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not. Une foule nombreuse, poussée comme par un mot d’ordre, se pressa, le 2 novembre 1868, autour de sa tombe, à Montmartre. La police intervint au milieu de ces manifestations, un procès eut lieu, procès maladroit, procès terrible, où l’Empire entendit sa condamnation définitive. Un jeune avocat alors inconnu, Gambetta, chargé de la défense des accusés, prononça cet éloquent réquisitoire, après lequel toute la France démocratique fit entendre l’arrêt fatal. C’en était fait de l’Empire.

M. Rouher sentit la gravité de la situation ; il imagina un remède hardi, mais que les gouvernements démocratiques sont seuls capables de supporter : il conseilla à l’empereur de donner à l’opinion une liberté presque entière. Était-ce que M. Rouher eut confiance en la liberté ? Non, sa pensée, qu’il a exprimée presque ouvertement devant le Corps législatif, était qu’il fallait dégoûter l’opinion de la liberté en lui donnant le spectacle de ses excès. Dans les conceptions les plus larges de ces hommes, il y avait toujours un côté mesquin : M. Rouher comptait sur des désordres qui effrayeraient les intérêts et influenceraient en faveur du gouvernement les prochaines élections.

Elles eurent lieu les 23 et 24 mai avec un entrain qui réjouissait les amis de la liberté, mais qui inspirait des craintes sérieuses au gouvernement. Cette fois encore, la liste de l’opposition passa tout entière à Paris. Le résultat, même dans les départements, parut assez défavorable aux yeux du souverain pour qu’il se crût obligé d’écrire à M. de Mackau, l’un des élus, une lettre bizarre, dans laquelle il déclarait « qu’un gouvernement qui se respecte ne doit céder ni à la pression, ni à l’entraînement, ni à l’émeute. » En d’autres termes, il promettait de s’entêter contre tout projet de réforme. Mais l’entêtement, qui peut passer, après tout, pour un signe de force, n’était désormais plus possible à cette âme énervée ; dans son discours d’ouverture des Chambres, cet homme, si résolu à résister à tout entraînement, adopta à peu près le programme du tiers parti, et, dans son message du 11 juillet, il déclara qu’il croyait utile d’aller au-devant des aspirations populaires. Il est vrai que, dans le premier de ces documents, il avait dit ; « La France veut la liberté, mais avec l’ordre. L’ordre, j’en réponds. » Menace peu déguisée, mais impuissante

En somme, les élections générales de 1869 n’augmentaient pas cependant dans une très-forte proportion la force numérique de l’opposition dans l’Assemblée ; mais les vivacités extrêmes de la lutte, le caractère de certaines nominations, à Paris surtout, la lassitude d’un certain nombre de députés jusque-là complaisants, lassitude dont on avait déjà remarqué les signes alarmants, toutes ces causes réunies jetèrent le gouvernement dans une véritable anxiété. Le chef de l’État, miné par la maladie, se sentant ou se croyant menacé d’une fin prochaine, songea à la régence inévitable ; il prévit les explosions possibles, à l’heure de sa mort, du sentiment populaire trop longtemps comprimé, et, pour dompter encore une fois l’esprit public, il tenta une aventure toujours dangereuse pour les gouvernements despotiques, il voulut faire de nouvelles concessions. Le ministère Ollivier fut formé et baptisé du nom un peu ambitieux de ministère libéral (2 janvier). Si ce ne fut pas une grande conquête pour la liberté, ce fut au moins un terrible coup de massue pour les impérialistes autoritaires. Venu de très-loin au bonapartisme, M. Ollivier pouvait ne pas gouverner mieux que les Rouher et les Persigny, mais il devait gouverner autrement. Il s’associa MM. Daru, Chevandier de Valdrôme, Louvet, Maurice Richard, le général Lebœuf, l’amiral Rigault de Genouilly, et par un coup qui fut jugé plus hardi que les autres, imposant à l’empereur un sacrifice qui dut lui coûter énormément, il renversa M. Haussmann, préfet de la Seine ; il est vrai qu’il le remplaça par M. Chevreau.

