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lettres (1785, in-8o) ; Commentaire très-roturier sur le noble discours adressé par le prince de Conti à Monsieur, frère du roi (1788) ; Conseils au clergé de Provence (1789, in-8o) ; Essai sur tu formation des assemblées nationales, provinciales, municipales (1789, in-8o) ; Adresse à MAI. les curés (1789) ; Recherches sur la réformalion des états provinciaux (1789, in-8o) ; Essai sur la situation des finances et la libération des dettes de l’État (1789, in-8o) ; Projet de déclaration des droits et des devoirs des citoyens (1789, in-8o) ; Avis salutaire au tiers état (1789, ifi-8°) ; Aux grands (1789, in-8o) ; Entretien de M. Neckcr avec Afme de Potignac, M. de Dreleuil et l’abbé de Vermont (1780, in-8o) ; Lettre sur ta raison et la logique (1780, in-8o) ; Remontrances à un journaliste (1798, in-S°) ; Recueil de pièces intéressantes pour servira l’histoire de ta Révolution (1790, 2 vol. in-8o) ; Correspondance entre quelques hommes honnêtes (1794-1795, 3 vol, in-8») ; Essai sur la conciliation de l’intérêt et de la justice (1795, in-8o) ; Observations adressées aux représentants de la nation sur le rapport du comité de constitution concernant l’organisation judiciaire (1799, in-8"), etc. On a publié les Œuvres diverses de M. Servan (Lyon, 1774, 2 vol. in-12) ; les Œuvres choisies (Limoges, 1818, 2 vol. in-8») ; enfin, les Œuvres choisies et inédites (1825, 3 vol. in-s°), que l’éditeur, M. de Portets, a fait précéder d’une Vie de Servan.

SERVAN DE GERBEY (Joseph), général et homme d’État français, frère du précèdent, né à Romans en 1741, mort à Pans en 1808. Entré au service en 1760, il rit la campagne de Corse en 1769, devint capitaine en 1772, major des. grenadiers royaux en 1779 et sousgouverneur des pages de Louis XVI. Partisan, comme son frère, des idées philosophiques et des réformes, il publia des articles militaires dans l’Encyclopédie de Diderot et fit paraître le Soldat citoyen (1781, in-8»). Servan était tout préparé pour trouver dans ia Révolution la réalisation des réformes qu’il souhaitait ; aussi en fut-il le chaud partisan. Lieutenant-colonel en 1791, colonel en mars 1792, maréchal de camp au mois de mai suivant, à reçut, le 9 mai, le portefeuille de la guerre, lorsque les girondins arrivèrent au pouvoir. Ce fut lui qui proposa d’établir près de Paris un camp de 20,000 fédérés, et il eut à ce sujet une altercation des plus violentes avec Dumouriez, en plein conseil. Le 12 juin 1792, il quitta le ministère en même temps que Roland et Clavière ; mais il reprit son portefeuille après la journée du 10 août. Administrateur plein de zèle, il déploya la plus grande activité pour approvisionner les armées et lever des. troupes au moment où l’invasion était imminente ; mais Dumouriez, son ennemi, l’attaqua sans relâche, et il donna sa démission le 3 octobre. Nommé général de division le mois précédent, il reçut, le 6 octobre 1792, le commandement en chef des Pyrénées-Orientales, tomba en disgrâce après la chute de ses amis de la Gironde, tut destitué (mat 1793) et jeté dans la prison de l’Abbaye, où il resta jusqu’après la journée du 9 thermidor. Il recouvra en septembre 1795 sa liberté et son traitement de général. Le Directoire l’employa, en 1799, comme inspecteur général des troupes du Midi, puis, sous Bonaparte, il reçut le commandement de divisions militaires à l’intérieur, devint président du comité des réserves, inspecteur en chef aux revues (1803) et fut mis à la retraite en 1807. Servan était un général médiocre, mais un militaire instruit, un patriote sincère, un administrateur habile et honnête. On a de lui : Projet de constitution pour l’armée française (1790, in-8») ; Supplément à l’An militaire de f Encyclopédie (1802, in-4o) ; Histoire des guerres des Gaulois et des Français en Italie (1805, 7 vol. in-8"), ouvrage remarquable composé avec Jubé de La Perelle ; le troisième volume du Tableau historique de la guerre de la Révolution (1807, 3 vol. in-4").

