Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 14, part. 1, S-Scip.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SALM

rent l’adoration du Dieu d’Israël k leurs croyances nationales et formèrent plus tard, par leur croisement avec les Juifs restés dans le pays, le peuple samaritain. Salmanasar soumit aussi la Phéuicie, mais il échoua devant Tyr, qui conserva son indépendance jusqu’à Nabuehodonosor.

SALMANTICA, ville de l’Espagne ancienne, appelée aujourd’hui Salamanqub.

SALMARE s. m. (sal-ma-re — du lat. sal, sel ; mare, mer). Nom proposé pour désigner le sel marin.

SALMARINE s. f. (sal-ma-rï-ne — du lat. salmo, saumon ; marinus, marin). Ichthyol. Espèce de saumon,

— Encycl. La salmarine a le corps allongé et arrondi, couvert d’écaillés petites et adhérentes ; la tête arrondie, à museau court et obtus ; la gueule de grandeur médiocre, mais munie de nombreuses dents ; le dos orangé, moucheté de taches jaunes ; les côtés et le ventre d’un rouge pâle ; les nageoires d’un rouge plus vif, ainsi que la queue, qui est large-et fourchue. Ce poisson, qui dépasse rarement le poids de 1 kilogramme, se trouve communément aux environs.de Trente ; il se plaît dans les eaux courantes ou dormantes, mais fraîches et à fond caillouteux, et fraye au commencement de l’été. Sa chair est tendre et aussi agréable au goût que celle de la truite ; « on en permet l’usage aux convalescents. Mais elle ne se garde pas longtemps et on est obligé de la saler, d’où le nom de salmarino donné à l’espèce dans le pays.

SALMAS1E s. f. (sal-ma-zl). Bot, Syn. de

TAÇHIBOTE.

SALMÉE s. f. (sal-mé — de Salm, botan. belge). Bot. Genre d’arbrisseaux, de la famille des composées, tribu des astérées, comprenant plusieurs espèces, qui croissent en Amérique, principalement aux Antilles.

SALMEGGIA (Eneo), dit il Talpiuo, peintre italien, né à Bergame, mort en 1G26. Il travailla sous la direction de Campi et de Procaccini, puis il se rendit k Rome, consacra quatorze années à l’étude de l’œuvre de Raphaël et devint un des plus habiles imitateur de ce maître, dont il n’a pu cependant acquérir le *iyle grandiose et l’entente de composition. Parmi ses plus belles toiles, on cite : le Saint Victor, ’pour le couvent des Olivétains de Milan ; le Jésus-Christ au jardin des Oliviers et la Flagellation, h l’église de la Passion de la même ville ; Jésus-C/trist dans une gloire, k Bergame. Salmeggia a aussi écrit, en 1607, un Traité sur la peinture.

SALMERIN s. m. (sal-rae-rain). Syn. de

SALMARINE.

SALMERON (Alphonse), théologien espagnol, un des six premiers disciples d’Ignace de Loyola, né à Tolède en 1515, mort à Naples en 1585. Saint Ignace le choisit pour un de ses coopéra teurs dans l’établissement de la Société de Jésus. Il signala son talent pour la controverse en divers pays de l’Europe, fut nommé nonce apostolique en Irlande et orateur du saint-siége au concile de Trente. 11 a laissé des commentaires sur l’Écriture et des écrits théologiques d’un style facile, mais diffus.

SALMERON (Cristoval-Garcia), peintre espagnol, né à Cuença en 1603, mort en 1666. Élève d’Orrente, il est connu par son Combat des taureaux, où il s’est peint lui-même, et par la Nativité du Sauveur, que l’on voit dans l’église de Saint-François, à Cuença.-Son frère, François Salmekon, né à Cuença en 1608, est l’auteur de plusieurs tableaux, dont la plupart n’ont pas quitté sa ville natale et qui sont remarquables par une grande vivacité de coloris. François Salmeron est mort avant l’âge de vingt-quatre ans.

