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cester ; Élisabeth a exigé qu’il conduisît lui-même Marie à l’échafaud, pour lui prouver qu’il ne l’aime pas. À la vue de la victime, il détourne les yeux ; mais elle, allant à lui : « Vous me tenez parole, Dudley ; vous m’aviez promis votre bras pour sortir de mon cachot, et vous me l’offrez maintenant. » Suivent les adieux de Marie à Leicester, qui sont une des plus belles situations qu’il y ait au théâtre. Pour compléter cette impression, pour donner satisfaction au spectateur d’autant plus attristé du douloureux dénoûment qu’il a été davantage intéressé à la victime, Schiller montre dans une dernière scène Élisabeth punie par l’abandon de ses plus chers et de ses plus nobles serviteurs, effrayée de cette protestation muette, avant-coureur du sévère jugement de la postérité, et rejetant sur la tête de Davison, par un mensonge homicide, toutes les suites d’un acte qu’elle désavoue lâchement devant le blâme général.

« Parmi les drames de Schiller, dit M. Régnier, Marie Stuart est peut-être le plus remarquable par ce genre d’unité qui, à la scène, est le plus nécessaire de tous et la fin dernière de ceux-là même qui se font une loi des autres unités.

« Le personnage de Marie Stuart domine ici entre tous avec une majesté et une grâce souveraines. Qu’elle soit ou ne soit pas sur la scène, sa pensée toujours la remplit. Pas une action, pas une parole des autres qui ne la rappelle. L’attention n’est point partagée comme dans Wallenstein ou Don Carlos, Ici, tous les éléments de pitié, de terreur se réunissent et demeurent sur la même tête, dans le même cœur. Depuis le commencement jusqu’à la fin, c’est Marie seule qui nous captive, et ce n’est pas de la succession d’intérêts divers que naît la variété, mais de la gradation du même intérêt et des aspects nombreux sous lesquels s’offre à nous, toujours dans sa riche diversité, la grande et dominante figure. Dans les caractères secondaires, on admire l’exactitude historique que le poëte a su leur conserver. »

La beauté des vers est dans cette pièce à la hauteur des situations : plusieurs scènes sont restées célèbres pour le fond comme pour la forme.

Marie Stuart, tragédie en cinq actes, en vers, de P. Lebrun (Théâtre-Français, 6 mars 1820). Ce n’est guère qu’une appropriation au goût français de la pièce de Schiller ; quelques endroits sont traduits, d’autres sont modifiés, mais la conception générale et la plupart des détails sont empruntés au drame allemand. L’auteur a bien traduit la grande scène de l’entrevue des deux reines. Quand paraît Élisabeth, Marie s’incline devant sa rivale et avoue ses fautes, mais avec dignité. Élisabeth abuse de son triomphe ; elle accabla Marie du poids de sa fortune, et descend même jusqu’à lui reprocher les erreurs de sa jeunesse. Marie retrouve alors toute la fierté de son âme ; en présence de Leicester, de son amant, elle veut paraître reine encore, et dans son indignation elle rappelle à sa rivale qu’il n’appartient pas à la fille adultère de Henri VIII d’insulter l’héritière légitime du trône d’Écosse.

Oui, ma vie aux regards n’a pas craint de paraître ;
On la voit, on la juge, on l’accuse peut-être ;
Mais je n’ai pas, du moins, pour couvrir ses erreurs,
Cherché d’un faux dehors les voiles imposteurs :
Je n’ai point d’un vain masque osé tromper la terre.
Malheur, malheur à vous, si d’une vie austère
Vous venant quelque jour arracher le manteau,
La Vérité sur vous fait luire son flambeau !
. . . . Le fruit de l’adultère
Profane insolemment le trône d’Angleterre ;
Le noble peuple anglais, par la fraude trompé,
Gémit depuis vingt ans sous un sceptre usurpé.
Si le ciel était juste, indigne souveraine,
Vous seriez à mes pieds, et je suis votre reine !

Dès lors, l’arrêt est irrévocable, et dans l’acte suivant on assiste aux hypocrisies dont Élisabeth fait précéder la signature de la sentence de mort :

À gouverner l’État, Melvil, j’ai pu prétendre,
Tant que j’eus seulement des bienfaits à répandre.
Mais avec mes bienfaits mon règne doit finir ;
Je ne sais plus régner, alors qu’il faut punir !