Le plan que suivit plus tard le nouveau ministère était-il réglé d’avance au moment de sa nomination ? Le plébiscite et la guerre d’Allemagne faisaient-ils partie du programme tracé par M. Ollivier ou à M. Ollivier ? En présence des nombreuses preuves d’effarement que donna le gouvernement à cette époque, il est permis d’en douter. Peut-être ces moyens extrêmes ne furent-ils inspirés que par les embarras nouveaux et imprévus que l’Empire constitutionnel vit bientôt naître sous ses pas. Le ministère dit libéral, qui pouvait passer aux yeux de l’empereur pour une concession énorme, fut accueilli par l’opposition avec un sourire de dédain ; il était ruiné dans l’opinion avant même d’avoir vu le jour. L’opinion avait entrevu un avenir de liberté ; c’était bien d’Émile Ollivier qu’il s’agissait !

Tout à coup, une incroyable nouvelle vint surexciter les esprits : un prince de la famille impériale, fort connu par la violence de son caractère, venait, dans sa maison d’Auteuil (10 janvier), de donner la mort à Victor Noir, un jeune rédacteur de la Marseillaise, et de tirer un second coup de feu sur un autre journaliste, Ulric de Fonvielle, L’empereur se montra sévère : il déclara que justice serait faite et renvoya son cousin.... devant une haute cour. À tort ou à raison, le public pensait que ce n’était pas du haut jury de Tours que pourrait venir un jugement impartial. L’accusé fut acquitté, bien qu’il avouât avoir tué Victor Noir et qu’il ne fût ni prouvé ni probable que celui-ci eût commis, comme la défense le prétendait, un acte de provocation. Sans la sagesse de Rochefort et de Delescluze, qui, à grand’peine, réussirent à calmer les esprits au moment des funérailles, une émeute terrible pouvait éclater à Paris.

L’attitude prise en cette circonstance par Rochefort aurait dû lui concilier les sympathies du Corps législatif ; cependant, le 17 janvier, l’Assemblée n’en autorisa pas moins, presque à l’unanimité, des poursuites contre lui, pour un article écrit, sous le coup de la douleur, au lendemain de la mort de son ami et collaborateur Victor Noir. Condamné à six mois de prison et 3,000 fr. d’amende, il fut arrêté, le 7 février, à la porte de la salle de la Marseillaise. Ce fut le signal d’une émeute : Flourens, qui présidait une réunion publique dans la salle, entraîna son auditoire dans la rue et éleva une première barricade ; quelques autres furent construites dans le faubourg du Temple. Elles furent enlevées par la police. Le lendemain, nouvelle échauffourée rue Saint-Maur et sur les boulevards, où les agents de police assommèrent à coups de casse-tête bon nombre de citoyens paisibles. Mais la révolution n’était pas prête et plus d’une occasion devait être offerte à ce gouvernement de fournir les preuves les plus complètes de son incapacité.

L’annonce du programme Ollivier parut le 21 mars, sous la forme d’une lettre de l’empereur à son garde des sceaux. Napoléon y proclamait la nécessité des grandes réformes libérales qui devaient, dans sa pensée, affermir l’Empire ébranlé et assurer la facile transmission de la couronne à son fils. Il posait d’abord la future constitution comme la borne infranchissable où devait s’arrêter « le désir immodéré de changement qui s’était emparé de certains esprits, et qui inquiétait l’opinion en créant l’instabilité. » Prélude peu rassurant pour les amis du progrès ! Par cette lettre, le chef de l’État invitait M. Ollivier à préparer un projet de constitution. Selon toute apparence, ce projet était prêt d’avance ; il ne fut rendu public que le 20 avril, jour où un sénatus-consulte fut présenté par le ministère à l’approbation de la Chambre haute. En résumé, ce fameux projet se réduisait à ceci : Règles de la succession au trône ; initiative des lois partagée par l’empereur, le Sénat et le Corps législatif ; tarifs de douane internationaux réglés désormais par des lois ; choix des sénateurs restreint à certaines catégories de citoyens déterminées pur le sénatus-consulte ; nomination des sénateurs limitée à un maximum de vingt par an et leur nombre total fixé, au maximum, aux deux tiers des membres du Corps législatif ; droit de recevoir des pétitions étendu au Corps législatif ; nécessité d’un plébiscite pour toute modification à apporter à la constitution. On voit par là que la grande réforme annoncée avec tant de fracas ressemblait fort à une mystification. Au reste, M, de Persigny l’a résumée d’une façon plus vive : « L’empereur, disait-il, garde tout son pouvoir ; il a tous les pouvoirs de l’Empire autoritaire en créant l’Empire libéral. » Malgré l’innocuité d’un pareil projet, le sénatus-consulte ne rencontrait guère au Sénat que des répugnances et des oppositions plus ou moins déguisées, ce qui n’empêcha pas cette assemblée de le voter avec un grand ensemble. L’opposition, à la Chambre des députés, avait réclamé inutilement le privilège de discuter le projet. Un des articles de la nouvelle constitution exigeait qu’elle fût soumise à la ratification du peuple. Le plébiscite fut donc annoncé à la France le 23 avril, par une proclamation où l’empereur exposait avec quelque naïveté le double but qu’il se proposait : Couper court à tout changement ultérieur en fixant d’une manière définitive les destinées du pays, et « rendre plus facile la transmission de la couronne à son fils. » La formule du plébiscite était celle-ci : « Le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la constitution depuis 1860 par l’empereur, avec le concours des grands corps de l’État, et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870. »

