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la dévastation. De son vivant, la terreur qu’il inspirait en avait fait déjà un monstre surhumain, et il était à peine mort que sa légende s’enrichit d’une foule d’expéditions et de ravages dont la plupart étaient imaginaires ; pas une ville détruite qui ne l’eût été par lui, pas une ruine qui ne lui appartint de droit, pas une monstruosité qu’il n’eût commise. L’auteur de la seconde vie de saint Loup, écrite à la fin du viiie siècle, dit en propres termes qu’il ne resta en Gaule, après le passage des Huns, ni une cité ouverte, ni une ville fermée, ni un seul château fort. Nulle exagération n’étonnait cet âge naïf et crédule. Les légendaires finirent par attribuer définitivement au grand exterminateur le martyre de sainte Ursule et des onze mille vierges de Cologne. Dans les traditions ecclésiastiques, il apparaît de bonne heure comme un destructeur providentiel, un Messie de douleur et de ruine, envoyé pour châtier les vices des Romains ; enfin, l’opposé de ces génies providentiels que l’on nous montre comme envoyés à l’humanité pour lui ouvrir une nouvelle voie. Cette conception mystique domine les faits ; l’homme s’efface pour faire place à un symbole, au mythe du flagellum Dei, le fouet ou le fléau de Dieu. Des milliers d’histoires, qui ont tout le merveilleux des fables antiques ou des romans de chevalerie, se rattachent à cette épithète fameuse, dont le roi des Huns se serait lui-même paré, comme pour légitimer ses destructions. Envisagé sous cet aspect d’instrument des vengeances célestes, de mandataire de la Providence, le terrible conquérant ne suit plus ses instincts sauvages, sa dévorante ambition, sa politique : il châtie, il est le marteau qui frappe sur le monde ! Cette fantasmagorie traditionnelle, qui a si longtemps obscurci l’histoire, n’est pas encore complètement évanouie ; et, sans chercher bien loin les exemples, on peut citer Chteaubriand, qui a reproduit en quelques traits brillants ce thème suranné, si majestueusement éclos de l’alliance du mysticisme et de la poésie.

Attila ou Athel était l’ancien nom du Volga, ce qui a fait conjecturer que celui qui l’a rendu si fameux avait reçu le jour sur les bords de ce fleuve. Quoi qu’il en soit, né dans les dernières années du ve sièclee siècle, environ vingt-cinq ans après l’établissement des hordes hunniques en Europe, il grandit sur les rives du Danube, apprit la guerre au milieu des chocs continuels des tribus barbares, et succéda, conjointement avec son frère Bléda, à son oncle Roua, chef ou roi d’une partie des Huns (434 ou 435). Quoiqu’il fût plus jeune que son frère, ce fut lui en réalité qui exerça le pouvoir.

L’histoire nous a transmis les traits principaux de la physionomie du héros de ces hordes, dont l’aspect hideux et la férocité faisaient l’horreur et l’épouvante même des autres barbares. Attila était de petite-taille, large de poitrine, avec une tête énorme, les yeux petits et enfoncés, la barbe rare, le nez écrasé, le teint presque noir. Ses colères étaient terribles, et il se plaisait à inspirer l’épouvante. Souvent il tuait pour laisser des milliers de cadavres en spectacle aux vivants. Cependant, il était, dit-on, généreux envers ses serviteurs et juste vis-à-vis de ses sujets. Simple dans ses vêtements et sa nourriture, il aimait le luxe autour de lui. Il avait d’ailleurs les instincts brutaux du Kalmouk, se gorgeait de boissons et recherchait les femmes avec fureur. Comme les hommes de sa race, il n’avait pas de croyances religieuses déterminées et ne pratiquait aucun culte ; mais il vivait entouré de sorciers, qui composaient en quelque sorte son conseil privé.

Chose étrange, dans une telle société, ce Mars d’une épopée de sauvages, qui passa sa vie au milieu des batailles et des tueries, combattait rarement de sa personne. Il était capitaine par la tête plus que par l’épée. Souvent même il préférait à la guerre ces négociations cauteleuses, enchevêtrées les unes dans les autres, comme les mailles d’un filet dans lequel le rusé barbare enveloppait ses ennemis.

