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— Physiq. Sous le rapport du poids spécifique : Le plomb est spécifiquement moins lourd que l’or.

’ SPÉCIMEN s. m. (spé-si-mènn — mot latin qui signifie exemple, échantillon ; de specere, regarder). Modèle, échantillon : J’ai reçu le spécimen d’une nouvelle histoire de France, La Normandie a envoyé à l’exposition les plus beaux spécimens de pommes qu’on eût encore vus.

SPÉCIOSITÉ s. f. (spé-si-o-zi-té — ’rad. spécieux). Caractère spécieux : La SPÊCIOSITB de vos raisons ne me fait pas illusion.

SPECKBACHER (Joseph), un des héros populaires du Tyrol autrichien, né dans un hameau situé à peu de distance de Hall le 13 juillet 1767, mort le Î8 mars ÏS20. Son aïeul s’était distingué dans la guerre de 1703, ei les récits du vieux soldat éveillèrent dans l’âme de Joseph le goût des armes. Tout jeune, il s’était déjà fait remarquer de ses voisins par sa force physique et par son mépris du péril. Jusqu’à l’âge de trente ans, il vécut confiné dans son modeste intérieur. En 1797, nous le trouvons quelque temps enrôlé parmi les chasseurs t roliens, et combaltant avec courage à ha bataille de Spinge ; il reprend les armes en 1800. Cinq années après, il servait dans la milice d’Inspruck^et défendait avec elle le passage de Si-harnitz, que les troupes françaises essayèrent vainement de forcer.

En 1809, les Tyroliens résolurent de s’affranchir du joug : de la Bavière et de se réunir à l’Autriche. Le jour où la guerre fut déclarée entre cet empire et la France, toutes les cloches sonnèrent le signal de l’insurrection, et tous les hommes en état de porteries armes se rallièrent sous un même drapeau. Parmi eux et au premier rang on remarqua Speckbacher, qui, cette fois, avait le rang d’officier. Andréas Hofer l’avait connu en 1805 à îa foire de Sterzing ; c’était dans ces réunions que les fidèles partisans de l’Autriche discutaient leurs plans de campagne. Hofer, qui appréciait la valeur du jeune chasseur de Hall, avait demandé son concours dans l’œuvre qu’il projetait, et Speckbacher s’était engage à servir sous ses ordres. Il serait trop long de dire toutes les mêlées où il se jeta à corps perdu, les défilés qu’il défendit, les batailles où il vit reculer devant lui les régiments bavarois. La population, du reste, le secondait avec un zèle admirable. À l’approche des ennemis, le tocsin retentissait dans les villages ; les hommes couraient à leur fusil, les femmes et les enfants allumaient sur les montagnes des feux qui devaient servir désignai aux gens du pays et indiquer la marche de l’ennemi. Le 13 avril, après une bataille sanglante, Français et Bavarois durent abandonner Insprnckaux insurgés, qui, dans l’espace de trois jours, avaient fait 6,000 pri» sonniers, et s’étaient emparés de 800 chevaux, llofer et Speckbacher entrèrent triomphalement dans cette ville ; mais ce triomphe fut de courte durée. Un mois après, malgré la résistance de Speckbacher, le maréchal Lefobvre reprenait possession ée la capitale du Tyrol. Forcé de I abandonner de nouveau, il y rentrait encore quelques semaines plus tard. La victoire des Français était complète sur tous les points ; une plus longue lutte devenait impossible ; les Autrichiens eux-mêmes avaient abandonné le pays. La paix fut conclue.

Speckbacher, a l’instigation de Hofer, qui ne pouvait croire à ce traité de paix, voulut rallier encore un bataillon de chasseurs à la tête desquels il avait tant de fois combattu ; mais l’Autriche elle-même leur ordonnait de déposer les armes : ils rentraient l’un après l’autre dans leurs village ?, et un jour vint où leur chef se trouva seul et sans défense. Le 24 janvier 1810, s, a tête fut mise à prix. Des chasseurs bavarois, des gardes forestiers, des Soldats gravirent pour le trouver les cimesles montagnes, et pénétrèrent dans les défilés. Us l’avaient surnommé le Diable de fer, et juraient de couper sa chair en lambeaux. Speckbacher, cependant, fuyait de chalet en chalet ; tant qu’il lui resta quelque argent, il l’employa à acheter des vivres pour lui et le petit groupe de fidèles compagnons d’armes qui n’avaient pas voulu l’abandonner. Bientôt il fut forcé de les congédier, car il ne pouvait plus pourvoir à leur subsistance. Il essaya d’arriver dans le Pusterthal ; mais de tous les côtés les chemins lui étaient fermés, ici par des amas de neige infranchissables, là par des piquets de soldats. Enfin il parvint à gagner une forêt et il passa vingt-sept jours à errer en tous sens, craignant sans cesse d’être surpris, et souvent privé de toute nourriture.

