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Mohacz en 1526. Charles-Quint lui confia ensuite le gouvernement des Pays-Bas, et elle l’exerça avec fermeté de 1531 à 1555. Elle mit en pratique la nouvelle organisation politique et administrative établie dans ce pays par son frère, fit entrer en 1536 en Picardie une armée considérable, chargée de faire une puissante diversion pendant que Charles-Quint envahissait la Provence, envoya en 1544 des secours à Henri VIII, qui força François Ier à signer le traité de Crépy, et fit faire, en 1552, une forte diversion en Champagne lorsque Henri II, maître des Trois-Évêchés, s’avança sur le Rhin. Après l’abdication de Charles-Quint, Marie d’Autriche se démit de son gouvernement et alla se fixer à Cigales, en Espagne. « Pénétrante, résolue, altière, infatigable, dit M. Mignet, elle était propre à l’administration et même à la guerre, pleine de ressources dans les difficultés ; elle portait dans les périls une pensée ferme et un mâle courage et ne se laissait ni surprendre ni abattre par les événements. »


MARIE D’ARAGON, reine de Sicile, morte en 1401. Elle succéda, en 1372, à son père Frédéric II, roi de Sicile, surnommé le Simple, mais se vit disputer le trône par son grand-père Pierre IV, roi d’Aragon, pendant que, d’un autre côté, les barons de l’île refusaient de la reconnaître et d’obéir à une femme. La jeune reine, d’abord retenue captive dans le château de Catane par le chef du parti opposé aux Aragonais, Artus d’Alagone, fut enlevée par un amiral de Pierre IV et conduite, toujours prisonnière, en Catalogne. En même temps Pierre IV se rendait maître de la Sicile et choisissait, en 13S0, pour vice-roi et pour successeur son fils Martin. Le fils de ce dernier prince, également appelé Martin, épousa Marie en 1391 et confondit alors les droits des deux branches de la maison d’Aragon. Mais, grâce à des troubles causés par la noblesse, Marie et son époux, ne furent définitivement reconnus qu’en 1399. Elle mourut deux ans plus tard.


MARIE DE CHÂTILLON, reine de Naples et de Sicile, morte à Angers en 1404. Fille de Charles de Châtillon, elle fut unie, en 1360, à Louis d’Anjou, comte de Provence et du Maine, qui, par l’adoption de la reine Jeanne Ire, devint roi de Jérusalem, de Naples et de Sicile. Louis d’Anjou étant mort en 1384, Marie resta veuve avec un tout jeune enfant dont il fallait défendre les nombreuses possessions disputées par la maison d’Anjou. Elle se montra à la hauteur de sa position périlleuse ; habile, prudente, courageuse, elle soutint avec bonheur la guerre contre Charles Durazzo, puis, à la mort de celui-ci, contre son fils Ladislas ou Lancelot. Par son habile administration, elle sut s’attirer les sympathies du peuple, et, malgré les énormes dépenses occasionnées par une longue guerre, elle laissa en mourant dans le trésor public 200,000 écus d’or.


