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Une des discussions les plus importantes de ce temps fut celle sur le droit de paix et de guerre, à laquelle prirent part notamment Barnave, Robespierre, Pétion, Lameth, Mirabeau. Ce dernier, déjà gagné à la cour, se prononça audacieusement pour la prérogative royale. L’Assemblée adopta un moyen terme, établissant en principe que le droit de paix et de guerre appartenait à la nation, mais abandonnant l’initiative au roi.

Pendant que l’Assemblée travaillait à constituer la nation en faisant encore la part si belle à la royauté, Louis XVI et Marie-Antoinette s’employaient activement pour amener une intervention étrangère. La reine correspondait sans relâche, à ce sujet, avec son frère, l’empereur Léopold. Nous verrons se développer de plus en plus ce plan, dont la trahison est la base et qui justifie à l’avance toutes les représailles de la Révolution.

Le 19 juin, l’Assemblée avait supprimé les titres de noblesse. Le 14 juillet eut lieu, au Champ-de-Mars, la grande fédération commémorative de la prise de la Bastille. Ce fut une des grandes journées de la Révolution. V. FÉDÉRATION.

Pendant que le roi et la reine correspondaient avec l’étranger, l’aristocratie et le clergé formaient partout des foyers de résistance, ravivaient le fanatisme, s’épuisaient en complots et se préparaient à la lutte.

Un événement malheureux vint fournir des prétextes à la réaction. Une sédition militaire éclata dans la garnison de Nancy et fut cruellement réprimée (31 août). V. Nancy (affaire de).

Tandis que la France épuisait ses forces pour résister aux ennemis de l’intérieur, l’Europe monarchique, excitée par la famille royale et les émigrés, et redoutant d’ailleurs la contagion de la liberté, faisait des préparatifs et des armements et massait silencieusement des troupes à portée de nos frontières. Dans le temps même qu’il protestait publiquement de sa fidélité à la constitution, Louis XVI écrivait au roi de Prusse (décembre) la lettre aujourd’hui si connue : « ... Je viens de m’adresser à l’empereur Léopold, à l’impératrice de Russie, aux rois d’Espagne et de Suède, et je leur présente l’idée d’un congrès des principales puissances de l’Europe, appuyées d’une forte armée, comme la meilleure mesure pour arrêter ici les factieux, etc. »

Dans l’intervalle, Necker avait quitté le ministère, laissant l’administration des finances dans le plus triste état. Depuis longtemps déjà son rôle était fini ; il s’était dépopularisé par ses demi-mesures, par son opposition à la création des assignats, à la suppression des titres de noblesse (lui, plébéien !), etc.

La Révolution héritait de ce lourd fardeau d’accomplir au milieu des crises la liquidation de l’ancien régime. La dette, énorme déjà, s’était accrue de charges nouvelles : remboursement des nombreux offices supprimés, restitution d’une myriade de cautionnements, rentes du clergé, etc. Une nouvelle émission d’assignats avait été décrétée ; mais la situation n’en restait pas moins grave, et, en outre, l’année 1790 se ferma tristement au retentissement de troubles qui éclataient de tous les côtés, fomentés par les prêtres, les émigrés, les aristocrates, et qui annonçaient assez qu’entre l’ancienne France et la nouvelle c’était une guerre sans merci. Le prétexte du clergé était la constitution civile et le serment constitutionnel ; mais le motif réel était la question des privilèges et des biens perdus.

L’émigration augmentait tous les jours, et bientôt Mesdames, tantes du roi, quittèrent la France pour se retirer à Rome (19 février 1791). Ce départ excita une grande fermentation ; on le rattachait à des plans de complots qui étaient loin d’être chimériques, et l’on prévoyait très-justement que les autres membres de la famille royale nourrissaient les mêmes projets de fuite.

Cet épisode amena la proposition d’une loi contre l’émigration, projet contre lequel Mirabeau s’éleva avec véhémence et qui n’aboutit pas, à cause de la forme choquante qu’on lui avait donnée, peut-être à dessein, pour la faire rejeter.

