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mont-Vassy et de Mérimée à la lettre du 4 août 1772 qui se trouve dans la Correspondance secrète entre Marie-Thérèse et le comte Mercy d’Argenteau, avec les lettres de Marie-Antoinette et de Marie-Thérèse (Paris, 1874, in-8°) ; cette lettre du comte de Mercy raconte à Marie-Thérèse le séjour de la cour à Compiègne ; en la lisant, vous verrez que la cour de Louis XV était plus décente que celle de Napoléon III. La conclusion des indiscrétions du vicomte de Beaumont-Vassy est la suivante. Après avoir dit ce que les femmes ont coûté à Napoléon III et rappelé la fameuse miss Howard, à laquelle il donna cinq millions et demi et le titre de comtesse de Beauregard, il ajoute : « Il y aurait tout un volume à écrire sur les intrigues et les galanteries plus ou moins mystérieuses de la cour sous le second Empire. On y verrait se succéder, comme favorites, les femmes et filles de fonctionnaires ambitieux et quelquefois complices, les élégantes besoigneuses, les grandes dames étrangères et espionnes politiques, de pauvres filles très-subalternes et enfin la trop fameuse Marguerite Bellanger, qui écrivait à l’empereur : « Mon cher seigneur, je vous ai trompé ! » (Beaumont-Vassy, Mémoires du XIXe siècle.)

.....Le bal de l’hôtel d’Albe était splendide. Les costumes étaient très-beaux ; beaucoup de femmes très-jolies et le siècle montrant de l’audace. On était décolleté d’une façon outrageuse par en haut et par en bas aussi. À cette occasion, j’ai vu un assez grand nombre de pieds charmants et beaucoup de jarretières dans la valse. La crinoline est en décadence. Croyez que, dans deux ans, les robes seront courtes et que celles qui ont des avantages naturels se distingueront de celles qui n’en ont que d’artificiels. Il y avait des Anglaises incroyables. La fille de lord ***, qui est charmante, était en nymphe dryade ou quelque chose de mythologique, avec une robe qui aurait laissé toute la gorge à découvert si on n’y eût remédié par un maillot. Cela m’a semblé presque aussi vif que le décolletage de la maman, dont on pénétrait tout l’estomac d’un coup d’œil. Le ballet des Eléments se composait de seize femmes, toutes assez jolies, en courts jupons et couvertes de diamants. Les naïades étaient poudrées avec de l’argent qui, tombant sur leurs épaules, ressemblait à des gouttes d’eau. Les salamandres étaient poudrées d’or. Il y avait une Mlle  Errazu, merveilleusement belle. La princesse Mathilde était en Nubienne, peinte en couleur bistre très-foncé, beaucoup trop exacte de costume. Au milieu du bal, un domino a embrassé Mlle  de S..., qui a poussé les hauts cris. La salle à manger, avec une galerie autour, les domestiques en costume de pages du XVIe siècle, et de la lumière électrique, ressemblait au festin de Balthazar dans le tableau de Wrowthon. L’empereur avait beau changer de domino, on le reconnaissait d’une lieue. L’impératrice avait un burnous blanc et un loup noir qui ne la déguisaient nullement. Beaucoup de dominos et, en général, fort bêtes. Le duc de *** se promenait en arbre, vraiment assez bien imité. Je trouve qu’après l’histoire de sa femme, c’est un déguisement un peu trop remarquable. Si vous ne savez pas l’histoire, la voici en deux mots : sa femme, qui est une demoiselle *** (dont, par parenthèse, la mère devait être ma marraine, à ce qu’on m’a dit), est allée chez Bapst et a acheté une parure de 60,000 francs, en disant qu’elle la renverrait le lendemain si elle ne lui convenait pas. Elle n’a rien envoyé, ni argent ni parure. Bapst a redemandé ses diamants ; on lui a répondu qu’ils étaient partis pour le Portugal et, en fin de compte, on les a retrouvés au mont-de-piété, d’où la duchesse de *** les a retirés pour 15,000 francs. Cela fait l’éloge du temps et des femmes ! (Mérimée, Lettres à une inconnue.)

