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Des élections générales eurent lieu le 21 juin 1857, pour le renouvellement du Corps législatif ; jusqu’alors, cette Chambre servile n’avait point fait parler d’elle. C’est à peine si on savait qu’elle existait ; le compte rendu analytique jetait très-peu de lumière sur ses séances. Aussi, après chaque session, le président du Corps législatif énumérait, dans un rapport adressé au chef de l’État, les diverses lois qui avaient été votées. Un seul député avait fait une certaine opposition, c’était M. de Montalembert, qui, après avoir applaudi au coup d’État et à l’étouffement de la liberté, commençait à trouver que la France manquait d’air et de lumière. Mal lui en prit, car l’administration lui retira son appui, et il ne fut pas réélu aux élections de 1857. Lors de ces élections, cinq républicains furent élus à Paris, MM. Cavaignac, Carnot, Goudchaux, Darimon et Ollivier, et un à Lyon, M. Hénon. Cavaignac, Carnot et Goudchaux persistèrent dans leur refus de prêter serment et furent considérés comme démissionnaires. MM. Ollivier, Darimon et Hénon, au contraire, acceptèrent cette formalité.

En 1857, Napoléon III fit un court voyage en Angleterre, puis se rendit à Stuttgard, où il eut une entrevue avec l’empereur de Russie. La même année, une expédition anglo-française alla faire la guerre en Chine et bombarder Canton. Cette guerre se prolongea jusqu’en 1858 et se termina par le traité de Tien-Tsin (27 juin). À la fin de 1857, l’Empire, comme nous l’avons dit, était arrivé à son apogée, mais l’Église avait en même temps conquis sa plus haute influence. L’empereur, qui avait déjà fait enregistrer par le Moniteur divers actes de foi, venait de refuser d’assister, par délégation, aux funérailles civiles d’un de ses plus anciens et plus dévoués amis, le sénateur Vieillard.

L’année 1858 s’ouvrit par un nouvel attentat contre sa vie. Le 14 janvier, au moment où il arrivait avec l’impératrice devant l’Opéra, trois bombes fulminantes éclatèrent sous sa voiture et sous les pieds des chevaux ; cent quarante et une personnes, parmi lesquelles figurait un de ses aides de camp, le général Roguet, furent plus ou moins grièvement atteintes. Lui ne reçut qu’une très-légère égratignure. La police, qui avait connu le complot, n’avait pas su en empêcher l’exécution. Le péril qu’il avait couru, le nombre des victimes valurent à Napoléon III un regain de popularité. Orsini, qui avait conduit l’entreprise avortée, était un patriote italien, dont la vie avait été un perpétuel sacrifice à ses opinions ; carbonaro, il n’avait pu voir de sang-froid un ancien frère en carbonarisme trahir son serment, dirigeant contre Rome les armées de la France, et porter ainsi un coup décisif à la liberté de son pays. Orsini avait trois complices, Italiens comme lui : Rudio, Gomez et Pieri ; celui-ci avait été arrêté quelques minutes avant le complot, les deux autres avaient lancé chacun une bombe. Traduits devant la cour d’assises, Orsini et deux de ses complices furent condamnés à mort ; Rudio fut gracié ; Orsini et Pieri moururent avec un grand courage. Avant de monter sur l’échafaud, Orsini avait écrit à Napoléon III une lettre qui ne fut peut-être pas étrangère à l’expédition d’Italie. Le gouvernement impérial exploita largement cet événement contre la liberté ; les républicains furent traqués de toutes parts, beaucoup furent tout d’abord jetés en prison ; les journaux français expièrent l’attentat des quatre Italiens. M. Walewski, alors ministre des affaires étrangères, voulut, d’autre part, tirer parti à l’extérieur de ce complot avorté : il adressa au cabinet anglais une note par laquelle il réclamait en termes menaçants des modifications aux traités d’extradition. Lord Palmerston, qui, connaissant à fond l’empereur des Français, disait de lui : « Cet homme ment, même quand il ne dit rien, » lord Palmerston consentit à présenter un bill dans ce sens ; mais la Chambre des communes s’empressa de le repousser et renversa le ministère qui avait commis cet acte de faiblesse.

