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suisse, né à Zurich en 1645, mort en 1733. Il appartenait à une famille italienne qui avait embrassé le protestantisme et s’était réfugiée en Suisse. Jean de Muralt étudia la médecine en Allemagne, en France et en Angleterre, se fit recevoir docteur à Bâle en 1671 et devint médecin de la ville, puis professeur de physique et de mathématiques à Zurich, où il obtint le droit de bourgeoisie. Ses principaux ouvrages sont : Experimenta anatomica (1670) ; Vade-mecum anatomicum (1677)-, Exercitationes medicae seu experimenta anatomica de humoribus in corpore circumfluentibus (1675) ; Œuvres de chirurgie (1691 et 1711° ; Hippocrates helveticus (1692 et 1716) ; Description des bains d’Urdorf (1702) ; Physica specialis, en six parties (1707 à 1714) ; Collegium anatomicum curiosum (1687) ; Lux in tenebris, etc., ouvrage relatif aux persécutions religieuses.


MURALT (Béat-Louis de), littérateur et voyageur suisse, de la famille du précédent, né à Berne. Il vivait au XVIIIe siècle, visita les principales contrées de l’Europe et se fit connaître par les ouvrages suivants : Lettres sur les Anglais et sur les Français et sur les voyages (1726, in-18), dont la seconde partie a été publiée à part, sous ce titre : Lettres sur les voyages et sur l’esprit fort (1753) ; Lettres fanatiques (Londres, 1839) ; l’Instinct commun recommandé aux hommes(1753) ; Fables nouvelles (1753) ; Histoire de Frédéric le Grand (1757, 2 vol.).


MURALTIE s. f. (mu-ral-ti). Bot. Genre de plantes, de la famille des polygalées, qui croissent au Cap.


MURANO, bourg et commune du royaume d'Italie, province, district, mandement et à 2 kilom. N. de Venise, dans un îlot du même nom ; 3,437 hab. Fabriques de glaces et verreries autrefois très-célèbres, verres peints, perles fausses et verroteries de toute espèce. À peu de distance se trouve l'îlot de San-Michiele-di-Murano, avec une belle église et une célèbre abbaye de camaldules, supprimée sous la domination française.

En 1291, le grand conseil de Venise, craignant que les nombreuses fabriques de verre établies dans cette ville ne fussent la cause d'incendies, décida qu'on les transporterait hors de la cité. Ce fut alors qu'on choisit l'île de Murano pour y établir le siège de la verrerie vénitienne. Durant le XIVe siècle, les verriers de Murano s'adonnèrent surtout à la fabrication des perles et des bijoux en verroterie, inventés par Cristoforo Briani et Domenico Miotto, dit-on, et ils répandirent leurs produits en Égypte, en Éthiopie, en Abyssinie, en Turquie et jusqu'aux Indes et à la Chine. Quant aux vases de verre, ils paraissent avoir été, durant cette période, importés de Byzance à Venise, qui s'efforçait toutefois de s'approprier les secrets des verriers grecs. Au XVe siècle, les Vénitiens furent entièrement maîtres de ces secrets, que leur apportèrent les ouvriers de Constantinople fuyant l'invasion turque. Dès cette époque, les vases de verre vénitiens devinrent très-recherchés. Vers le milieu du XVIe siècle, les fabricants de Murano inventèrent le verre filigrané. Ils décorèrent le verre incolore et transparent avec des fils contournés de verre soit blanc et opaque, soit coloré. Cette invention donna un nouveau prix à la verrerie de Murano et parut si importante que le chef du conseil des Dix, déjà chargé de la surveillance des fabriques, fit défendre aux ouvriers de transporter leur art à l'étranger, sous peine de la prison pour leurs familles demeurées à Venise, et sous la menace de leur envoyer des émissaires pour les tuer. En revanche, de grands privilèges avaient toujours été accordés à Murano, qui eut une juridiction et une administration spéciales, distinctes de celles de Venise. Les verriers furent anoblis. Henri III, étant venu en 1573 à Venise, donna la noblesse française à tous les principaux maîtres verriers de Murano. On a conservé sur le livre d'or de cette île les noms des plus anciens verriers qui en furent originaires : Muro, Seguso, Motta, Bigaglia, Miotto, Briani, Gazzabin, Vistosi, Ballarin. Au commencement du XVIIIe siècle, la verrerie de Bohême porta un coup funeste à la verrerie de Venise, qui abandonna ses vases et ses ornementations filigranées, et qui, depuis, n'a plus conservé que la fabrication de la verroterie commune. Les vases de Murano, si célèbres au XVe et au XVIe siècle et si recherchés aujourd'hui comme produits artistiques, se divisaient eu plusieurs catégories : les vases en verre blanc transparent, les vases en verre teint, les vases émaillés et dorés, les vases à fils colorés et les vases filigranes dits vasi a ritorti et vasi a reticelli ; enfin, les vases mosaïques. Les vases en verre blanc étaient décorés de fils colorés appliqués à l'extérieur, à la façon byzantine ; on les semait aussi d'or mêlé à la matière vitreuse, par un procédé resté inconnu ; on les craquelait en immergeant, dans un vase d'eau, de la pâte soufflée ; on leur donnait parfois des formes d'animaux, de centaures, de tritons ; on les décorait de figures et godrons en relief, ou de rosaces imprimées au cachet. Les verres teints étaient de couleurs très-variées, bleus, verts, rouges, violets, etc. Les Vénitiens faisaient aussi du verre imitant l'opale, l'agate, la sardoine ou le jaspe. Le plus célèbre artiste en verrerie teinte fut Angelo Beroviero, au XVe siècle. Pour les verres émaillés et dorés, c'est-à-dire ornés d'or ou émaux appliqués au pinceau et fixés au feu de moufle, les Vénitiens furent les imitateurs des Byzantins. Les vases à filets colorés et d’ornementation filigranée étaient d'une fabrication fort compliquée, ainsi que les verres mosaïques. Les premiers se composaient de la réunion de vingt-cinq, trente, quarante baguettes ou cannes de verre soit blanc ou teinté pour les simples filets, soit à dessins filigranés, préalablement préparés. On les soudait ensemble, par le soufflage et la chaleur, en une pâte à laquelle on donnait les formes des vases. Enfin, les verres mosaïques, appelés aussi fioriti et millefiori, se fabriquaient au moyen de baguettes dont la section présentait des étoiles, des enroulements et autres formes symétriques, obtenues au moyen de la réunion, dans les colonnes soumises à l'étirage, de verres diversement colorés et disposés.


