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lion décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. »

La prestation publique et solennelle du serment civique fut un véritable délire patriotique qui se prolongea pendant une quinzaine de jours et qui se communiqua à tome la nation. On vit apparaître pour la première fois des autels de forme antique sur lesquels on jurait ; ils portaient le nom d’autel de la Patrie. Le premier fut dressé sur le boulevard ; un autre fut élevé à, Notre-Dame, où l’Assemblée, la Commune, les magistrats, lagarde nationale, etc., vinrent solennellement (le 14) prononcer le serment sacré.

Le serment civique devint une institution officielle. Tout citoyen parvenu à l’âge de vingt et un ans dut le prêter devant sa municipalité ou le commissaire de sa section pour être admis dans les assemblées primaires ; les fonctionnaires, les militaires, tes ecclésiastiques y étaient astreints.

Au 10 août, pendant le combat, l’Assemblée législative décrète un appel nominal pour faire jurer à chaque membre de maintenir la liberté, l’égalité, ou de mourir à son poste. Le 15, décret pour imposer ce nouveau serment à tous les fonctionnaires publics. Le 4 septembre, les membres de l’Assemblée jurent de s’opposera la royauté soit d’un Français, soit d un étranger.

Le serment de haine à la royauté fut dès lors officiel ; beaucoup l’ont prêté qui sont devenus princes et rois. Les fonctionnaires y étaient astreints, sous peine de déportation. Le 22 nivôse an V (il janvier 1797), on ajouta a la formule de haine à la royauté les mots et à l’anarchie, qui furent supprimés le 12 thermidor an VIII après de longues discussions. À cette époque, le serment officiel comprenait aussi la fidélité à la nouvelle constitution, celle de l’an III.

Depuis, aucun gouvernement n’a manqué de faire jurer la constitution, excepté cependant la République de 18-18, qui abolit le serment politique. Le président de lu République seul était astreint au serment. On sait comment Louis Bonaparte a tenu le sien, ce qui ne l’a pas empêché de rétablir le serment politique, qui a été supprimé de nouveau après le 4 septembre 1870.

Serment du Jeu de paume. V. JEU DE

PAUME.

SEHHEiNT (Louise-Anastasie), femme de lettres française, née à Grenoble en 1642, morte à Paris en 1692. Kile est connue surtout par les relations d’amitié qu’elle entretint avec Pavillon, Quinault, Corneille et avec tous les beaux esprits de son époque ; quelques-uns même ne dédaignaient pas de la

consulter sur leurs ouvrages. Elle a composé des poésies qui ont été insérées dans le recueil des pièces académiques publiées par Guyonnet de Vertrou sous le titre de : la JVowvelte Pandore (1698, 2 vol. in-12). Ses vers manquent généralement de chaleur, de force, mais Us ne sont pas dépourvus de grâce et de sentiment,

SERMET (Antoine-Pascal-Hyacinthe), prédicateur ordinaire du roi, évéqua constitutionnel de la Haute-Garonne, né à Toulouse en 1732, mort à Paris en 1808. Entré dans l’ordre des Carmes déchaussés, où il avait pris le nom de Père UjneimUe, il y acquit de la réputation comme prédicateur, devint provincial de son ordre et fut admis dans les Académies des sciences, inscriptions et belleslettres de Toulouse et de Momaubaii. S’étant signalé par son patriotisme au commencement de la Révolution, il fut nommé aumônier de la légion de Saint-Génies, puis évêque métropolitain de la Haute-Garonne. Sacré à Paris le 26 avril 1791, il exerça l’épiscopat en dépit des protestations de l’archevêque de Toulouse. Jl interrompit pendant quelque temps sous la l’erreur l’administration de ses ouailles, reprit ensuite possession de son évêché, adhéra à la deuxième encyclique des constitutionnels et assista au concile de 1797, dont il fut nommé l’un des vice-présidents, ainsi qu’à ceux de Carcassonne en 1800 et de Paris en 1801. Peu de temps après ce dernier concile, Sermet donna sa démission. Selon quelques autéirs, au moment de sa mort il se convertit k l’orthodoxie ; mais ce fait est nié catégoriquement par l’abbé Grégoire, auteur d’une oiaison funèbre du Père Serinet. Le Père Sertnet a publié un grand nombre d’opuscules politiques en français et eu provençal et deux dissertations historiques insérées en 1790 dans les Mémoires de 1 Académie des sciences de Toulouse.

