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dition. Les ducs de Bourbon, d’Alençon, le comte de Vendôme, Dunois se jetèrent dans le mouvement, quittèrent brusquement la cour, qui était à Angers, et se retirèrent à Blois. La Trémoille était l’âme du complot : il jalousait le connétable et voulait reprendre le gouvernement du roi et du royaume. Le connétable même, étant tombé entre leurs mains, faillit être gardé comme prisonnier et ne fut relâché que sur les conseils de l’écorcheur Antoine de Chabannes, qui montra plus de patriotisme que les princes et représenta que cette capture aurait pour conséquence inévitable de livrer Paris aux Anglais. Les factieux n’eurent pas de peine à attirer le dauphin Louis à leur parti. Quoiqu’il ne fût âgé que de dix-huit ans, il avait déjà l’ambition de prendre la direction du pouvoir. Il déclara à son gouverneur, le comte de La Marche, qu’il ne voulait plus être sujet comme par le passé et « qu’il se sentait en état de faire très-bien le profit du royaume. » Il se rendit auprès des princes, qui agitaient le Poitou et essayaient de soulever les campagnes et les villes. Les populations se soulevèrent, en effet, çà et là, mais pour leur propre compte, et firent la guerre à toute espèce de troupes, royales ou rebelles. On appela ces révoltés francs-taupins ; ce fut une sorte de jacquerie. Battus dans le Poitou, les princes se retirèrent dans la Marche et dans l’Auvergne, poursuivis par l’armée royale. Quelques villes, Clermont et Montferrand, se déclarèrent pour eux ; mais la plupart fermèrent leurs portes. Les plus considérables bandes de routiers, celles de Villandro, se rangèrent du côté du roi, qui leur offrait une plus forte solde. Les princes furent forcés de négocier, et ils entrèrent en arrangement avec le roi par l’entremise du comte d’Eu, récemment revenu de captivité.

Mais le dauphin, ayant appris que le pardon des gentilshommes de sa maison n’avait pas été stipulé par les princes, refusa de retourner près de son père, et la guerre recommença. Le Bourbonnais et le Forez furent envahis par les troupes royales, que la population préférait généralement aux rebelles ; il fallut se soumettre. Le comte d’Eu pria le roi de se rendre à Cusset et s’engagea sur sa vie à y amener le dauphin. Le roi consentit, vint à Cusset et reçut d’abord la soumission du duc d’Alençon ; puis le dauphin et le duc de Bourbon arrivèrent, laissant aux portes de la ville La Trémoille, Chaumont et Prie, que le roi ne voulait pas recevoir.

Le dauphin et le duc de Bourbon s’agenouillèrent par trois fois devant le roi « et, à la tierce fois, le prièrent en grand’humilité qu’il lui plût à eux pardonner son indignation. » Après quelques paroles de reproche, le roi pardonna. Alors, le dauphin requit aussi le pardon de La Trémoille, de Chaumont et de Prie. « Qu’ils retournent chacun en leurs maisons et domiciles, répondit le roi ; je ne veux pas les voir ! — Monseigneur, dit le dauphin, il faut donc que je m’en retourne, car ainsi leur ai-je promis. — Louis, dit le roi, les portes sont ouvertes, et, si elles ne vous sont assez grandes, je vous ferai abattre seize à vingt toises du mur pour passer. Vous êtes mon fils et ne vous pouvez obliger à personne sans mon congé et consentement ; mais, s’il vous plaît vous en aller, allez-vous-en, car, au plaisir de Dieu, nous trouverons aucuns de notre sang qui nous aideront mieux à maintenir et entretenir notre honneur et seigneurie qu’encore n’avez fait jusqu’ici. » (Chroniques de Monstrelet.) Le dauphin resta. La paix fut publiée le 24 juillet 1440 ; les places occupées par les rebelles furent rendues, et l’on mit le dauphin en possession du gouvernement du Dauphiné, pour donner un aliment à sa soif précoce du pouvoir.


PRAHECQ, bourg de France (Deux-Sèvres), ch.-l. de canton, arrond. et à 12 kilom. S.-E. de Niort, sur la Guirande ; pop. aggl., 801 hab. — pop. tot., 1,070 hab. Commerce de bestiaux, chevaux et volailles.


