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Charles XII (décembre 1718), il se vit contraint d’abandonner au comte palatin Gustave la principauté de Deux-Ponts, où son excessive bonté l’avait rendu très-populaire. Ne sachant où se réfugier, il s’adressa au régent île France, le duo d’Orléans, qui l’autorisa a s’établir à Wissembourg, en Alsace, et lui accorda une pension. Stimislas vivait obscurément et presque misérablement dans cette ville, car su pension lui était fort mal et très-irrégulièrement payée, lorsque le jeune Louis XV épousa sa nlle Marie Lesczynska (5 septembre 1725). Le beau-père du lui de France quitta alors Wissembourg et alla habiter successivement les châteaux de Chainbord et de Meudou.

La mort d’Auguste II en février 1733 rendit vacant le trône de Pologne. Stanislas, qui vivait en paix, conformément à ses guûts, et qui savait qu’il ne pouvait avoir aucune confiance dans l’appui des Polonais en cas de danger, n’avait nulle envie d’essayer de recouvrer un frêne qui lui avait attiré tant de déboires. Toutefois, il finit par céder à la sollicitation de Louis XV, qui lui promit son appui et des secours. Comme la Russie et l’Autriche, favorables k la candidature du fils d’Auguste II, étaient déterminées à fermer tout passage, soit par terre, soit par mer, à Stanislas, celui-ci trompa leur active surveillance par un déguisement, quitta la France le 26 août, et, après avoir traversé l’Allemagne avec le chevalier d’Andelot, il arriva à Varsovie le 8 septembre. Accueilli avec une grande joie parle peuple, il fut acclamé roi le 11 du même mois, à la suite d’une élection dans laquelle il n’eut contre lui que treize voix. Mais bientôt une année russe, à laquelle se joignirent les partisans d’Auguste III, entra en Pologne et s’empara de Varsovie, Stanislas, ne disposant que.d’une armée de 8,000 hommes, dut se replier et alla s’enfermer dans la forteresse de Dantzig, en attendant les secours de la France. Mais, au lieu d’une armée, il ne reçut qu’un petit corps de 1,600 hommes commandés par le comte de Bélo et se vit assiégé par les Russes le 20 février 1734. Grâce au courage de la garnison et à l’énergie des habitants, il soutint pendant quatre mois les attaques de l’ennemi ; mais, assiégé par terre, bloqué par mer, dans l’impossibilité de se ravitailler en vivres et en munitions, il renonça a continuer une résistance dont le résultat ne pouvait être que fatal, engagea les habitants à capituler, parvint à s’échapper, le 87 juin, déguisé en paysan, et, après avoir couru mille dangers, il arriva enfinàKœnigsberg, où il put prendre quelque repos. Le 30 octobre de l’année suivante, Louis XV signa avec l’empereur d’Allemagne le traité de Vienne, par lequel il fut convenu que Stanislas renoncerait à toute prétention ultérieure sur le trône de Pologne, recevrait en échange, sa vie durant, la possession des duchés de Lorraine et dé Bar qui, après sa mort, feraient retour à la couronne de France, et enfin qu’il conserverait le litre de roi. Après avoir solennellement abdiqué à Kœnigsberg le 28 janvier 1736, Stanislas revint en France, puis se rendit, le 3 avril 1737, dans la Lorraine. Pendant vingt-huit ans ce prince gouverna la Lorraine avec une bonté et une sagesse qui lui méritèrent le surnom de Bi«uraisant. Au milieu de ce pays tranquille, il montra toutes les vertus d’un homme qui n’avait aucun des vices des rois. Véritable philosophe pratique, en relation avec les philosophes et les hommes les plus distingués du temps, il employa la pension annuelle de s millions, pour laquelle il avait renoncé aux revenus des deux duchés à créer une Académie à Nancy (1750), à fonder dans cette ville et à Lunéville des collèges, des hôpitaux, des établissements utiles, des monuments, a favoriser les lettres et les sciences et à faire de sa petite cour une réunion de lettrés et d’hommes éminents. Le roi Stanislas avait conservé sa santé et toute son intelligence à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, lorsqu’un matin, se trouvant près d’une cheminée, sa robe de chambre prit feu. En voulant l’éteindre, il tomba dans le foyer, ne put se relever et fut trouvé quelques instants après couvert d’affreuses brûlures. Deux jours plus tard, il expirait. Il fut enterré auprès de sa femme, non loin de Nancy, dans la chapelle de Bon-Secours, où, deux ans plus tard, on déposa le cœur de sa tille. Ce prince avait composé en français divers écrits, notamment l'Incrédulité combattue par le simple bon sens (Nancy, 1760, iti-S°), qui ont été réunis sous le titre à’Œuores du philosophe bienfaisant (Paris, 1703, i vol. in-12). Ses Œuvres choisies ont été publiées par Mlle je Saint-Ouen (1855, in-8°). Il avait, en outre, fait en vers polonais un version de la Bible (Nancy, 1761, in-fol.) et écrit quelques autres ouvrages dans cette langue.

