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t, ea rayons que Bon char nous lance. Et, plus paisible dans son cours, Laisse la céleste Balance

Arbitre des nuits et des jours.

L’Aurore, désormais stérile

Pour la divinité des fleurs,

De l’heureux tribut de Ses pleurs Enrichit un dieu plus utile,

Et, sur tous les coteaux voisins, On voit briller l’ambre fertile Dont elle dore nos raisins.

La définition forme aussi une sorte de périphrase qui peut rendre plus sensible k I esprit l’objet dont on parle ; car, quand on prononce le nom d’une chose, nous n’envisa-r geons pas plus une de ses qualités que l’autre, niais nous les considérons toutes confusément. Le nom de Dieu, par exemple, ne réveille pas l’idée de tel ou tel attribut ; mais la périphrase : Celui qui a créé le ciel et la terre, représente la divinité avec toute son intelligence et toute sa puissance.

L’idée de Dieu peut être caractérisée par autant de périphrases qu’il a d’attributs ; mais le choix des caractères n’est jamais indifférent. La même périphrase qui, placée avec goût, donne de la grâce au discours paraît froide et déplacée si l’on veut en faire usage dans un eus où le caractère donné à Dieu n’a plus assez de rapport avec l’action de cet être. C’est un défaut dans lequel tombent souvent les orateurs médiocres ; ils craignent de nommer les choses par leur nom, et ils croient trouver du sublime dans des circonlocutions prises au hasard.

Quelquefois aussi le besoin de quelques syllabes fait tomber dans ce défaut jusqu’aux meilleurs poètes.

Une périphrase peut être accompagnée d’une uutre et d’une troisième, pourvu qu’elles expriment chacune des accessoires qui renchérissent les uns sur les autres et qui soient tous relatifs à la chose et aux circonstances où l’on en parle ; mais le style deviendra lâche si les dernières périphrases ont moins de force que les premières. Les vêts suivants de Boileau présentent ce défaut : Tandis que, libre encore...,

Mon corps n’est point courbé sous le faix des années, Qu’on ne voit point mes pas sous l’âge chanceler, Ht qu’il reste a la Parque encor de quoi filer.

Dans le choix des périphrases, i ! faut consulter le caractère de l’ouvrage où l’on veut faire entrer les images. Pour exprimer la pointe du jour, Voltaire a dit : L’Aurore cependant, au visage vermeil, Ouvrait dans l’Orient le palais du Soleil. La Nuit en d’autres lieux portait seB voiles sombres ; Ses songes voltigeants fuyaient avec les ombres.

Admirable dans l’endroit où il est placé, ce style serait ridicule et froid partout ailleurs.

Quand on fait usage des périphrases, il faut éviter l’enflure et ne pas imiter Racine quand il a dit :

Cependant, sur le dos de la plaine liquide, S’élève à proa bouillons une montagne humide.

Il ne faut pas dire avec emphase des choses simples ; ainsi, pour exprimer que le roi vient, il ne faut pas imiter un mauvais poète qui a dit :

Ce grand roi roule ici ses pas impérieux.

PÉRIPHRASER v. n. ou intr. (pé-ri-frazé

— rad. périphrase). Parler par périphrases : Cet homme ne se sert jamais des termes propres, il périphrasé toujours. (Acad.)

— v. a. ou tr. Exprimer en périphrases : On affaiblit tout ce qu’on périphrase.

PÉRIFHRASEUR s. m. (pé-ri-fra-zeurrad. pénphruser). Celui qui a la manie de nériphiaser, qui abuse de la périphrase : Les poètes sont essentiellement périphrasi ; urs.

PÉRIPHRASTIQUE adj. (pé-ri-fra-sti-kerad. périphrase). Qui tient de la périphrase ; qui abonde en périphrases : Style périphrastiq.uk.

— Gramm. Se dit quelquefois de tous les temps des verbes qui se forment avec l’auxiliaire.

PÉR1PHYLLË adj. (pé-ri-fil-le — du préf. péri, et du gr. phullon, feuille). Bot. Ecailla située au pourtour de l’ovaire, dans les graminées.

PÉRIPLANÈTE s. f. (pé-ri-pla-nè-te — du

; r. perrplanês, qui erre autour). Entom, Syn.
e kakerlac, genre-d’insectes orthoptères,

de la famille des blaltiens.