Son premier acte fut de profiter de la terreur, qu’inspiraient les Huns à la cour de Constantinople, pour imposer à Théodose II une augmentation énorme du tribut que les pâles successeurs de Constantin payaient aux barbares. Il entreprit ensuite un travail d’organisation intérieure, destiné à changer l’état de son royaume, si l’on peut donner ce nom à des possessions qui n’étaient guère assurées que par de vastes campements. Son plan était grandiose et d’une exécution difficile : établir sa suprématie sur toutes les peuplades de Huns et sur leurs rois particuliers, puis, au moyen de ces forces rassemblées dans sa main, former, par la conquête, un empire des nations barbares, un empire du Nord, opposé à l’empire romain. Il poursuivit son œuvre avec une persévérance infatigable, soumit successivement toutes les tribus hunniques de l’Europe et de l’Asie, puis s’attaquant aux nations slaves et teutones, établit ses conquêtes jusqu’à la Baltique et la Scandinavie, et jusqu’aux possessions des Francs. On a d’ailleurs peu de détails sur ces immenses mouvements, dont le contre-coup fit refluer jusqu’au fond de l’Europe, particulièrement en Gaule, une foule de hordes qui y portèrent la dévastation.

Attila, voulant demeurer le seul maître de ce vaste empire, fit mettre il mort son frère


Bléda, sous l’accusation vraie ou fausse de conspiration. Vers le même temps, un bouvier hun ayant trouvé, fichée dans la terre et la pointe vers le ciel, une épée nue, probablement une de ces idoles qu’adoraient les anciens Scythes, l’apporta au roi, qui, pour frapper l’imagination de ses peuples et leur inspirer un enthousiasme superstitieux, feignit de la recevoir comme un présent du ciel, comme un signe de la souveraineté qui lui était donnée sur tous les peuples de la terre.

Vainqueur du monde barbare, il suivit dès lors son projet de le précipiter tout entier sur ! es deux empires romains, ravagea sous divers prétextes les rives du Danube, la Mésie, la Pannonie, la Thrace, et enfin, en 446 et 447, après avoir ruiné soixante-dix villes, traversera Thessalie jusqu’aux Thermopyles, et détruit deux armées romaines, il accorda la paix & l’inepte Théodose moyennant 6, 000 livres pesant d’or et une augmentation du tribut annuel. Mais le trésor impérial était à sec, et des retards dans le payement amenèrent à Constantinople un de ces ambassadeurs impérieux devant qui tremblait cette cour sénile, qui ne savait répondre aux injonctions méprisantes du grand Barbare que par des ruses de femme, de lâches prières ou d’impuissantes trahisons. En 449, les eunuques byzantins tentèrent de corrompre un des ambassadeurs du roi des Huns et voulurent l’entraîner à prix d’or au meurtre de son maître. Tout était convenu, jusqu’au prix du sang. Une ambassade fut envoyée en Hunnie, en apparence pour négocier, en réalité pour suivre le complot, dont un seul des ambassadeurs connaissait d’ailleurs le secret. Attila reçut les envoyés romains avec une hauteur insultante dans le palais de bois de sa bourgade royale (sur l’emplacement où est aujourd’hui Bude, en Hongrie).

Instruit de la conspiration, il put facilement la déjouer, et saisit l’occasion pour imposer à ses ennemis de nouvelles conditions plus avilissantes et plus dures. Cependant il poursuivait ses projets de domination universelle avec une profonde astuce et une patience opiniâtre, trompant tour à tour les empereurs d’Orient et d’Occident par des négociations dérisoires, les intimidant par ses menaces, les terrifiant par ses préparatifs. En 450, ses messagers se présentaient à la fois, l’un devant Théodose, l’autre devant Valentinien, et disaient à ces deux empereurs : Attila, mon maître et le tien, t’ordonne de lui préparer un palais, car il va venir.

Le monde romain était dans l’attente des plus grandes catastrophes.