MARIE-CAROLINE, reine de Naples ou des Deux-Siciles, fille de l’empereur François Ier et de l’impératrice Marie-Thérèse, née à Vienne en 1752, morte en 1814. Elle était sœur de la reine de France Marie-Antoinette, et elle exerça le pouvoir sous le nom du faible Ferdinand IV, qu’elle épousa en 1768. Elle commença par faire congédier le ministre Tannucci, et le remplaça par sa créature, Sambuca, puis par son amant, Acton, Irlandais né en France. Celui-ci, de concert avec Vanini, président de la junte de sûreté, livra les finances au pillage, s’attira la haine de toutes les classes de la société et tenta d’étouffer l’esprit d’opposition par les arrestations, les bannissements et les supplices. Pour éviter une explosion populaire, Ferdinand se vit contraint de sacrifier Vanini, mais il conserva Acton. Peu après, il déclara la guerre à la république française ; mais ses troupes furent battues et l’armée française arriva à Naples, où elle proclama la république, pendant que la famille royale se réfugiait sur la flotta britannique (1798). Grâce à l’insurrection fomentée dans la Calabre par le cardinal Ruffo, le parti républicain fut vaincu à Naples. Cette ville capitula en 1799 et rouvrit ses portes à Ferdinand et à Marie-Caroline. Malgré les termes de la capitulation, qui stipulait une amnistie générale, à l’instigation de Marie-Caroline une junte d’État, présidée par l’odieux Speziale, fut chargée de livrer au supplice tous les employés et tous les partisans du gouvernement tombé, et des flots de sang coulèrent dans toute l’étendue du royaume des Deux-Siciles, placé sous la dépendance de l’Angleterre. C’est alors qu’on vit l’impitoyable Caroline, la maîtresse d’Acton, devenue l’intime amie d’une prostituée, lady Hamiltou, dont Nelson avait fait sa maîtresse, se montrer partout en public avec elle et assister, comme à un spectacle fait pour la délecter, à la mort de l’amiral Caracciolo, ignominieusement et contre tout droit pendu, par ordre de l’amiral anglais, à un des mâts de sa frégate. Lorsqu’en 1805 se forma contre la France une nouvelle coalition, Caroline, qui n’avait cessé de manifester une haine ardente contre les Français, poussa Ferdinand à y prendra part. À cette nouvelle, Napoléon fit envahir le royaume de Naples, renversa le trône des Bourbons et le releva pour y placer son frère Joseph. Réfugiée à Palerme avec son mari, Caroline ne cessa de fomenter la contre-révolution dans ses anciens États, se brouilla avec lord Bentinck, le représentant de l’Angleterre, parce que, selon elle, il ne mettait pas assez d’empressement à entreprendre la conquête de Naples, fut profondément indignée lorsqu’elle vit Ferdinand accorder, sous la pression de l’Angleterre, une constitution libérale à la Sicile (1811), quitta alors Palerme et se rendit à Vienne, où elle mourut. Cette princesse, justement flétrie par l’histoire, avait eu de Ferdinand un fils, François Ier qui succéda à son père en 1825, et trois filles, dont l’une fut l’impératrice d’Autriche Marie-Thérèse, et une autre, Marie-Amélie, reine des Français.


MARIE TUDOR, reine d’Angleterre, fille de Henri VIII et de Catherine d’Aragon, née au château de Greenwich le 19 février 1515, morte le 17 novembre 1558. À deux ans, Marie reçut le titre de princesse de Galles et fut dès cette époque fiancée par un traité au dauphin de France ; mais, peu après, ce projet d’union fut rompu et Henri VIII offrit alors Marie à Charles-Quint, qui repoussa cette alliance, en 1522. Des projets d’union avec le roi d’Écosse n’eurent pas plus de succès, et le roi d’Angleterre avait repris de nouvelles négociations avec la cour de France, lorsqu’il résolut de faire rompre son mariage avec Catherine d’Aragon (1527).

La jeune Marie avait été élevée avec le plus grand soin et on lui avait donné une éducation excellente. Mais sa mère s’était attachée de bonne heure à lui inculquer des idées religieuses qui devaient la pousser plus tard vers un fanatisme aveugle, monstrueux, et lui mériter le surnom de Sanglante. Lorsque le divorce d’Henri VIII et de Catherine d’Aragon eut été prononcé (1533), Marie se vit séparée complètement de sa mère, puis éloignée de la cour, déclarée bâtarde sur l’ordre de son père par le Parlement, déchue de son rang de princesse de Galles et de ses droits au trône. Toute cette partie de sa jeunesse, époque partagée entre l’amertume, les regrets, les espérances et les désirs de vengeance, Marie la passa dans l’étude des langues anciennes, des langues étrangères, de l’histoire, de la géographie et des sciences les plus abstraites. Elle s’appliqua également à l’étude de la politique, et tout son règne atteste la profondeur avec laquelle son esprit en creusa les secrets les plus ardus.