— Iconogr. Une statue en bronze du roi Stanislas a été érigée, en 1831, h Nancy, au centre de la belle place qui porte le nom de ce monarque, à l’endroit même où s’élevait autrefois celle de Louis XV. Celte statue, modelée par Jacquot et coulée d’un seul jet (la- tête excepiée) dans les ateliers de MM. Soyer et Ingé, à Paris, est de grandeur colossale : la main droite est tendue vers l’arc de triomphe érigé à Louis XV ; la tête est nue, avec une perruque du temps ; le manteau royal et les autres pièces du vê STAN

temont sont peu pittoresques et l’ensemble de la figure est un peu lourd ; mais la physionomie a une belle expression de noblesse, de majesté et en même temps de bonté. La fonte de cette statue échoua une première fois par suite d’une gerce qui s’était faite dans le conduit portant sur lenterrage ; la matière incandescente s’y étant introduite produisit une explosion qui blessa grièvement plusieurs des spectateurs, entre autres l’archéologue Quatremère de Quincy et le peintre Forestier. Une statue de pierre du roi Stanislas a été sculptée, en 1852, par M. Georges Clère pour la décoration du palais de la Faculté, à Nancy. L’église de Bon-Secours, érigée dans cette même ville par Stanislas en 1738, renferme son mausolée, sculpté par Vassé, et celui de sa femme, sculpté par Sébastien Adam, L’œuvre de ce dernier est remarquable ; elle représente Catherine agenouillée, à laquelle un ange vient annoncer le terme de ses épreuves ; l’aigle polonaise, sortant du tombeau, semble soutenir le groupe sur ses ailes éployées. Le mausolée consacré à Stanislas se compose d’une pyramide au devant de laquelle on voit sur un socle la statue de ce prince debout entre les figures de la Lorraine et de la Charité, douloureusement affaissées. Le dessin de ce monument fut exposé par Vassé au Salon de 1771 ; Diderot critiqua la maigreur de l’ordonnance et le mauvais effet des trois figures formant un triangle. Le tombeau de Stanislas est un but de pieux pèlerinage pour les réfugiés polonais. Dans le grand salon de l’hôtel de ville de Nancy, le plafond peint par Girardet représente VApothéose de Stanislas, Des portraits de ce prince ont été gravés par Nicolas de Larmessin le jeune (d’après Vanloo), par Bart. Forlino (d’après iiaceiarelli, 1767), etc. Rémond a exposé au Salon de 1831 un paysage historique représentant le Soi Stanislas distribuant des secours aux habitants de Saint-Dié, après l’incendie de 1757.

STANISLAS H (Stanislas-Auguste PoNUtowski), roi de Pologne, né à Wolezyn

(Lithnanie) le 17 janvier 1732, mort h Saint-Pétersbourg le 12 février 1798. Son père, le