SERVAN DE SUGNV (Pierre - François-Jules), poète et romancier français, de la famille des précédents, né à Lyon en 1796, mort près d’Orléans en 1831. Il ajouta à son nom celui de sa mère, Anne Rpyer de Sugny, étudia le droit à Grenoble et à Paris, se fit ensuite inscrire au barreau de Lyon en 1824, et partagea d’abord son temps entre la profession d’avocat et l’étude des lettres ; mais, au bout de quelque temps, il abandonna le barreau pour s’adonner exclusivement à ses goûts littéraires. M. Servait de Sugny avait une mémoire extraordinaire et connaissait à fond les meilleurs écrivains anciens et modernes. Il s’assimilait à tel point ses lectures que, lorsqu’il écrivait lui-même, une foule de réminiscences revenaient sous sa plume, de sorte que, malgré les dons les plus heureux et une extrême facilité, il ne put jamais imprimer un caractère d’originalité à ses compositions. Les meilleures œuvres de ce poète agréable et lettré sont ses traductions. Atteint d’une maladie de poitrine et pris d’une tristesse profonde, il mit fin lui-même à ses jours le 12 octobre 1831. Outre des articles publiés dans la Gazette de Lyon, la Revue encyclopédique, les Archives du Rhône, etc., on lui doit : Idylles de Théocrite (Paris, 1822, in-8o), excellente traduction en vers ; la Famille grecque, poème (1824, in-18) ; Les Noces de Thétis et de Pelée (1829, in-8"), traduction en vers ; Clovis à Tolbiac, tableau historique

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en vers (1830, in 8«V, la Chaumière d’Oitllins, roman (1830, in-8»)j le Neveu du chanoine (1831, 4 vol. in-12) ; Satires contemporaines et mélanges (1832, in-8o) ; le Suicide, roman (1832, in-8<>).

SERVANCE, bourg de France (Haute-Saôue), cant. de Melisey, arrond. et à 22 kilom. N.-E, de Lure, sur la rive droite de l’Ognon ; pop. aggl., 231 hab. — pop. tôt., 2,156 hab. Tissage de coton, soieries ; exploitation de tourbe et de granit. Commerce de planches, fromages et beurre.

SERVANDONt (Jean-Jérôme), architecte et peintre italien, né à Florence le 22 mai 1695, mort à Paris le 29 janvier 1766. II étudia la peinture dans sa ville natale, puis à Rome, où il eut pour maître Panini, s’adonna au paysage et apprit l’architecture sous la direction de de Rossi. Pendant un voyage qu’il fit en Portugal, Servandoni futchargé d’exécuter des décorations pour des fêtes publiques et des décors pour le théâtre de Lisbonne. Doué d’une très-grande imagination et d’une extrême facilité, il réussit complètement dans ces travaux et reçut l’ordre du Christ. En quittant Lisbonne, Servandoni alla chercher fortune à Paris (1724). Ses beaux décors à’Orion, à l’Opéra (1728), attirèrent vivement sur lui l’attention et ses tableaux furent recherchés. Un paysage représentant Un temple et des ruines, qui figure au musée du Louvre, lui valut d’être nommé eu 1731 membre de l’Académie de peinture. En même temps, il se faisait connaître par des projets de morceaux d’architecture dans lesquels il déployait toute la richesse de son imagination. Nommé urehiiecte du roi en 1732, il fut chargé de construire le portail de l’église Saint-Sulpice, auquel il donna un caractère noble et imposant, la chapelle de la Vierge et les tribunes de l’orgue dans la même église. 11 exécuta, en outre, le portrait de l’Enfant Jésus à Paris, l’église de Coulanges, en Bourgogne, le maître-autel de la cathédrale de Sens et celui des chartreux de Lyon. Parmi ses projets, nous citerons celui de la place Louis XV, qu’il proposait d’orner de trois cent soixante colonnes, de péristyles et d’une double galerie. Le goût décoratif et une pompe un peu théâtrale se manifestaient dans toutes ses créations. Il fit représenter dans la salle dite des Machines, aux Tuileries, des pièces dont il exécutait les décors, représentant des scènes magnifiques. Il excellait surtout dans la direction des fêtes. Celle qu’il dirigea lors du mariage d’Elisabeth de France avec Philippe d’Espagne, en 1739, fut très-remarquee. Pendant un voyage qu’il fit à

