage des reproches que lui font les défenseurs de l’émancipation des femmes et de l’égalité des deux sexes, et enfin la note très-intéressante où l’auteur plaide, avec une grande vigueur de dialectique, la cause du divorce. En somme, le livre de Sénancour est un de ces ouvrages qui font penser et qu’on lit plusieurs fois ; c’est une étude sérieuse, plus sérieuse, on peut le dire, que la plupart des écrits qui ont été faits de nos jours sur le même sujet. Le style est partout d’une élégante simplicité, d’une sobriété et d’une fermeté viriles.

Amour ( l’ ), ouvrage de Henri Beyle, publié en 1822. L’auteur, connu sous le pseudonyme de Stendhal, déclare, dans sa préface, qu’il a voulu faire une description détaillée et minutieuse de tous les sentiments qui composent la passion nommée amour, c’est-à-dire expliquer simplement, raisonnablement, mathématiquement, pour ainsi dire, ces divers sentiments qui coexistent ou se succèdent les uns aux autres, et qu’il compare spirituellement à ces milliers de petites étoiles dont l’amas brillant forme au ciel la voie lactée. L’ouvrage est divisé en deux livres et subdivisé en un grand nombre de chapitres. Le premier livre est consacré à l’analyse de l’amour, des conditions de sa naissance et des lois de son développement, des différences qu’il présente dans les deux sexes ; de la pudeur et de son influence sur l’amour, de l’orgueil féminin, du naturel dans l’expression de l’amour, de la jalousie, de la pique d’amour-propre, de l’amour à querelles. Nous y apprenons qu’il y a quatre amours différents : l’amour-passion, l’amour-goût, l’amour physique et l’amour de vanité ; qu’il faut compter sept époques dans le développement de l’amour ; que l’admiration est la première de ces époques ; que le principal phénomène, celui qui joue le grand rôle dans l’histoire de l’amour, est cette folie qui nous fait orner de mille beautés, de mille perfections imaginaires l’objet que nous commençons à aimer. À cette puissance de l’imagination l’auteur donne le nom de cristallisation, parce qu’elle rappelle assez bien, dit-il, la transformation qu’opère la nature sur le rameau effeuillé que l’on jette dans la profondeur des mines de sel de Saltzbourg, et qu’on en retire deux ou trois mois après couvert de cristallisations brillantes, de diamants mobiles et éblouissants. Dans le deuxième livre, Henri Beyle nous montre l’amour se diversifiant selon les tempéraments, les gouvernements et les caractères nationaux. Il étudie ces diversités de l’amour et en marque les traits et les couleurs chez les diverses nations ; il promène le lecteur en France, en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, en Suisse, en Arabie ; il le transporta dans l’ancienne Provence, au temps des cours d’amour ; dans l’ancienne Rome, au temps d’Ovide, de Tibulle et de Properce. L’Italie lui semble le seul pays où croisse en liberté la plante qu’il décrit. « En France, la vanité, dit-il ; en Allemagne, une prétendue philosophie, folle à mourir de rire ; en Angleterre, un orgueil timide, souffrant, rancunier, la tortu-