PRAHO s. m. (pra-ho). Navig. Sorte de bateau à balancier, usité dans les îles de la Sonde : La mer des Moluques est sillonnée par un nombre incroyable de jonques et de prahos. (A. Maury.) || On écrit aussi prao et prahau.


PRAIA s. f. (pra-ia). Acal. Genre douteux d’acalèphes béroïdes ou diphyaires, dont l’espèce type vit sur les côtes des îles du Cap-Vert : On attribue aux praias un corps gélatineux. (Dujardin.)


PRAIA-GRANDE (Isidoro-Francisco Guimarâes, vicomte de), marin et homme d’État portugais, né à Lisbonne en 1808. Il fit les campagnes de Beira en 1826 et 1827, puis celle de Porto et passa en Angleterre en 1828. De retour en Portugal, il fut nommé, en 1834, aide de camp du commandant des forces navales du Douro et reçut, l’année suivante, le grade de lieutenant pour la bravoure dont il avait fait preuve pendant le combat naval du 5 juillet 1833. En 1851, il fut nommé gouverneur de Macao et il occupa de nouveau ce poste en 1854, 1857 et 1860. Le vicomte de Praia-Grande reçut, en 1862, la mission de ratifier un traité de commerce avec la Chine, puis il fut chargé de diverses missions diplomatiques. Nommé successivement vice-président de la junte consultative d’outre-mer, aide de camp du roi Louis Ier, député aux cortès, puis pair du royaume, contre-amiral (1873), directeur général de la marine, M. de Praia-Grande a été, en outre, ministre de la marine du 4 septembre 1865 au 4 janvier 1888 et ministre de la guerre (par intérim) du 26 septembre au 22 novembre 1865, puis du 16 février au 3 mai 1866.


PRAINTE s. f. (prain-te). Anc. cout. Droit que l’Église prélevait sur les prémices de la terre.


PRAIRIAL, ALE adj. (prè-ri-al, a-le — rad. prairie). Bot. Qui croît dans les prairies : Plantes prairiales. Trèfle prairial.

— s. m. Chronol. Neuvième mois de l’année républicaine (20 ou 21 mai — 19 ou 20 juin), correspondant à la saison où l’on fauche communément l’herbe des prés : La nature, en PRAIRIAL, s’annonce dans tout son éclat. (Rosny.)

L’heureux mois de la fenaison
             Est aussi celui de l’ivresse,
             Et prairial, sur le gazon,
             A vu renverser la sagesse.
                       Sallentin.


Prairial an III (JOURNÉE DU 1er), une des journées fameuses de la Révolution (20 mai 1795). Depuis la chute de Robespierre, le 9 thermidor, la coalition qui avait renversé le chef du parti jacobin s’était livrée à une orgie de mesures réactionnaires et de représailles implacables contre tout ce qui tenait à la cause de la Montagne. On avait affecté de ne renverser qu’une faction ; mais, rapidement, on en était venu à attaquer la Révolution elle-même et à la menacer dans son expression gouvernementale, la République.

La Convention rappelait dans son sein les girondins qu’elle en avait naguère proscrits ; elle laissait peu à peu tomber en désuétude les lois contre les émigrés. Du groupe vaincu, mais énergique, en qui se concentrait encore l’esprit de la Montagne, de temps à autre des protestations courageuses s’élevaient ; on entendait Noël Pointe s’écrier : « La contre-révolution empoisonne de son souffle liberticide l’horizon politique ; » et Gaston disait : « Je jure, par les douze cent mille défenseurs de la patrie et par quatre millions de patriotes qui sont liés sur tous les points du territoire de la République, que la contre-révolution ne se fera pas ! » Protestations courageuses et inutiles. Déjà la contre-révolution était faite ; elle était faite dans l’Assemblée nationale ; elle était faite dans la société mondaine, élégante, qui donnait le ton du fond des salons récemment rouverts et les transformait en foyers de conspiration contre les principes, les institutions et les hommes de la République.