MURANO (Andréa DA), peintre italien de l’école vénitienne, né à Murano. Il vivait dans la première moitié du XVe siècle. Bien qu’on prouve dans ses tableaux la sécheresse de contours des peintres du moyen âge, il surpassa néanmoins ses contemporains par une plus grande correction dans le dessin et en tenant mieux compte des plans dans la disposition des figures. On voit de lui, à l’Académie des beaux-arts de Venise, deux tableaux qui représentent un Saint Pierre martyr et un Saint Sébastien.


MURANT (Emmanuel), peintre hollandais, né à Amsterdam en 1622, mort à Leeuvarden en 1700. Élève de Wouwermans, il s’adonna comme lui au genre du paysage animé et parcourut la plus grande partie de l’Europe. Ses tableaux, qui représentent des bourgs, des villages, des ruines, sont exécutés avec un soin extrême, avec un fini qui ne nuit pourtant pas à l’éclat du coloris. Ses œuvres sont fort peu nombreuses.


MURAT, ville de France (Cantal), ch.-l. d'arrond. et de canton, à 50 kilom. N.-E. d'Aurillac ; pop. aggl., 2,600 hab. - pop. tot., 2,861 hab. Tribunal de 1re instance, justice de paix. Fabrication d’étoffes et de dentelles communes ; tanneries ; commerce de bestiaux, de fromages et de mules. Cette ville est bâtie près du confluent du ruisseau de Bournantel et de l'Alagnon, à la base du rocher conique de Bonnevie, très-curieux par ses nombreux étages de colonnes prismatiques, qui mesurent pour la plupart 15 mètres de hauteur et qui, vues de loin, offrent l'aspect d'un jeu d'orgues. Les rues de la ville sont escarpées, malpropres et mal pavées. Les maisons, aux murs grisâtres et aux toits jaunes, ont en général un aspect misérable. Les édifices n'ont pas une grande valeur architecturale. Nous nous bornerons à signaler : l'église de Notre-Dame-des-Oliviers, qui possède une statue de la Vierge en grande vénération dans le pays ; l'ancienne église Saint-Martin, transformée en halle au blé ; plusieurs maisons gothiques et une jolie fontaine. Sur le rocher de Bonnevie, qui domine la ville, se trouvent les ruines d'un château fort que sa position rendait imprenable. Il se composait de solides constructions. Les tours se confondaient avec les colonnes prismatiques du rocher, faisaient corps avec elles et prenaient si bien, la nuit, l'aspect de certains animaux, que les vieux arquebusiers qui les gardaient ne les désignaient que par les noms pittoresques de tour du Dragon, tour du Rat-Blanc, tour du Lion, tour de l’Épervier. Le château fut démoli en 1633 par ordre de Richelieu. Des ruines de cette forteresse, qui consistent en pans de murailles et en débris de tours, on découvre un magnifique panorama. Aux environs de la ville, les ruines du château des Cheylannes couronnent un rocher dont la base est baignée par les eaux de l'Alagnon, qui forment une jolie cascade. Murat est la patrie de Jean de L'Hospital, père du célèbre chancelier.