...Je suis, depuis mon retour à Paris, dans un abrutissement complet. D’abord, notre représentation au Sénat, où, comme M. Jourdain, je puis dire que jamais je n’ai été si soûl de sottises. Tout le monde avait un discours rentré qu’il fallait faire sortir. La contagion de l’exemple est si forte, que j’ai délivré mon speech, comme une personne naturelle, sans aucune préparation, comme M. Robert Houdin. J’avais une peur atroce ; mais je l’ai très-bien surmontée, en me disant que j’étais en présence de deux cents imbéciles, et qu’il n’y avait pas de quoi s’émouvoir. Le bon a été que M. Walewski, à qui je voulais faire donner un beau budget, s’est offensé du bien que je disais de son prédécesseur, et a bravement déclaré qu’il votait contre ma proposition. M. Troplong, près duquel je suis placé en ma qualité de secrétaire, m’a fait tout bas son compliment de condoléance : à quoi j’ai répondu qu’on ne pouvait pas faire boire un ministre qui n’avait pas soif. On a rapporté cela à M. Walewski, qui l’a pris pour une épigramme, et, depuis lors, me fait grise mine ; mais cela ne m’empêche pas de mener mon fiacre. (Prosper Mérimée, Lettres à une inconnue.)

Tout le monde se rappelle ces procès financiers véreux, où les plus hauts personnages de l’administration impériale et jusqu’aux membres de la famille Bonaparte étaient compromis par les plus honteux tripotages. Les scènes et les acteurs de cette indécente curée accourent en foule sous notre plume. Mais nos constatations n’apprendraient rien au public et répugnent à notre esprit.

Rappelons seulement que ces exploits jouissaient aux Tuileries d’une indulgence paternelle, et ne nuisaient ni à la considération ni à l’avancement du personnage ; au contraire. Comme les bonnes âmes naïves pourraient nous accuser d’exagération, nous allons donner quelques exemples.

Un sieur X***, employé à la préfecture de police sous Piétri Ier, avait trouvé moyen d’économiser, à son profit, 3 millions dans le service public qu’il était chargé de contrôler.

Le préfet découvrit la manœuvre et renvoya l’ingénieux chef de service. Mais l’empereur le consola en lui accordant la croix d’officier de la Légion d’honneur et une recette générale. Il pensait qu’il ne pourrait trop encourager des hommes de ce talent-là.

Tout Paris a glosé des tours prestigieux du sieur Z***, l’un des hauts fonctionnaires des résidences impériales.

Ce galant homme, entre autres traits de génie, avait affermé l’octroi d’une grande ville pour six mois, pendant lesquels il introduisit dans la cité un approvisionnement pour six ans, et réalisa un bénéfice énorme. Il est vrai que, pendant six ans, ses successeurs et les finances de la cité étaient complètement ruinés.

Il faillit avoir des désagréments ; mais Napoléon le sauva eu le prenant dans son palais.

Là, naturellement, notre homme continua et étendit son commerce jusqu’à ce que le ministre de l’intérieur vint prier l’empereur de vouloir bien mettre un terme à tous les scandales perpétrés sous son égide et sous son toit !

L’empereur, qui n’a jamais bien distingué la ligne qui sépare le bien du mal, avait, dans ces occasions-là, des plaisanteries sinistres.

Jugez de la stupéfaction de ce trop scrupuleux ministre de l’intérieur quand, le lendemain, il reçut l’ordre d’élever le sieur Z*** au grade de commandeur de la Légion d’honneur !

Le malheureux se crut le jouet d’un cauchemar et se refusa, pendant deux jours, à apposer son nom au bas de ce fantastique document.

Cependant, il le signa, et l’empereur, pour mettre son favori en pleine lumière, lui conféra, en outre, un des plus brillants emplois de l’administration. (Le Dernier des Napoléon, par un diplomate allemand.)

Sans doute, ce fut un tableau pénible que celui de ces deux cents représentants faits prisonniers par une compagnie de voltigeurs, enfermés dans une caserne et emmenés au Mont-Valérien dans des voitures cellulaires. Des hommes illustres, des généraux, des orateurs, des jurisconsultes qui n’avaient jamais servi leur pays qu’avec noblesse, quelques-uns avec éclat, étaient traités comme des factieux ! Le tort n’en est à personne qu’à la fatalité des événements qui avaient amené ce dénoûment. Louis-Napoléon suivait sa destinée et remplissait sa mission en détruisant tous les obstacles du salut social.