« Les salons dorés, dit M. Élie Sorin dans son Histoire de la République française, ne cessaient de prêcher aux muscadins une croisade contre tout ce qui était flétri du nom de jacobin, qu’on transformait en celui de jacoquin ; on avait ravi au peuple ses sociétés patriotiques, on l’avait plongé dans la misère la plus affreuse par la suppression du maximum ; ce n’était pas assez : on voulait lui donner la chasse et l’assommer sous les bâtons plombés des viveurs élégants. Jamais les grands seigneurs de l’ancien régime, jamais les agents de la monarchie ne montrèrent contre lui plus de haine féroce que ces coteries bourgeoises qui lui devaient leur élévation, qui s’étaient souillées de sang en son nom et qui le repoussaient à présent qu’il leur avait servi de marchepied.

« Le salon de Thérésa Cabarrus, devenue Mme Tallien, était le principal foyer de ces détestables complots. Cette femme, que ses flatteurs appelaient Notre-Dame de Thermidor et que ses adversaires flétrissaient du nom, plus digne d’elle, de Notre-Dame de Septembre, puisqu’elle avait accepté de s’unir à l’un des massacreurs de ces détestables journées, cette femme, avec un sourire, un mot gracieux, ralliait autour d’elle cette jeunesse qu’elle ne semblait convier qu’au plaisir et qu’elle voulait lancer à la bataille… »

Cette jeunesse, qui se faisait gloire elle-même de s’appeler jeunesse dorée, par une sorte de défi jeté à la misère populaire, prenait l’initiative de toutes les manifestations contre-révolutionnaires : tantôt on la voyait arracher le buste de Marat du théâtre Feydeau et le jeter à l’égout de Montmartre, oubliant que Marat avait été déifié par les mêmes hommes qui avaient abattu Robespierre ; tantôt, quand elle se sentait en nombre, elle se plaisait à attaquer et à assassiner quelques pauvres montagnards isolés et sans défense ; elle se précipitait avec une sorte de frénésie insolente dans toutes les jouissances du luxe, alors que le peuple mourait de froid et de faim. Et la misère était grande au commencement de 1795 ; le prix des subsistances dans Paris était tel, que la Convention dut élever de 18 livres à 36 livres l’indemnité quotidienne de ses représentants. Sans cesse la barre de l’Assemblée nationale était assiégée par des députations des sections qui venaient lui exposer les doléances et les vœux de leurs commettants ; toutes ces réclamations se résumaient dans un seul cri : « Du pain ! »

Dès le 27 ventôse (17 mars), un orateur des envoyés de l’Observatoire disait à l’Assemblée : « Ne laissez pas flotter au milieu de nous l’étendard de la famine, déployez tous les moyens que le peuple a mis entre vos mains et donnez-nous du pain. Huit cents de nos camarades attendent notre réponse. Jusqu’à ce que vous ayez satisfait à notre demande, nous crierons : « Vive la République ! »

Ce langage est remarquable en ce qu’il prouve chez le peuple de Paris et chez ses interprètes l’intention d’épuiser tous les moyens légaux pour se faire rendre justice avant de recourir aux moyens de la force.

Quelques jours plus tard, le 1er germinal (21 mars), les sections des Quinze-Vingts, de Montreuil et du faubourg Saint-Antoine se rendaient à leur tour à la barre de l’Assemblée. Elles ne demandaient pas, comme les pétitionnaires qui les avaient précédées, un secours matériel ; elles ne réclamaient pas du pain : elles voulaient le retour sincère et immédiat à un régime franchement démocratique, seul remède, suivant elles, aux maux dont le peuple souffrait. D’ailleurs, point de violences, point d’invectives ; nulle menace, même envers ceux dont elles croyaient devoir dénoncer les criminels agissements.

« Nous ne venons point vous demander pour mesures générales ni déportations ni effusion de sang de tel ou tel parti ; ce moyen extrême ne confond que trop souvent l’innocence ou la simple erreur avec le crime ; nous n’épousons de parti que celui du peuple entier ; nous ne voyons dans les Français que des frères, il est vrai diversement organisés ; mais en sont-ils moins de la même famille ? Vous avez dans vos mains le moyen le plus efficace pour faire cesser la tempête politique dont nous sommes si douloureusement le jouet. Mettez-le en usage ; organisez dès aujourd’hui la constitution populaire de 1793 : le peuple français l’a acceptée, a juré de la défendre ; elle est son palladium et l’effroi de ses ennemis… Paix à la grande famille ! Vive la République une, indivisible et démocratique ! Vive la représentation nationale ! »