Le peuple était donc appelé à faire une réponse unique à deux questions différentes. Mais les débats publics eurent bientôt placé plus haut la question, et la lutte fut directement et uniquement ouverte entre les ennemis et les partisans de l’Empire. Le chef du cabinet, du haut de la tribune, accepta lui-même ce terrain. Les manœuvres ordinaires, tendant à exercer une pression sur les votes, commencèrent aussitôt. Déjà, dans sa proclamation, l’empereur avait évoqué le spectre de la révolution ; ses agents ne se firent pas faute d’exhiber l’hydre de l’anarchie. Il fallait, comme dans tous les plébiscites, choisir entre le gouvernement et l’abîme. À tout ce système de pression plébiscitaire il manquait un complot : la police en trouva un. Le gouvernement tira de ce complot, venu à point nommé, le plus grand parti auprès des populations qui, comme le taureau stupide, se jetèrent sur le drapeau rouge qu’on leur tendait. L’effet produit, le procès s’instruisit paisiblement, fut déféré à la haute cour instituée à Blois et ne fut jugé qu’au mois d’août suivant. Quant au plébiscite, sur lequel les républicains avaient eu d’ailleurs le tort de se diviser, les uns conseillant le vote et les autres l’abstention, il était dès lors facile d’en prévoir l’issue : 7,336,434 oui se déclarèrent pour la conservation de l’Empire ; 1,560,709 non en demandèrent le renversement. Toutefois, ces chiffres, si favorables au premier abord, donnaient lieu à quelques réflexions sérieuses : la cause impériale avait perdu bon nombre de voix depuis le dernier plébiscite et, de plus, la majorité était acquise aux opposants dans le département de la Seine. M. Ollivier, en définissant la victoire plébiscitaire un Sadowa à l’intérieur, ne triomphait peut-être pas tant qu’il affectait de le dire, et quand M. Schneider, président du Corps législatif, étant venu féliciter l’empereur sur le résultat du plébiscite, celui-ci lui répondait : « Nous devons plus que jamais envisager l’avenir sans crainte, » Napoléon III cherchait à paraître plus rassuré qu’il ne l’était réellement. La vérité est que, malgré cette apparente confiance, les auteurs du plébiscite songeaient déjà à un autre moyen de consolider cet Empire, que Napoléon III, dans cette même réponse à M. Schneider, avait déclaré « affermi sur sa base. » Une guerre heureuse, une extension des frontières, le Rhin français, paraissaient aux conseillers des Tuileries devoir être merveilleusement efficaces pour opérer le résultat voulu. Napoléon, honteux de son inaction pendant la guerre de 1866, caressait depuis cette époque l’idée d’une lutte contre la Prusse. En quelques semaines, la France fut jetée dans une guerre inattendue par l’incident de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d’Espagne. Les ministres assurèrent qu’on était prêt pour la lutte dont Émile Ollivier déclara accepter « d’un cœur léger » la responsabilité. Le maréchal Lebœuf affirma que la guerre pourrait durer deux ans sans qu’on eût même besoin d’acheter un bouton de guêtre. Pendant ce temps, l’excitation est répandue sur tous les points du territoire ; les théâtres chantent la Marseillaise et le Rhin allemand ; des bandes soudoyées parcourent les boulevards aux cris de : À Berlin ! à Berlin ! Le 15 juillet, la déclaration de guerre est notifiée et, deux jours plus tard, une proclamation de l’empereur annonce qu’il va se mettre, avec son fils, à la tête de son armée.