Mais lorsque les ministres se sont retirés pour laisser la reine en référer à Dieu, toute sa haine éclate librement :

Je suis, a-t-elle dit, le fruit de l’adultère !
J’usurpe insolemment le trône d’Angleterre !
Malheureuse ! Ta mort éclaircira mes droits.
Quand tu ne seras plus, qu’on n’aura plus de choix,
Le doute disparaît ; je règne alors sans crime.

Cependant, lorsque s’ouvre le cinquième acte, une chance de salut reste encore à Marie. Mortimer peut venir la sauver. Il est vrai qu’elle n’y compte pas ; elle ne songe plus qu’à mourir chrétiennement, et, parée au jour de sa mort comme au jour de sa grandeur, elle dit adieu à tous ses serviteurs, en laissant à chacun des gages de son souvenir. Bientôt l’heure a sonné ; Mortimer est tombé aux pieds de la tour, assassiné par les sbires d’Élisabeth, et Marie n’a plus qu’à se rendre au lieu du supplice. Elle part, mais ses regards s’arrêtent sur Leicester. Elle le contemple un moment, puis, d’une voix doucement émue, sans se plaindre, sans l’accuser : « Comte, » lui dit-elle,

Comte de Leicester, vous me tenez parole.
Pour quitter ma prison, j’attendais votre appui.
. . . . . . .
Adieu ; vivez heureux. Plein d’espérances vaines,
Vous avez à la fois voulu plaire à deux reines,
Trahi le cœur aimant pour le cœur orgueilleux.
Aux pieds d’Élisabeth, adorez sa puissance,
Et puisse son amour n’être pas ma vengeance !

Leicester reste accablé de douleur et de remords ; et quand Seymours, son confident, vient lui apprendre que tout est fini, il tombe expirant dans ses bras. À l’époque où Marie Stuart fut représentée, la lutte s’annonçait entre l’ancienne et la nouvelle école, et le succès enthousiaste qu’obtint Lebrun fut considéré comme une victoire du progrès sur la routine. Malgré ses timidités, cette pièce était jugée d’une audace toute romantique.

Marie Stuart en Écosse, Opéra-Comique en trois actes, paroles de Planard, musique de M. Fétis (théâtre Feydeau, 30 août 1823). Le sujet est tiré de l’Abbé, de Walter Scott ; mais les auteurs ont modifié quelques circonstances et jusqu’aux noms des personnages, ce qui n’était pas bien utile. Les moyens de l’intrigue ne sont pas tout à fait les mêmes ; le château qui renferme la reine ne s’appelle plus Lochleven, mais Douglas ; l’Écosse est toujours le théâtre de l’action, et le voisinage de Kinross le lieu principal de la scène. Marie Stuart entretient des intelligences avec ses amis qui résident sur les bords opposés du lac, au milieu duquel est situé le château de Douglas. Elle n’a auprès d’elle que lady Fleming, miss Clary et le jeune Rolland, écuyer, envoyé par le conseil secret pour la servir ou plutôt pour surveiller ses actions. Lady Douglas, hautaine et méchante, Randal, espèce de concierge intendant, sont les geôliers de l’infortunée Marie. Mais ce vieux porte-clefs aime à boire ; lady Douglas n’est pas difficile à tromper, et Rolland enfin est amoureux de miss Clary ; c’est ce Rolland qui remplit dans la pièce le rôle que joue Douglas dans le roman de Walter Scott ; comme dans l’histoire, c’est lui qui fait évader Marie. Le défaut du poème, écrit avec une pureté toute littéraire, est d’être un peu sévère pour un opéra-comique. La partition reste le chef-d’œuvre de M. Fétis. Nous citerons l’ouverture ; l’air : Je suis votre souveraine, au premier acte ; la romance en trio : J'ai vu le beau pays de France, un vrai joyau musical, et une ronde au deuxième acte ; et au troisième, l’invocation : O céleste justice !

Marie Stuart, opéra en cinq actes, paroles de M. Théodore Anne, musique de Niedermeyer, représenté à l’Académie royale de musique le 6 décembre 1844. Cet ouvrage n’obtint qu’un succès d’estime. Le sujet, fort intéressant par lui-même, a été bien traité par l’auteur du livret. On pourrait lui reprocher toutefois de n’avoir pas tenu assez compte du portrait traditionnel de Bothwell, en représentant ce soldat violent comme un élégant seigneur soupirant la romance. La musique est soignée, pleine de délicatesse et d’expression. Les situations sont rendues avec intelligence et avec une distinction qui ne se dément jamais. Tout le rôle de Marie Stuart, admirablement interprété par Mme Stolz, est rempli de mélodies touchantes. Nous signalerons le duo qu’elle chantait avec Gardoni, alors débutant ; les adieux de Marie Stuart, au premier acte ; la villanelle sur un motif écossais, dans le second acte ; le duo avec Gardoni au troisième ; quant aux ensembles, il faut remarquer d’abord le chœur : Partons, mylord, à cheval ! au premier acte ; la scène des conjurés, sans accompagnement, au troisième ; enfin la scène d’abdication et l’entrevue des deux reines, au cinquième acte. Baroilhet et Mlle Nau complétaient un quatuor qui a laissé un bon souvenir de cette phase de notre histoire académique.