comte Stanislas Poniatowski, avait été l’ami et Je compagnon d’armes de Charles X !I, et sa mère, Constance Czartoryska, dont il était le huitième enfant, descendait des Jugellons. Le jeune Stanislas-Auguste, doué de l’extérieur le plus agréable, élevé avec le plus grand soin, se lit remarquer de bonne heure pur son goût pour les lettres. Après avoir servi quelque temps dans l’armée russe, il fut malgré sa jeunesse nommé staroste et assista comme nonce à la diète de Grodnô (1752). En 1753, il se rendit avec son père a Paris. Le comte Poniatowski devint un dos habitués du salon de Mmo Geoffrin, qui avait alors cinquante-quatre ans, et, en retournant plus tard en Pologne, il laissa Stanislas à Paris, en le recommandant à son amie d’une façon toute particulière. Mme Geoffrin prit son rôle au sérieux et prodigua de sages conseils au jeune homme, tout en fermant les yeux sur ses fredaines et en payant ses dettes. À la suite de certaines aventures galantes, Stanislas-Auguste dut quitter la France et Mme Geoffrin, à qui il donnait le nom de mèrj et avec laquelle il entretint depuis lors une longue correspondance. Après avoir fait une excursion à Londres, où il se lia avec le diplomate sir Hunbury Williams, il retourna en Pologne, se mêla aux grandes affaires de son pays et fut nommé grand panetier de Lithuanie. En 1755, Stanislas-Auguste se rendit à Saint-Pétersbour ?. Présenté à la cour par son ami Hanbury Williams, ambassadeur d’Angleterre, il y reçut un excellent accueil, se fit remarquer par son esprit et par l’agrément de ses manières, et sut inspirer une violente passion à la grande-duchesse hériritiére, qui devait être plus tard Catherine II. De la part de cette dernière, l’amour fut vif, mais ne survécut point à l’absence, tandis que l’affection que ressentit pour elle Stanislas Poniatowski fut aussi sincère que durable. Les relations intimes des deux amants furent encouragées par la famille de Czartoryski, qui espérait en tirer parti pour ses vues ambitieuses. Par leur crédit, Stanislas obtint d’être envoyé en qualité d’ambassadeur près la cour de Saint-Pétersbourg ; mais, au bout de quelque temps, le cabinet de Versailles, qui le trouvait trop favorable aux Anglais, demanda son rappel, et l’impératrice Elisabeth, favorable à la France, voyant, du reste, que les assiduités du jeune diplomate auprès de la grande-duchesse Catherine indisposaient le grand-duc, ugit dans le même sens auprès d’Auguste III, roi de Pologne. Ce fut avec le plus vif chagrin que Stanislas dut quitter Saint-Pétersbourg et Catherine. Celle-ci lui remit alors pour son père une lettre dans laquelle se trouvait ce passage : à Charles XII a distingué votre mérite ; je saurai distinguer celui de votre dis et l’élever peut-être au-dessus de Charles XII lui-même. > Irrité contre le roi Augustj III et encore plus contre son ministre Bruhl, Stanislas se jeta dans l’opposition, dont il devint un des principaux chefs. L’avènement de Catherine au trône de Russie, en 1672, vint augmenter encore sa situation, car en ce moment la mort d’Auguste III semblait prochaine, et il n’était point douteux que Catherine ne fit tout pour donner le trône de Pologne ù son ancien amant.

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Lorsque Stanislas apprit l’assassinat de Pierre III et l’avènement de Catherine II, « il était couché, dit M. L. Chodzko, ayant de chaque côté de son lit un portrait de Catherine, l’un en Bellone, l’autre en Minerve. À cette nouvelle, il se leva brusqueinentet, dans sa joie, se jeta à genoux, s’adressant tout ensemble à l’émissaire, au ciel et aux deux portraits. «Il allait se rendre à Saint-Pétersbourg lorsqujl recul de Catherine une lettre, datée du 2 août 1762. « J’enverrai bientôt, disait-elle, le comte de Keyserling, mon ambassadeur, pour vous faire roi dès qu’Auguste III aura cessé de vivre. En cas qu’il ne puisse réussir h vous faire élire, je veux que ce soit le prince Adam Czartoryski, votre cousin. » Ayant représenté avec chaleur à l’impératricequ’étant auprès d’elle il serait beaucoup plus utile à sa patrie qu’en occupant le trône, elle lui fit comprendre qu’elle ne désirait plus sa présence à la cour, que d’ailleurs » il ne fallait pas choquer Alexis Orloff, dont la passion pour elle était publique. • Poniatowski se résigna donc à différer son voyage, bien que l’amour fût bien près, chez lui, d’imposer silence ii l’ambition. • Quoique l’inconstance de Catherine fût notoire, Stanislas-Auguste n’en conserva pas moins sur elle toutes ses illusions, et ce ne fut que bien plus tard, après la série de mécomptes et d’humiliations qu’il subit à l’occasion du premier partage de la Pologne, que l’indignation la plus réelle mit fin à son grand amour. Du reste, en 1762, Catherine II lui témoignait encore une sollicitude assez vive pour qu’il pût croire a son affection. Peu après arriva à Varsovie l’envoyé de la czuriue, qui était un ancien professeur de grammaire de Poniatowski. Ce personnage était chargé de fournir à la famille Czartoryska les sommes nécessaires pour lever des troupes et de tout préparer pour amener l’élection au trône de Stanislas dès qu’Auguste III aurait cessé de vivre, La Pologne fut alors divisée en deux partis : le parti national, ayant à sa tête les Radziwill, les Potocki, les Braniki, et le parti des Czartoryski, s’appuyant sur la Russie et disposant dès cette époque de toutes les charges.

