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Pacifique, au moyen des eaux du lac de Léon et du lac de Nicaragua. Mais son appel n’eut pas d’écho, et l’entreprise, dont il avait reçu la direction, resta à l’état de projet. À cette époque, comme le fait remarquer M. Taxile Delord, la société anglaise se tenait, à l’égard de l’évadé de Ham, dans une réserve voisine de la froideur. M. de Jarnac, premier secrétaire de l’ambassade française, menaça de se retirer d’un club où il était question de recevoir Louis Bonaparte et où la présence de son cousin Napoléon Bonaparte, fils de Jérôme, était cependant parfaitement acceptée. Le fils d’Hortense avait donc tout à la fois à faire face aux embarras de sa propre gêne et à soutenir, par des expédients, son budget en désarroi. N’en concluons pas, toutefois, que le futur président de la République française en fût réduit à s’imposer des vertus spartiates : audacieux devant la dette, il escomptait l’avenir sans trop se sevrer des jouissances du présent. En vingt ans, il avait trouvé moyen de s’endetter d’un million de francs ; c’était le chiffre exact de la seule fortune qu’on lui connût, la terre de Civita-Nova, en Italie, qu’il tenait de l’héritage de sa mère. À la veille de la révolution de Février, son actif et son passif se compensaient ; il était littéralement ruiné. Fort heureusement pour lui, il put largement puiser dans quelques bourses qui lui furent ouvertes. Miss Howard, qui l’aimait tendrement, paya à plusieurs reprises ses dettes et n’hésita pas, lorsqu’il fut devenu président de la République, à engager sa fortune pour la réussite du coup d’État. Louis-Napoléon, parvenu à l’Empire, lui rendit, du reste, très-largement ce qu’elle lui avait prêté ; car, depuis le 24 mars 1853 jusqu’au 1er janvier 1855, il lui donna 5,449,000 francs.

Lorsque commença l’agitation des banquets réformistes, Louis Bonaparte se tint prêt à tout événement. Le 22 février 1848, il partit secrètement de Londres et descendit à Paris chez M. Vieillard. La République ayant été proclamée sans qu’aucun mouvement bonapartiste eût éclaté, il adressa, le 25, au gouvernement provisoire la lettre suivante : « Messieurs, le peuple de Paris ayant détruit par son héroïsme les derniers vestiges de l’invasion étrangère, j’accours de l’exil pour me ranger sous le drapeau de la République qu’on vient de proclamer. Sans autre ambition que celle de servir mon pays, je viens annoncer mon arrivée aux membres du gouvernement provisoire et les assurer de mon dévouement à la cause qu’ils représentent… » Le gouvernement, craignant, non sans raison, les intrigues du prince, l’engagea à repartir, et, le 26, à 4 heures du matin, il repartit pour l’Angleterre, après avoir envoyé au gouvernement provisoire une seconde lettre, dans laquelle il disait : « Vous pensez que ma présence à Paris est maintenant un sujet d’embarras. Je m’éloigne donc momentanément. Vous verrez dans ce sacrifice la pureté de mes intentions et de mon patriotisme. » Pendant qu’il attendait à Londres le moment de revenir en France, le gouvernement anglais ayant fait appel aux conservateurs pour s’opposer aux manifestations chartistes, le prince Louis n’hésita point à s’enrôler dans les constables spéciaux qui, armés d’un bâton et ornés d’un brassard, furent chargés de barrer au peuple le chemin du Parlement, notamment le 10 avril 1848.