Le jour même (28 février 1791), des centaines de gentilshommes s’étaient introduits aux Tuileries, armés de pistolets et de poignards. La garde nationale, soupçonnant avec quelque raison un complot pour enlever le roi, désarma et chassa les héros de cette aventure suspecte, qui furent baptisés par les Parisiens du nom de chevaliers du poignard.

Tout cela n’était pas de nature à calmer les inquiétudes et les soupçons des patriotes.

Au milieu de toutes ces agitations, l’Assemblée continuait ses travaux, décrétait la création d’un tribunal de commerce à Paris, élaborait plusieurs grandes institutions organiques, supprimait les fermiers généraux, les droits d’aides, les maîtrises et jurandes, organisait le trésor public et les douanes, préparait l’uniformité des poids et mesures, etc.

La fin de ce premier trimestre de 1791 fut marquée par un événement qui causa une profonde émotion publique, la maladie et la mort de Mirabeau (2 avril). Après avoir joué un rôle éclatant, le grand orateur, comme on le sait, s’était mis aux gages de la cour ; mais il n’y avait encore contre lui que des soupçons parmi un petit nombre d’hommes clairvoyants, et le peuple fit éclater à sa mort une immense douleur et lui fit des funérailles splendides.

Nous renvoyons le lecteur à l’article biographique que nous avons consacré à l’illustre tribun et dans lequel nous avons raconté et sa vie et toutes les circonstances de sa mort.

À ce moment, un homme destiné à une célébrité orageuse et qui n’avait joué jusque-là qu’un rôle effacé, Robespierre, commença à prendre quelque influence, fit décréter notamment que les membres de l’Assemblée constituante ne pourraient être réélus à la prochaine législature, et s’éleva à une grande hauteur dans sa lutte contre Barnave et autres, en parlant en faveur des hommes de couleur et des esclaves.

L’éternelle question de la constitution civile du clergé continuait à servir de prétexte à l’agitation. Le pape avait lancé un bref pour flétrir et suspendre les prêtres constitutionnels ; et, d’un autre côté, les manœuvres de la cour et de l’émigration ne s’arrêtaient point ; Marie-Antoinette ne cessait de correspondre avec son frère, l’empereur Léopold, et les souverains étrangers ; le comte Mercy était un des principaux agents de ces négociations. On n’attendait que le moment d’agir, en prenant l’Alsace pour point central et en s’appuyant sur des insurrections royalistes et religieuses à l’intérieur. Les conditions de l’intervention se dessinaient ; il s’agissait d’une dislocation de nos frontières au profit des puissances coalisées,

À l’article Marie-Antoinette, nous avons esquissé quel fut le rôle de cette femme funeste en ces coupables intrigues.

Le premier acte devait être la fuite de la famille royale, sa sortie de Paris. Une première tentative fut faite le 18 avril (1791), sous le prétexte d’une installation à Saint-Cloud ; mais le peuple et la garde nationale s’opposèrent au départ.

En attendant une occasion plus favorable, Louis XVI essayait d’endormir les soupçons par de nouveaux serments publics en faveur des lois constitutionnelles, et même, avec une duplicité étonnamment jésuitique, il adressait, le 23 avril, à toutes les cours une pièce diplomatique dans laquelle il faisait un éloge enthousiaste de la « glorieuse » Révolution, ordonnait à ses ambassadeurs de notifier aux cours étrangères son irrévocable serment de maintenir la nouvelle constitution, etc.

Le 2 mai, arriva à Paris un nouveau bref du pape contre cette constitution que jurait le roi et spécialement contre la nouvelle organisation ecclésiastique. Paris répondit à cette manifestation par l’exécution traditionnelle, en brûlant, au Palais-Royal, un mannequin représentant le pape Pie VI (4 mai).

Dans le courant de ce mois, l’Assemblée s’occupa des colonies et de la situation des hommes de couleur, de l’organisation militaire et de diverses autres questions importantes.