Cette petite ville a donné son nom à une maison puissante dès le XIe siècle. Des vicomtes de Murat sont sortis les seigneurs de Montfort, de Roche-Manec, de Gilbertès. À la fin du XVe siècle, les Anglais pillèrent la ville, mais donnèrent vainement l'assaut au château. François Ier enleva la vicomté au connétable de Bourbon et la réunit à la couronne en 1532. Ce fut le cardinal de Richelieu qui fit abattre le château fort.


MURAT, bourg de France (Tarn), ch.-l. de canton, arrond. et à 62 kilom. de Castres, au pied d’un rocher coupé à pic ; pop. aggl., 260 hab. — pop. tot., 2,640 hab. Commerce de bestiaux. Aux environs, plusieurs tumuli.


MURAT, village et comm. de France (Allier), canton da Montmarault, arrond. et à 33 kilom. de Montluçon ; 705 hab. L’architecture de l’église (XIIe siècle) est extrêmement grossière ; on remarque à l’intérieur de l’édifice un reliquaire d’un travail exquis. Les ruines du château fort sont encore très-imposantes..


MURAT (Henriette-Julie DE CASTELNAU, comtesse DE), femme auteur française, née à Brest en 1670, morte en 1716. Elle était fille d'un mestre de camp de cavalerie, le marquis Michel de Castelnau, mort à Utrecht en 1672, et petite-fille du maréchal de Castelnau. À l'âge de seize ans, elle quitta Brest pour se rendre à Paris, épousa peu après le comte de Murat, brigadier des armées du roi, et fut présentée à la cour dans le costume des villageoises bretonnes, qu'elle portait à ravir. Douée de beaucoup d'esprit, d'imagination et d'une figure charmante, la comtesse de Murat obtint de grands succès dans le monde ; mais son penchant pour les plaisirs la jeta dans des égarements auxquels sa naissance et sa position ne servirent qu'à donner plus d'éclat, et, sur la sollicitation de Mme de Maintenon, la jeune comtesse fut exilée à Loches. Après la mort de Louis XIV, son amie, la marquise de Parabère, obtint sans peine du régent la fin de son exil. Elle revint alors à Paris (1715), et alla mourir l'année suivante dans un château qu'elle possédait dans le Maine. La comtesse de Murat a composé des vers gracieux et faciles et des romans qui se font remarquer, dit Audiffret, par la pureté du goût, la sagesse des idées, l'honnêteté des tableaux et par une teinte de philosophie qui caractérise le siècle où ils ont été écrits. Nous citerons : Mémoires de Mme la comtesse de M*** avant sa retraite (Paris, 1697), qui sont moins une histoire qu'un roman ; Nouveaux contes des fées (Paris, 1698), écrits avec beaucoup d'esprit ; Voyage de campagne par la comtesse de M*** (Paris, 1699) ; Histoires sublimes et allégoriques de l'année 1699, par la comtesse D*** (Paris, 1699) ; Histoire galante des habitants de Loches ; les Lutins du château de Kernosy, nouvelle historique (Leyde, 1710), un de ses meilleurs romans.


MURAT (André), frère aîné du roi de Naples Joachim Murat, né à La Bastide-Fortunière (Lot) en 1760, mort en 1841. Il se montra constamment dépourvu d’ambition et se borna à être maire-de son village natal. Napoléon lui donna le titre de comte (1810), et son frère. Joachim lui envoya en 1813 le grand cordon de l’ordre des Deux-Siciles.