En même temps, le gouvernement issu de décembre prenait des précautions contre les revendications et les menées de la démocratie. Les suppressions de quelques journaux et la terreur qui planait sur tous les autres ne suffisaient pas : on divisa la France en cinq grands commandements militaires, qui eurent pour chefs-lieux Paris, Nancy, Lyon, Toulouse et Tours, et qui furent confiés à cinq maréchaux. Après cette espèce de mise en état de siège général, on songea aux conséquences possibles d’un attentat qui réussirait, et l’on voulut assurer l’avenir de la dynastie. Dans ce but, on organisa la régence en faveur de l’impératrice, on institua un conseil privé destiné à devenir, le cas échéant, conseil de régence ; enfin, ce système de mesures préventives fut couronné par la loi de sûreté générale, qui, malgré des protestations incessantes, devait rester la loi de l’Empire, et qui ne fut abolie que par la dernière Chambre de ce régime, à la veille de la guerre de 1870. Cette loi néfaste, la plus grande preuve d’effarement qu’un gouvernement ait jamais donnée, visait et punissait de peines énormes la provocation, non suivie d’effet, aux crimes contre la famille impériale, la pratique des manœuvres et des intelligences, soit à l’intérieur, soit à l’étranger ; la fabrication, le débit, la distribution, la simple détention des marchandises meurtrières. Contre ces crimes si bizarres et si élastiques, contre les délits d’attroupement, etc., etc., la même loi autorisait le ministre de l’intérieur à prononcer l’internement dans les départements ou en Algérie, et même l’expulsion du territoire. De plus, chose monstrueuse, le même ministre pouvait appliquer les mêmes peines à tout individu condamné, pour cause politique depuis 1848. Il ne se trouva, dans la Chambre, que vingt-quatre voix pour repousser une pareille loi. Quant au Sénat, inutile de dire qu’il ne s’opposa pas a sa promulgation. Le général Espinasse accepta le titre de ministre de l’intérieur et de la sûreté générale. Il commença par fixer à chaque préfet, pour son département, un nombre d’arrestations que celui-ci devait atteindre, avec toute liberté sur le choix des personnes ; 2,000 citoyens environ furent désignés et allèrent bientôt expier en Algérie le crime d’être républicains, et, parfois même, celui de porter le même nom qu’un personnage soupçonné de républicanisme ; car la précipitation fut grande et causa de nombreuses erreurs qui se sont révélées depuis. La terreur régnait sur la France entière ; Paris n’en saisit pas moins la première occasion pour montrer qu’il ne se sentait pas disposé à céder le terrain ; aux élections partielles des 27 avril et 10 mai 1858, il nomma deux républicains, M. J. Favre, l’éloquent défenseur d’Orsini, et M. Ernest Picard, avocat, membre du conseil de surveillance du Siècle. L’opposition compta cinq républicains à la Chambre : E. Ollivier, Darimon, Hénon, J. Favre et Picard. C’était ce fameux groupe des Cinq, qui suppléait au nombre par le talent et la résolution et qui devait commencer à réveiller l’esprit public en France.

Le nouveau régime se préoccupait beaucoup de l’opinion et s’étudiait sans cesse à la diriger. Après la loi de sûreté générale, qui lui avait évidemment fait perdre du terrain dans l’esprit public, il songea à en regagner. Un seul expédient se présentait à lui, la guerre. Il songea quelque temps à la Pologne ; mais l’expérience de la guerre d’Orient lui montra combien il lui serait difficile de triompher de la Russie, soutenue probablement par l’Allemagne. Du reste, l’Angleterre, qu’on sonda sur ses intentions, ne montra aucun empressement à se jeter dans une pareille aventure. Force fut donc de se rabattre sur l’Italie, où l’on pourrait, du moins, s’appuyer sur un peuple ami, énergique, tout prêt à lutter pour l’expulsion de l’étranger. Le Piémont, dès longtemps, préparait cette guerre. La part qu’il avait prise à l’expédition de Crimée prouvait la sympathie qui l’unissait à la France et à l’Angleterre, et lui permettait d’entrevoir de puissantes alliances pour la solution de la question italienne, cause incessante de protestations et de troubles entre l’Italie, qui voulait s’affranchir, et l’Autriche, qui appesantissait de plus en plus son despotisme à mesure qu’elle sentait le levain révolutionnaire monter à la surface. La France s’était interposée diplomatiquement ; mais l’Autriche avait opposé la plus opiniâtre résistance à toute concession ; on soupçonnait bien que ces instances d’un côté et ces refus de l’autre avaient singulièrement tendu la situation entre les gouvernements franco-sarde et autrichien ; cependant on ne se croyait pas encore à la veille de la guerre, lorsque les paroles de l’empereur au baron de Hubner, lors de la réception officielle du 1er janvier 1859, révélèrent la haute gravité des événements qui se préparaient. « Je regrette, dit Napoléon III au représentant de l’Autriche, que nos relations avec votre gouvernement ne soient plus aussi bonnes que par le passé ; mais je vous prie de dire à l’empereur que mes sentiments personnels pour lui ne sont pas changés. » Ces quelques mots eurent un grand retentissement dans toute l’Europe ; c’était en quelque sorte l’éclair précurseur de l’orage qui allait éclater. Dans son discours d’ouverture des Chambres du Piémont, le 10 janvier, Victor-Emmanuel acheva de caractériser la situation. « …Forts de l’expérience du passé, marchons résolument au-devant des éventualités de l’avenir ; cet avenir sera prospère, notre politique reposant sur la justice, sur l’amour de la liberté et de la patrie… Si nous respectons les traités, d’autre part nous ne sommes pas insensibles au cri de douleur qui, de tant de parties de l’Italie, s’élève vers nous. Forts par la concorde, confiants dans notre bon droit, attendons avec prudence et fermeté les décrets de la divine Providence. » Bientôt une circulaire de M. de Cavour aux agents diplomatiques du Piémont fit nettement ressortir les griefs de l’Italie, tandis que le comte de Buol, au nom du gouvernement autrichien, faisait, de son côté, une déclaration qui achevait de fermer la voie à toute espèce de concessions. Au reste, il était évident que, si l’Italie désirait la guerre, l’Autriche ne la désirait pas moins, dans l’espoir d’y entraîner l’Allemagne avec elle ; mais ses prévisions devaient être déçues de toutes manières.