La déchéance et le supplice d’Anne de Boulen, que Marie considérait comme la cause des malheurs de sa mère et des siens, lui causèrent la joie la plus vive (1536). Elle crut le moment favorable pour tenter de se rapprocher de son père, et demanda à Cromwell, alors favori du roi, d’intervenir en sa faveur ; mais Henri VIII ne voulut consentir à un rapprochement que si sa fille faisait un acte solennel de soumission et, répudiant ses idées catholiques, souscrivait aux articles de foi de l’Église anglicane. D’abord Marie résista, car les conditions qu’on lui imposait la révoltaient ; mais enfin pressée, intimidée, elle finit par signer cet acte dont nous citerons le passage le plus significatif : « Je reconnois, reçois, tiens, estime et répute le roy pour chef souverain en terre de l’Église anglicane, sous Jésus-Christ ; et je rejette absolument l’autorité, la puissance et la jurisdiction que les évesques de Rome prétendent avoir, et ont usurpée par cy-devant, dans le royaume d’Angleterre ; et je la rejette conformément aux loix et aux ordonnances faites sur ce sujet et reçues, embrassées, suivies, observées par tous les subjects du roy. Je renonce pareillement à toute sorte de secours, de pouvoir et d’avantage que je pourrois en quelque manière que ce soit, présentement ou à l’avenir, attendre de quelques constitutions, juridictions, sentences ou ordonnances de l’évesque de Rome ; et j’y renonce en toute sorte de sens, et sous quelque titre, couleur, moyen ou raison que je puisse avoir ou imaginer, à présent ou à l’avenir. Outre cela, pour m’acquitter de mon devoir envers Dieu, envers le roy et envers les loix du royaume, je reconnois et confesse, franchement, volontairement, et sans aucune autre considération, que le mariage contracté par cy-devant, entre le roy et la feue princesse douairière ma mère, a esté incestueux et illégitime, comme contraire aux loix divines et humaines. »

La violence seule, tous les historiens l’attestent, lui arracha cet aveu, dont son orgueil filial et sa conscience catholique durent profondément souffrir. En retour de cette soumission, Henri VIII rendit à sa fille le rang de princesse ainsi que ses bonnes grâces ; il lui confia même l’éducation de sa sœur Élisabeth, âgée de quatre ans. Les deux jeunes princesses trouvèrent d’ailleurs dans la douce et tendre Jeanne Seymour, Marie une sœur, Élisabeth une mère.

Quoique rétablie dans ses dignités, Marie n’en fut pas moins déclarée exclue du trône par arrêt du Parlement fondé sur l’illégitimité du mariage de sa mère. Vers la même époque, le 12 octobre 1537, Jeanne Seymour donnait un fils pour héritier à Henri VIII. La naissance du prince Édouard fut fatale à la reine, qui mourut à la suite de ses couches, après avoir prié Marie de servir elle-même de marraine à son jeune frère. À cette époque, le roi songea de nouveau à marier sa fille aînée. Mais la position équivoque de Marie, qui avait été déclarée bâtarde, était un obstacle à tous les projets d’union, et ce fut en vain que Henri VIII essaya de la marier d’abord avec l’infant Louis de Portugal (1538), puis avec Guillaume de Clèves (1539).

En 1546, Henri VIII mourut après avoir, par son testament, réglé définitivement l’ordre de succession au trône. Par cet acte, il laissait la couronne au prince Édouard, fils de Jeanne Seymour, et après lui, au cas où il n’aurait pas de postérité, à Marie et à Élisabeth, reconnues enfin comme filles légitimes.

Édouard VI, âgé de neuf ans et demi, fut proclamé roi d’Angleterre et chef suprême de l’Église anglicane le lendemain de la mort de Henri VIII. Bien qu’elle aimât son frère et en fût aimée, la princesse Marie eut beaucoup à souffrir sous ce règne à cause de ses convictions religieuses. « On s’était contenté, sous Henri VIII, dit Hamel, de s’affranchir du pape, tout en conservant les formes et le dogme de la communion romaine ; le nouveau gouvernement alla plus loin ; il entra résolument dans les voies d’une séparation radicale, » Retirée dans son château de Beaulieu, Marie y subit toutes sortes de contrariétés à cause de sa persistance à ne pas se soumettre à la nouvelle liturgie : elle fut même plusieurs fois obligée de recourir à Charles-Quint pour empêcher le gouvernement d’Édouard de troubler chez elle l’exercice de son culte. Mandée devant les lords du conseil et devant le jeune roi, et pressée d’abjurer, elle déclara que son âme était à Dieu, et qu’elle n’abandonnerait jamais sa croyance (1551). Pour la punir de cette réponse, on jeta à la Tour son chapelain et ses principaux officiers. On voulut alors lui en donner de nouveaux, et, quand on vint l’en informer, elle répondit avec beaucoup de courage  : « Je porterai ma tête sur l’échafaud plutôt que d’adopter le nouveau rituel. Je n’entendrai pas la messe s’il plaît à mes chapelains de ne pas la dire ; mais, tant que je séjournerai dans ma maison, je n’y souffrirai pas le nouveau service. » Devant cette résistance, les ministres d’Édouard VI prirent le parti de fermer les yeux.