Nous n’avons pas à recommencer ici le récit de cette campagne déplorable, ridiculement commencée à Sarrebrück et si cruellement terminée sous les murs de Paris ; c’est trop d’avoir raconté une fois ces douloureux événements (v. guerre de 1870-1871). L’empire avait fini à Sedan ; en rendant son épée, Napoléon déposait sa couronne. Ce qu’on a appelé la révolution du 4 septembre (v. septembre) ne fut que la conséquence de cet acte, auquel l’Assemblée de Bordeaux devait donner une consécration solennelle, en prononçant la déchéance le 28 février 1871.

Il ne nous reste donc plus qu’à reprendre la courte et peu intéressante biographie de Louis-Napoléon Bonaparte après le désastre de Sedan. Par ordre du roi de Prusse, le prisonnier fut dirigé, à travers la Belgique, sur le château de Wilhelmshœhe, où le gouvernement prussien le fit traiter en souverain régnant. Son rôle naturel eût été de chercher à s’y faire oublier ; il crut devoir un jour prendre la parole, en adressant à un Anglais, sir J. Burgoyne, une lettre destinée à la publicité. Nous en citons la plus grande partie, parce qu’elle contient cet aveu, peu nécessaire, mais fort curieux, que le correspondant de sir Burgoyne avait sacrifié à des considérations politiques, c’est-à-dire dynastiques et personnelles, l’intérêt, peut-être le salut de la France :

« Wilhelmshœhe, le 29 octobre 1870.

« Mon cher sir John, vous qui êtes le Moltke de l’Angleterre, vous aurez compris que tous nos désastres viennent de cette circonstance que les Prussiens ont été plus tôt prêts que nous, et que, pour ainsi dire, ils nous ont surpris en flagrant délit de formation. L’offensive m’étant devenue impossible, je me suis résolu à la défensive ; mais, empêché par des considérations politiques, la marche en arrière a été retardée, puis devenue impossible. Revenu à Châlons, j’ai voulu conduire la dernière armée qui nous restait à Paris, mais là encore des considérations politiques nous ont forcés à faire la marche la plus imprudente et la moins stratégique, qui a fini par le désastre de Sedan. Voici en peu de mots ce qu’a été la malheureuse campagne de 1870. Je tenais à vous donner ces explications, parce que je tiens à votre estime,

« En vous remerciant de votre bon souvenir, je vous renouvelle l’assurance de mes sentiments affectueux.

« Napoléon. »

Peu de temps après, on publia sous son nom une sorte de manifeste dans lequel il conseillait à la France de faire la paix et à M. de Bismark de l’accepter ; nous voulons douter que ce morceau véritablement honteux soit de lui. On a même dit qu’il avait entrepris, sous des pseudonymes, une véritable justification de sa conduite dans les journaux anglais. Il est plus probable qu’il était, dès lors, incapable de toute espèce de justification et de travail intellectuel. Aussi, quand le commandant de l’armée de Metz voulut faire naître des négociations entre les autorités allemandes et le gouvernement déchu, qu’il continuait à regarder comme seul légitime, ce fut à Eugénie, et non à Napoléon, qu’il adressa ses émissaires.

Le prisonnier de Wilhelmshœhe prit encore une fois la parole, après la paix, pour recommander à Mac-Mahon de veiller à l’avancement des officiers de Sedan. Il partit ensuite pour l’Angleterre et alla se fixer, avec son fils et sa femme, à Chiselhurst, dans les environs de Londres. Il eut le tort de laisser s’établir autour de lui un foyer de conspiration bonapartiste ; nous disons qu’il en eut le tort, mais peut-être n’en eut-il pas conscience, bien qu’on cite de cette époque un grand nombre de documents qu’il aurait rédigés ou tout au moins inspirés ou signés. C’est d’abord une brochure, la Campagne de 1870 ; causes qui ont amené la capitulation de Sedan, simple paraphrase de la lettre à sir Burgoyne. C’est ensuite la protestation adressée au président de l’Assemblée contre le décret de déchéance porté à Bordeaux, protestation dans laquelle, suivant le système adopté par le parti, la responsabilité de la guerre est rejetée sur le sentiment national. C’est une autre protestation dans le même sens adressée aux généraux, et qui ressemble à une excitation à la révolte, etc., etc. Faut-il croire que Napoléon, déjà malade, est l’auteur de toutes ces élucubrations, ou faut-il les attribuer à l’entourage remuant dont il était obsédé ? Nous inclinons à penser que les ambitions dont il était encore le centre nécessaire ont beaucoup trop tourmenté ses derniers jours.