La guerre était imminente, et les puissances médiatrices comprirent qu’elles devaient s’interposer activement si elles voulaient en conjurer le fléau ; l’Angleterre surtout, sans déguiser ses sympathies pour l’Italie, souhaitait ardemment le maintien de la paix. C’est dans ces circonstances que lord Cowley, ambassadeur de Londres à Paris, partit pour Vienne, avec mission de sonder les intentions de l’Autriche. Il crut rapporter de grandes espérances de conciliation, qui ne devaient malheureusement pas tarder à s’évanouir devant la réalité des faits, auxquels le cabinet de Turin allait donner leur irrévocable signification. Un remarquable mémorandum du 1er mars, adressé au gouvernement anglais, exposa les prétentions de l’Italie. Elle demandait que l’Autriche, « non en vertu des traités, mais au nom des principes d’humanité et d’éternelle justice, » accordât un gouvernement séparé à la Lomhardie et à la Vénétie ; elle formulait encore d’autres désirs qui lui étaient inspirés par l’amertume de ses souvenirs et son orgueil national humilié. C’était une plaie saignante qui s’envenimait chaque jour. C’est en ce moment que la Russie, entrant à son tour dans les négociations, proposa une réunion des cinq grandes puissances de l’Europe pour terminer pacifiquement tous ces débats. Les cabinets de Paris, de Londres et de Berlin acceptèrent aussitôt ; mais l’Autriche mit à son acquiescement des conditions auxquelles le Piémont ne pouvait souscrire, à moins que de se livrer sans défense à la merci d’un ennemi implacable. L’Angleterre proposa alors un désarmement simultané, auquel adhérèrent immédiatement la France, la Russie et la Prusse ; on croyait presque tout danger de conflit écarté, lorsque l’Autriche, se dégageant tout à coup des liens de la médiation, envoya au roi de Piémont un ultimatum que le moindre sentiment de dignité et de fierté lui interdisait d’accepter ; en un mot, il était sommé de mettre bas les armes, sans réserve aucune, dans le délai de trois jours. Ainsi tombaient toutes les combinaisons de la diplomatie ; son rôle était fini, et la parole appartenait désormais au canon. Le comte de Cavour fit à cette sommation injurieuse une réponse aussi digne qu’énergique, que le baron de Kellersberg, envoyé de l’Autriche, emporta le 26 avril à six heures du soir. Les hostilités devenaient, par là même, imminentes ; car l’état de guerre se trouvait établi de fait entre les deux pays.