MURAT (Joachim), maréchal de France, roi de Naples, frère du précédent, né à La Bastide-Fortunière (Lot) le 25 mars 1771, fusillé au Pizzo le 13 octobre 1815 ; Destiné à l’état ecclésiastique par son père, qui était aubergiste, il fit ses humanités à Cahors et étudia le droit canon à Toulouse ; mais il renonça bientôt à suivre la carrière du sacerdoce et s’engagea dans un régiment de cavalerie. Un acte d’insubordination le fit renvoyer. Toutefois, il entra quelque temps après dans la garde constitutionnelle de Louis XVI, passa, après la suppression de cette garde, dans le 21e régiment de chasseurs à cheval et devint sous-lieutenant (1791). Exalté révolutionnaire, Murat demanda à changer son nom en celui de Marat, après l’assassinat de l’ami du peuple, Ce qui lui valut d’être mis en disponibilité après le 9 thermidor, comme terroriste, pendant qu’il servait à l’armée des Pyrénées occidentales. Murat était alors chef de brigade. Il revint à Paris et, le 13 vendémiaire an IV, il fut du nombre des républicains qui se levèrent spontanément pour la défense de la Convention. On le réintégra dans son grade. Bonaparte, qui avait pu l’apprécier dans cette journée, le prit pour aide de camp dans la campagne d’Italie (1796), pendant laquelle il récompensa sa brillante valeur à Dego, Ceva, Mondovi en le nommant général de brigade, et l’envoya porter au Directoire les drapeaux pris sur l’ennemi. De retour en Italie, Murat donna de nouvelles preuves de sa bouillante intrépidité à Mantoue, Roveredo, Saint-Georges, où il fut blessé, et contribua à forcer l’Autriche à demander la paix par l’audacieuse manœuvre qu’if fit exécutera à sa cavalerie le 13 mars 1797. Appelé l'année suivante à faire partie de l’expédition d’Égypte, Murat fit des prodiges à la prise d’Alexandrie. À la bataille des Pyramides (23 juillet 1798), il gagna le grade de général de division ; au siège de Saint-Jean d'Acre, il monta le premier à l’assaut. À Aboukir, il se mesura corps à corps avec Mustapha-Pacha, qu’il fit lui-même prisonnier, et il eut la plus grande part au succès de cette bataille.

De retour à Paris avec Bonaparte, qui l’avait fait le confident de ses ambitieux projets, Murat, oubliant ses opinions républicaines, devint l’instrument docile du despote. C’est lui qui, au 18 brumaire, à la tête de 60 grenadiers, violant la représentation nationale, dispersa le conseil des Cinq-Cents et prononça sa dissolution. Pour prix de ce service, le premier consul lui donna le commandement de la garde consulaire et la main de sa sœur Caroline (20 janv. 1800). Peu après, Murat suivit Bonaparte en Italie. Mis à la tête de toute la cavalerie de l’armée, il entra dans Milan le 2 juin, contribua puissamment à la victoire de Marengo, puis fut chargé en 1801 de l’expulsion des Napolitains des États de l’Église, du gouvernement de la république cisalpine, et de la prise de possession de l'île d'Elbe. De retour à Paris, il fut nommé député du Lot au Corps législatif et Bonaparte l’accabla d’honneurs, le Créant successivement gouverneur de Paris (1803) ; maréchal de l’Empire (1804), prince, grand amiral (1805), et lui conférant, après la bataille d’Austerlitz, dont il avait décidé le succès, le titre de grand-duc de Clèves et de Berg, avec la souveraineté de ces États (20 fév. 1806). Murat administra sa principauté avec un grand esprit de modération, s’attacha à ne pas pressurer ses sujets, à ne point les indisposer contre lui par des réformes administratives trop brusques, et s’attira à ce sujet de vifs reproches de Napoléon, qu’irritait la moindre apparence de liberté dans le gouvernement des peuples. Bien qu’habitué à subir l’ascendant de son irritable beau-frère, Murat, dit-on, refusa de mettre à exécution ses instructions tyranniques, et lui offrit un jour de se démettre de son pouvoir souverain.