PÉRIPLE s. m. (pé-ri-ple — du gr. perivloos, action de naviguer autour. Périple est étymulogiquement le même mot que circumnavigation, du latin circum, autour, et de navigatio, navigation). Géogr. anc. Navigation autour d’une mer, autour des côtes d’un pays, autour d’une partie du monde.

— Littér. âne. Récit d’une navigation de ce genre : Le périplb d’Arriçn. Le périple d’Hannon. Le périple de Pythéas. n Roman de voyages.

— Moll. Groupe de foraniinifères, qui doit être réuni aux cristellaires.l

— Encycl. Les principaui périples dont le souvenir nous ait été transaiiis par l’histoire sont : celui du Carthaginois (Hunnon qui, envoyé par le sénat de Oarthige pour fonder des colonies ou plutôt des échelles commerciales au delà des colonnes d.Hercule, sur les côtes d’Afrique, s’avança, svùvant les uns,

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jusqu’au Gabon, et, suivant d’autres, jusqu’aux bouches de la Gambie seulement ; le voyage de découvertes autour de l’Afrique, entrepris par ordre du roi d’Égypte Néchao et exécuté par des navigateurs phéniciens ; ils s’embarquèrent sur la mer Rouge, firent le tour de 1 Afrique en suivant les côtes et revinrent par le détroit de Gadès et là Méditerranée ; le périple de Néarque dans la mer des Indes, depuis les bouches de l’îndus jusqu’à l’Euphrate ; Arrien nous a conservé un extrait du journal de Néarque dans son Périple de la mer Erythrée ; le périple de Pythéas, de Marseille, accompli au 1V« siècle avant l’ère moderne sur les côtes occidentales de l’Europe jusqu’à la mer Baltique ; il est regardé comme fabuleux par quelques auteurs ; enfin le périple d’Arrien, qui offre une description des côtes de la mer Noire, ainsi que des détails sur les fleuves, les montagnes, les villes et les peuples des contrées voisines.

Périple d’Hannon. On ignore la date de ce grand voyage ; ori n’a guère d’indications que cette vague phrase de Pline dans son Histoire naturelle (livre V, ch. l") : Banno, Carthaginiensium aux, punieis rébus florenlissimis, explorare amliitum Africs jussus, etc. M. Cari Mùller, le dernier éditeur du Périple d’Bannon, croit devoir s’arrêter aux environs de 470. Heeren, Kluge et d’autres ont choisi la date de 509 ou 510 ; Bougainville, après une discussion approfondie, a adopté la date de 570 ; c’est celle qu’adopte aussi M. Vivien de Saint-Martin. Quoique ce fût chez les Carthaginois aussi bien que chez les Tyriens une tradition d’État de tenir secrets, autant que possible, les relations de commerce et les établissements lointains, l’expédition d’Hannon frappa d’une telle admiration ses concitoyens mêmes qu’une inscription sur tables de bronze, où étaient consignés les principaux incidents du voyage, fut placée dans un des temples de Carthuge pour en éterniser le souvenir. Cette inscription était naturellement en langue punique ; elle fut traduite en grec longtemps après, sans doute vers le milieu’du tve siècle avant notre ère, par un étranger dont le nom est resté inconnu, et c’est cette version qui est arrivée jusqu’à nous. Quoiqu’elle soit d’une concision toute lapidaire, cette relation n’en est pas moins d’une valeur inestimable pour l’histoire géographique du monde ancien. Elle nous a transmis le souvenir d’un des plus grands faits de navigation, du plus grand peut-être, de toute l’antiquité, sauf la circumnavigation de l’Afrique par des marins de Tyr, sous le règne de Néchao. Le texte grec en a été publié à Bile en 1533 ; à Londres, par Falconer, en 1797 ; à Fribourg, par J. Léon, en 1808, in-*o ; à Paris, par Gail, 1826 ; à Leipzig, par Kluge et par C. Millier, en 1829. U se trouve dans l’ouvrage de Hudson, Géographias veteris seriptores Grseci minores. Il a été traduit en français par Gosselin : Recherches sur les connaissances des anciens te long des côtes de l’Afrique, et par Chateaubriand : Essai sur les révolutions. Il a donné lieu à de nombreux et savants commentaires, parmi lesquels nous citerons ceux de Bougainville, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, et de Vivien de Saint-Martin, le Nord de l’Afrique dans l’antiquité grecque et romaine.