Il s’agissait maintenant pour la France de se porter rapidement au secours du Piémont, son allié, et de ne pas laisser à la masse des forces autrichiennes le temps d’écraser sa vaillante petite armée. La garde impériale fut aussitôt mise sur le pied de guerre et reçut l’ordre de se tenir prête à partir. En dehors de cette troupe d’élite, commandée par le général Regnaud de Saint-Jean-d’Angely, l’armée française qui allait combattre pour l’affranchissement de l’Italie comprenait cinq corps, commandés : le 1er par le maréchal Baraguey d’Hilliers, le 2e par le général de Mac-Mahon, le 3e par le maréchal Canrobert, le 4e par le général Niel et le 5e par le prince Napoléon. Le major général de l’armée fut d’abord le maréchal Randon, appelé ensuite au ministère de la guerre ; ses fonctions échurent alors au maréchal Vaillant. Le 3e et le 4e corps reçurent l’ordre de se porter immédiatement sur le Piémont par les deux passages des Alpes qui aboutissent à Suze, tandis que le 1er et le 2e corps, ainsi que la garde impériale, s’embarquaient de Marseille, de Toulon ou d’Alger à destination de Gênes. Le 30 avril au matin, les divisions Renault et Bourbaki faisaient leur entrée dans la vieille cité des doges, aux acclamations enthousiastes de toute une population saluant nos soldats comme des libérateurs. La concentration de notre armée s’opérait activement autour de Gênes, de Turin et d’Alexandrie ; les chefs de corps n’attendaient plus que l’arrivée de l’empereur pour prendre l’offensive. Le 3 mai, Napoléon adressait au peuple français la fameuse proclamation qui débutait si pompeusement : « Français, l’Autriche, en faisant entrer son armée sur le territoire du roi de Sardaigne, notre allié, nous déclare la guerre. Elle viole, ainsi les traités, la justice, et menace nos frontières. Toutes les grandes puissances ont protesté contre cette agression. Le Piémont ayant accepté les conditions qui devaient assurer la paix, on se demande quelle peut être la raison de cette invasion soudaine : c’est que l’Autriche a amené les choses à cette extrémité, qu’il faut qu’elle domine jusqu’aux Alpes ou que l’Italie soit libre jusqu’à l’Adriatique… » On verra dans la suite comment Napoléon III tint sa parole. Il partit le 10 mai pour l’armée, s’embarqua à Marseille sur la Reine-Hortense et arriva le 12 en vue de Gênes. Le lendemain, Victor-Emmanuel venait visiter son allié et se mettre sous ses ordres, puis il regagnait son quartier général établi à Occimiano. Les Autrichiens étaient établis à Stradella. Le premier soin de Napoléon fut de faire occuper la vallée de la Trebbia, qui assurait nos communications avec Gênes ; le 17, le colonel de Chabron entrait dans la petite ville de Robbio à la tête de son régiment, le 3e de zouaves, tandis que Napoléon se rendait de Gênes à Alexandrie, excellente position qui devait servir de base aux opérations de l’armée française, dont le front défensif s’étendait depuis Ivrée jusqu’à Gênes. La force de cette ligne, d’un tracé assez irrégulier, consistait surtout dans l’angle formé à son centre par le Pô et le Tanaro, depuis Casale jusqu’à Alexandrie, avec Valenza pour point intermédiaire.

Les troupes sardes formaient cinq divisions d’infanterie et une de cavalerie, et Victor-Emmanuel s’en était réservé le commandement supérieur. Quant à Garibaldi, dont cette guerre éminemment nationale devait réjouir le cœur patriotique, il avait formé une légion de volontaires qui devaient prendre le nom de chasseurs des Alpes, et dont il avait reçu le commandement avec le titre de général.

Les événements avaient déjà produit une conséquence, facile d’ailleurs à prévoir : le jour même où Victor-Emmanuel adressait une proclamation à son armée (2 mai), le grand-duc de Toscane, abandonné par ses troupes, s’éloignait de Florence, où s’établissait aussitôt un gouvernement provisoire. Ainsi l’Autriche allait avoir à combattre non-seulement l’armée franco-sarde, mais encore la révolution intérieure qui minait sa domination détestée. C’est dans la vallée du Pô qu’allait se décider le sort de l’Italie ; car, depuis Annibal jusqu’à Napoléon, c’est toujours sur ce vaste champ de bataille qu’ont eu lieu les luttes dont la Péninsule a été le théâtre. Au commencement de la campagne, l’armée sarde occupait, sur la rive droite du Pô, Voghera, Tortona, Sale, Bassignana, Pomaro, Monte et San-Salvatore. Deux brigades d’infanterie et deux bataillons de bersagliers avaient pris position à Arquata, Serravalle, Gavi et Novi, défendant le débouché de la vallée de la Scrivia.