D’un côté, il y avait des vaincus qui succombaient avec dignité ; de l’autre, il y avait un libérateur qui triomphait par l’ardeur, par le calme et par l’inflexibilité. (La Guéronnière, Napoléon III, 1853.)

À l’heure suprême de la grande crise, un homme que Dieu tenait en réserve paraît. Sa mission tut d’abord méconnue : mais il sortit, comme par miracle, des entrailles du peuple : ce fut sa force et son droit. C’est en posant la main sur le cœur de ce peuple qu’il a gouverné. Il a mis sa prodigieuse habileté à comprendre et à deviner au besoin ce qu’il y avait dans ce cœur, et sa puissance à le réaliser... L’Empire est proclamé. Jamais le doigt de Dieu ne fut plus visible que dans les événements qui ont amené ce grand résultat. (Sibour, archevêque de Paris.)

Monseigneur, des lèvres consacrées au service de Dieu et de la vérité n’apprendront pas aujourd’hui le langage de la flatterie, pour l’adresser à un prince que tant d’acclamations saluent avec transport, et qui est encore mieux loué par ses œuvres. Mois, quand l’Éternel, après des jours d’angoisses, donne au monde un Constantin, un Charlemagne ou un Louis-Napoléon, pour arracher la société aux abîmes et la rasseoir sur ses seules et vraies bases, la religion et la justice, il est permis a un ministre de l’Éternel de trouver des accents dans son cœur pour venir, entouré de ses frères, dire au libérateur qui passe : Prince, recevez nos hommages, agréez notre reconnaissance, et vivez ! (L’évêque de Fréjus.)

Un jour, dans les premières années du second Empire, un Italien, qui avait connu Louis Bonaparte à l’époque de ses complots de carbonaro, vint visiter aux Tuileries son ancien frère en démocratie. Il assista à plusieurs fêtes de la cour ; il vit se presser dans les salons du nouvel empereur la cohue des intrigants de toute catégorie ; il reconnut plus d’un aventurier passé à l’état de sauveur de l’ordre moral ; il contempla toutes les insolences du luxe de l’Empire ; à la fin, n’y tenant plus, il laissa échapper sa pensée devant l’un des familiers du maître, le comte Bacciocchi : « Che carnavale ! »

Quel carnaval ! c’est le mot que doit répéter l’histoire, quand elle regarde à son tour cet ensemble de folies, de turpitudes cyniques, de dilapidations effrénées, qui forment « les splendeurs » du règne de Napoléon III.

Quel carnaval ! De l’or ruisselant dans les mains des escrocs, des agioteurs d’antichambre. Quel carnaval ! Du sang pour les amateurs d’émotions fortes ; du vin et des filles pour les amateurs de débauche ; des titres, des chamarrures, des galons, des rubans pour les vaniteux.

Quel carnaval ! Venise en serait jalouse : rien n’y manque, ni les courtisanes, ni le conseil des Dix ; orgie et tyrannie ; bruit de musique, de chants, éclairs de poignards, roulements de fusillades, et, pour contraste, les gémissements des proscrits, les plaintes de la misère.

Quel carnaval ! La France entière est entraînée ; elle s’associe à cette fête de Balthazar, sans voir les mots de feu déjà tracés sur les murailles, et sans souci de la carte dont elle doit solder les frais.

On a spirituellement caractérisé le Deux décembre en l’appelant « la bataille de Clichy gagnée par les insolvables. »

À la veille de ce grand jour, Louis Bonaparte en était réduit à vivre sur la bourse d’une amie intime, mistress Howard, qui lui avança une somme de 1,300,000 fr. pour tenter cette suprême aventure. Il était temps, deux traites du prince-président venaient d’être refusées par une des principales maisons de banque de Paris.

Le coup fait, on se rue dans la jouissance de la richesse nouvelle. (Élie Sorin, la France impériale, 1873.)

L’ayant laissé commettre le crime, on l’a laissé monter sur le trône. Il a bâillonné la presse ; il a renversé la tribune d’un coup de pied. Aucune voix ne s’est plus élevée pour dénoncer l’abus, la concussion, le vol. L’abus s’est assis dans un fauteuil ; la concussion a demandé une place dans les bureaux ; le vol a obtenu de l’avancement.