Hannon avait soua ses ordres une flotte de soixante navires à cinquante rames, chargée de trente mille colons, hommes et femmes, et des provisions nécessaires. Après avoir franchi le détroit de Gadès, il échelonua, sur la côte occidentale de l’Afrique, un certain nombre de colonies, dont sept ou huit sont nominalement désignées. Les circonstances topographiques et la configuration de la côte ne sont rapportées que d’une manière générale. La première colonie est appelée Thymiatherium et notée comme se trouvant à deux journéesdes colonnes d’Hercule ; en prenant cette indication de deux journées à partir du cap Cotes, nous descendons jusqu’à l’embouchure actuelle du Bouragrag, sous la ville de Slà. Puis on arriva au promontoire Soloéis, dont il est deux fois question dans Hérodote. C’est un des points les plus connus et les plus anciennement célèbres de la côte atlantique. Les Romains en firent le promontoire Solis ; l’appellation punique rappelait l’aspect frappant de ses hautes falaises. C’est le cap Can fin de nos cartes, * qui s’élance abruptement, dit le lieutenant Arlett, à 211 pieds au-dessus de la mer. ■ Hunnon dit que le Soloéis est couvert d’arbres ; les Maures l’appellent cap du Bois de palmiers. Après avoir consacré un autel au dieu de la mer, l’expédition carthaginoise tourna vers l’orient et arriva à une partie de la côte au long de laquelle s’étendaient des lagunes couvertes de roseaux : elle laissa de nouveaux colons dans cinq villes maritimes ; appelées Carikon-Teikos, Gytté, Acra, Melitta et Arambe.

Les voyageurs découvrirent ensuite l’embouchure d une grande rivière appelée Lix et que Vivien de Saint-Martin croit devoir répoudre à la rivière de Sous de nos cartes. Deux jours après, on trouva au fond d’un golfe la petite lie de Cerné, située aussi loin du détroit de Gadès que Carlhage, où fut établie une colonie importante. M. Vivien de Saint-Martin identifie Cerné avec l’Ile Herné, dans la baie du Rio-do-Ouro ; Hannon poussa avec quelques bâtiments une reconnaissance jusqu’à l’extrémité du désert et pénétra sans

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doute dans le Sénégal, par la branche septentrionale du fleuve qui porte le nom de marigot des Maringouins, puis revint à Cerné et repartit avec toute la flotte. On navigua encore douze jours vers le sud, et les contrées boisées décrites en cet endroit par la relation semblent pouvoir être identifiées avec le cap Vert. Le grand golfe désigné par le Périple sous le nom de Corne du couchant se retrouve dans le golfe, ’ en effet, très-vaste où débouche la rivière Géba, un peu au nord du rio Grande. L’excessive chaleur empêcha d’explorer les forêts dont la côte était couverte ; la nuit, les nègres allumaient de toutes parts de grands feux qui effrayèrent les Carthaginois. Après avoir mis deux jours à faire le tour d’une haute montagne qu’ils appejèrent Théôn-Ochema (Escalier des dieux), puis cinq autres jours à descendre plus avant les côtes, ils arrivèrent à un golfe qui est désigné sous le nom de Corne-du-Midi. Ce point extrême se place au golfe de Cherbro, un peu au sud de Sierra-Leone, De ces pays, Hannon avait rapporté et déposa dans un temple à Oarthagè la peau de trois gorilles ou orangsoutangs. L’île des Gorilles fut le terme de l’expédition. Les provisions touchaient à leur fin ; l’amiral jugea prudent de revenir sur ses pas.

« Extrêmement remarquable par la grandeur de l’entreprise et la hardiesse de l’exécution, dit M. Vivien de Saint-Martin, l’expédition carthaginoise ne l’est pas moins par l’exactitude de la relation qui nous en a transmis le souvenir. Cette relation, dans sa forme originelle, n’était qu’une inscription commémorative de cent lignes à peine ; et cependaut, malgré cette concision extrême, il n’est pas un de ses détails, soit de localités, soit de distances, qui ne se trouve rigoureusement conforme à la connaissance très-précise que nous avons aujourd’hui de ces côtes. Si les commentateurs ont si prodigieusement varié dans les explications qu’Us en ont données, cela tient, non au document lui-même, mais aux méthodes d’investigation et aussi, en certains cas, au défaut de notions précises sur quelques parties du littoral aujourd’hui mieux explorées. Ainsi Bougainville et M : Dureau de La Malle ont conduit Hannon jusqu’au fond du golfe de Bénin, tandis que M. Gosselin voulait qu’il se fût arrêté au cap Noun, limite méridionale du Maroc. Mamsert marque le terme de l’expédition aux Bissagos, Heeren à l’estuaire de Gambie, Malte-Brun à la baie de Cintra, M. Quatremère aux environs du Sénégal.