Londres en 1749, pour une fête dans laquelle on tira un feu d’artifice monstre, il se maria. Quelques années plus tard, il se rendit à Dresde, où il donna le plan de la place du Théâtre, exécuta des décorations (1755) et reçut, avec une pension, le titre d’architecte décorateur d’Auguste III. Cinq ans plus tard, il était à Vienne, où il dirigeait les fêtes célébrées à l’occasion du mariage de l’empereur Joseph II avec l’infante Isabelle. Après avoir dirigé à Stuttgard les spectacles de la cour, Servandoni revint à Paris, où il termina sa vie. Prodigue et aimant le faste, il laissa peu de fortune, ayant constamment travaille, du reste, bien moins pour s’enrichir que pour acquérir la célébrité. Une rue voisine de l’église Saint-Sulpice à Paris porte son nom. •

SERVANT s. m. (sèr-van — rad. servir). Serviteur, celui qui sert : A moi ! loyaux servants du roi ! (De Barante.) A la haute milice des chevaliers obéissaient de grandes bandes de servants et de vassaux. (De Barante.) || Vieux mot.

— Poétiq. Servant d’amour, Amaut soumis. Il Vieux mot.

— Hist. Servants d’armes, Ecuyers des chevaliers de Malte. Il Servants d’office, Prêtres attachés au même ordre. Il Servants de stage, Sortes de frères lais, employés aux offices inférieurs, dans le même ordre.

— Art. milit. Chacun des artilleurs qui se tiennent à gauche et à droite de la pièce, pour en l’aire le service : Premier, second servant de droite, de gauche.

— Ornith. Nom vulgaire du bruant.

— Adjectiv. Hist. Gentilhomme servant, Officier qui servait par quartiers k la table du roi, et présidait au service et à la desserte.

— Hist. relig. Frère servant, Frère convers employé aux fouctions serviles du monastère. Il Dans l’ordre de Malte, Frère ou chevalier servant, Celui qui avait été reçu sans avoir fait preuve de noblesse, et qui était d’un ordre inférieur.

— Féod. Fief servant, Fief qui relevait d’un autre fief.

— Fr.-maçonn. Frères servants, Francsmaçons qui remplissent, dans une loge, des offices domestiques.

SERVANTE s. f. (sèr-van-te— rad. ser~ vir). Femme ou ÛUe a gages, employée aux travaux du ménage : Servante d’auberge, de cabaret. Prendre une servante. Changer de servante. La mère de Nelson était une pauvre servante de ferme du canton de Chester. (Lamart.) A seize ans, on désire une servante, en adorant une madone. (H. Taine.) Molière, avec raison, consultait sa servante.

Piron.

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— Fig. Objet qui est sous la dépendance d’un autre : La philosophie respecte et aime la théologie, elle en est la sœur, mais elle n’en est point la servants. (V. Cousin.) Aujourd’hui, le sol est un potager, les forêts un bosquet, les fleuves des rigoles, la nature une nourrice et une.servante. (H. Taine.) L’industrie est la servante et non la reine de la civilisation. (Vucherot.)

Servante maîtresse ou, suivant l’Académie, Servante-maîtresse, Servante qui a pris, dans le ménage, l’autorité d’une maîtresse de maison.

Je suis votre servante, Formule de civilité employée par les femmes, dans certaines occasions. Il Ironiq. Je ne suis pas de votre avis, je ne puis faire ce que vous désirez.

— Dévotion. Femme humblement soumise à la volonté de Dieu : C’est dans la retraite que Marie-Thérèse disait avec David : O Seigneur, votre servante a trouvé son cœur pour vous faire cette prière ! (Boss.)

Ta servante, ô mon Dieu ! te rend grâce à genoux. C. DELAVIONS.

— Econ. domest. Petite table qu’on met auprès de la grande, dans un repas, pour y déposer différents objets, et suppléer au service des domestiques. Il Nom donné autrefois à un petit nécessaire de femme garni de ciseaux, aiguilles, soie, fil, etc.

— Typogr. Morceau de bois sur lequel la frisquette est appuyée, pendant que 1 imprimeur pointe la feuille.

— Techn. Ontil des usines à fer qui sert à soutenir l’extrémité des longues pièces dont l’autre extrémité est dans le feu de la forge ou dans les mâchoires d’un étau. il Support qui soutient une voiture dans la position horizontale, quand elle est arrêtée, il On dit aussi chambrière dans les deux cas. il Anneau de fer qui sert à serrer des tenailles de forge.