SEBM1DE, ville du royaume d’Italie, province et à 57 kilom. S.-E. de Mantoue, ch.-l. de district et de mandement ; 5,647 hab. Tanneries, teintureries.

SE1UM1N1 (Gentile), romancier italien, né à Sienne au commencement du xve siècle. On ne sait rien sur sa vie. Il a écrit un recueil de quarante-cinq contes dans le genre de Boecace. Onze de ces quarante-cinq contes ont été publiés en 1796 dans la collection Poggiali, à Livourne (t. 1er). L’éditeur y a joint une pièce du même Sermini sur le Jeu à coups de poing (Giuoco délie pugne), qui aujourd’hui encore, sous le nom ce boxe, fait les délices de nos voisins d’outre-Manche, et qui, à ce qu’il paraît, était déjà à la mode au xve siècle en Italie.

SËRMIONE, le Sirtnio des Romains, bourg du royaume d’Italie, province et district dt

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Brescin, mandement et à 12 kilom. N.-E. de LonatOj sur une petite presqu’île du lac de Garde ; 580 hab. Le poëte Catulle serait, d’après quelques savants, né à Sermione, où l’on montre encore (1875) une maison aujourd’hui en ruines, qu’il aurait autrefois habitée.

SERMOCINATION s. f. (sèr-mo-si-na-si-on

— bas lat. sermocinatio ; de sermo, discours). Ane. rhétor. Figure par laquelle on rapporte un discours que l’on attribue à quelque personne, en ayant soin de lui faire parler un langage convenable à son caractère, à son rang.

SERMOLOGE a, m. {sèr-mo-lo-je — de sermon, et du gr. logos, discours). Recueil do sermons. Il Vieux mot.

SERMON s. ni. (sèr-mon — du lat. sermo, discours). Discours prononcé en chaire sur un sujet religieux : Les sermons de l’aoent, du carême, de l’octane du Suint-Sacrement. Prononcer un sermon. Aller au sermon. Entendre un sbiîmon. Les sermons de Bossuet, de Fénelon, de Massillon, de Bourdaloue. Les femmes sont de grandes cnureuses d’indulgences et de sermons, auxquels elles ne uont que pour noir et pour être vues. (La Bruy.) C’est te plus petit inconvénient du monde çue de rester court dans un sermon ou dans une harangue. (La Bruy.) Saint Augustin écrivait ses skrmons et les apprenait par cœur. (Roilin.) Les premiers sermons de Bossuet sont pleins d’antithèses, de baltologies et d’enflure de style. (Chateaub.) Les sbumons de Savonarole, politiques autant que religieux, offrent des modèles admirables d’éloquence populaire. (Lamenn.)

Avant lui, Juvénal avait dit en latin

Qu’on est assis à l’aise aux sermons de Cotin.

BOILEAU.

— Fam. Remontrance ennuyeuse, importune : Il m’a fait là-dessus un sermon, un long sermon. De quels beaux seîîmons on vous régale/ (Mol.)

Ton sermon me parait un tant soit peu brutal.

Reonard.

Le renard sort du puits, laisse son compagnon Et vous lui fait un beau sermon Pour l’exhorter à patience.

La Fontaine.

— Syn. Sermon, prédication. V. PRÉDICATION.

— Encycl. V. chaire (éloquence de la), prédicateur et sermonnaire.

Sermons de saint Augustin (ive siècle). Les Sermons de saint Augustin sont au nombre de trois cent quatre-vingt-quatorze ; ils se divisent en quatre classes ou groupes principaux : 1» cent quatre-vingt-trois sermons sur divers endroits de l’Ancien et du Nouveau Testament ; 2<> quatre-vingt-huit sermons du temps, qui roulent sur les grandes fêtes de l’année ; 3° soixante-neuf sermons sur les fêtes des saints ; 4° cinquante-quatre serinons sur divers sujets. Ils sont tons écrits en latin. À ces divers sermons, qui sont tous, la plupart très-certainement, quelques-uns plus ou moins probablement, de saint Augustin, il faut ajouter trois cent dix-sept sermons qu’on lui attribue et qui ne lui appartiennent pas. Les éditeurs les rejettent dans un appendice, les divisant en quatre classes qui sont les mêmes que les précédentes. On restitue à saint Césaire d’Arles, à saint Ambroise, à saint Maxime, etc., quelques-uns de ces sermons apocryphes.