Périple de Pythéas (ive siècle av. J.-C.) Pythéas était un Phocéen de Marseille, vivant vers 350 avant l’ère chrétienne. On ne sait pas au juste s’il a fait deux voyages ou un seul : il est probable qu’il en a fait deux ; mais on ne peut déterminer, pour le second, le point où il s’est terminé. Au rapport de Polybe, le terme de ce second périple, le Tanaîs, serait le Don ; mais Pythéas n’a voyagé qu’au nord de l’Europe : le Tanaïs en question doit correspondre à l’Oder, k la Vistule ou à la Dwina. Pythéas avait écrit deux ouvrages dont il ne reste que de courts fragments, des citations inexactes. Les anciens et les modernes ont prêté beaucoup d’absurdités à ce voyageur. Faute d’admettre l’emploi de deux stades différents, le stade grée et le stade égyptien, dans l’évaluation des distances, ils ont créé des difficultés là où il n’y en avait pas. Strabon dédaigne de discuter le voyage de Pythéas et il contredit les latitudes assignées par le navigateur marseillais ; les géographes modernes démentent Strabon, qui a pillé l’auteur critiqué par lui. Sans Pythéas, comment les Grecs et les Romains auraient-ils pu connaître l’hydrographie, le contour du nord-ouest de l’Europe ? Aussi voit-on peu d’historiens anciens qui ne doivent à Pythéas des notions géographiques sur les régions septentrionales de l’Europe. Privé de tous les secours de l’art et de i’expérience, Pythéas voyageait sans doute aux frais de quelques négociants. Guidé par les indications qu’il avait reçues de son maître, Eudoxe de Cnide, il commença par prendre la latitude (hauteur du pôle) de Gadeira (Cadix) et observa dans le détroit des colonnes d’Hercule les phénomènes de la marée. Voici les principaux points de son itinéraire :

. En sortant du détroit, Pythéas se rendit au cap Sacré (cap Saint-Vincent), éloigné de 3,000 stades du détroit. Doublant ce promontoire, il atteignit en trois jours le cap Oalbiuin (le cap Finistère, en Espagne) et trois autres journées de navigation le mirent en vue des lies celtiques, parmi lesquelles il mentionne Uxisance (Ûuessast). Traversant la Manche, il aborda à Kanlion, dans la grande lie d’Albion, où il étudia les mœurs et les usages des Bretons. Pythéas donne à la Grande-Bretagne 20,000 stades de long (stades égyptiens), mesure à peu près exacte ; il en évalue la circonférence à 40,000 stades. Il paraît qu’il orientait mal l’Ile des Bretons et qu’il l’étendait en longueur de l’est à l’ouest. Reprenant la mer, il gagna le continent, k-l’extrémité de la Celtique, et s’arrêta chez les Ostriens, à l’embouchure du Rhin ; là, il observa encore la hauteur du pôle De là, il atteignit le Cattégat et la pointe septentrionale du Julland. Il visita le pays desGuttones (Goths), c’est-à-dire la Suède, et toucha à l’île d’Ababet, où il vit la houille employée comme combustible. Il parle d’ut^e grande lie un nord,

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appelée Basilia (royale), probablement la Suède méridionale (Scandie ou Scandinavie), qui longtemps après passait encore pour une île. U se rendit ensuite sur la côte de l’ambre jaune (Prusse orientale), où les Germains allaient acheter le succin. Après s’être mis en relation avec les Goths de la Vistule et avoir touché à l’Ile de Latris (Rugen), Pythéas continua sa route vers le nord. À cet effet, il retourna aux lies Britanniques. Du cap Oreat, il passa aux Iles Orcades, puis aux lies Shetland. En cinq jours de navigation, il parvint à l’uttima Thute. Pythéas ne put aller plus loin : pour lui, l’espace au delà est un mélange confus de trois éléments, l’air, l’eau, la terra ; c’est ce qu’il appelle le poumon de la mer. On ne sait pus ce qu’il entend par cette expression. M. W, Bessel, auteur de l’ouvrage la plus érudit qui ait été publié sur Pythéas (Goettingue, 1858), identine Thulé avec l’Islande. Le tableau tracé par le voyageur : nature du sol, productions du pays, nourriture des habitants, usage de l’hydromel, s’applique parfaitement à l’Islande ; de plus, Pythéas décrit le fumeux Geiser d’Islande ; le nom local moderne manque seul dans son récit. Or, il -n’y a qu’un Geiser dans ces lies septentrionales.