Tout en jouant le rôle d’un petit monarque, Murat n’en était pas moins resté le lieutenant de Bonaparte. Lors de la coalition de 1806, il reprit le commandement de la cavalerie de la grande armée, et montra dans toutes les rencontres une incomparable impétuosité. Après avoir chargé les Prussiens à Iéna, il fit capituler Erfurt, puis Lubeck où commandait Blücher, marcha contre les Russes, entra à Varsovie le 28 novembre. En 1807, il figura avec le même éclat aux bataiiles d’Eylau et de Friedland et assista, le 21 juin, à l’entrevue qu’eurent sur le Niemen le czar Alexandre et Napoléon. Murat allait, la paix conclue, retourner dans son grand-duché, lorsqu’il fut mis à la tête de l’expédition d’Espagne en 1808. Après une coursé rapide, les portes de Madrid lui furent ouvertes (25 mars). Peu après, il comprima dans le sang une insurrection formidable. Charles IV l’investit de l’autorité royale et il se croyait déjà en possession de ce trône, lorsque Napoléon le donna à son frère Joseph (6 juin). Murat, de retour à Paris, manifesta son mécontentement, et pour le calmer son beau-frère lui donna le trône de Naples (15 juillet 1808). Le nouveau monarque, proclamé le 1er août sous le nom de Joachim-Napoléon commença, en arrivant dans son royaume, par enlever aux Anglais l’île de Capri, opéra de louables réformes dans l’administration, fit cesser les arrestations arbitraires, réorganisa l’armée et la marine, encouragea les sciences et les lettres et acquit une assez grande popularité. Son goût puéril pour la représentation, sa tenue de roi d’opéra-comique empanaché, loin de sembler ridicules, parurent au contraire plaire au peuple napolitain, avide de spectacles. Poussé par sa femme, qui avait pris sur son faible esprit un grand empire, Joachim voulut prendre son rôle de roi au sérieux et secouer la fatigante tutelle de Napoléon. N’ayant point été secondé par les troupes françaises lorsqu’il tenta, en 1809, d’enlever aux Anglais la Sicile, il en éprouva un vif mécontentement, dont il fit part à Napoléon, qui accueillit ses plaintes avec sa hauteur habituelle ; son irritation s’en accrut. Joachim demanda alors, mais sans succès, le rappel des troupes françaises, et décréta que tous les étrangers, y compris les Français, qui occupaient des emplois dans son royaume devaient, pour les conserver, se faire naturaliser Napolitains. Mais Napoléon annula ces dispositions par un autre décret, signé aux Tuileries en 1811, et dans lequel il déclarait que, « le royaume de Naples faisant partie du grand empire, les citoyens français sont de droit citoyens des Deux-Siciles. » Cette mesure causa à Murât un tel dépit, qu’il en tomba malade et, pour s'en venger, il différa de célébrer la naissance du roi de Rome et affecta de ne plus porter le ruban de la Légion d’honneur (1811).

La guerre de Russie apaisa, momentanément, cette querelle de famille. Le roi de Naples dut, sur l’ordre de son beau-frère, prendre encore une fois le commandement de la cavalerie de la grande armée. Il donna de nouvelles preuves de sa brillante valeur dans les champs d’Ostrowno, de Smolensk, et surtout de la Moskowa, où il enleva la grande redoute russe et décida la victoire (7 septembre 1812). Toutefois, il fut battu par Kutusow à Winkowa. Napoléon lui ayant confié le commandement des débris de l’armée pendant la retraite (5 décembre), Murat, découragé, le remit, à Wilna, entre les mains du prince Eugène, et disparut furtivement (10 janvier 1813), abandonnant l'armée pour retourner à Naples, et, dès cette époque, pour conserver son trône, il entama de secrètes négociations avec l’Autriche et l’Angleterre. Toutefois, en 1813, il rejoignit Napoléon, prit part aux batailles de Dresde, de Wuchau et de Leipzig, puis disparut encore, sous le prétexte de lever des troupes en Italie. Les désastres de la campagne fixèrent ses incertitudes. D’après les conseils de sa femme et de Fouçhé, il abandonna l’homme dont il voyait crouler la fortune. Par des traités des 6 et 11 janvier 1814 avec l’Angleterre et l’Autriche, il s’engage à fournir 30,000 hommes de troupes aux alliés, qui, en échange, lui garantissent sa couronne et lui promettent, un accroissement de territoire. À la tête de son armée, il s’empara de Bologne, d’où il publia, le 30 juin 1814, une proclamation dans laquelle il disait, en s'adressant aux soldats : « L’empereur ne veut que la guerre. Je trahirais les intérêts de mon ancienne patrie, ceux de mes États et les vôtres si je ne séparais sur-le-champ mes armes des siennes pour les joindre à celles des puissances alliées, dont les intentions magnanimes sont de rétablir la dignité des trônes et l'indépendance des nations. » Cette défection fut un coup cruel pour Bonaparte, qui, d’après le Mémorial de Sainte-Hélène, l’a jugée en ces termes : « Il est impossible de concevoir plus de turpitudes que n’en contenait la proclamation de Murat en se séparant du vice-roi. Il y est dit que le temps est venu de choisir entre deux bannières : celle du crime et celle de la vertu. C’était ma bannière qu’il appelait celle du crime. Et c’est Murat, mon ouvrage, le mari de ma sœur, celui qui me doit