SALMERON (Nicolas), homme d’État espagnol contemporain. Il lit partie, sous le régne d’Isabelle, du petit nombre des républicains qui espérèrent régénérer l’Espagne eu provoquant l’avènement d’un gouvernement démocratique. Après la révolution de 1868, qui aboutit à l’élection d’Amédée comme roi d’Espagne, il siégea aux cortés, où il se fit remarquer par son éloquence et par l’élévation de ses idées. Toutefois, il ne fit point partie du comité directeur républicain, à la tête duquel se trouvaient Pi y Murgal, Castelar et Figueras. Lorsque Ainédée abdiqua, M. Salmeron fut nommé par les.cortês membre du gouvernement provisoire de la république (il février 1873) et reçut le portefeuille de grâce et de justice. Il se démit de ces fonctions, qu’il remplit avec beaucoup d’habileté, en même temps que Figueras se démettait de la présidence du conseil. Elu président des cortés constituantes le 13 juin suivant, il déclara, en prenant possession du fauteuil, que la démocratie ne représentait pas la domination d’un parti et s’attacha à tranquilliser les conservateurs en les engageant à ne pas redouter l’avènement de la république démocratique. Pi y Marg’al ayant donné sa démission de chef du pouvoir exécutif le 18 juillet, M. Salinerou fut désigné par les cortés pour lui succéder ; on se trouvait dans les circonstances les plus difficiles. En ce moment, en effet, l’insurrection carliste s’étendait dans le nord de l’Espagne, où venait d’arriver le prétendant don Carlos, pendant que dans le Midi les intransigeants

xiv.

SALM

s’insurgeaient et propageaient la guerre civile. Dans un éloquent discours-programme qu’il prononça aux cortés le 19 juillet, M. Salmeron déclara qu’il était républicain fédéral, mais qu’il voulait rétablir l’empire de la loi et qu’il combattrait à la fois la démagogie et les carlistes. Il prit, en effet, des mesures énergiques pour comprimer les désastreuses insurrections carliste et cantonaliste et pour réorganiser l’armée. Répondant, le 30 août, à M. Orense, qui demandait qu’on amnistiât les insurgés : « J’estime, dit-il, que l’art de gouverner n’est point l’art de transiger et de permettre à tout le monde de suivre ses caprices, mais que gouverner c’est soumettre tout le peuple à l’empire de la loi. Si vous accordiez l’amnistie à ces rebelles qui se sont levés sottement, lâchement, pour blesser la république au cœur, si vous amnistiez ces hommes, vous exposeriez la liberté aux colères de l’absolutisme et feriez le vide autour de nous. » Toutefois, il se refusa, parce qu’il avait toujours été partisan de l’abolition de la peine de mort, à approuver des sentences capitales prononcées contre des soldats et considérées comme nécessaires pour rétablir la discipline. Lorsque, le 4 septembre, les cortés rejetèrent l’amendement de M. Navarrete, supprimant la peine de mort dans la loi militaire, il donna sa démission (5 septembre). Castelar lui succéda alors comme chef du pouvoir exécutif, et M. Salmeron fut élu, le 7, président des corLès, poste qu’il occupa avec une grande distinction jusqu’au jour où cette assemblée fut violemment dissoute par suite du coup d’État du général Pavia (3 janvier 1874). Depuis cette époque, M. Salmeron a vécu dans la retraite. Républicain austère, convaincu, orateur éloquent, voulant une démocratie grande et pure, Al. Nicolas Salmeron a mérité l’estime de tous les partis.

SALMIAG s. m. (sal-mi-ak — abréviation de sel ammoniac). Ane. comm. Nom marchand du sel ammoniac.

SALMIE s. f. (sal-mî — de Salm, botan. belge). Ilot. Syn. de cahludovique et de sanséviére.

SALMIGONDIS s. m. (sal-mi-gon-dîpeut-être du mot salmis, amplifié du latin r.onditus, accommodé, assaisonné). Art culin. Ragoût de plusieurs sortes de viandes réchauffées : Il fil un salmigondis de toutes les viandes gui étaient restées de la veille. (Acad.)

— Fain. Réunion de choses entassées sans ordre : Ce livre-est un salmigondis il y a quelques bonnes choses parmi cent pauvretés. (Acad.) li II se dit également des événements, ainsi que des actions des hommes : Le comte de Brion avait été deux fois capucin et faisait un salmigondis perpétuel de dévotion et dépêchés. (Cal de Retz.) C’est un Salmigondis d’événements réels et d’inventions fantastiques. (P. de St-Victor.)

— Hist, Nom ironique donné, pendant la Révolution, à un club qui se forma à l’hôtel de Salin.