Le caractère qui distingue les sermons de saint Augustin n est pas l’éloquence classique du discours conforme aux règles de l’art, mais la spontanéité d’une parole familière en même temps qu’instructive. Saint Augustin se contente de proposer la vérité, la revêtant d’expressions agréables et l’imprimant par la vivacité de ses pensées fines et subtiles dans les esprits de ses auditeurs. Cette espèce d’éloquence est de beaucoup inférieure à celle des Pères grecs du même siècle ; mais elle était adaptée au génie des Africains. Ceux-ci écoutaient ces discours avec de véritables acclamations, et souvent ils en étaient touchés jusqu’aux larmes. Saint Augustin avait d’ailleurs l’essentiel de l’éloquence, dont il connaissait parfaitement les règles ; il ne voulait point que l’art se montrai dans le discours, parce qu’un discours trop travaillé fait, disait-il, que les auditeurs se tiennent sur leurs gardes : à II faut être simple et familier, qualités qui ne sont pas incompatibles avec la dignité de la religion. » On ne trouve guère chez lui que l’interrogation, l’antithèse et la cadence des mots, figures auxquelles il était porté par la vivacité de son esprit et qui plaisaient fort aux Africains de son temps. Mais son imagination, qui l’eût égaré dans le faux éclat, avait pour contre-poids salutaire la tendresse de ses sentiments ; rien de plus persuasif que sa parole, si subtile d’ailleurs. Son langage montre combien l’oratour était rempli de fei et combien il possédait l’art de faire passer dans l’intelligence des autres ce qu’il sentait si profondément lui-même. Il s’exprime d’une manière affectueuse et touchante, sans cesser d’être familier, et en même temps il est souvent sublime. L’éloquence de Cicéron, si parfaite, ne produisit jamais d’effets plus surprenants que la sienne ;, on peut surtout juger sa manière dans deux de ses sermons, l’un sur les agapes, l’autre

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sur la coutume barbare qui régnait dans les familles de se battre pour célébrer certaines fêtes.

« Saint Augustin, dit Fénelon, était l’écrivain du monde le plus accoutumé à se jouer des paroles. Si c’était le grnnd défaut de son temps, cela montre aussi qu’il n’était pas un orateur parfait, et, malgré ce défaut, il avait un grand talent de persuasion. C’est un homme qui raisonne avec une force singulière, qui est plein d’idées nobles, qui connaît le fond du cœur de l’homme, qui est poli et attentif à garder dans ses discours la plus étroite bienséance, qui s’exprime enfin presque toujours d’une manière tendre, affectueuse et insinuante. II corrige le jeu de l’esprit, autant qu’il est possible, par la naïveté de ses mouvements et de ses affections. Tous ses ouvrages portent le caractère de l’amour de Dieu ; non-seulement il le sentait, mais il savait merveilleusement exprimer au dehors les sentiments qu’il en avait. Du reste, dans tous ses ouvrages, saint Augustin met en pratique ces paroles que vous connaissez : Qui sop/iistice loguitur odibilis est.

La nécessité de méditer sur les lins dernières est un des thèmes favoris de ses sermons : « Que savez-vous si vous êtes éloignés ou non du jour de votre mort ? « Il exhorte fortement à la pénitence. «Le péché, dit-il, doit être puni ou par le pécheur pénitent ou par Dieu vengeur du crime. Dieu, qui a promis le pardon au pécheur pénitent, ne lui a point promis de délai pour se convertir ni de lendemain pour faire pénitence. » Il a de beaux passages sur l’obligation de faire l’auinôme ; il en a sur le purgatoire, sur la prière et le sacrifice pour les âmes des morts. Quand il parle des saints, il n’oublie pas de faire remarquer que c’est à Dieu seul que nous élevons des autels ; mais les saints intercèdent auprès de Dieu. Lui-même, «’adressant à saint Cyprien et aux autres serviteurs (Je Dieu qui avaient versé leur sang pour la foi, implore le secours de leur intercession : Les martyrs qui sont avec Jésus-Christ, dit-il, intercèdent pour nous, et nous ressentons l’effet de leurs prières tant que nous continuons nos soupirs. •

Il prêchait toujours en latin. Il nous a laissé dans cette langue, qui était entendue à nippons, sinon de oeaux modèles d’éloquence latine, du inoins de beaux modèles d’éloquence religieuse.