Sur ces entrefaites, Théodose mourut. Le nouvel empereur, Marcien, vieux soldat énergique, prit rapidement des mesures de défense, et le roi des Huns, ajournant ses projets, tourna tous ses efforts vers l’Occident. De ce côté, il tenta d’employer une arme qu’il tenait en réserve depuis quinze ans. Honoria, sœur de Valentinien, dans un accès de folie romanesque ou de vengeance contre sa famille, avait envoyé secrètement un anneau de fiançailles à Attila, qui, soit dédain, soit calcul, avait, pendant ce long espace de temps, laissé l’étrange proposition sans réponse. À ce moment, ses projets étant mûrs, il envoya un message à Valentinien pour réclamer sa fiancée, avec la moitié de l’empire d’Occident pour dot, ce qui le préoccupait sans aucun doute beaucoup plus que de joindre Honoria à ses innombrables épouses. L’empereur stupéfait lui répondit que sa sœur était mariée ; mais que, fut-elle libre, elle n’avait rien à prétendre dans la succession de l’empire. Après diverses négociations, Attila, dont on a peine à suivre la pensée vraie à travers le labyrinthe de ses combinaisons politiques, changea tout à coup de langage et simula une amitié chaleureuse pour l’empereur, dont il ne put d’ailleurs endormir les méfiances et la terreur. En même temps, il formait une alliance secrète avec Genséric, roi des Vandales d’Afrique. Ces deux loups-cerviers se concertèrent pour assaillir à la fois la même proie, l’empire, l’un au nord, l’autre au midi. Genséric n’exécuta d’ailleurs sa descente en Italie que quelques années plus tard. Bientôt, en 451, Attila, prétendant que les Wisigoths cantonnés en Gaule étaient des sujets échappés à sa domination, annonça à Valentinien qu’il allait se mettre en marche pour les châtier. Il fit, en effet, de vastes préparatifs et rassembla, dit-on, jusqu’à sept cent mille hommes, sauvages et barbares des contrées de l’Asie et du nord de l’Europe : Huns noirs, Acatzires, Alains, Bellonotes, Gelons, Sarmates, Ruges, Hérules, Ostrogoths, Gépides, etc. L’Occident n’avait point vu, depuis Xerxès, une telle fourmilière de nations barbares, et la civilisation semblait devoir en être submergée. Le chef de tant de hordes marcha vers le Rhin, comme le génie de la destruction, dévastant tout sur son passage et s’incorporant les peuples vaincus, traversa le fleuve et s’installa à Trèves, au milieu des terreurs d’un sac horrible. Malgré le caractère épouvantable de ces débuts, l’astucieux Kalmouk n’en fit pas moins proclamer dans toute la Gaule qu’il venait en ami des Romains, et seulement pour châtier les Wisigoths et en délivrer l’empire. L’étrange libérateur s’avança comme un torrent, ruinant ou pillant. Colmar, Besançon, Strasbourg, Spire, Worms, Mayence, Tongres, Arras, Metz, Reims, où périt saint Nicaise, Toul, Laon, Augusta (Saint-Quentin). Un, moment, le front de son armée occupa la Gaule dans toute sa largeur,


depuis le Jura jusqu’à l’Océan. Plusieurs de ces villes, d’ailleurs, placées hors du centre d’opération, ne furent en quelque sorte que traversées par des éclaireurs ou des bandes de pillards. Beaucoup d’autres cités sont désignées dans les traditions locales comme ayant été dévastées par Attila, qui cependant ne s’en approcha point. Ces erreurs s’expliquent par cette circonstance, que la marche de l’armée hunnique refoula et dispersa de toutes parts un grand nombre d’autres peuplades, qui se jetèrent comme des nuées d’insectes dévorants sur la Germanie, l’Helvétie, la Belgique, etc. En outre, la terreur qui faisait fuir les populations livrait comme une croie facile les villes désertes & toutes les bandes errantes. Le siège de Paris par les Huns est également un mythe imaginé sans doute pour opposer au Fléau de Dieu une faible femme, la patronne inspirée des Parisiens, dont l’action, dans ce moment d’épouvante publique, fut d’ailleurs grande et salutaire en ce qu’elle empêcha ses concitoyens de s’enfuir de leur ville. V. Geneviève (Sainte).