SALMIS s. m. (sal-mi. — Scheler demande si ce mot ne reproduirait pas un type saïgamicius, du latin salgama, chose confite dans la saumure ; de sal, sel). Art culin. Ragoût fait avec des pièces de gibier déjk cuites k la broche : Salmis de perdrix. Salmis de bécasses.

— Encycl. L’un des meilleurs salmis se fait avec le perdreau ; le salmis chaud de perdreau s’obtient en pilant les débris dans un mortier, en les plaçant dans une casserole, avec bouillon, échalotes, laurier, persil, bourre et farine. Lorsque cette sauce est bien cuite, on pusse au tamis. On fait chauffer les morceaux, ailes, cuisses, estomac, croupion, et on verse la sauce par-dessus.

Pour obtenir le salmis froid, on verse la sauce sur les morceaux sans faire chauffer ces derniers. Les salmis des autres gibiers se font à peu près de la même manière.

Salmis du chasseur. Ce salmis se fait avec un canard sauvage sorti de la broche ; on lui enlève les cuisses et les filets pour les mettre de côté, on jette les débris dans une casserole, on les saute en y ajoutant du sel, du poivre, une ou deux cuillerées d’huile à manger, un ou deux verres de vin de Bordeaux ou d’un autre vin spiritueux et aromatique, et l’on aiguise le tout avec le jus d’un citron qu’on exprime dessus au moment de servir.

Salmis du bernardin. La recette du salmis du bernardin avait été donnée à Grimod de La Reynière par le procureur d’une abbaye de bernardins ; ce célèbre gourmand, après avoir annoncé qu’il possédait cette recette, crut devoir en réserver la connaissance à ses amis les plus intimes ; mais bientôt, pressé par les sollicitations de tous ses lecteurs, il livra sa recette à la publicité dans les termes suivants :

« C’est une de ces compositions aimables et faciles dont la table est le berceau, qu’on prépare- au milieu même du festin et sous les yeux des convives, qui la trouvent d’autant meilleure que, témoin attentif de tous les procédés, chacun croit qu’elle est son ouvrage.

En général, la cuisine a cela de commun avec les lois, qu’il ne faut pas la voir faire pour la trouver bonne. Ce salmis, au contraire, ne redoute ni les regards ni la déli SALM

catesse des spectateurs, et la propreté qui préside à sa confection n’est pas un des moindres charmes qui le distinguent. Il s’applique indistinctement à toute espèce de gibier noir et à sang froid des plaines, des furets, des marécages et des montagnes... Prenons ici pour exemple les bécasses ; il sera facile d’appliquer le même procédé à d’autres oiseaux, et, quant aux doses, on se réglera sur le nombre et la grosseur des pièces.

On prend trois bécasses "ou quatre bécassines, rôties a la broche, mais peu cuites ; on les divise selon les règles de l’art, ensuite on coupe en deux les ailes, les cuisses, l’estomac et le croupion ; on range, à mesure, ces morceaux sur une assiette.

Dans le plat sur lequel on a fait la dissection, et qui doit être d’argent, on écrase les foies et les déjections de l’oiseau, et l’on exprime le jus de quatre citrons bien en chair et les zestes coupés très-mince d’un seul. On dresse ensuite sur ce plat les membres découpés qu’on avait mis à part, on les assaisonne avec quelques pincées de sel blanc et de poudre d’êpices fines (à défaut de cette poudre, on mettra du poivre fin et de la muscade), deux cuillerées d’excellente moutarde et un demi-verre de très-bon vin blanc. On met ensuite le plat sur un réchaud à l’espritde-vin, et l’on remue pour que chaque morceau se pénètre de l’assajsonnement et qu’aucun ne s’attache.

On a grand soin d’empêcher le ragoût de bouillir ; mais lorsqu’il approche de ce degré de chaleur, on l’arrose de quelques filets d’excellente huile vierge. On diminue le feu et l’on coutinue de remuer pendant quelques instants. Ensuite on descend le plat et l’on sert tout de suite et à la ronde, sans cérémonie, ce salmis devant être mangé très-chaud, »

SALMON (Pierre), surnommé le Fi-uiciîer,

écrivain français qui vivait dans la seconde moitié du xive siècle et au commencement du xve. Secrétaire et confident de Charles VI, il fut chargé de plusieurs missions importantes, notamment auprès du roi d’Angleterre, auprès du pape et auprès du roi de Bourgogne. Il a laissé : les Demandes faites par le roi Charles VI touchant l’Estai et le gouvernement de sa personne, avec les réponses de Salmon, et les Lamentations et épistres de Pierre Salmon. La Bibliothèque de Paris possède deux manuscrits de cet ouvrage, l’un orné de miniatures, l’autre sur papier sans aucun ornement. La première partie des Demandes de Salmon a été publiée en 1833 par Crapelet (tome II de la Collection des anciens monuments de l’histoire et de la langue française) ; neuf des miniatures du premier des manuscrits de la Bibliothèque de Paris y sont reproduites.