La nuit s’est faite sur les affaires publiques. On avait une armée qui obéissait ; une magistrature qui condamnait ; un clergé qui bénissait. Que pouvait-on souhaiter de plus ? On n’apercevait pas la décadence. On ne voyait pas que la France se disloquait, dans l’ombre, et que ce qui devait faire sa force, sa grandeur, sa gloire, tombait lentement en ruines. Les journaux officieux s’extasiaient sur la stabilité de cet écroulement.

Il arriva ce qui toujours arrive quand une nation abdique aux mains d’un homme. Les troupes oublièrent la discipline. Les chefs fréquentèrent les antichambres. Les fonctionnaires cherchèrent moins à remplir leurs devoirs qu’à plaire au souverain. Les caisses publiques eurent des fuites qui correspondaient à la poche de certains particuliers. Le budget devint un mystère. On alla guerroyer dans le nouveau monde pour payer les dettes d’un courtisan. ON encouragea les tripotages de bourse. On chassa à Compiègne ; on donna des bals ; on acheta des robes, des diamants et des faux chignons avec l’argent destiné aux arsenaux. Au milieu de ce carnaval, on songea à fonder une dynastie : on pria le pape d’en être le parrain. S. S. Pie IX consentit.

Ô leçon ! La France s’était endormie ; elle avait renoncé à ses droits et elle avait oublié ses devoirs...

Quelqu’un vint, alors, qui la tira brusquement de son sommeil. Ce quelqu’un, c’était l’empereur d’Allemagne. (Ed. Lockroy, Rappel, 1873.)

LE SOUVERAIN.

Il s’est cru l’instrument de la Providence. Il ne fut que celui du hasard. Le parti, d’abord minime, et tout à coup immense, qui le porta au faîte du pouvoir ne fut même pas un parti, si par là on entend une fraction de nation obéissant à une doctrine, à un système, à une croyance quelconque. Ce fut un essaim d’aventuriers d’abord, et puis une réunion d’intéressés spéculant sur l’aventure et puis l’engouement soudain des masses, dégoûtées d’une république en dissolution. La France, devenue industrielle sous Louis-Philippe, n’était pas redevenue politique ; ne sachant pas se gouverner elle-même, elle se jeta dans l’inconnu. La république s’était suicidée en juin, par une effroyable scission entre le peuple et la bourgeoisie. Nous n’étions plus dignes de la liberté. (George Sand, le Temps, janvier 1873.)

L’empereur Napoléon III et le petit groupe d’hommes qui partageaient sa pensée intime apportèrent au gouvernement de la France un programme qui, pour n’être pas fondé sur l’histoire, ne manquait pas d’originalité : relever la tradition de l’Empire, profiter de sa légende grandiose, si vivante encore dans le peuple, faire parler le sentiment populaire à cet égard par le suffrage universel, amener par ce suffrage une délégation engageant l’avenir et fondant l’hérédité, c’est-à-dire, suivant l’idée chère à la France, une élection dynastique ; au dedans, gouvernement personnel de l’empereur, avec des apparences de gouvernement parlementaire habilement réduites à la nullité ; au dehors, rôle brillant et actif, rendant peu à peu à la France, par la guerre et la diplomatie, la place de premier ordre qu’elle possédait, il y a soixante ans, parmi les nations de l’Europe, et que depuis 1814 elle a perdue. La France, pendant dix-sept ans, a laissé faire cette expérience avec une patience qu’on pourrait appeler exemplaire, si jamais il était bon pour une nation de trop pratiquer l’abnégation quand il s’agit de ses destinées. Où en est l’expérience ? Quels résultats a-t-elle amenés ?... L’empereur Napoléon III n’a jamais cru pouvoir gouverner sans une Chambre élective ; seulement il a espéré rester longtemps, sinon toujours, maître des élections. C’était là un calcul qui n’aurait pu se réaliser qu’avec de perpétuelles guerres, de perpétuelles victoires. Le gouvernement personnel ne se maintient qu’à la condition d’avoir toujours et partout gloire et succès. Comment pouvait-on espérer qu’à moins d’un éblouissement de prospérité le pays déposerait éternellement dans l’urne le bulletin que l’administration lui mettait dans la main ? Il était inévitable qu’un jour la France voulût se servir de l’arme puissante qu’on lui avait laissée, et prit une part de responsabilité dans ses affaires. En politique, on ne joue pas longtemps avec les apparences... Le caractère de l’empereur Napoléon III est d’ailleurs un problème sur lequel, même quand on possédera des données que personne maintenant ne peut avoir, on fera bien de s’exprimer avec beaucoup de précaution. Il y aura peu de sujets historiques où il sera plus important d’user de retouches, et si, dans cinquante ans, il n’y a pas un critique aussi profond que M. Sainte-Beuve, aussi consciencieux, aussi attentif à ne pas effacer les contradictions et à les expliquer, l’empereur Napoléon III ne sera jamais bien jugé... (Ernest Renan, 1869.)