Cependant, Attila, pressé d’écraser les Wisigoths dans le midi avant l’arrivée des troupes romaines, ramena à lui les ailes de son armée, et se dirigea de Reims sur Orléans, en traversant, sans les ruiner, Châlons-sur-Marne, Troyes et Sens. Le capitaine barbare, toujours bien renseigné, traçait parfaitement son itinéraire, et pour la subsistance de son armée et pour le développement de sa nombreuse cavalerie. Orléans, point stratégique alors fort important, était également bien choisi comme point de départ de nouvelles opérations. Les Orléanais, assiégés dans leur ville par ces flots de barbares, mais soutenus et dirigés par un évêque énergique et patriote, saint Agnan, se défendirent héroïquement pendant cinq semaines, mais furent enfin contraints d’ouvrir leurs portes. Déjà le pillage était commencé et les captifs enchaînés, lorsqu’un secours, longtemps attendu, arriva tout à coup et changea la face des choses (14 — juin). Le général romain qui gouvernait dans les Gaules ce qui restait de l’empire d’Occident, l’illustre et vaillant Aétius, après avoir au milieu de difficultés inouïes rassemblé quelques troupes, entraîné les Wisigoths et ligué contre les Huns les Francs de Mérovée, les Burgondes et autres peuples, accourut à Orléans, battit les troupes d’Attila, et sauva la civilisation d’un immense péril dans cette journée mémorable, qui fut longtemps célébrée à Orléans par une solennité. Le roi des Huns battit en retraite avec ses nomades, suivi de près, par Aétius, et alla occuper Châlons-sur-Marne (Durocatalaunum) et les plaines environnantes, qu’on appelait champs catalauniques. C’est en ce lieu que fut livrée cette bataille fameuse qui décida du salut de la Gaule, épouvantable mêlée de tout le monde asiatique, romain et germanique ; cent soixante mille cadavres jonchèrent la plaine, trois cent mille, s’il fallait en croire certaines relations. Les Wisigoths y jouèrent un rôle décisif ; leur roi Théodoric fut tué ; Thorismond, son fils, eut une part brillante à la victoire des Romains. Attila fut sur le point d’être tué. Forcé de se replier dans la vaste enceinte de chariots qui formait son camp, il parut encore assez redoutable pour qu’on n’osât l’y forcer. Au reste, il avait élevé un immense bûcher formé de selles de chevaux, prêt à y mettre le feu et à s’y précipiter, si sa situation devenait désespérée. Aétius, dont l’armée était réduite de moitié par le départ des Wisigoths, n’inquiéta point son formidable ennemi dans sa retraite. Il le suivit seulement en bon ordre pour l’empêcher de piller.

Quoique sa grande expédition eût échoué, le chef des Huns ne se regardait pas comme vaincu. Dès le printemps suivant, il fit irruption en Italie, assiégea Aquilée, qu’il n’emporta qu’au bout de trois mois, et qu’il réduisit en cendres, et mit toute la Vénétie et la Ligurie à feu et à sang. Il hésitait toutefois à marcher sur Rome, dont le nom excitait encore chez les barbares une crainte superstitieuse. Ses soldats, décimés par les chaleurs de juillet, amollis par le climat, ce fidèle auxiliaire des Italiens contre les hommes du Nord, gorgés d’ailleurs de dépouilles, désiraient tous que la campagne fût bornée là pour cette année. Cependant Attila, séduit par l’idée de frapper un coup éclatant, concentra ses troupes au-dessous de Mantoue, encore incertain de ce qu’il allait faire. Rome, où s’était enfermé l’empereur, et qu’Aétius, mal secondé, se préparait cependant à couvrir, Rome, éperdue de terreur, envoya en députation le pape Léon le Grand, accompagné de deux sénateurs, pour humilier aux pieds du terrible Barbare la majesté de la tiare et la grandeur historique de la cité. Les négociateurs avaient ordre de tout employer, supplications, présents, offre d’un tribut pour l’avenir. Rien ne peint mieux l’avilissement de la société romaine à cette époque. Jadis Rome avait refusé de traiter lorsque l’ennemi était à ses portes ; maintenant, elle courait au-devant de l’ennemi, acceptant à l’avance les conditions les plus dures plutôt que d’être réduite à la nécessité de se défendre. Le vénérable pontife parut devant Attila, ébranlé déjà par la nouvelle que l’empereur d’Orient, Marcien, marchait avec un corps de troupes pour lui couper la retraite au débouché des Alpes, et qui consentit à accorder la paix aux Romains moyennant un tribut annuel. En partant, il ordonna, sans


doute ironiquement, qu’on lui envoyât Honoria avec tous ses trésors, sous la menace de la venir chercher au printemps suivant. Puis il passa l’hiver dans son palais de planches des rives du Danube, occupé de nouveaux préparatifs de guerre pour l’année 453. « Mais, dit l’historien ; cette année, dans les desseins de la Providence, ne lui appartenait déjà plus. » Peu de temps après, en effet, il célébra magnifiquement un nouveau mariage avec une jeune fille d’une grande beauté, nommée Ildico. Pendant le festin, il but avec excès, suivant la coutume de sa nation. Le lendemain matin, on le trouva mort dans son lit ; sa couche était baignée de sang ; sa jeune épouse pleurait, la tête enveloppée dans son voile. Suivant la version commune, il avait été étouffé par, une hémorragie. Mais des relations anciennes, corroborées par des traditions germaniques, donnent lieu de penser qu’il périt victime d’un complot domestique. Ses funérailles furent célébrées avec une pompe sauvage, bien digne d’un semblable héros.