Servante maîtresie (la) (la Serva padrona], opéra italien, livret imité de la pièce de Nelli, c est-à-dire du livret de la Serva padrona de Pergolèse ; musique de Paisiello, représenté à Saint-Pétersbourg vers 1776. Cet ouvrage a beaucoup de mérite. L’orchestration, bien plus travaillée que celle de la prirtit on primitive, produit cependant moins d’effet. Mais, en revanche, l’air que chante Serpina au commencement du deuxième acte est délicieux. C’est un andantino qui n’est pas dans le caractère général de l’œuvre, mais dont la mélodie est charmante de grâce et de délicatesse. M"" Krauss l’a récemment chanté avec talent aux Italiens.

Serrante a, Nicolas (la), Opérette en un acte, paroles de MM. Nérée Desarbres et Nuitter, musique de M. Erlanger, représentée aux Bouffes-Parisiens le 11 mars 1861. Le livret offre des scènes intéressantes. On a applaudi un très-joli trio de femmes. Ml’e Chabert a parfaitement chanté le rôle de Berthe, la servante.

SERVANTE - MAÎTRESSE S. f. V, SERVANTE.

SERVANT1NB s. f. (sèr-van-ti-ne). Hortic. Variété de poire, il Variété de figue.

SERVANTOIS s. m. (sèr-van-toi). V. Sir-

VENTOIS.

SERVAS (La Condamne de), théologien français, né à Alais vers la fin de 1714, mort dans la même ville en 1787. Il servit quelque temps dans l’armée et se retira du service aussitôt qu’il y eut obtenu la croix de Saint-Louis. Il a laissé trente ou quarante ouvrages de théologie dont un seul a vu le jour ; c’est celui qui est intitulé Examen raisonnable de la résurrection de Noire-Seigneur Jésus-Christ (Toulouse, in-12).

SERVAT s. m. (sèr-va). Mamm. Syn. de

SERVAL.

SERVE s. f. (sèr-ve — du lat. servare, conserver). Nom donné à une grande caisse percée de trous et plongée dans l’eau, qui sert à conserver le poisson vivant.

— Agric. Nom donné, dans la Bresse, aux mares creusées dans les cours des fermes, et, dans le Dauphiné, à des réservoirs d’irrigation.

SERVE s. f. Fém. de serf. Y. ce mot.

SERVE, petit pays de France. V. Déserve.

SERVERETTE, bourg de France (Lozère), ch.-l. de cant., arrond. et à 24 kilom. N.-E. de Marvejois, au confluent de la Truyère et du Mezere ; pop. aggl., 720 hab. — pop. tôt., 890 hab. Fabrication de serges ; tanneries. Ancien château, occupé par des religieuses ursulines.


SERVET (Michel), en espagnol Micael Serveto, médecin, philosophe et hérésiarque espagnol, né en 1509 à Vidanueva (Aragon), brûlé à Genève en 1553. Il quitta l’Espagne à dix-neuf ans. Son père, craignant que son humeur indépendante et son opposition déclarée contre la théologie scolastique ne lui attirassent des démêlés avec l’inquisition, l’envoya étudier le droit à l’université de Toulouse. Il s’y lia avec quelques jeunes gens que préoccupaient les nouveautés religieuses de Luther, et, après quelques mois d’études beaucoup plus bibliques que juridiques, il traversa l’Italie, où il assista au couronnement de Charles-Quint, et se dirigea sur l’Allemagne pour entrer en rapport avec les chefs de la Réforme. Accueilli d’abord avec la plus grande faveur par OEcolampade à Bâle, il ne tarda pas à alarmer le réformateur par des doctrines antitrinitaires. Bucer et Capiton, à Strasbourg, le repoussèrent pour le même motif, et Zwingle maudit comme eux « le méchant et scélérat Espagnol. »

Loin de céder à la réprobation des chefs officiels de la Réforme, Servet en appela au jugement de l’opinion publique. En 1531, il fit paraître à Haguenau son célèbre traité De Trinitatis erroribus libri VII. Quelques mois après, il développa ses idées dans un second écrit, intitulé Dialogorum de Trinitate libri II, de justitia Christi capitula quatuor. Ce traité Des erreurs de la Trinité (ou plutôt Des variations de la Trinité) et ces Dialogues sur le même sujet exposaient, sous une forme trop peu lucide pour nous, mais qui l’était assez pour les contemporains, le système philosophique et théologique de Servet, c’est-à-dire un panthéisme radical. Le succès de ces écrits, sans être éclatant, fut cependant assez grand pour inquiéter et scandaliser les théologiens.

