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LVII
PRÉFACE.

compilations de Chambers et de Rees en Angleterre, émulation généreuse dont n’eurent qu’à se glorifier la civilisation et le progrès. Embrasser dans un vaste ensemble l’immense domaine de nos connaissances, en coordonner les diverses parties, les distribuer suivant l’ordre alphabétique et dans leur état actuel, confier chaque branche à des écrivains d’une compétence incontestée, donner plus de développement à la partie biographique, et surtout se placer à un point de vue élevé et indépendant qui dominât tout l’ouvrage : telle fut la tâche difficile que s’imposèrent les éditeurs. Le dictionnaire de Zedler avait vieilli, et son cadre, restreint à un choix d’articles de pur amusement et de distraction, était loin de répondre aux exigences d’une véritable encyclopédie. Ensuite était venue la guerre, qui avait empêché les savants allemands de se recueillir et de mettre en commun leurs patientes investigations.

L’Encyclopédie de Ersch et de Gruber devait renfermer tous les objets de nos connaissances, tous les sujets sur lesquels s’exerce l’intelligence humaine ; elle devait expliquer sommairement les termes techniques, traiter à fond, et dans une mesure satisfaisante, tous les points importants, et au besoin, renvoyer aux sources pour une plus ample information. Conformément à un vœu unanime, la place réservée aux sciences spéculatives se rétrécit, afin de laisser une marge plus étendue aux sciences et aux arts susceptibles d’une étude plus générale et plus fréquente, parce qu’ils présentent une utilité plus incontestable, et qu’ils ont dans le cours de la vie une plus grande portée pratique. Les directeurs de l’Encyclopédie accordèrent une place d’honneur aux articles d’histoire pour cette raison, que l’histoire intéresse et instruit par elle-même, et qu’elle éclaire souvent le domaine des sciences spéculatives. Ils s’attachèrent, eux et leurs auxiliaires, à traiter succinctement la matière de leur travail, en prenant pour base les principes et les éléments de chaque ordre de connaissances.

Toutefois, il faut bien reconnaître que leur zèle a été maintes fois trahi en fait de clarté, et personne ne s’étonnera, en France, si des érudits et des philosophes allemands sont restés obscurs et énigmatiques. Si le sphinx de la Fable se cache encore aujourd’hui quelque part, c’est bien dans cette détestable phraséologie que le fiat lux de la Genèse suffirait à peine à illuminer.

Pour les sciences naturelles, les auteurs de l’Encyclopédie ont adopté la classification de Linné, mais en se limitant aux espèces les plus remarquables. Quant aux sciences spéculatives, dont le terrain mouvant prêtait à une grande divergence de vues, on a conjuré le danger, autant que possible, en les traitant de préférence au point de vue historique. Sans cette précaution, l’encyclopédie allemande n’était qu’un chaos.

Le discours préliminaire, qui ouvre le deuxième volume, est dû à la plume de M. Gruber. C’est une introduction savante, présentant un tableau synthétique et historique des connaissances humaines, et qui forme le fronton imposant d’un majestueux édifice. Aujourd’hui l’Encyclopédie de Ersch et de Gruber présente un défaut capital, c’est de n’être plus à la hauteur de la science actuelle.

Dictionnaire de la Conversation (Conversations-Lexikon), de Brockhaus. Cet ouvrage, dont la onzième édition, récemment publiée, comprend quinze volumes, est devenu le type de tous les répertoires des connaissances humaines, cataloguées et exposées par ordre alphabétique. On l’a reproduit ou contrefait aux États-Unis ; en France, on l’a imité, en lui empruntant jusqu’à son titre. Le Dictionnaire de la Conversation, de Brockhaus, occupe incontestablement la première place parmi les recueils élémentaires et substantiels qui ont pour but la diffusion des connaissances usuelles et leur application, dans une sphère plus étendue, à tous les états et à toutes les classes de la société. Ce grand ouvrage, quoique imparfait encore, a acquis une haute valeur dans la littérature allemande, parce que chaque génération l’a rajeuni, et que des éditions successives l’ont mis au niveau du progrès historique et du développement scientifique du siècle.

Cette méthode, qui est la seule rationnelle, a permis d’ajouter correction sur correction, sans préjudice des changements importants qu’imposent et la marche du temps et le besoin d’une culture intellectuelle plus élevée. Toute encyclopédie doit compter avec deux ordres d’éléments qu’elle s’assimile : le fait accompli et le fait en évolution, la notion acquise et la conjecture. Quand l’avenir est devenu le passé ou le présent, et que l’hypothèse et même le paradoxe sont inscrits au compte courant des vérités réelles, la perspective se prolonge, l’horizon s’agrandit, et la tâche est à recommencer. D’ailleurs, une génération nouvelle est là, qu’il faut satisfaire.

C’est ce qu’a parfaitement compris le savant et judicieux éditeur allemand, en faisant subir à son immense travail une transformation conforme aux besoins actuels de la science, qui tend à se démocratiser, ou, pour mieux dire, à se généraliser.

Chacun des départements scientifiques constituant l’enseignement positif et réel y est traité avec l’attention qu’il réclame ; tout cet ensemble a reçu des améliorations notables portant sur chaque branche. La partie qui embrasse le terrain de la vie idéale, c’est-à-dire la religion, la théologie, le culte, les sciences philosophiques, les beaux-arts, la littérature, y forme un domaine des plus riches. Les écrivains les plus remarquables ont payé leur tribut à l’exécution de ce travail, et la direction a exercé un contrôle sévère tant sur l’admission des articles nouveaux que sur le complément des anciens.

Le Lexique de la Conversation se trouve répandu à près de 250,000 exemplaires, tant en Allemagne, que dans les autres