MARIE DE MOLINA, reine de Castille et de Léon, morte en 1222. Elle était fille de Molina et cousine du roi Sanche IV, qu’elle épousa en 1282. Proclamée régente en 1295, après la mort de son mari, elle le devint une seconde fois à la mort de son fils en 1312. Elle se démit du pouvoir pour éviter la guerre civile. Les historiens vantent sa prudence et sa sagesse.


MARIE-ANNE D’AUTRICHE, reine d’Espagne, née en 1634, morte en 1696. Fille de l’empereur Ferdinand III, sœur de l’empereur Léopold Ier, elle épousa, en 1649, Philippe IV, roi d’Espagne, qui mourut en 1655, lui laissant le gouvernement de l’État pendant la minorité de son fils Charles II. Toute dévouée aux intérêts de l’Autriche, cette princesse écarta du pouvoir don Juan d’Autriche, et confia les rênes de l’État à son confesseur, le P. Nithard, qui, par son orgueil et par son incapacité, souleva contre lui les grands. Le P. Nithard, forcé de quitter le pouvoir, fut envoyé à Rome comme ambassadeur, et la régente mit alors à la tête des affaires son favori Fernand de Valenzuela. Lorsque le roi Charles II parvint à sa majorité (1675), don Juan d’Autriche devint premier ministre et déporta aux Philippines l’amant de la reine. Cette princesse montra la plus grande hostilité contre Marie-Louise d’Orléans, la première femme de son fils, manifesta une grande joie lors de la mort subite de sa bru, et contribua à faire épouser en secondes noces à Charles II Marie-Anne de Neubourg.


MARIE-LOUISE D’ORLÉANS, reine d’Espagne, née à Paris en 1662, morte au palais de l’Escurial en 1689. Cette fille du duc d’Orléans, frère de Louis XIV et d’Henriette d’Angleterre, était une des plus belles personnes de la cour, lorsque, par des motifs purement politiques, on négocia son mariage avec Charles II d’Espagne. Marie-Louise, qui aimait le dauphin et dont l’affection était partagée, supplia vainement Louis XIV de ne pas la contraindre à une union qui ferait son malheur. Le cœur brisé, elle dut partir avec la princesse d’Harcourt et se rendit à Burgos, où elle épousa le faible et maladif Charles II, si peu fait pour lui faire oublier son affection première. Pour célébrer son arrivée à Madrid, on livra aux flammes, dans un auto-da-fé solennel, vingt-deux personnes (1679). Ce fut par cette horrible fête qu’on lui donna un avant-goût de la triste existence qu’elle allait mener jusqu’à sa mort. En butte à la haine aveugle de sa belle-mère, qui ne cessa de la calomnier auprès du roi, antipathique au conseil d’Espagne, qui craignait qu’elle n’amenât Charles II à suivre une politique favorable à la France, la jeune reine, sans appui, sans conseiller, vit bientôt son palais se transformer pour elle en prison, et elle mourut subitement en 1689, après avoir avalé une tasse de lait à la glace que lui présenta la comtesse de Soissons. On a accusé de cette mort, attribuée avec toute vraisemblance à un empoisonnement, tantôt la reine mère, tantôt les agents de l’Autriche.


MARIE-ANNE DE BAVIÈRE-NEUBOURG, reine d’Espagne, née en 1667, morte à Bayonne en 1740. Fille du duc de Bavière-Neubourg et sœur de l’impératrice, elle épousa à l’âge de vingt-trois ans, grâce aux intrigues de l’Autriche, le roi d’Espagne Charles II (1690), veuf depuis un an à peine de Marie-Louise d’Orléans. Cette princesse se fit détester des Espagnols et finit par perdre l’influence qu’elle exerçait sur son faible époux par l’ardeur qu’elle mit à servir les intérêts de son beau-frère, l’empereur Léopold. Après la mort du roi (1700), qui laissait par son testament le trône au duc d’Anjou, Marie-Anne alla se fixer à Bayonne. C’est cette princesse que Victor Hugo a mise en scène dans son drame intitulé Ruy Blas.