Dans une de ses courses inquiètes, il rencontra sa femme et son fils, que la crainte d’un emprisonnement avait aussi chassés de leur demeure, et qui n’avaient pour toute provision qu’un peu de pain. Il eut le bonheur de les conduire dans un chalet où de braves gens se chargèrent de les dérober à toute poursuite eu faisant passer l’enfant pour leur propre fils et sa femme pour laservante de la maison. Quant à Speckbacher, comme il n’était pas possible de lui donner un asile sûr dans cette retraite, il se réfugia de nouveau dans les bois, où son domestique lui portait de temps à autre quelques aliments. Ce domestique savait seul ou le trouver, et ni les menaces, ni les offres-d’argent, ni les promes SPEC

ses de toutes sortes ne purent un instant ébranler sa fidélité. Vers le milieu de l’hiver, Speckbacher, s’imaginant qu’il était poursuivi moins activement, crut pouvoir reprendre un peu de liberté et s’en alla dans la maison où était Sa femme pour célébrer avec elle la fête des Rois. À peine était-il à table, qu’un des gens du chalet s’écria : • Voilà les soldats I • Speckbacher se précipite à la porte : elle était gardée. Il court à une autre, sort, et aperçoit sept chasseurs bavarois qui s’avancent sur lui. Avec cette merveilleuse présence d’esprit que donne quelquefois l’imminence d’un danger, il prend un petit traîneau qui se trouvait sur le seuil de la porte, le met sur ses épaules comme un domestique qui va chercher du bois et marche au-devant des soldats. Ceux-ci lui ordonnent de leur laisser le passage libre : ■ Ah ! ah ! leur répond-il en riant, vous parlez bien à, votre aise ; si vous aviez comme moi tant de charges de bois à amener au chalet, vous ne seriez pas si fiers I » Et il continua sa route. De cette maison, où il ne pouvait plus rentrer, il se retira dans une grotte, ou son excellent serviteur continua à lui porter des vivres. Au mois de mars, il se hasarda k prendre le chemin de sa demeure, y parvint à l’insu de tout le monde et se coucha dans l’écurie, sous la paille et le fumier. Il resta là sept semaines, n ayant pour toute nourriture que du luit et du pain. Des soldats occupaient les alentours de sa retraite, et sa femme ne pouvait que de loin en loin, et avec des précautions extrêmes, lui apporter quelques aliments.

Un jour, ceux qui le poursuivaient pénétrèrent jusque dans l’étable et s’avanoèreDt si près de lui, que le moindre mouvement l’eut trahi. Le 2 mai, il sortit enfin de son affreux gîte, où il était enseveli comme dans un tombeau. La neige couvrait encore les montagnes ; mais les sentiers escarpés étaient plus, praticables. Speckbacher avait résolu de chercher un dernier refuge en Autriche. 11 prit quelques livres de viande et du pain ; puis, ayant embrassé sa femme, i ! se mit en inarche par les ravins les plus déserts, les collines les moins fréquentées. Au point du jour, il s’arrêtait entre les rocs, sommeillait un peu, puis, le soir venu se remettait à marcher toute la nuit. Speckbacher arriva enfin à Vienne, après mille dangers.

En 1SM, le vaillant chasseur tyrolien put rentrer dans son pays ; mais les campagnes et les années de proscription avaient miné son robuste tempérament de montagnard. Il mourut le 28 mars 1820, à l’âge de cinquante-trois ans. L’empereur d’Autriche lui avait accordé une pension de 1,000 florins (2,500 fr.) qui, après sa mort, fut d’abord reversée en entier sur sa femme et ses enfants, puis réduite à un chiffre insignifiant. Son fils est mort en 1834. Le nom du brave Speckbacher est resté populaire parmi les honnêtes paysans du Tyrol.

SPECKLINIE s. f. (spè-kti-nl — de Specklin, aura pr.). Bot. Genre de plantes, de lu famille des orchidées, tribu des molaxidées, comprenant cinq espèces, qui croissent sur le tronc des arbres, dans les forêts de l’Amérique tropicale.