Ici se place la disgrâce éclatante du duc de Somerset, déclaré coupable de félonie et décapité à Towis-Hill ; ce fut un nouveau sujet de chagrin pour la princesse Marie, envers qui il avait toujours été rempli d’égards. Cette révolution de palais fut organisée par la noblesse et par le comte de Warwick, zélé protestant, qui obtint de la confiance du jeune roi les biens immenses de la famille des Percy avec leur titre de duc de Northumberland.

Peu de temps après, Édouard, roi maladif, fut atteint de la petite vérole, et l’on put prévoir que sa mort était prochaine. Northumberland résolut alors d’empêcher à tout prix l’avènement de Marie Tudor et, prétextant l’attachement de cette princesse au catholicisme, il décida le roi agonisant et les conseillers de la couronne à modifier l’ordre de succession en faveur de Jeanne Grey, petite-fille de Charles Brandon, duc de Suffolk, et de la sœur de Henri VIII. « Si le Sauveur, dit Northumberland au roi, vous rappelait à lui, que deviendrait sa loi ? Vos sœurs, toutes deux déclarées illégitimes par acte du Parlement, vous remplaceraient ; leur avènement suffirait pour soulever la guerre civile. La première en date, celle qui serait reine, c’est lady Marie. Vous la connaissez. Où son fanatisme ne nous précipiterait-il pas ? Elle nous ramènerait au papisme et au pape à travers les bûchers. » Northumberland faisait d’avance l’histoire du règne de Marie Tudor. Quoique ayant la conscience de son droit, Marie ne crut pas devoir affronter l’orage à Londres même, où toutes les mesures étaient prises contre elle par les conseillers d’Édouard. Elle se retira donc dans le comté de Suffolk, où à peine arrivée elle apprenait la mort de son frère (6 juillet 1553) et le couronnement de Jane Grey. Aussitôt elle adressa aux ministres une lettre dans laquelle elle témoignait avec amertume son étonnement de n’avoir pas été officiellement informée de la mort de son frère et revendiquait ses droits au trône. En ce moment, Jane Grey était forcée malgré elle d’accepter de Northumberland le dangereux héritage d’Édouard VI. Mais le nouveau gouvernement vit bientôt la désaffection se faire autour de lui, et les princes étrangers refusèrent dédaigneusement de recevoir ses ambassadeurs et de reconnaître d’autre reine d’Angleterre que Marie Tudor. Celle-ci n’eut pas de peine à réveiller dans Londres le zèle de ses anciens amis, tandis qu’elle-même, parcourant le comté de Norfolk, réussissait à y lever des troupes ; Northumberland marcha contre elle ; mais à peine fut-il sorti de Londres que ses soldats désertèrent. Le frère d’un des ministres de Jane amena lui-même 4,000 hommes à Marie Tudor qui, peu de jours après, entrait dans Londres et s’y faisait proclamer reine d’Angleterre. Quant à Northumberland, il eut l’infamie, en voyant le parti de Jane perdu, de rechercher sa grâce par des bassesses et de parcourir la ville en proclamant lui-même Marie Tudor ; mais cette palinodie ne l’empêcha pas d’être jeté en prison, ainsi que l’infortunée Jane et lord Dudley son mari.

Le 3 août 1553, Marie Tudor faisait, au milieu des acclamations populaires, son entrée dans la capitale. Elle s’attacha d’abord à se concilier les esprits en proclamant une amnistie ; d’illustres prisonniers furent mis en liberté ; on abolit quelques impôts et l’on fit des distributions d’argent aux pauvres de la cité.

Depuis vingt-cinq ans, l’Angleterre, à l’exemple d’Henri VIII, s’était jetée dans la Réforme. Marie, à peine assise sur le trône, ne songea qu’à rétablir la religion catholique ; mais sur les conseils de Gardiner, tout récemment rétabli par elle dans son évêché de Winchester, elle prit le parti de dissimuler ses projets et d’en préparer de longue main la réussite. Il fut convenu que l’on détruirait la Réforme petit à petit. Le roi de France et l’empereur d’Allemagne, représentés à sa cour, le premier par M. de Noailles, le second par Simon Renard, ne cessèrent de l’encourager à persister dans cette résolution et lui proposèrent même l’appui de leurs maîtres. Son premier acte fut de rappeler à leurs sièges tous les évêques catholiques que les deux derniers rois en avaient chassés. Bientôt les édits portèrent défense de prêcher et d’interpréter les Écritures sans une permission expresse de la reine. Enfin on instruisit le procès du duc de Northumberland, et les pairs du royaume qui l’avaient servilement flatté au temps de sa grandeur le condamnèrent à avoir la tête tranchée. Au moment d’aller au supplice, et sous la promesse qu’il aurait sa grâce, il fit une confession de foi catholique ; sur l’échafaud même il la renouvela ; mais ce fut en vain, car la grâce promise ne vint pas ; il fut décapité avec deux de ses anciens collègues, Thomas Palmer et John Gater. C’était le début des persécutions.