MARIE-LOUISE-GABRIELLE DE SAVOIE, reine d’Espagne, fille du duc de Savoie Victor-Amédée II, née à Turin en 1688, morte à Madrid en 1714. En 1701, elle épousa Philippe V, qui venait de succéder à Charles II comme roi d’Espagne, reçut pour camarera mayor la princesse des Ursins, qui exerça la plus grande influence sur son esprit, et se fit aimer des Espagnols par le soin qu’elle prit de leur plaire, par sa bonté, par sa bienfaisance et par son intrépidité. Pendant la guerre de la succession d’Espagne, Marie-Louise, nommée régente par Philippe V (1706), montra beaucoup d’énergie, stimula l’ardeur des provinces et engagea ses diamants pour payer la solde des troupes. Elle mourut à vingt-six ans, ayant eu de son mariage deux fils qui régnèrent sur l’Espagne, Louis et Ferdinand.


MARIE-LOUISE-THÉRÈSE DE PARME, reine d’Espagne, fille du duc de Parme, épouse de Charles IV, née en 1754, morte en 1819. Mariée à treize ans au prince des Asturies et conduite à la cour de son beau-père Charles III, elle y fut l’objet d’une surveillance sévère, justifiée par la légèreté de sa conduite et l’entraînement de son caractère, et prit peu à peu un tel empire sur l’esprit de son faible époux, que celui-ci, devenu roi sous le nom de Charles IV (1788), lui abandonna la direction des affaires. Marie-Louise en profita pour épuiser le trésor par ses prodigalités, destitua des ministres qui lui avaient refusé des sommes qu’elle exigeait, et livra le royaume à son favori Godoï, qu’elle tira des rangs les plus infimes de l’armée pour l’élever aux plus hauts emplois. Les turpitudes de ces deux personnages furent les prétextes dont Napoléon colora son invasion en Espagne (1808). À cette époque, Marie-Louise se rendit à Bayonne avec son mari et Godoï, dont elle avait obtenu la mise en liberté, n’hésita point à se porter devant l’empereur l’accusatrice de son fils Ferdinand, et alla jusqu’à s’accuser d’un adultère pour détruire des droits que, disait-elle en présence de Charles IV lui-même, il ne pouvait tenir que d’elle seule. Exilée à Compiègne avec son mari, elle habita successivement ensuite Marseille, Nice et Rome, où elle mourut.

Marie-Louise (ordre de), ordre de chevalerie fondé, le 19 mars 1792, par Charles IV, roi d’Espagne, afin que la reine Marie-Louise, « son épouse bien-aimée, eût un moyen de plus de témoigner sa bienveillance aux dames nobles qui se distinguent par leurs vertus, par leurs services et leur attachement. » L’ordre, qui existe encore, a pour patron saint Ferdinand. C’est la reine qui nomme les dames qui en font partie. Chaque dame membre de l’ordre doit une fois par mois visiter les hôpitaux et les établissements de charité ; elle doit aussi faire célébrer et entendre tous les ans une messe pour toutes les dames de l’ordre décédées. Les insignes sont une croix à quatre branches et huit rayons, bordée d’émail violet ; l’intérieur est en émail blanc. Au centre de la croix est un ovale d’émail blanc entouré de violet ; au milieu de l’ovale l’effigie de saint Ferdinand. Les branches de la croix sont alternées avec des tours et des lions en or, et la croix est surmontée d’une couronne de laurier. Au revers se trouve le chiffre de Marie-Louise, et sur une bordure violette en lettres d’or ces mots : Real orden de la reyna Maria-Luisa (ordre royal de la reine Marie-Louise). L’ordre se porte à un ruban violet ayant une large raie blanche au milieu. Ce ruban est passé en écharpe.