SPECKTER, (Edwin), peintre allemand, né à Hambourg en 1800, mort le 23 novembre 1835. Il étudiai Munich sous Cornélius, voyagea de 1830 à 1834-en Italie, et peignit des tableaux et des fresques. Il ne traita presque exclusivement que des sujets mylhologi-1 ques ou religieux. Ses tableaux les plus re, nommés sont : les Saintes femmes au tombeau de Jésus-Christ (gravé par F. Schrœder), et Samson et Dalila. — Son frère Othon, graveur, né à Hambourg en 1808, a illustré par des gravures un ceiiain nombre d’ouvrages, entre autres les chants religieux de Luther Bannchen und die Kûchlein, d’Eberhard ; les Fables, de Hey ; Quickborn, de Grotb, etc.

SPECTABLE adj. (spè-kta-ble — lat. spectabtlis ; de specere, regarder). Digne de considération : Le spectablb eitoijen., .. Vieux mot qui était usité à Genève.

SPECTACLE s. m. (spè-kta-kle —lat.spectaculum, aspect, vue, théâtre ; de spéciale, regarder. Comparez le grec tiieatron, théâtre, de thedstliai, voir, contempler. Le verbe latin speclare est le fréquentatif de speeere, voir, regarder). Objet qui attire les regards, l’attention : Spectacle «iKjiii/îgue. Spectacle touchant. Le spectacle de la nature. Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles, et l’harmonie la plus douce est le son de la voix de celle que l’on aime. (La Bruy.) Le spectacle des passions violentes est un des plus dangereux que l’on puisse offrir aux enfants, (J.-J. Rouss.) Le Spectacle de la mer fait toujours une impression profonde. (M, ne de Staël.) Le spectacle épouvantable du carnage n’endurcit point le véritable guerrier, (i. de Mnistre.) C’est un grand spectacle que celui d’unpevple qui travaillée se relever d’un long déclin, (Guizol.) Le spectacle des misères humaines navre l’âme. (Gnizot.) Les créations de l’art parlent à (esprit seul, et le spectacle de la nature parle à toutes les fucuités. (G- Sand.) C’est toujours un spectacle misérable que de vuir ferrailler les amours-propres, (V. Hugo.) Le spectacle du monde est un foyer permanent d’instruction saine et solide. (V. Cousin.) L’Arabie offre le spbctaClb d’un peuple qui n’a point été remué de dessus sa

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lie et a conservé toute sa saveur. [Renan.) Une nation prête à tout approuver, des jurisconsultes prêts à tout prouver, voilà le pire spectacle que la civilisation puisse offrir. (PrévostParadol.)

L’œil ravi, promené de spectacle en spectacle, De l’art a chaque pas voit un nouveau miracle. C. d’Harueviu-b,

Quel spectacle imposant, quel aspect merveilleux Que tout ce vaste amas de sommets sourcilleux !

A. Barbier.

— Représentation théâtrale, jeux publics : Aller au spectacle. Aimer le spectacle. Courir les spectacles. Faire bâtir une salle de spectacle. J’aime la pompe du spectacle, mais j’aime mieux un vers passionné. (Volt.) L’Espagnol aime les spectacles sanglants. (C’hateaub.) On reçoit’au spectacle de grandes leçons de vertu, et l’on rapporte l’impression du vice. (Mme de Lambert.) Tout spectacle ffiit se fait attendre, par cela même qu’il irrite f impatience du public, en accroît l’exigence. (E. de Gir.) Pour mettre à la portée du citadin la douteuse moralité des spectacles, le gouvernement prend un morceau de son pain au paysan qui a faim. (F. Bastiat.)

Des Grecs et des Romains les spectacles pompeux De l’univers encore occupent ta mémoire.

Voltaire.

Il Mise en scène, pompe, magnificence dans la représentation d’une pièce de théâtre : Il y a beaucoup de spectacle dans ce drame, dans cet opéra-comique. C’est une féerie à grand spectacle.

— Faits, actes qui attirent l’attention comme une représentation théâtrale : Les hommes chauds, violents, sensibles sont en scène ; ils donnent le spectacle, mats ils n’en jouissent pas. (Dider.)

Être en spectacle, Servir de spectacle, Se donner en spectacle, Être exposé, s’exposer à l’attention, au jugement, aux critiques du public : Les grands sont en spectacle à tout l’univers. (Mass.)