SALMON, médecin français qui vivait dans la première moitié du xvne siècle. On doit à ce savant un ouvrage intitulé : Bibliothèque des philosophes chimiques (Paris, 1672-1678, 3 vol.), qui renferme les principaux écrits alchimiques des maîtres de la science hermétique. On y trouve notamment des œuvres de Nicolas Flamel, de Bernard le Trévisau, de Denis Zélaire, ainsi que les fameux écrits anonymes connus sous le nom de Fourbe des philosophes et Véritable Phitalèthe. Malgré de nombreuses éditions successives qui en ont été faites, cet ouvrage est aujourd’hui d’une excessive rareté.

SALMON (Thomas), écrivain musical anglais, mort vers 1710. Professeur au collège de la Trinité, k Oxford, il s’est fait connaître par les ouvrages suivants : Essay to the advancement of music (Londres, 1672, in-8o) ; A proposai to perform music in perfect and mat/tematical proportions (Londres, 1G88, in-4o)..Dans ces ouvrages, il propose un nouveau système pour simplifier la musique, par l’adoption d’une notation universelle, par la suppression de la diversité des clefs, et il imagine d’indiquer par des lettres romaines les notes sur la portée.

SALMON (Nathanael), antiquaire anglais, né à Mepsall vers 1676, mort à Bishop’s sitoiford en 1742. Il suivit la carrière ecclésiastique, puis il résigna sa cure, étudia la médecine et exerça pendant toute sa vie à Bishop’s Storfortl. Les ouvrages qu’il a publiés sont exclusivement consacrés aux antiquités nationales. Citons, entre autres : Survey of the Boman stations in England (Londres, 1726, in-8o) ;History of Hertfordshire (1728, in-fol.) ; Lives of the English bishops (l~33, i u-8°) ; The antiquilias of Surrey (1736, in-8o) ; The history and aniiquities of Essex (1740, iu-fol.).

SALMON (Thomas), littérateur anglais, frère du précédent, né à Mepsall, mort à Londres en 1743. Successivement marin, négociant dans les Indes, maître de café à Cambridge, il vint à Londres mettre sa plume aux gages des libraires et publia, entre autres ouvrages : Modem history or présent state of ail nations (Londres, 3 vol. in-fol.) ; The state of the universities and of the five adjacent counties (1744, in-8o) ; The chronological kisiorian (2 vol. in-8o) ; Éislory of England (12 vol. in-8o) ; General description of England (2 vol. in-8o) ; Essay on marriage (in-8°), etc.

SALMON (François), érudit, né à Paris en 1676, mort à Chaillot en 1736. Il se fit recevoir docteur en théologie en 1702. Son érudition et sa connaissance spéciale de la langue hébraïque lui valurent le titre de bibliothécaire de la Sorbonne. On lui doit : Traité

SALM

123

de l’élude des conciles et de léurs collections (Paris, 1724, in-4o).

SALMON (l’abbé), poste français, mort en 1782. Il a publié des Poésies sacrées avec les Distiques moraux de Caton traduits en vers françois (Paris, 1715, in-12 ; 2e édit., 1752, in-12) ; la traduction des Distiques a été publiée de nouveau par M. Boulard en 1798 et en 1803, L’abbé Salmon a traduit en entier, en vers, les œuvres d’Horace : Œuvres d’Horace traduites en vers françois, etc. (Paris, 1752, 5 vol. in-12).