Au retour de son exploration, Pythéas toucha aux Hébrides ; il en a fait la description. Six jours après, il longeait les Iles Britanniques. Du cap Bélérion, il se rendit en quatre jours à l’embouchure de la Gironde. De là, il regagna Marseille par la voie de terre. Il est probable que, si Pythéas Ht un second voyage, il dut avoir pour objet la reconnaissante des côtes de l’océan Germanique jusqu’à l’embouchure de l’Elbe.

Nous ne nous arrêterons pas aux deux périples d’Arrien, l’historien d’Alexandre, le Périple de la mer Erythrée et le Périple du Pont-Euxin ; ce ne sont pas, comme les précédents, des relations de voyages de découvertes dans des régions inconnues ; ce sont de simples traités de géographie rédigés sous une forme intéressante ; ils ont été publiés en grec et en latin dans le premier volume des Géographias veteris seriptores Grsci minores de lludson (Oxford, 1698, * vol. iii-so), pour les périples de Néchao et de Néarque, voyez Néarque et Nécua.0.

— Littér. Par imitation des périples des navigateurs, on a aussi donné ce nom, eu littérature, à des voyages imaginaires racontés par les romanciers grecs. Cette sorte de fiction fut fort en faveur dans l’école alexandrine. Déjà, avant cette époque, les philosophes avaient commencé à supposer des pays inconnus, où ils montraient leurs conceptions réalisées sous des formes visibles, ou à transformer, selon leur fantaisie, les mœurs des contrées connues. Citons, comme les deux exemples les plus illustres.dans ces deux genres, l’Atlantide de Platon et la Cyropédie de Xénophon. Les philosophes, à quelques sectes qu’ils appartinssent, prirent dès lors lu coutume de placer leurs Hélions dans des régions où ils se supposaient voyageant ou bien qu’ils faisaient visiter à leurs héros. Ainsi, ia Vie d’Apollonius de Tyane par le grammairien Fhilostrale était le voyage d’un dieu sur la terre, selon Philostraie lui-même. C’étaient encore des voyages que les ouvrages d’Evhémère et d’Antoine Diogène. Même dans les romans d’amour, l’auteur montrait son héros visitant toutes sortes de pays à la poursuite de l’objet aimé, enlevé par des pirates et, chemin faisant, le héros, quoique fort préoccupé, n’avait garde de ne pas bien observer et décrire les contrées qu’il traversait. Ainsi sont composés les romans d’Héliodore, d’Achille Tatius, de Jamblique le Syrien, de Xénophon d’Éphèse et de Cburiton. La curiosité qu’éveillaient dans les imaginations les progrès de la navigation et les découvertes des Carthaginois contribuait à mettre en faveur cette sorte de roman géographique. Ce cadre était commode pour les rêveurs et les faiseurs de dotions, qui, dans l’état des connaissances, pouvaient toujours imaginer des pays restés jusqu’alors inconnus. Seulement, les anciens avaient bien plus de peine que nous à démêler la fable d’avec la réalité. L’imagination grecque, portée vers la merveilleux, s’y plaisait d’autant plus que la science était encore confuse, vague et contradictoire ; il y a toujours un peu de Action dans leurs récits de voyages réels et peut-être un fond de vérité dans leurs récits de voyages imaginaires.

C’est à ces raisons diverses qu’il faut attribuer la multiplicité des romans grecs appelés Périples. Strabon, qui venait à une époque où, sans être plus précises, les connaissances étaient du moins plus abondantes, a beau chercher à établir une critique quelconque dans cette confusion de traditions fabuleuses ; il mérite qu’on dise de lui que souvent son scepticisme est plus loin de la vérité que la crédulité des autres ; d’autant plus que, 91 dans tous ces récits la plupart étaient sciemment inventés, il y en avait cependant quelques-uns qui étaient l’œuvre d’une foi naïve, mais sincère. Tel fait très-réel, raconté par un voyageur, devenait, grâce aux nombreux récits qu’on en faisait et aux interprétations successives, tout à fait fabuleux et chimérique. Les progrès de la géographie n’eurent pour premier effet que ne faire placer dans des contrées de plus eu plus lointaines les fictions qui, du temps d’Hécatée de Milet,

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