A vos désirs, messieurs, je ae vois qu’un obstacle, C’est que je ne veux pas me donner en spectacle.

Étienne.

Pour toute ambition, pour vertu singulière, 11 excelle a conduire un char dans la carrière, A disputer des prix isdignes de ses mains, A se donner lui-même en speelacle aux Romains.

Racine.

— Encycl. On confond trop souvent le théâtre avec le spectacle ; si l’analogie est grande entre les deux, elle est loin d’être complète cependant. Le théâtre est assurément un spectacle, mais tous les spectacles n’ont pas lieu dans les théâtres, et, bien avant ceux-ci, ceux-là étaient connus. Dès que l’homme acquit un rudiment de civilisation, il éprouva le besoin des spectacles, qui le distrayaient de ses chagrins, de ses travaux, de ses préoccupations, et le premier baladin qui parut

aux regards de la foule, exécutant des tours quelconques, des danses plus ou moins variées, plus ou moins accentuées, lui offrit un spectacle.

Le théâtre est un spectacle réfléchi, intellectuel, plus ou moins élevé, un spectacle raffiné, qui parle au moins autant à l’imagination et à l’esprit qu’aux yeux et aux sens. Mais i ! y a, à côté et en dehors du théâtre, des spectacles parfois intelligents, quoique non intellectuels, et des spectacles dont la vulgarité n’est qu’une question de plus ou de moins, mais qui ne laissent pas que de charmer la foule. C’est un spectacle que nous présentent les jeux du cirque et les exercices équestres ; c’est un spectacle aussi que nous offrent les combats d’animaux, de tareras qcs les luttes ae ooxe et celles a main armée ;’ c’est un spectacle encore qus nous trouvons dans la parade des saltimbanques, dans les dialogues cocasses de Bobèche et de Galimafrè. Spectacle, les pantomimes et les marionnettes foraines ; spectacle, les expériences amusantes ou savantes de Robin ou de Robert Houdin ; spectacle, le café-concert où nous allons entendre des romances fades, entremêlées de chansons trop épicées ; spectacle, les tours de gobelet exécutés par un artiste en plein vent ; spectacle, la baraque de Guignol, si chère aux enfants et devant laquelle les parents eux-mêmes prennent parfois un plaisir aussi vif que peu coûteux ; spectacle, le feu d’artifice qui est invariablement offert à la population d’un pays quelconque par son souverain bien-aimé, le jour de sa fête ; spectacle, les joutes sur l’eau ; spectacle, les courses de chars, de ehevaux ou de vélocipèdes ; spectacle, la promenade traditionnelle de Longcharop ; spectacle, les Folies burlesques du carnaval, les masques qui courent les rues, les cavalcades du mardi gras et de la mi-carême.

Les spectacles, chez tous les peuples du monde, ont toujours précédé les premiers essais du théâtre régulier et ils ont toujours vécu concurremment avec celui-ci, même à l’époque de ses manifestations littéraires les plus éclatantes. Bien avant la naissance de Sophocle et d’Euripide, d’Eschyle et de Mônandre, de Piaule et de Térence, les Grecs et les Romains possédaient des spectacles de genres différents, qui s’étaient engendrés les uns les autres et qui contenaient dans leurs flancs le théâtre et ses splendeurs, et ses

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beautés intelligents, et ses émouvantes peintures. En Grec, avant la tragédie et la comédie, avant le drame humain et la satire scénique, on eut leschorodies, les monodies, les chants amebées ; puis la choristique et les danses de toutes sortes. De même les Romains, avant de connaître le théâtre régulier, eurent diverses cérémonies religieuses qui étaient, k un certain point de vue, des spectacles : les bacchanales, les lupercales, ’etc ; ils eurent aussi les funambules, les marionnettes, les histrions, les mimes, les bouffons, les gladiateurs. Il en fut de même chez tous les peuples-, c’est là la marche naturelle des choses, et la civilisation, comme toute chose qui a sa source dans l’intelligence humaine, procède toujours du primitif au complexe, du simple au composé. Les peuples modernes, qui se sont entes sur les peuples antiques et dont la civilisation n’a été qu’un recommencement des civilisations antérieures, ont donc fatalement passé, sous ce rapport, par les mêmes phases. Kn ce qui concerne la France, nous allons voir ce qui s’est produit.