« Jamais, dit l’historien que nous avons cité plus haut, le peuple de Paris ne s’était montré si grand que dans cette journée ; revendiquant la constitution républicaine sans colère, sans menace, faisant taire le cri de ses angoisses pour ne laisser entendre que la voix de la modération et de la clémence ; il était le sublime émule de ces soldats conquérants de la Hollande qui avaient étouffé en eux toutes les faiblesses du corps pour ne laisser dominer que la sereine fermeté de l’âme. »

À ces vœux, exprimés avec tant de calme et de modération, Tallien et les autres réactionnaires répondirent en affectant de partager le sentiment populaire ; ils décidèrent immédiatement la nomination d’une commission de onze membres chargée d’aviser aux moyens d’examiner la constitution de 1793 et d’en préparer l’application ; ce n’était, au fond, qu’un moyen de gagner du temps et de se ménager la possibilité de fausser, par une adroite révision, le texte de l’acte constitutionnel réclamé par le peuple.

Dès le soir même, la jeunesse dorée se chargeait de démentir les promesses de Tallien ; cinq ou six mille muscadins, armés de leurs bâtons plombés, parcouraient le quartier du Palais-Royal, tuant ou blessant quiconque leur semblait suspect de jacobinisme. La Convention elle-même, aussitôt après le départ des pétitionnaires, avait entendu le rapport de Sieyès ayant pour objet d’organiser la grande police, c’est-à-dire l’ensemble des mesures destinées à assurer la défense de l’Assemblée nationale dans le cas où un soulèvement la forcerait à quitter Paris. Une telle mesure, qui, sans doute, pouvait être légitime en soi, avait, dans les conjonctures où elle était proposée, un caractère profondément irritant pour le peuple déjà surexcité.

Bientôt le bruit se répandit que la Convention voulait quitter Paris, l’abandonner à toutes les horreurs de la famine et aller, au dehors, préparer contre lui un retour offensif.

Le 12 germinal (1er avril), une circonstance funeste acheva d’exaspérer la population malheureuse ; ce jour-là, la distribution du pain eut lieu beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire et elle fut réduite de moitié. Une foule immense et furieuse, composée en grande partie de femmes et d’enfants, se rua vers la Convention, dont elle envahit la salle, et devant laquelle elle défila en poussant ce cri sinistre : « Du pain ! du pain ! »

Cette fois encore, il suffit de quelques promesses pour faire rentrer dans l’ordre ce peuple qui croyait à la République et ne voulait pas répudier les hommes qui l’avaient fondée. La foule s’écoula, fiévreuse, mais docile, quand Barras lui eut jeté ces mots du haut de la tribune : « Je somme, au nom du salut public, les citoyens qui sont ici d’en sortir. Je leur demande de se retirer dans leurs sections, où la loi les appelle… La Convention ne quittera pas son poste, comme on a voulu le faire croire ; elle fera tout pour le peuple. »

La foule n’avait pas plus tôt quitté l’enceinte de la Convention, que ce même Barras, appuyé par Fréron, Bourdon (de l’Oise), André Dumont, Merlin (de Thionville) et tous ceux qui, une heure avant, tremblaient devant le peuple, faisait décréter d’accusation une partie des députés qui siégeaient encore sur les bancs de la Montagne : Léonard Bourdon, Choudieu, Duhem, Huguet, Ruamps, Foussedoire, Araar, Chasles. Le lendemain, Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois et Barrère étaient dirigés sur le port de Rochefort et, de là, embarqués pour la Nouvelle-Guyane. Quelques jours plus tard, on arrêtait Pache, l’ancien maire de Paris, Rossignol, l’ancien général de la Vendée, Levasseur, Lecointre, Thuriot, Maignet, Hentz, Moïse Bayle, Cambon, Grassous, Granet.

On profita de cette occasion pour faire condamner à mort et exécuter Fouquier-Tinville, l’ancien procureur du tribunal révolutionnaire, ainsi que quarante et un membres et jurés de ce même tribunal, arrêtés depuis six semaines. Ces hommes avaient été implacables ; mais, en les frappant, on usa des rigueurs exceptionnelles et arbitraires dont ils avaient usé eux-mêmes, on les suivit dans leurs plus tristes errements et l’on sembla prendre à tâche de les ériger en victimes.