Son vaste empire, partagé entre ses fils, nés de mères différentes, et qui formaient presque un peuple, suivant l’expression de Jornandès, fut presque aussitôt dissous par leurs discordes et par le soulèvement des peuples germains. Mais les populations hunniques ne furent point dispersées ; elles continuèrent à occuper l’Europe occidentale par groupes formidables, sous l’autorité de quelques-uns des fils d’Attila, dont les uns poursuivirent la guerre contre les Romains, dont les autres firent leur soumission à l’empire d’Orient. Après le premier empire hunnique et les royaumes créés de ses débris, l’Asie vomit de nouveau sur l’Europe d’autres hordes de la même race ; les Ouar-Khouni ou Awars, qui formèrent une nouvelle domination non moins redoutée de l’Europe. Enfin, une autre branche s’établit dans les mêmes lieux, à la fin du ixe siècle, les Hunu-gars ou Magyars.

M. Amédée Thierry suit dans l’histoire la destinée des descendants du Fléau de Dieu, leurs luttes intestines, leurs guerres contre l’empire grec, contre les Goths et autres barbares, leur succession, et enfin les péripéties par lesquelles les Huns d’Europe ont passé de siècle en siècle, jusqu’à la fondation du royaume de Hongrie.

Il reconstitue ensuite, avec une érudition digne des bénédictins, l’histoire traditionnelle et légendaire d’Attila chez les peuples latins, germains et hongrois. Cette partie, qui n’est pas la moins curieuse de son livre, et qui forme naturellement trois morceaux distincts, nous montre, par la myriade de fables et de mythes dont elle est remplie, quelle immense émotion le conquérant hunnique avait causée au monde.

Voilà l’étude que nous ont value les recherches laborieuses de M. Amédée Thierry. Attila était une sorte de mythe ; aujourd’hui c’est un personnage comme Annibal et César. Honneur à ces pionniers de l’histoire qui tracent à la science, au milieu de forêts vierges, des routes jusque-là inconnues. Le style est concis et pressé ; chaque page n’a coûté plus d’une veille à l’auteur, et sa plume est un alambic qui distille plutôt qu’elle n’écrit.

ATTILIA, nom d’une célèbre famille d’origine plébéienne, de l’ancienne Rome. Le premier consul de cette maison fut, en l’an de Rome 419, M. Attilius Régulus. Le Régulus de l’histoire appartenait à une branche de cette famille.

Attilius Regulus, Attilio Regolo, titre de l’un des meilleurs drames de Métastase. Dans ce drame, le consul Régulus parle et agit avec l’héroïsme d’un vieux Romain. Tombé au pouvoir des Carthaginois, il est envoyé à Rome pour proposer l’échange des prisonniers. Prisonnier lui-même, il se considère comme indigne d’entrer dans la ville, dans sa propre maison. Introduit avec l’ambassadeur carthaginois dans le temple de Belloné, il refuse de s’asseoir à la place qu’il avait occupée comme consul ; son fils, par piété filiale, veut rester debout comme lui, et Régulus gémit de son peu de patriotisme. Puis, il s’oppose fortement à l’échange, et pourtant, si cet échange ne se fait pas, il a promis de retourner à Carthage, où l’attendent les plus cruels supplices. « Ces barbares, dit-il aux sénateurs, m’ont cru assez lâche pour vous trahir par crainte. Ah ! cet outrage est plus cruel que tous les tourments. Vengez-moi, sénateurs, etc. » Le consul Manlius lui répond : « Je ne sais de quel côté le péril est le plus grand, ou de ne pas suivre ton conseil, ou de perdre un citoyen capable de donner un si grand conseil. »

Régulus ne veut pas même embrasser les siens ; ce n’est pas de la tendresse qu’il demande à son fils Publius, c’est de la fermeté :

…… Dal tuo core
Prove lo vo di costanza, e non d’amore.

Il persuade aussi au Consul Manlius de le laisser retourner à Cartage, et celui-ci, enthousiasmé, s’écrie : « Oh ! grande âme ! quelle flamme de gloire, d’honneur, je sens courir dans mes veines en te parlant ! Oui, le cœur le plus timide, à ta parole, échangerait contre tes chaînes le sort d’un roi ! »

Quand son gendre Licinius et sa fille cherchent à le faire fuir, Régulus éclate : — « Tais-toi, ce n’est pas un Romain qui conseille une lâcheté ! Tais-toi, ce n’est pas ma fille celle qui n’a point de courage !… »

Et quand, au moment de se séparer pour tou-


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