Pendant ce temps, la famille royale préparait sa fuite. Le 22 mai, la reine en écrivait le plan à son frère Léopold, en lui demandant de la protéger par l’entrée d’un corps de 10,000 hommes du côté de Montmédy. Le 1er juin, nouvelle demande. Les négociations se poursuivaient, et, pour entamer la guerre contre la France rebelle, l’empereur promettait 35,000 hommes ; l’Espagne, la Prusse et les autres puissances devaient fournir aussi leurs contingents.

Ainsi, par leurs manœuvres criminelles, Louis XVI et Marie-Antoinette, de concert avec l’émigration, allaient ameuter l’Europe contre nous, ouvrir à l’étranger le chemin de nos foyers et nous précipiter dans des guerres sans fin.

Le projet de fuite était ancien, comme on le sait. Constamment démenti, il n’en était pas moins la base de tous les plans de contre-révolution. Plus le moment approchait, plus la famille royale redoublait de dissimulation et de basses protestations. Les préparatifs se poursuivaient, d’ailleurs, avec la maladresse la plus imprudente. Cependant l’évasion s’exécuta avec succès dans la soirée du 20 juin. Le roi et sa famille purent s’échapper des Tuileries en se dirigeant vers Montmédy, vers l’étranger. La monarchie émigrait à son tour. Bouillé avait été prévenu d’échelonner des détachements sur la route jusqu’à Châlons.

À l’article Varennes (fuite de), nous donnons tous les détails de cet événement et nous n’avons pas à les reproduire ici.

Le matin du 21, Paris se réveilla sans roi, et le canon d’alarme, en annonçant la grande nouvelle par ses mugissements, semblait avertir les citoyens des suprêmes périls et annoncer que la monarchie parjure et fugitive allait déchirer la patrie par la guerre étrangère et la guerre civile.

La vaillante cité ne faiblit pas ; en un instant elle fut tout entière debout, prête à faire face à une tentative possible de contre-révolution. À ce moment, l’idée de la république se présenta à beaucoup d’esprits comme une solution logique et nécessaire. Mais la plupart des hommes politiques hésitaient encore en raison de la gravité des circonstances.

Les constitutionnels purs, les feuillants, y compris La Fayette, se sentant dépassés, réagissaient et s’obstinaient à vouloir sauver le principe de la royauté, quoiqu’ils eussent été également joués et trompés par elle. Ils inventèrent cette fiction que Louis XVI avait été enlevé.

Toutefois, l’Assemblée montra de la vigueur et prit toutes les mesures d’urgence, tout en réagissant aussi contre le mouvement républicain.

On sait que la famille royale fut arrêtée à Varennes, grâce à l’énergie et à la vigilance du maître de poste Drouet, et ramenée à Paris, escortée par des centaines de mille hommes. Le peuple accueillit ce cortège la tête couverte et dans un silence glacé.

Cette rentrée était bien, suivant l’expression de Fréron, le convoi de la monarchie.

Rentré aux Tuileries, le roi fut désormais gardé à vue, pour ainsi dire interdit de fait ; et, par une contradiction singulière, pendant ce temps l’Assemblée achevait imperturbablement une constitution qui consacrait la royauté, alors qu’elle s’éteignait si visiblement et qu’elle se séparait de la France en faisant appel aux puissances étrangères.

C’était là l’œuvre des feuillants et des constitutionnels de la nuance de Barnave (lequel était gagné à la cour), qui voulaient garder l’institution de la monarchie comme un rempart contre les progrès de la démocratie.

On dicta à Louis XVI de nouvelles protestations en faveur de la constitution, qu’il signa sans scrupule, pendant qu’il poussait de plus en plus activement ses négociations avec la cour de Vienne.

Au milieu de cette espèce d’interrègne (puisque la plupart des pouvoirs avaient passé aux mains de l’Assemblée), la république fit son apparition. La société des Cordeliers s’était prononcée en faveur de cette forme de gouvernement et cette opinion gagnait de plus en plus du terrain. Elle recueillit successivement des adhésions précieuses, celles de Condorcet, de Thomas Payne, de Brissot, de Camille Desmoulins, du cercle des époux Roland, etc.

Ce fut pendant cette crise, où la France était en travail pour l’enfantement de l’idée républicaine, que les restes de Voltaire furent ramenés triomphalement à Paris et, suivant un décret de l’Assemblée, déposés au Panthéon (11 juillet).