MARIE-CHRISTINE DE BOURBON, reine d’Espagne, née à Naples en 1806. Elle est fille de François Ier, roi des Deux-Siciles, et de Marie-Isabelle, infante d’Espagne, seconde femme de ce prince. Marie-Christine s’adonna de bonne heure aux exercices du corps, devint une intrépide amazone, apprit la peinture et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par la fougue de son caractère. Elle avait vingt-trois ans lorsque sa sœur, Louise-Charlotte, qui vivait à la cour d’Espagne et avait épousé l’infant don François de Paule, conçut le projet de la marier à Ferdinand VII, déjà trois fois veuf. Cette union s’accomplit en effet à Madrid le 11 décembre 1829. Jeune, belle, passionnée pour les plaisirs, elle transforma par sa présence la triste cour du vieux et sinistre Ferdinand, sur l’esprit duquel elle prit aussitôt un grand empire. Étant devenue enceinte, elle profita de son ascendant sur son mari pour lui faire promulguer, le 29 mars 1830, la pragmatique Siete partidas Par cet acte, le roi changeait l’ordre de succession au trône et déclarait que la couronne passerait, au cas où il n’aurait pas d’enfant mâle, non à son frère don Carlos, mais aux filles qui pourraient lui naître, par ordre de primogéniture. Le 10 octobre de la même année Marie-Christine accoucha d’une fille, qui devait être Isabelle II, et mit au monde, le 30 janvier 1832, une seconde fille, la future duchesse de Montpensier. Bien qu’en butte à l’hostilité déclarée de don Carlos et surtout à celle de sa femme et de la duchesse de Beira, sœur de cette dernière, la reine sut conserver son influence sur son imbécile époux. Toutefois, Ferdinand étant tombé malade, les partisans de don Carlos, soutenus par le ministre Calomarde, obtinrent du roi le rappel de la pragmatique. Mais à cette nouvelle Louise-Charlotte, sœur de Marie-Christine, accourut à Madrid, souffleta Calomarde, fit rapporter la pragmatique et amena le roi convalescent à donner, jusqu’à son complet rétablissement, la régence du royaume à sa femme (octobre 1832).

Marie-Christine, voyant que don Carlos s’appuyait sur le parti absolutiste, chercha un point d’appui dans le parti libéral et, pour l’attirer à elle, elle débuta par une amnistie. Au commencement de l’année suivante, Ferdinand reprit en main le pouvoir. Mais le 29 septembre 1833 il mourut, laissant par son testament la régence et la tutelle de ses enfants à sa veuve et le trône à sa fille Isabelle II.

Les cortès aussitôt convoquées reconnurent la validité du testament de Ferdinand VII, sanctionnèrent la déchéance de don Carlos, et Marie-Christine fut proclamée régente avec l’assistance d’un conseil présidé par Zea Bermudez. Aussitôt les carlistes en appelèrent aux armes et commencèrent une guerre civile qui devait durer de longues années. Flottant entre les conservateurs et les libéraux, Marie-Christine laissa les ministres au pouvoir diriger les affaires, se contentant lorsqu’ils lui déplaisaient de leur susciter des tracasseries et s’occupant principalement de ses plaisirs, du soin de s’amasser une fortune privée considérable. On la vit successivement, sous l’influence des circonstances, justifier dans un manifeste l’administration de Bermudez, la politique rétrograde de Ferdinand, prêter serment, sous Martinez de la Rosa, à la constitution libérale (estatuto real) du 10 avril 1834, et adhérer au traité de la quadruple alliance (22 avril) ; mettre hors la loi, sous Toreno, les juntes provinciales dont quelques-unes s’étaient soulevées et les reconnaître sous Mendizabal (1835) ; réclamer, en 1836, pendant l’intervention française et sous Isturiz, contre la proclamation de la constitution de 1812, et reconnaître cette constitution, en 1837, sous Calatrava. À cette dernière date, une révolte avait éclaté à Madrid et la régente avait dû quitter son château de la Granja pour revenir dans cette ville. Peu après les carlistes s’avançaient jusqu’aux portes de la capitale, mais étaient victorieusement repoussés, et deux ans plus tard Espartero leur portait le dernier coup en forçant Marolo à signer la capitulation de Bergara (31 août 1839). Débarrassée enfin de la guerre civile, Marie-Christine voulut entrer dans la voie de la réaction. Elle fit présenter aux cortès, en 1840, la loi des ayuntamientos, destinée à restreindre les libertés municipales. Aussitôt une insurrection éclata à Barcelone, s’étendit à Madrid et dans un grand nombre de villes et trouva un appui dans Espartero. En ce moment la régente avait perdu toute popularité. Sa liaison avec un garde du corps nommé Mufioz n’était plus un secret pour personne, et ses dissentiments avec sa sœur aînée Louise-Charlotte avaient également transpiré dans le public. Se trouvant sans appui, elle fit appel à Espatero et le chargea de former un ministère (16 septembre 1840). Mais cet homme d’État lui imposa des conditions qu’elle ne crut pas pouvoir accepter, et elle se démit de la régence (le 2 octobre).

Marie-Christine se rendit successivement alors à Rome, à Naples et à Paris où elle se