Tout à coup, soit prudence, soit caprice, Servet quitta l’Allemagne, dit adieu à la théologie et vint à Paris étudier la médecine sous deux des plus illustres maîtres du temps, Sylvius et Fernel. Après de brillantes et rapides études, il prit le bonnet de docteur et professa quelque temps à Paris. Comme médecin, il acquit une grande célébrité et fut un des savants les plus profonds de son siècle. C’est à lui qu’on doit, sinon la découverte, du moins la première idée de la circulation du sang (v. Harvey), la description assez précise de la circulation pulmonaire et du rôle de la respiration dans la transformation du sang veineux en sang artériel. Il mentionna aussi le rôle des valvules du cœur dans le mouvement de diastole et de systole, qui n’a pas encore lieu dans la vie intra-utérine, mais qui s’opère aussitôt après la naissance. En ce genre d’études, comme dans les questions théologiques, Servet est lui-même, c’est-à-dire un esprit exubérant, déréglé, inégal, aussi profondément sagace parfois que chimérique ailleurs, et toujours très-attaché à ses propres opinions, très-peu soucieux de respecter la tradition, témoin son Traité des sirops [Syruporum universa ratio] (Paris, 1537, in-4o), auquel il ajouta ces mots significatifs : Ad Galeni censuram diligenter exposita. Cet ouvrage rompt en visière avec la Faculté et propose de substituer aux vieux errements médicaux une prétendue méthode supérieure. Le démêlé s’envenima au point de nécessiter l’intervention du parlement.

Au milieu même de ces débats scientifiques, qui eussent dû, semble-t-il, absorber toutes ses pensées, le jeune Villeneuve (c’était le nom que Servet avait pris en France) revenait encore en secret à sa passion favorite. Il écrivait à Calvin pour obtenir de lui une conférence ou discussion (disputatio) sur des matières théologiques. Le lieu et le jour fixés, il parait, d’après Théodore de Bèze, que Servet manqua au rendez-vous ; on peut supposer, en tout cas, que ce ne fut pas par crainte de se mesurer avec le grand théologien réformé. En 1534, pressé par le besoin, il se rendit à Lyon et entra comme correcteur dans une imprimerie, où il publia, annotée par lui, la Géographie de Ptolémée (1535, in-fol.), une Bible annotée aussi, des arguments pour la Somme théologique de saint Thomas et quelques autres compilations. En 1537, il revint à Paris et obtint du parlement un arrêt qui mettait fin aux poursuites dirigées contre lui par la Faculté de médecine. En 1538, il s’établit à Charlieu, près de Lyon, comme médecin. Enfin, en 1541, il eut la bonne fortune de rencontrer à Lyon Pierre Paulmier, archevêque de Vienne (Dauphiné), homme d’un esprit bienveillant, libéral et favorable aux savants. Pour mettre Servet à l’abri des persécutions, P. Paulmier lui offrit l’hospitalité dans son propre palais à titre de médecin. Dans cet asile sûr, Servet put pratiquer son art et continuer à travailler pour les libraires. Recherché par l«s premières familles de la province, estimé comme médecin, honoré comme ami de l’archevêque, aimé pour son caractère doux et agréable, il eût pu passer à Vienne des années heureuses si son humeur inquiète et sa passion pour la théologie militante ne l’avaient jeté encore une fois dans les discussions religieuses. Le désir qu’il avait de creuser avec ses propres forces ces questions, si brûlantes alors, le poussait à tenter une réforme plus complète et plus logique que celle de Luther et de Calvin, la reconstitution du pur christianisme, c’est-à-dire de ce qui était, suivant lui, la religion primitive et authentique du Christ. Confiant en ce qu’il croyait la vérité, il ne douta pas qu’elle ne dût éclater à tous les yeux, et il n’avait pas de plus vif désir que celui d’en faire l’épreuve sur le chef même de la Réforme française, Calvin. Mis en relation avec lui par Frellon, libraire de Lyon, il lui écrivit, lui communiqua quelques manuscrits où Calvin découvrit tout autre chose qu’une restauration du christianisme ; il y vit un panthéisme très-caractérisé. Servet, du reste, exposait ses vues à Calvin en le traitant d’égal, sinon d’inférieur. Cette arrogance ne contribua pas peu à irriter le réformateur, qui rompit en février 1546 toute relation avec son adversaire. À cette époque (13 février