Lors des élections d’avril pour la Constituante, Louis Bonaparte ne fut point élu représentant du peuple, au lieu que deux de ses cousins, se disant républicains, allaient siéger à l’Assemblée. Dès que commencèrent à se manifester les premiers symptômes de réaction contre la République, les agents bonapartistes se mirent en campagne et firent une active propagande en faveur de Louis-Napoléon, qu’on représenta aux uns comme ayant une fortune énorme et pouvant seul amener la prospérité générale, aux autres comme étant un ardent républicain. Lors des élections complémentaires du 3 juin, ses amis le pressèrent de poser sa candidature ; mais lui, craignant un échec, répondit par un refus à leurs instances. Il pensait qu’en ce moment sa position en France serait « très-difficile, très-ennuyeuse et même très-dangereuse. » Mais ses partisans, enflammés du désir de le voir arriver au pouvoir, passèrent outre. Des affiches, signées de noms inconnus, appelèrent le peuple à voter pour « le bon patriote, le républicain sincère… l’enfant de Paris, notre frère à tous… qui veut le développement le plus complet des principes démocratiques…, etc. » Des biographies, des portraits, des médailles furent répandus à foison à Paris et dans les départements, et la fameuse Société du 10 décembre, qui devait tant contribuer à l’élection présidentielle, commença alors à se former et à agir. Le 2 juin 1848, Louis Bonaparte était élu député à Paris, le cinquième sur six représentants, par 84,420 voix, et il obtenait trois autres élections, dans la Charente Inférieure, l’Yonne et la Corse. À cette nouvelle, il écrivit à ses électeurs : « Vos suffrages me pénètrent de reconnaissance. Votre confiance m’impose des devoirs que je saurai remplir ; nos intérêts, nos sentiments, nos vœux sont les mêmes… Rallions-nous donc autour de l’autel de la patrie sous le drapeau de la République. » Cependant, l’agitation populaire produite par les bonapartistes, dont un des organes, le Napoléonien, posait nettement la candidature du prince Louis à la présidence de la République, la propagande faite parmi les ouvriers pour les pousser à embrasser la cause du représentant de l’Empire, parurent à la commission exécutive offrir un danger réel pour la cause de la libe’rté. Le 12 juin, M. de Lamartine demanda à l’Assemblée d’appliquer à Louis Bonaparte la loi de bannissement de 1832 ; mais, à la suite d’une longue discussion, la majorité se prononça contre cette proposition en validant l’élection du nouveau député. Pendant cette discussion, des groupes de bonapartistes, réunis autour de l’Assemblée, avaient poussé le cri de : Vive l’empereur ! et des coups de feu étaient partis des rassemblements. Le lendemain, l’Assemblée reçut de Louis Bonaparte une lettre, datée de Londres 14 juin, dans laquelle se trouvait cette phrase, qui produisit une vive sensation : « Si le peuple m’imposait des devoirs, je saurais les remplir. » À ces mots, contre lesquels proteste énergiquement le général Cavaignac, plusieurs représentants demandent qu’on déclare à l’instant le citoyen Louis Bonaparte déchu de ses droits ; mais la discussion est remise au lendemain, et le lendemain, 15 juin, le prétendant, averti de son imprudence, adressa à l’Assemblée sa démission en protestant de la pureté de ses intentions. Cette reculade désarma les représentants et la démission fut acceptée ; mais le bonapartisme et son représentant étaient sortis de ces débats fortifiés et grandis, et la propagande bonapartiste, enhardie par la faiblesse de l’Assemblée, redoubla d’audace et d’activité.

Quelques jours après éclatait la formidable insurrection de Juin, à laquelle contribua pour une si large part l’élément bonapartiste. Daix et Lahr, deux des assassins du général Bréa, étaient des bonapartistes avoués. Pour jeter la France dans les bras d’un sauveur, il était nécessaire, en effet, de montrer que la société était dans le plus grand péril. Après la compression du mouvement insurrectionnel par le général Cavaignac, qui devint alors chef du pouvoir exécutif, Louis Bonaparte attendit que l’occasion s’offrît à lui de rentrer en scène. Elle ne se fit pas attendre. Des élections complémentaires devant avoir lieu le 17 septembre, le prince Louis posa sa candidature dans une lettre adressée au général Piat, « car, disait-il, il me tarde de rentrer en France et de m’asseoir au milieu des représentants du peuple qui veulent organiser la république sur des bases larges et solides. » Élu à la fois dans cinq départements (Seine, Yonne, Moselle, Charente-Inférieure et Corse), il remercia ses électeurs dans une proclamation où il disait : « La République démocratique sera l’objet de mon culte ; j’en serai le prêtre ; » et il alla siéger à l’Assemblée le 26 septembre. Son admission ayant été prononcée, il fit un petit discours emphatique dans lequel se trouvaient ces mots : « Après trente-trois années de proscription et d’exil, je retrouve enfin ma patrie et tous mes droits de citoyen ! La République m’a fait ce bonheur, que la République reçoive mon serment de reconnaissance, mon serment de dévouement… Ma conduite, toujours inspirée par le devoir, toujours animée par le respect de la loi, ma conduite prouvera, à l’encontre des passions qui ont essayé de me noircir pour essayer de me proscrire encore, que nul ici plus que moi n’est résolu à se dévouer à la défense de l’ordre et à l’affermissement de la République. » Quelques jours après, le 11 octobre, l’Assemblée abrogeait la loi de 1832, qui bannissait la famille Bonaparte.