Toutes ces troupes, y compris deux brigades d’infanterie qui formaient la garnison d’Alexandrie, disposaient de dix batteries d’artillerie. Quant à l’armée autrichienne, elle avait pris une position très-forte dans l’angle formé par le Tessin et le Pô, ayant en arrière d’elle les plus fortes places de la Lombardie et de la Vénétie pour assurer ses derrières.

Ce fut dans la journée du 29 avril que l’armée autrichienne commença les hostilités en pénétrant sur le territoire piémontais ; le lendemain 30, les Français faisaient leur entrée à Turin. Les Autrichiens, commandés par le feld-zeugmeister Giulay, avaient sur l’armée franco-sarde l’incontestable supériorité du nombre, et il était à craindre qu’ils ne manœuvrassent pour se porter directement sur Turin. Il fallait donc donner de l’inquiétude à leur armée sur son flanc gauche et sur ses derrières, afin de l’arrêter dans ce mouvement, et c’est le but qu’atteignirent nos généraux par leurs opérations combinées.

Le 4 mai, les Autrichiens essayèrent de franchir le Pô ; mais ils rencontrèrent, de la part de l’armée sarde, une résistance qui les força à la retraite. Giulay, renonçant alors à sa marche sur Turin, qui était son objectif, fit opérer à son armée un changement de front qui porta sa droite vers Casale et sa gauche à l’embouchure du Tessin, près de Stradella. Nous occupions toute la ligne du Pô, parallèlement à l’ennemi ; le 1er et le 2e corps, établis sur les points extrêmes, avaient devant eux l’ennemi massé en arrière de Carteggio, sur la route de Pavie, et devaient bientôt se heurter contre les colonnes autrichiennes. Le 20 mai, en effet, eut lieu la bataille de Montebello, où le général Lannes avait gagné son plus beau titre de gloire et où le général Forey fit oublier les bruits qui avaient couru sur son compte en Crimée (v. Montebello). Ce combat inaugurait brillamment la nouvelle campagne d’Italie et prouva que l’armée française n’avait pas encore dégénéré, qu’elle n’avait pas cessé de s’inspirer des héroïques traditions d’Arcole et de Rivoli. Dès lors, elle ne se contente plus de barrer à l’ennemi la route de Turin ; elle accentue son mouvement offensif et traverse le Pô, tandis que les Piémontais franchissent la Sésia, en avant de Verceil, et occupent solidement Palestro, après une lutte acharnée à la suite de laquelle les Autrichiens durent battre en retraite (v. Palestro) et où l’armée sarde ainsi que notre 3e de zouaves se couvrit de gloire (31 mai). Le 2 juin, l’empereur traversait le champ de bataille de Novare, qui rappelait pour le Piémont la date fatale du 23 mars 1849. Le 3 juin eut lieu le combat da Turbigo, qui continuait glorieusement la série de nos succès.

Le général Giulay, frappé de ces revers successifs, tenta vainement à Magenta de ressaisir la fortune d’un seul coup, en nous opposant brusquement une masse de 125,000 hommes. L’armée française, surprise, ne dut la victoire qu’à une inspiration de Mac-Mahon, et c’est là que se révéla d’une manière éclatante, mais aux yeux des chefs seulement, l’absence complète d’idées stratégiques chez Napoléon III (v. Magenta). On sait que l’héroïque résistance de la garde impériale lui épargna seule l’humiliation de tomber aux mains des Autrichiens, avant l’arrivée inopinée de Mac-Mahon sur le champ de bataille.

Pendant que se livraient ces glorieux combats, le prince Napoléon était en Toscane avec le 5e corps, et les historiographes officiels ne se font pas faute de nous représenter ce foudre de guerre comme impatient de prendre part à la lutte. Il fallut que l’empereur tempérât ses ardeurs belliqueuses en lui faisant comprendre qu’il « fallait se ployer aux exigences générales. »

Pendant que l’armée franco-sarde luttait ainsi contre le gros des forces autrichiennes, Garibaldi livrait, le 25 mai, le glorieux combat de Varèse, d’où il chassait les Autrichiens après une lutte sanglante et acharnée, dans laquelle ils durent abandonner trois canons sur le champ de bataille ; puis il s’emparait de la ville de Come après avoir de nouveau battu l’ennemi à San-Fermo et à Camerlata. De ces positions, il menaçait tout à la fois le centre de la Lombardie, la Valteline, Bergame et