Le couronnement de la reine eut lieu avec une grande solennité le 1er octobre 1553. La convocation du Parlement, des fêtes où le luxe des toilettes et des modes françaises était déployé servirent beaucoup les desseins de la reine en éloignant les femmes du parti austère de la Réforme ; des discussions oiseuses, mais violentes, sur l’Eucharistie parmi les ministres du clergé, puis de nouvelles persécutions contre les réformés, tels furent les principaux événements qui suivirent de près le couronnement de Marie Tudor.

Depuis son avènement, l’un des plus graves soucis de la reine Marie était de savoir à quel époux elle donnerait sa main ; quoiqu’elle eût trente-huit ans, les prétendants ne lui manquèrent pas. Bien que son cœur la portât vers lord Courtenay, elle se décida à épouser Philippe, fils de Charles-Quint, et le contrat fut signé le 12 janvier 1554. Ce mariage conclu avec un prince connu par son fanatisme catholique provoqua en Angleterre un mécontentement général, qui bientôt se traduisit par la révolte du duc de Suffolk et de Thomas Wyat. Bien que cette union eût été ratifiée par le Parlement, le bruit se répandit dans toute l’Angleterre que le royaume allait devenir une province d’Espagne, qu’on y verrait se renouveler les horribles supplices qui ont fait exécrer le nom espagnol dans les Pays-Bas, dans le Milanais, à Naples et à Palerme ; ce qui contribuait à corroborer ces appréhensions, c’étaient les bills récemment portés (oct. 1553) et qui renversaient brusquement tout l’édifice de l’Église anglicane, en supprimant les statuts rendus sous le dernier règne. Partout le catholicisme triomphait, reprenait possession des églises, et un grand nombre d’ecclésiastiques entachés d’hétérodoxie étaient déposés. Beaucoup de seigneurs quittèrent la cour, attendant les événements ; les chefs du complot ourdirent le projet de marier lord Courtenay avec Élisabeth et de les proclamer souverains d’Angleterre à la Tour de Londres. De son côté, le duc de Suffolk songeait à replacer la couronne sur le front de sa fille, Jane Grey, toujours prisonnière. Mais tous, comme sir Thomas Wyat qui donna son nom à ce soulèvement, étaient surtout animés par la haine qu’ils portaient au catholicisme. Thomas Wyat souleva le comté de Kent, s’empara de Rochester, dont il fit son quartier général, et obtint de l’amiral Winter les munitions et l’artillerie de cinq navires de guerre, équipés pour former l’escorte du prince espagnol. La reine envoya alors le duc de Norfolk contre les rebelles ; mais, arrivé devant les murs de Rochester, le duc fut abandonné par ses troupes et forcé de battre en retraite, ce qui permit à Wyat de marcher sur Londres. Marie Tudor, dans ces circonstances critiques, sut conserver sa fermeté et son sang-froid. Après avoir permis à ses ministres de tenter avec les rebelles tous les moyens possibles de conciliation, elle prit un parti héroïque et résolut de combattre. Elle partit pour Guildhall, où elle réunit une foule considérable de citoyens de toute condition dans la grande salle de la mairie. Elle prononça un discours pathétique terminé par un appel aux armes, et quelques heures après vingt mille hommes s’étaient déjà enrôlés pour défendre Londres contre les rebelles. Ceux-ci, après quelques succès partiels, furent partout repoussés, et Wyat, forcé de rendre son épée, fut conduit à la Tour (8 février 1554).

Après son triomphe, Marie Tudor se montra implacable. Elle fit périr sur l’échafaud l’innocente Jane Grey, son mari, son père le duc de Suffolk, Thomas Wyat, etc., et un grand nombre de supplices répandirent bientôt la terreur dans toute l’Angleterre ; la persécution atteignit jusqu’à la princesse Élisabeth et à lord Courtenay, qui furent gardés