Louis-Napoléon, s’attachant à ne pas se compromettre, prit peu de part aux travaux de l’Assemblée, se tint dans une réserve prudente et ne vota que fort rarement. Dans le relevé des votes à la Constituante, on ne trouve guère à son nom que les quatre votes suivants : contre l’amendement Grévy tendant à repousser la présidence de la République, pour l’ensemble de la constitution, contre les bons hypothécaires et contre l’abolition du remplacement militaire. Parlant mal, d’une voix traînante et hésitante, il évita de prononcer des discours, se bornant à lire, dans les rares occasions qu’il eut de monter à la tribune, quelques phrases préparées et ayant toujours pour objet d’attirer à lui les sympathies populaires en affectant le plus profond désintéressement. Sa candidature à la présidence de la République ayant été mise en avant, Clément Thomas, à la tribune de l’Assemblée nationale, demanda quelques explications sur les titres de ce « citoyen » à une aussi haute dignité. Louis Bonaparte était absent ; son cousin Napoléon, fils de l’ex-roi Jérôme, prit sa défense avec une extrême vivacité. Le lendemain, 26 octobre, Louis Bonaparte parut à la tribune et y lut un petit discours. « De quoi m’accuse-t-on ? dit-il ; d’accepter, avec des sentiments populaires, une candidature que je n’ai pas réclamée ? Eh bien ! oui, je l’accepte, cette candidature qui m’honore. Je l’accepte, parce que trois élections successives et le décret unanime de l’Assemblée nationale contre la proscription de ma famille m’autorisent à croire que la France regarde le nom que je porte comme pouvant servir à la consolidation de la société ébranlée jusque dans ses fondements, à l’affermissement et à la prospérité de la République. Que ceux qui m’accusent d’ambition connaissent peu mon cœur !… Je suivrai toujours, comme je l’entends, la ligne que je me suis tracée, sans m’inquiéter, sans m’arrêter. Rien ne m’ôtera mon calme, rien ne me fera oublier mes devoirs. »

À cette époque, conseillé par des gens habiles, Louis Bonaparte vivait à Auteuil dans une sorte de retraite, cherchant à recruter des partisans dans toutes les opinions et dans toutes les classes de la société. Tandis que d’un côté il avait eu des entretiens avec Proudhon, Cabet, Louis Blanc et s’était assuré la majorité des votes socialistes, de l’autre il entrait en relation avec les chefs des partis monarchiques, Thiers, Molé, Berryer, Montalembert. Quiconque avait un nom, une influence notoire, était bien accueilli par le prétendant et trouvait en lui, dit M. de Falloux, « un interlocuteur poli, modeste, interrogeant peu, écoutant beaucoup ; à l’Assemblée nationale, il affectait, dans ses rares conversations avec ses collègues, l’attitude d’un homme décidé à laisser faire la destinée sans la contraindre et à obéir au vœu national sans le provoquer. »

Dans le programme-manifeste qu’il fit paraître au mois de novembre, il s’attacha à satisfaire tous les partis. Il promit de rétablir l’ordre, de protéger la religion, la famille, la propriété, déclara qu’il voulait la paix, la décentralisation, la liberté de la presse, préservée des deux excès qui la compromettent, l’arbitraire et sa propre licence, l’abolition des lois de proscription ; annonça qu’il désirait diminuer les impôts les plus onéreux au peuple, encourager les entreprises qui donnent du travail aux bras inoccupés, pourvoir aux besoins de la vieillesse chez les travailleurs, introduire dans les lois des améliorations tendant à fonder le bien-être de chacun sur la prospérité de tous, etc. Il disait : « Je ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l’Empire et la guerre, tantôt l’application de théories subversives. Élevé dans les pays libres, à l’école du malheur, je resterai toujours fidèle aux devoirs que m’imposent vos suffrages et les volontés de l’Assemblée. Si j’étais nommé président, je ne reculerais devant aucun danger, devant aucun sacrifice pour défendre la société si audacieusement attaquée ; je me dévouerais tout entier, sans arrière-pensée, à l’affermissement d’une République sage par ses lois, honnête par ses intentions, grande et forte par ses actes. Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de quatre ans, à mon successeur, le pouvoir affermi, la liberté intacte, un progrès réel accompli. »