Voici une curieuse appréciation de Cavour sur notre César, cet homme qui ne parle jamais et qui ment toujours, selon l’expression d’un diplomate anglais. Un jour que je rencontrai le premier ministre sous les arcades de la rue du Pô, il me prit le bras : « Voyez-vous, mon cher d’Ideville, votre empereur ne changera jamais : son tort est de vouloir conspirer toujours. Dieu sait cependant s’il en a besoin aujourd’hui ! N’est-il pas maître absolu ? Avec un pays puissant comme le vôtre, une grande armée, l’Europe tranquille, qu’a-t-il à craindre ? Pourquoi toujours, à toute heure, déguiser sa pensée, tourner à droite quand il veut aller à gauche ? Ah ! quel merveilleux conspirateur il fait ! À cette heure, il pourrait marcher droit, à découvert, suivant son but. Mais non, il préfère dérouter les gens, faire suivre une autre piste, conspirer enfin, conspirer toujours. Tenez, mon enfant, c’est le propre de son génie, c’est le métier qu’il préfère ; il l’exerce en artiste, en dilettante, et dans ce rôle il sera toujours le premier et le plus fort de nous tous. » (D’Ideville, Journal d’un diplomate en Italie, 1872.)

Quand l’eunuque régnait à côté du César,
Quand Tibère et Caius et Néron, sous leur char.
Foulaient Rome, plus morte, hélas ! que Babylone,
Le poëte saisit ces bourreaux sur leur trône ;
La Muse, entre deux vers, tout vivants, les scia.
Toi, faux prince, cousin du blême hortensia,
Hidalgo par ta femme, amiral par ta mère,
Tu règnes par Décembre et tu vis sur Brumaire,
Mais la Muse t’a pris, et maintenant c’est bien,
Tu tressailles aux mains du sombre historien.
Pourtant, quoique tremblant sous la verge lyrique,
Tu dis dans ton orgueil : « Je vais être historique ! »
Non, coquin ; le charnier des rois t’est interdit.
Non, tu n’entreras pas dans l’histoire, bandit !
Haillon humain, hibou déplumé, bête morte,
Tu resteras dehors et cloué sur la porte.

Victor Hugo, les Châtiments.

Tout ce que les 7,350,000 oui révélés par le plébiscite contiennent d’abject, de scrofuleux et de malhonnête s’est acharné à m’accuser de violence. Je viens de relire les épreuves de mon pamphlet ; je le compare aux horreurs que l’Empire nous a fait traverser, au dénoûment auquel il nous a conduits, et je ne sais comment m’excuser d’avoir été si doux.

Ce n’est ni intrigants, ni saltimbanques, ni même voleurs qu’il fallait appeler ces gens-là : il fallait aller chercher dans les albums japonais des supplices à leur usage, et dans les dictionnaires de nécromancie des imprécations correspondant à leur mérite. L’Empire n’a jamais été un gouvernement. La sieste odieuse que des ivrognes ont faite pendant vingt ans au premier étage des Tuileries n’a jamais constitué un règne.

Non, tu n’entreras pas dans l’histoire, bandit !

a dit M. Victor Hugo. Il ne restera de toutes ces obscénités morales et politiques qu’une espèce de puanteur imprégnée aux habits, une sorte de précipité chimique, comme qui