Sermons de saint Bernard (xne siècle). Les sermons qui nous restent du grand prédicateur de xnc siècle sont écrits en latin ; il est probable qu’ils ont été prêches en langue vulgaire, puis traduits par saint Bernard lui-même, car leur style présente une analogie frappante avec celui de ses lettres et traités, ou peut-être appartiennent-ils seulement a la série de sermons écrits en latin pour les élèves. Ces monuments ne peuvent donc que donner une idée imparfaite de cette éloquence populaire, de cette prédication en langue vulgaire qui arrachait des larmes et des sanglots aux peuples de la Germanie et qui envoyait à la croisade cent mille hommes enthousiasmés. Le3 chroniqueurs contemporains nous apprennent que ces discours en langue usuelle étaient appropriés à l’intelligence, à la condition et aux mœurs de ses auditeurs. La grâce et la douceur, !o feu et la véhémence caractérisaient cette parole, que le geste et la voix traduisaient vivement pour les peuples étrangers, tant la force morale et la beauté extérieure de l’homme avaient de prestige 1 Nous savons que saint Bernard improvisait ses harangues, mais qu’il avait l’habitude de méditer profondément le sujet qu’il voulait traiter. C’est la méthode des grands orateurs. Ses sermons ont sans doute été prononcés de la même manière ; quelques clercs les recueillaient et le prédicateur retouchait ensuite leur travail. Us ne suffisent donc pas à qui voudrait se représenter en esprit la puissance de cette merveilleuse éloquence qui fit d’un simple religieux le véritable souverain de la chrétienté. Tous les écrits de saint Bernard, et notamment Ses sermons, témoignent d’une culture intellectuelle presque excessive. Cet orateur des cloîtres et des carrefours était un lettré, non un barbare. Ce serait plutôt à Massillon qu’a Bofsuet qu’il faudraitle comparer ; l’onction, la sensibilité, une exquise douceur caractérisent son éloquence plus souvent encore que la vigueur du raisonnement et que l’énergie d’une austère indignation. Ses auditeurs étaient les cénobites de Clairvaux ; ces âmes calmes et pénétrées de la foi ne demandaient pas des éclats passionnés, mais une douce persuasion au père qu’elles s’étaient choisi, et des paroles affectueuses, mystiques se répandaient sur l’auditoire déjà convaincu. Parfois le réformateur se redresse et tonne avec une véhémence et une hardiesse qui devaient faire trembler l’Église, les prélats hypocrites et dissolus. Luther n’a pas dénoncé avec plus d’énergie la corruption du clergé. Le sermon sur la passion, empreint d’une profonde mélancolie, a des traits, des apostrophes rappelant tantôt la manière de Bossuet, tantôt celle de Pascal. L’oraison funèbre de Gérard, frère et compagnon de saint Bernard, ce discours ouvert par une explosion involontaire de la douleur et fermé brusquement par des sanglots, atteste que dans ce cœur ardent les sentiments delà nature s’associaient intimement au zèle apostolique ; une mère ne déplorerait.

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Eas autrement la mort de son enfant. Cet omnie d’une sensibilité si vive, ce tribun de la croisade a des défauts littéraires que son génie semblerait devoir exclure. « Le rhéteur paraît quelquefois à côté de l’orateur, dit M. GéruZ’jz ; mais il ne l’efface pas, parce quu la vérité du sentiment, la grandeur des idées et la vigueur logique subsistent sous la recherche de l’expres-iion. Pour le langage, saint Bernard suit l’école de Sénèque et de saint Augustin plutôt que celle de Cicéron. Il cherche ses effets non-seulement dans le contraste des idées, mais dans le rapport des sons qui redouble le choc des antithèses. Au reste, la forme antithétique est si naturelle à la pensée de saint Bernard, qu’elle semble spontanée... L’obscurité mystique dépare quelquefois les sermons de l’orateur, parce que, persuadé qu’il n’y a pas dans les saintes Écritures et dans la vie de Jésus-Christ un seul fait, un seul mot qui n’ait un sens symbolique et mystérieux, il sonde ces profondeurs cachées sans y porter toujours la lumière, au moins pour nos 3 eux profanes... La critiqua doit signaler les taches qui se mêlent aux grandes qualités oratoires de saint Bernard ; mais elle doit reconnaître qu’elles n’en obscurcissent pas l’éclat, car si la puissance du génie ne prévient pas toujours les écarts du goût, du moins elle les couvre et les fait oublier. » Les serinons de saint Bernard sont au nombre de trois cent quarante ; quatre-vingt-cinq commentent le Cantique des cantiques. En général, ils ont fort peu d’étendue. Lu Bibliothèque nationale possède un manuscrit