Grâce à cet ensemble de promesses, qui laissait à chaque parti l’espérance de voir Louis Bonaparte se tourner de son côté, le candidat présidentiel vit s’accroître considérablement le nombre de ses partisans. Le seul adversaire sérieux qui lui était opposé était le général Cavaignac, alors chef du pouvoir exécutif. Cet homme intègre était soutenu par beaucoup de républicains clairvoyants, par une partie de la bourgeoisie libérale qui se rappelait le 18 brumaire ; mais les malheureuses proscriptions de juin lui avaient en partie aliéné le peuple, et les monarchistes, connaissant la fermeté de ses opinions républicaines, lui étaient hostiles. À la suite de pourparlers entre M. de Montalembert et Louis Bonaparte, qui promit tout ce qu’on voulut, les trois fractions du parti conservateur, les légitimistes, les orléanistes et les cléricaux, se rangèrent de son côté. Complètement aveuglés, ils s’imaginèrent que cet homme, aux allures incertaines, deviendrait entre leurs mains l’instrument docile de leurs projets. De son côté, la masse populaire, soit par la crainte de vagues dangers pour la Révolution, qu’elle entrevoyait dans l’avénement des anciens partis, soit poussée par son ignorance vers le représentant de la légende napoléonienne, si étrangement falsifiée, se prononça pour le neveu de Napoléon Ier. si Bonaparte désirait avoir les votes des catholiques, d’un autre côté il ne voulait pas se priver de ceux des libéraux. C’est dans ce but qu’il écrivait au Constitutionnel le 2 décembre 1848 : « Apprenant qu’on a remarqué mon abstention dans le vote relatif à l’expédition de Civita-Vecchia, je crois devoir déclarer que, tout en étant décidé à appuyer toutes les mesures propres à garantir efficacement la liberté et l’autorité du souverain pontife, je n’ai pas pu approuver par mon vote une démonstration militaire qui me semblait dangereuse, même pour les intérêts sacrés qu’on voulait protéger, et de nature à compromettre la paix de l’Europe. »

Le 10 décembre 1848, le scrutin fut ouvert pour la nomination du président de la République.

Louis Bonaparte obtint. 5,434,226 voix.

Cavaignac 1,448,107

Ledru-Rollin 370,719

Raspail. 36,329

Lamartine 7,910

C’était dans les départements les plus socialistes : Creuse, Haute-Vienne, Saône-et-Loire, Isère, Drôme, que Louis Bonaparte avait obtenu le plus grand nombre de voix.

Le 20 décembre eut lieu à l’Assemblée nationale une scène saisissante, que Victor Hugo a admirablement racontée dans Napoléon le Petit. Ce jour-là, à quatre heures, le représentant Waldeck-Rousseau donna lecture du rapport sur l’élection présidentielle. Le général Cavaignac déposa ensuite ses pouvoirs entre les mains de l’Assemblée, puis le président Marrast proclama le résultat du scrutin. Alors on vit s’avancer vers la tribune un petit homme pâle, en habit noir, cravate blanche et gants blancs, portant sur son habit la rosette de représentant et la plaque de grand-croix de la Légion d’honneur. C’était Louis Bonaparte. « Le silence et l’émotion redoublent, dit M. Taxile Delord, pendant qu’il monte à la tribune avec lenteur. Le président lit la formule du serment. La lueur des lampes à abat-jour redouble la gravité mélancolique répandue sur la physionomie ordinairement si vive et si enjouée d’Armand Marrast, qui prononce la formule du serment : « En présence de Dieu et devant le peuple français, je jure de rester fidèle à la République démocratique et de défendre la constitution. » Un silence profond règne dans la salle. Louis Bonaparte, pâle, l’œil baissé, étend le bras et « répond d’une voix légèrement voilée : « Je le jure. » Une émotion profonde règne dans tous les cœurs lorsque le président de l’Assemblée nationale ajoute d’une voix plus solennelle : « Je prends Dieu à témoin du serment qui vient d’être prêté. » Louis Bonaparte est désormais président de la République jusqu’au deuxième dimanche de mai 1852. L’Assemblée attend ses premières paroles ; il tire un papier de sa poche et fit une déclaration dont les passages les plus saillants sont les suivants : « Le suffrage de la nation, le serment que je viens de prêter commandent ma conduite future et me tracent mes devoirs. Je regarderais comme ennemis de la patrie tous ceux qui tenteraient par des voies illégales de changer la forme de gouvernement que vous avez établie. Entre vous et moi, il ne peut y avoir de dissentiment. Notre gouvernement ne sera ni utopiste ni réactionnaire. Nous ferons le bonheur du pays et nous espérons que, Dieu aidant, si nous ne faisons de grandes choses, nous tâcherons d’en faire de bonnes. » On sait comment devaient être réalisées toutes ces promesses.