Toutes ces rigueurs n’étaient pas faites pour calmer le peuple, qui chaque jour souffrait davantage. Au 30 floréal (19 mai), la famine était si grande, qu’on ne distribuait plus quotidiennement que 2 onces de pain par personne.

Le désespoir était dans tous les cœurs ; la bataille, avec ses périls, s’offrait aux esprits exaltés comme une extrémité moins cruelle que les tortures de la faim ; le peuple retrouvait cette rage qui l’avait poussé jadis sur la Bastille dans la journée du 14 juillet, et sur Versailles dans les journées des 5 et 6 octobre.

Le 1er prairial an III (20 mai 1795), toute la population des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau était armée et prête à combattre Dans la nuit, une proclamation décrétant le mouvement insurrectionnel avait été affichée sur tous les murs de Paris.

« Le peuple, disait ce manifeste, arrête ce qui suit :

« Art. 1er. Aujourd’hui, sans plus tarder, les citoyens et les citoyennes de Paris se porteront en masse à la Convention nationale pour lui demander :

« 1° Du pain ;

« 2° L’abolition du gouvernement révolutionnaire, dont chaque faction abusa tour à tour pour ruiner, pour affamer et pour asservir le peuple ;

« 3° Pour demander à la Convention nationale la proclamation et l’établissement, sur-le-champ, de la constitution démocratique de 1793 ;

« 4° La destitution du gouvernement actuel, son remplacement instantané par d’autres membres pris dans le sein de la Convention nationale et l’arrestation de chacun des membres qui composent les comités actuels du gouvernement, comme coupables du crime de lèse-nation et de tyrannie contre le peuple ;

« 5° La mise en liberté, à l’instant, des citoyens détenus pour avoir demandé du pain et émis leur opinion avec franchise ;

« 6° La convocation des assemblées primaires au 25 prairial prochain pour le renouvellement de toutes les autorités qui, jusqu’à cette époque, seront tenues de se comporter et d’agir constitutionnellement.

« Les personnes et les propriétés sont mises sous la sauvegarde du peuple…

« Le mot de ralliement du peuple est : Du pain et la constitution démocratique de 1793. »

La Convention était entrée en séance à onze heures du matin ; le député Ysabeau donna lecture de la proclamation populaire. Déjà des ordres étaient lancés pour appeler au secours de l’Assemblée les sections qui avaient fait la révolution thermidorienne ; la Convention avait conscience du danger qui la menaçait ; mais, avec une énergie qu’elle retrouvait presque toujours aux heures de crise, elle se préparait à lui faire face. Elle décréta hardiment la mise hors la loi de tous les chefs d’attroupement.

À peine l’Assemblée avait-elle eu le temps de rendre ce décret, que les envoyés de la section Bonconseil arrivaient dans son enceinte ; ils firent, encore une fois, ce récit des souffrances populaires que la Convention avait déjà si souvent entendu ; ils réclamaient des mesures répressives contre les agioteurs.

« Doit-il dépendre, disait leur orateur, de la portion du peuple qui a les subsistances entre ses mains d’affamer à son gré le citoyen ?

« Les législateurs de tous les temps, de tous les pays ont établi des mesures répressives d’un abus aussi révoltant, d’une cupidité aussi criminelle.

« Soyez justes, législateurs, mais réprimez, par des mesures sages et sévères, les agioteurs, les malveillants et les affameurs. »

La Convention, sur la proposition du représentant Mathieu, vota un projet de proclamation dans lequel elle déclarait que « les besoins multipliés et pressants du peuple affectaient sa sensibilité. » En même temps, elle nommait vingt de ses membres pour se rendre dans les différentes sections…

Mais déjà ce peuple, au-devant duquel elle voulait envoyer ses délégués, les avait devancés ; les Tuileries étaient entourées d’une foule immense et menaçante. Bientôt une bande de femmes furieuses se rue jusque dans la salle même des séances. Elles montrent le poing au président, André Dumont, et poussent des clameurs furieuses : « Du pain ! Du pain ! »

Dumont se couvre pendant un quart d’heure