dit des Feuillants, qui renferme quarante-quatre de ces sermons en langue vulgaire ; la langue est du xiie siècle et l’écriture du xttio. Ce manuscrit n’est pas un texte original, mais bien une traduction du lalin. L’imprimerie a reproduit les sermons de l’abbé de Clairvaux en 1475 et 1508. L’édition lu plus estimée est celle de 1667, dédiée par Mabillon au pape Alexandre VII, et qui a servi de type aux éditions ultérieures.

Sermons (les neuf) de Me Jehan Boucher, théologien et ligueur acharné (Paris et Douai, 1594, in-4o). Ces sermons ne ressemblent en rien aux œuvres calmes des Bosquet, des Bourdaloue ; ce sont d’ardentes philippiques dirigées contre Henri IV. Prêches à Samt-Meni du 1" au 9 août 1593, répandus rapidement par l’impression dans tout Paris, ils suffisent à donner une idée de l’exaltation du temps et de la verve féconde de leur auteur. Ue qu’il y u de remarquable, c’est que ces invectives se déroulent avec beaucoup d’ordre et qu’elles n’oJit rien du décousu ordinaire au pamphlet ; l’auteur est ferré sur la scohistique et n’en perd jamais de vue les règles. « C’était un de ceux, dit la Satire àlénippée, qui excitaient le peuple à la paix par une figure nommée antiphrase et formant tous le3 syllogismes en ferio. « Le jeu de mots ferio, ferrum est joli ; mais il y a plus de syllogismes dans ces sermons que d’appels aux armes. On ne peut attendre beaucoup de calme du fougueux prédicateur qui venait de faire l’apologie de Jacques Clément et celle des assassins du président Brisson ; mais on en trouve encore plus qu’on n’en attendait. Ces neuf sermons, composes en une remanie, revus, il est vi ai, et adoucis peut-être, comme forme, dans le cabinut, forment un traité ex professa, concernant l’incapacité de Henri IV a succéder au trône de France, la fraude de sa conversion, la nullité de l’absolution donnée au nom du pape par l’archevêque. Les moyens sont déduits un à un, avec précision, avec calme ; les développements se succèdent dans un ordre régulier, les preuves arrivent à l’appui, en balaillons serres, et la conclusion, qui apparaît au dernier sermon, c’est l’exclusion formelle du Béarnais, l’élection du roi vraiment catholique. On s étonne qu’un orateur ait pu si librement déduire en chaire ses preuves sur un sujet si délicat et si brûlant, au lendemain de l’entrée du roi Henri IV à Paris. Le livre fut brûlé par la main du bourreau en place de Grève, mais le prèdicateurputseittionnei à sonaise. La cause est entendue maintenant et le procès ne peut plus être revisé ; mais, en relisant cette longue série de philippiques, on ne peut s’empêcher de les trouver vraies. Tout ce que Boucher dit, dans son langage coloré, trop embarrassé de citations et d’érudition théologique, sur l’hypocrisie du Béarnais, sur ia raison d’État mise k la place de la conscience, sur les mœurs de ses partisans, tant protestants que catholiques, se jouant de ce qui, pour un théologien, est la religion, la chose sainte, est maintenant encore plus hor3 de doute qu’en 1593. Devant cette comédie jouée si gaiement : » Paris vaut bien une messe, ■ devant cette farce de l’abjuration, comme dit Jean Boucher, jouée sur le théâtre de Saint-Dents, on comprend l’indignation d’un fervent catholique. Mais l’esprit de parti était sans doute encore plus fort, et le ligueur était encore plus désappointé que le chrétien. D’ailleurs Henri IV, par ses actes et ses pa.oles, l’indiscrétion de ses confidents, l’embarras de son double rôle, son humeur gouailleuse de Gascon faisait la part belle à ses adversaires. Comme peinture de mœurs, les sermons de Jehan Boucher offrent des pages curieuses au milieu de tous les syllogismes et de toutes les déductions en bonne tonne. Il y a de la verve et quelquefois do l’esprit dans cette éloquence familière, coinpréheu*