Le président de la République composa son premier ministère d’hommes appartenant presque tous aux partis hostiles à l’affermissement de la République. M. Odilon Barrot fut nommé président du conseil et ministre de la justice ; M. de Malleville fut appelé à l’intérieur ; M. Passy, aux finances ; M. Léon Faucher, aux travaux publics ; M. Drouyn de Lhuys, aux affaires étrangères ; M. de Falloux, à l’instruction publique ; M. Bixio, au commerce ; M. de Tracy, à la marine, et le général Rulhières à la guerre. En même temps, le général Changarnier devint commandant de la première division militaire et des gardes nationales de la Seine ; M. Baroche fut nommé procureur général près la cour d’appel, et le colonel de gendarmerie Rébillot, préfet de police. Quelques jours après, le 27 décembre, Louis Bonaparte ayant exigé du ministre de Malleville qu’il lui remît les dossiers relatifs aux affaires de Strasbourg et de Boulogne, celui-ci refusa et donna sa démission ainsi que Bixio. Léon Faucher prit alors le portefeuille de l’intérieur, M. Lacrosse celui des travaux publics et M. Buffet celui de l’agriculture et du commerce.

Les chefs de la réaction et le prince-président, comme on l’appelait maintenant, s’entendirent alors pour atteindre le même but, le renversement de la République, la suppression de toutes les libertés. Mais cette entreprise rencontrait des obstacles dans la composition même de l’Assemblée constituante, élue sous l’influence des idées républicaines et dont la majorité désirait le fonctionnement de la constitution qu’elle venait de voter. Bien qu’elle eût nommé pour vice-président de la République Boulay de la Meurthe, elle avait une médiocre confiance en ce personnage, ami personnel du prince. Les chefs des partis monarchiques et Louis Bonaparte désiraient d’un commun accord voir disparaître cette Assemblée, dans l’espoir de la voir remplacée par une autre moins libérale. On vit alors s’organiser librement sur tous les points du territoire, à l’instigation des monarchistes et des bonapartistes, un vaste pétitionnement pour demander à la Chambre de se dissoudre. L’Assemblée, qui avait décidé d’élaborer, avant de se retirer, dix lois organiques, finit par céder à cette pression et, sur la proposition du représentant Rateau, elle décida, le 12 février 1849, qu’elle céderait la place, le 28 mai, à une Assemblée nouvelle. La Constituante, avant de disparaître, devait assister à un triste spectacle, gros d’enseignements pour l’avenir : nous voulons parler de l’expédition romaine entreprise pour donner satisfaction au parti clérical, dont le président voulait se ménager l’appui. Il avait été bien entendu, et le cabinet l’avait déclaré solennellement, que notre corps d’armée respecterait la république romaine (31 mars) ; et cependant, le 7 mai, on apprenait que la lutte était engagée (20 avril) entre les patriotes romains et l’armée d’Oudinot. Il y avait là violation flagrante de la constitution. L’Assemblée délibéra et invita, le 8 mai, le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que l’expédition ne fût pas plus longtemps détournée de son but.

Le 28 mai, la Constituante fit place à l’Assemblée législative, élue le 13 mai, et dont, grâce à l’active propagande du comité de la rue de Poitiers, les deux tiers des membres appartenaient aux partis monarchiques. La République était dès lors condamnée à périr ; mais, avant de l’étouffer en France, il parut