Sa fin approchait en effet. Vers les derniers jours de décembre 1872, on apprit à Paris qu’il était très-gravement malade. Sa maladie, une affection de la vessie, déjà depuis longtemps connue, s’exaspéra subitement, et l’on finit par reconnaître d’une manière certaine l’existence d’un calcul urinaire. Deux opérations successives furent tentées, qui passèrent pour avoir complètement réussi ; mais, après la seconde, il expira presque subitement, le 9 janvier 1873, à 9 heures 45 minutes du matin.

Il était dit que Louis-Napoléon Bonaparte devait finir sa vie privée comme il avait commencé sa vie publique, par le ridicule. À ses funérailles, qui eurent lieu le 15 janvier, à Camden-House, 500 Français environ étaient venus représenter, à ce qu’ils prétendaient, les regrets de la France entière. Dans cette troupe de fidèles figuraient une trentaine d’ouvriers ou de prétendus ouvriers dépenaillés, affublés pour la circonstance de blouses sales et de paletots en loques ; ils étaient chargés de figurer au convoi la démocratie française.

Napoléon III repose à Chiselhurst ; si la France, qui, grâce aux Bonapartes, a vu par trois fois son sol envahi, lui doit une épitaphe, ce ne peut être que celle-ci : Napoléon le Dernier !

Jugements, opinions et notes.
L’HOMME ; SON PORTRAIT.

La littérature impérialiste nous fournit tout d’abord ce portrait, que les amateurs se rappellent avoir vu dans le Constitutionnel.

Le front est élevé et large, soigneusement modelé : comme dans un palais, c’est le fronton qui est le plus étudié et le plus significatif...

Sous son apparence unie, les facultés en sont aussi nombreuses et aussi inexplicables pour l’ignorance que les rouages et les cylindres à l’intérieur d’un chronomètre...

Il n’a pas de hâte avec les événements qu’un peuple impatient voudrait précipiter. C’est à ceux qui attendent le Messie d’être pressés ; le Messie était calme et radieux. Il voit les célébrités dépliées à ses pieds et n’en choisit aucune qui pourrait lui faire envie...

Sans vanité, il laisse attribuer aux autres l’action qu’il a dirigée et laisse complimenter l’armure pur ceux qui n’ont pas reconnu le bras. Il permet aux nombreux wagons qui le suivent à la file de faire tout le bruit et toute la poussière possibles sur la voie ; il se contente d’être la machine qui les mène...

L’œil est petit et grand à la fois ; c’est à n’y rien comprendre. Le regard n’y est pas ; c’est comme le jour sans soleil des belles matinées d’hiver. Cet œil est le puits de science, qui sait tout et ne dit rien, de cette grande figure diplomatique.

Le nez a la courbure d’un bec d’aigle ; il est un peu long, comme il devrait être chez tous ceux qui doivent se mêler des affaires des autres.

La lèvre, discrète aux coins, s’abaisse comme un pont-levis pour laisser passer, comme de la forteresse d’une intelligence bien gardée et bien approvisionnée, l’éloquence la plus large et la mieux armée.

Le buste est long, droit et fier ; les jambes semblent attendre que le cheval vienne exhausser le cavalier.

Les pieds, bien écartés en dehors, divergent leurs pointes élégamment. D’un geste hardi, il a chargé César sur ses épaules, comme Énée portait Anchise, ce qui témoignait autant en faveur de sa piété filiale que de sa force réelle... (Le Constitutionnel.)

... Il était de taille moyenne ; son visage ne reproduisait en rien le type connu de Napoléon Ier ; il n’y avait même pas là un air de famille. Des cheveux châtain clair, peu abondants, des yeux d’un gris bleu, petits et d’un ovale allongé, un nez aquilin et très-prononcé, des moustaches épaisses retombant sur la bouche et dont les extrémités n’étaient