SALMON (Marie), née vers 1761, morte à une date inconnue. Le nom de Marie Salmon rappelle un procès célèbre, une de ces erreurs judiciaires si fréquentes depuis les ordonnances de François Ier et de Louis X.IV, et dont notre législation criminelle s’est inspirée à son insu. Voici les faits : En 1780, un jour du mois d’août, une jeune paysanne d’environ dix-neuf ans, nommée Marie Salmon, vint à Caen pour s’y -placer comme servante ; grâce k d’excellentes recommandations, elle entra dans une famille bourgeoise composée de sept personnes. Cinq jours après son entrée à la maison, le chef de la famille, âgé de quatre-vingt-six ans, expirait à la suite de vives douleurs qui firent supposer un empoisonnement. Une autopsie fut ordonnée, et le procès-verbal attribua la mort à la présence de l’arsenic, mêlé k du vin. Le lendemain de cette constatation, d’autres personnes de la famille se plaignirent d’avoir éprouvé des souffrances semblables. On chercha quel pouvait être l’auteur de cette criminelle tentative, et les soupçons s’arrêtèrent sur Marie Salmon. Aussitôt, le procureur du roi près le bailliage de Caen la fit conduire en prison, ordonna qu’elle fût mise au secret, et, k la suite de longs débats, l’accusée fut condamnée • k la question préalable, > puis elle devait être « attachée k un , poteau avec une chaîne de fer, pour être brûlée vive, son corps réduit en cendres, etc. »

Le 17 mai 1782, cette sentence fut confirmée au parlement de Rouen.

C’était k Caen que la jeune fille devait être exécutée. Elle était déjà dans la chambre de la torture, d’où elle allait être conduite au bûcher préparé sur la place publique, lorsque, ne voyant plus aucun autre moyen de retarder son supplice, elle eut recours à la déclaration qu’autorise encore aujourd’hui l’article 27 du code pénal. Ce mensonge, que lui avait inspiré la crainte de la mort, ne pouvait toutefois prolonger longtemps sa vie. Deux mois après, le 29 juillet 1782, on la conduisit de nouveau au bûcher. Cette fois, il n’y avait plus pour elle aucune chance de salut. Il fallait se résigner à mourir. Tout à coup arrive de Versuilles un ordre du roi qui suspend l’exécution de l’arrêt.

Un avocat de Rouen, nommé Le Cauchois, ayant examiné attentivement la procédure, avait conçu des doutes sur la culpabilité de Marie Salmon et avait eu heureusement assez de crédit pour obtenir l’ordre royal. Les protecteurs de Marie Salmon profilèrent de ce premier succès pour faire délivrer des lettres de révision qui furent adressées au parlement de Rouen. La révision dura trois ans. Pendant ce temps, Marie Salmou resta enfermée idans la prison. Le 12 mars 1785, un arrêt du parlement de Rouen annula la sentence du bailliage de Caen et ordonna un plus ample informé. Mais le roi annula ce nouvel arrêt et renvoya le procès au parlement de Paris. Un des plus célèbres avocats —du temps, Fournel, demanda, au nom de sa cliente, la nullité de la procédure, la décharge des accusations et la permission de prendre à partie les officiers du bailliage de Uaen. Il publia une consultation remarquable, où il établit que Marie Salmon était entièrement innocente du crime dont elle avait été déclarée coupable. Pendant trois jours, les 21, 22 et 23 mai, l’affaire fut délibérée en parlement. Le 23, un arrêt fut rendu qui mettait au néant la sentence du bailliage de Caen, ordonnait la mise en liberté de la fille Salmon et l’autorisait k poursuivre ses dénonciateurs.

La Gazette des tribunaux de l’année 1786 (t. XXI, n° 16), après avoir rapporté le dispositif entier de l’arrêt, donne les détails suivants : « Il est difficile d’exprimer la sensation que cet arrêt produisit dans le public, qui s’était porté en foule du côté de la Tournelle. La fille Salmon, au sortir de l’interrogatoire qu’elle avait subi, avait été conduite dans la chambre de Saint-Louis pour y attendre son jugement ; mais, aussitôt que la nouvelle de l’arrêt d’absolution eut été annoncée, un applaudissement universel manifesta la joie publique. Tout le monde voulut voir cette infortunée. Pour la soustraire k des empressements qui auraient pu lui faire courir un nouveau danger, des personnes prudentes la filent entrer dans l’intérieur du barreau, où elle se trouva défendue contre l’affluence des spectateurs qui se pressaient autour d’elle, mais dans une situation assez favorable pour n’être point dérobée aux regards du public. La satisfaction générale éclata alors de nouveau par des applaudissements et des libéralités abondantes.

C’est un usage au palais qu’un prisonnier déclaré innocent est reconduit par la grande porte, dite belle porte, et qui donne sur le grand escalier de la cour du Mai, Lorsque les gardes qui devaient accompagner la

17