Quelques jours plus tard, l’agitation antimonarchiste, surexcitée par l’indulgence de l’Assemblée à propos du fait de la fuite royale, aboutit à un événement grave et tragique.

Le dimanche 17 juillet, les citoyens se rendirent au Champ-de-Mars pour signer, sur l’autel de la Patrie, une pétition demandant la déchéance du roi. Ce mouvement, d’ailleurs tout pacifique, fut cruellement réprimé dans le sang des pétitionnaires. Nous avons amplement raconté ce triste épisode à l’article massacre du Champ-de-Mars, auquel nous renvoyons le lecteur.

Le parti feuillant, qui avait ainsi cru sauver la royauté, anéantir le parti populaire et assurer sa propre domination par sa politique cauteleuse et violente, était néanmoins effacé, perdu ; il s’était noyé dans son triomphe, c’est-à-dire dans le sang. De plus en plus isolés, ses principaux meneurs firent de nouveaux pas vers la droite, qui n’accueillait, d’ailleurs, leurs avances qu’avec mépris, car ce n’était pas une contre-révolution mitigée qu’on demandait de ce côté, mais le rétablissement complet de l’absolutisme et de l’ancien régime.

À ce moment, la tactique des Duport, des Lameth, des Barnave, des Malouet et autres était d’obtenir ta révision de la constitution, sous prétexte d’en coordonner les matériaux, d’en rassembler les parties. Il s’agissait, en effet, de former un tout, un code unique de tant de lois et décrets rendus depuis 1789, de faire, en un mot, un travail de classification, de condensation et de synthèse : excellente occasion pour revenir sur bien des points, amoindrir la portée des réformes faites dans le premier moment d’ivresse, enfin pour rendre le plus de pouvoir possible au roi.

Cette grosse affaire de la révision fut menée comme un complot, mais avorta en grande partie, et le code des lois constitutionnelles, s’il subit quelques remaniements, n’eut pas à subir de mutilations trop graves.

Ce travail s’accomplit dans le courant du mois d’août. Le 3 septembre, une députation de l’Assemblée présenta l’acte constitutionnel au roi, qui, le 13, formula son acceptation dans les termes les plus solennels. Le lendemain, il vint à l’Assemblée prononcer avec apparat le serment constitutionnel et signer la constitution, qui fut proclamée dans toute la France le 18 avec une pompe inouïe et au milieu des démonstrations les plus passionnées de la joie publique.

C’était, en effet, un grand événement, et, quelles que fussent ses graves imperfections, l’œuvre des constituants n’en fut pas moins la première de nos chartes de liberté, le pacte social le plus parfait qui jusque-là eût régi un peuple. V. constitution de 1791.

Pendant que le peuple s’abandonnait à l’enthousiasme, pensant que la mise en pratique de la constitution allait dater pour la nation l’ère de la félicité publique, de la justice et de la liberté, la cour continuait ses intrigues avec l’étranger ; la coalition des rois se formait contre nous, quoique lentement et péniblement, à cause des complications européennes et des rivalités ; enfin, l’Autriche et la Prusse venaient de signer le fameux traité de Pilnitz, point de départ du concert de l’Europe monarchique contre la Révolution.

C’est sous le coup de ces éventualités menaçantes que l’Assemblée constituante acheva ses travaux. Un de ses derniers décrets fut celui qui prononçait la réunion d’Avignon et du Comtat-Venaissin à la France. Ses indécisions, sa lenteur avaient causé bien des calamités dans ce malheureux pays. Nous parlerons plus loin de ces déplorables événements.

Les opérations électorales se poursuivaient dans toute la France, et enfin, lorsqu’elles furent terminées, l’Assemblée se sépara pour faire place à la nouvelle législature (30 septembre 1791).

Le lendemain, premier octobre, était le jour fixé pour la réunion de l’Assemblée législative. Dans leurs justes défiances, les auteurs de la constitution n’avaient pas voulu qu’il y eût un seul jour d’interrègne parlementaire, que la royauté demeurât une minute le seul pouvoir en exercice sans que le conseil de la nation fût là pour contrôler ses actes et pour la contenir et la réprimer au besoin.