Le savant Charles Magnin, l’auteur de VUistoire des marionnettes et des Origines du théâtre antique et du théâtre moderne, l’écrivain si expert et si versé dans, toutes les questions de ce genre, s’exprimait ainsi dans un cours professe par lui en 1834 et 1835, à la Faculté des lettres de Paris :

«On trouve, en observantavecnttention l’état actuel ou peu antérieur de nos spectacles, que, pour être complète, l’étude des origines théâtrales doit s’étendre à trois familles de drames distincts, quoique se touchant et se confondaiitpar quelques points : 10 le drame merveilleux, féerique, surnaturel, qui, pendant toute la durée du moyen âge, fut essentiellement ecclésiastique, religieux, sacerdotal ; ï° le drame aristocratique et royal, qui, dès les premiers temps de la conquête, porta aux jours de gala les pompes et la joie dans les donjons des baronnies et les cours pléuières de la royauté ; 3" le drame populaire et roturier qui n’a jamais manqué d’égayer dans les carrefours, à ciel découvert, la tristesse des serfs et les courts loisirs des mauants ; théâtre indestructible, qui revit de nos jours dans les parades de Deburau ; théâtre qui serait peu digne de nous occuper s’il ne se trouvait être précisément l’anneau qui unit la scène ancienne à la scène moderne et si l’érudition ne pouvait trouver à ces joculatores, à ces delusores, à ces gogliardi de nos jours et du moyen âge, les plus honorables ancêtres dans l’antiquité grecque, latine, osque, étrusque, sicilienne, asiatique, depuis Ésope, le sage bossu phrygien, jusqu’à Maccus, le Calabrais jovial et contrefait, héros des farces atellanes, devenu depuis, dans les rues de Naples, le tiès-séimllant seigneur Polichinelle.

« Ainsi, pour suivre dans tous ses développements l’histoire du théâtre moderne,

nous devons ranger les jeux scéniques en trois classes et, comme je le disais tout k l’heure, en trois familles dont nous étudierons séparément les origines : 1« le théâtre religieux, merveilleux, ihéocratique, le grand théâtre qui a eu pour scène un moyen âge les nefs de Sainte-Sophie, de Sainte-Marie-Majeure, les cathédrales da Strasbourg, de Ruuen, de Reims, de Cambrai, les monastère de Corbie, de Saint-Martial, de Gandersheiro, de S.iint-Alban ; zo le théâtre seigneurial et royal, qui brilla aux palais des ducs de Provence, de Normandie, de Bretagne et d’Aquitaine, aux donjons des comtes de Champagne, aux châteaux des sires de Couey, aux l’êtes des rois de France et d’Angleterre, à la cour de l’empereur, aux galas des rois de Sicile et d’Aragon ; 3° le théâtre populaire et forain, qu’on vit constamment, à de certains jours, s’agiter et s’ébattre, à grand renfort de bruit et de gaieté, dans les places de Florence, sur les quais et les canaux de Venise, dans les carrefours de Londres et de Pans.

Ces trois sortes de drame, ecclésiastique, aristocratique et populaire, se retrouvent dans l’antiquité gieeque et romaine. C’est pour ne les y avoir pas suffisamment distinguées et pour nous être trop exclusivement bornés à l’examen du theât : e officiel et national, que nous nous trouvons généralement peu préparés à l’intelligence de nos propres origines théâtrales. Je hais fort bien, messieurs, que les habiles professeurs chargés de vous initier aux chefs-d’œuvre des littératures anciennes ne vous ont pas laissé

ignorer qu’à côté du théâtre public et solennel des Accius, des Sophocle, des Aristophane et des Térence, il y eut à Athènes et àRoinedes théâtres privés, des ballets à huis clos, de petites pièces domestiques sans cothurnes et sans masques, Complément ordinaire de tous les festins splendides. Muratori, Montfaucon, Flœgel, Boulanger, Bœttiger ont recueilli une toule de documents sur les slotidi et les moriones, nains idiots, commensaux contrefaits des riches, joujoux hideux des gynécées, ancêtres et précurseurs de nos fous de cour. Quant au théâtre populaire, les peintures et les bronzes d’Heiculanuin, les mosaïques, les bas-reliefs, les pierres gravées, les monuments de toute espèce attestent assez que la populace antique, outre les grandes boucheries de l’amphithéâtre et les grands jeux scéniques, n’a pas manqué, plus que la nôtre, de toutes les variétés de saltimbanques, de faiseurs de tours, de grimaciers, de funambules, d’animaux savants et d’itnprovi-