La Constituante a élaboré plus de trois mille lois, actes et décrets consacrés à la liquidation de la société ancienne, à l’organisation de la France nouvelle. Beaucoup de ses créations politiques ont disparu ou ont été modifiées ; mais ses réformes matérielles ont été presque toutes définitives. Aucune réaction n’a pu reconstruire la vieille société. Napoléon a pu restaurer l’administration et le gouvernement de l’ancien régime, mais non son organisation sociale, absolument détruite et pour jamais.

Il serait superflu de mettre en relief le grand caractère de cette Assemblée, autant qu’il serait puéril de dissimuler ses erreurs, ses défaillances, ses entraînements de réaction, ses fluctuations de toute nature.

Quelles qu’aient été ses fautes, ses tergiversations, les intrigues des coteries formées dans son sein, ses velléités antipopulaires, ses fausses mesures et ses contradictions, on n’oubliera jamais qu’elle a, d’une main souveraine, détruit le vieux monde et posé les premières assises du nouveau, brisé des institutions de quinze siècles, anéanti la féodalité, balayé les parlements et toute la vieille magistrature, saisi les biens du clergé et accompli une véritable révolution agraire en faisant passer la terre aux mains du paysan, subordonné la royauté et tous les pouvoirs publics à la nation, placé la loi au-dessus de tout, réorganisé l’armée, la justice, l’administration, les finances, tout réformé, enfin, suivant l’idéal de justice et de droit que ses membres portaient en eux et qui était le résumé de la philosophie du XVIIIe siècle.

On chercherait en vain dans l’histoire des nations une assemblée politique, un pouvoir quelconque qui ait fait table rase des institutions du passé avec autant de résolution. Royauté, féodalité, noblesse, magistrature, clergé, toutes ces formidables puissances sociales, ces colonnes de l’ordre ancien ont été renversées, par les mains de ce Samson, V. Assemblée nationale constituante.


DEUXIÈME SECTION.
L’Assemblée législative. Fin de la royauté.

L’Assemblée nouvelle apparaît déjà comme une ébauche de la Convention, et presque aussitôt elle entre en lutte avec la royauté, qu’on savait en révolte sourde contre la constitution et la liberté nationale.

On sait que la Constituante avait décidé qu’aucun de ses membres ne pourrait faire partie de la législature suivante.

Les nouveaux députés se réunirent le 1er octobre 1791. La plupart étaient jeunes, comme la Révolution et comme l’espérance. La Gironde apparaît ; bientôt elle va régner, car les constitutionnels purs sont dépassés et vont se classer à droite.

Beaucoup craignaient que la première Assemblée de la Révolution n’eût épuisé tous les talents, et ce ne fut pas sans une certaine appréhension qu’on vit s’asseoir sur les sièges des grands constituants ce bataillon de jeunes inconnus. Crainte chimérique, car on vit reparaître dans la nouvelle Assemblée une génération non moins brillante, une élite riche de sève, de talent et d’énergie. D’ailleurs, la plupart des nouveaux députés s’étaient déjà formés à la vie publique dans les administrations élues, dans le journalisme, etc., et beaucoup étaient des hommes éminents ou distingués. Il suffira de citer : Lacépède, Cerutti, Bigot de Préameneu, Hérault de Séchelles, Quatremère de Quincy, Pastoret, Garran de Coulon, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Ducos, Brissot, Condorcet, Fauchet, Lasource, Isnard, Carnot, Cambon, Merlin de Thionville, Basire, Couthon, etc.

Le moment était grave : l’émigration et la cour continuaient leurs complots, les prêtres fomentaient la guerre civile, enfin les rois se préparaient et la déclaration de Pilnitz apportait une menace à la France nouvelle.

Après les formalités de sa constitution, l’Assemblée prêta d’enthousiasme ce noble serment de « vivre libre ou mourir, » que nous n’avons que trop souvent oublié depuis,

Ses premiers actes annoncèrent assez que