Auguste III étant mort à Dresde le 5 octobre 1763, les diètes polonaises furent convoquées pour élire la diète suprême qui devait choisir un roi. Voulant, malgré les cabinets de Vienne et de Versailles, assurer le trône à son ancien amant, Catherine envoya à Varsovie un agent actif, le prince Repnin, puis des troupes au moment où la diète venait île s’y réunir. • Les Russes entourèrent le château royal où était assemblés les députés, dit M. Chodzko, et les Cosaques formèrent la haie le long des rues qui menaient au camp moscovite, afin de faciliter l’entrée des troupes en ville au premier signal de Repnin et de la famille (c’estninsi qu’on appelait le parti des Czartoryski et de Stanislas). Les lois et usages furent alors renversés ; on passa outre k l’opposition nationale ; le président légal, AdaniMalachowski, fut ex puisé, et Adain-Casimir Czartoryski prit sa place. » Ces violences accomplies, il fallut exécuter les instructions secrètes de Catherine II ; c’est

Poniatowski qui s’en chargea, et, dans une harangue artificieuse, il s exprima ainsi : « Les bons citoyens peuvent être alarmés ; mais nous devons tous nous confier dans les vertus de S. M. l’impératrice de Russie. Je puis affirmer que ses troupes qui nous entourent ne sont venues que pour maintenir la paix, rétablir l’ordre et empêcher les citoyens de se massacrer. Je propose que la diète écrive à l’impératrice pour remercier cette auguste, vertueuse et magnanime princesse des services qu’elle rend a notre république. » Il est inutile d’ajouter que le parti dominant fît voter tout ce qu’il voulut ; tout du reste était préparé d’avance. Lorsque la dièle d’élection se réunit le 27 août suivant, on eut soin d’écarter tous les patriotes ; la candidature de Stanislas-Auguste fut posée au nom de la czatïne, et les partisans de ce dernier, au nombre de quatre à cinq mille seulement, débarrassés d’adversaires gênants, proclamèrent i’oi de Pologne Stanislas (7 septembre 1764). Deux jours plus tard, le nouveau roi écrivait à Mme Geoffrin : à J’ai eua satisfaction d’être proclamé par la bouche de toutes les femmes comme par celle de tous les hommes de ma nation présents à cette élection ; car l’archevêque-primat, qui recueillait les suffrages, en passant devunt leur carrosse, leur a réellement fait la gentillesse de leur demander qui elles désiraient pour roi. Que n’éliez-vous là, ma chère maman, vous auriez nommé votre fils 1 < Le 25 du mois suivant eut lieu la cérémonie du couronnement. Stanislas acheva d’indisposer

con’lre lui les patriotes en substituant au costume national porté par les princes dans cette cérémonie un costume de pure fantaisie.

Devenu maître du pouvoir, Stanislas essaya de se concilier l’opinion eu introduisant des réformes utiles, en créant une fonderie de canons, une école militaire, en restreignant le liberum veto aux questions politiques, en réduisant les privilèges des grands dignitaires, en augmentant l’armée, de concert avec la diète de 17G6. Toutefois, quelques-unes des innovations de Stanislas déplurent au parti patriote, qui, à l’appel de Charles Radziwill, forma la ligue de Radoiu. L’impératrice Catherine II, sous le prétexte de dissiper cette ligue, fit entrer une

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armée russe en Pologne, enlever de force trois sénateurs, qu’on déporta en Russie, et força la diète de 1768 à reconnaître la liberté des cultes pour tous les dissidents, membres de l’Église grecque, luthériens, calvinistes, avec la faculté pour tous d’arriver ù tous les emplois. Les catholiques se joignirent alors au parti hostile à la Russie, pour combattre la liberté de conscience qui venait d’être proclamée et s’opposer à un ensemble de mesures législativesudoptées sous la pression de la Russie. Ce fut alors que se forma la célèbre confédération de Bar, ayant pour chef l’évêque Krusinski (29 février 1768). La guerre civile éclata. Dans un manifeste, la confédération déclara le trône vacant et décida que Stanislas serait enlevé, livré à Pulawski, général des confédérés, ou mis à

mort si l’enlèvement ne pouvait s’exécuter. Le 3 septembre 1771, quelques hommes armés enlevèrent Stanislas h Varsovie, le blessèrent à la tête et l’entrulnèrent hors des murs. Conduit dans une forêt, le roi se trouva bientôt seul avec Kosinski, chargé de le tuer s’il tentait de fuir. Mais Stanislas parvint à, émouvoir son gardien, qui lui rendit la liberté, et il fit partir celui-ci pour l’Italie, où il lui envoya pendant longtemps une pension. Depuis quatre ans, les confédérés luttaient contre les troupes de Stanislas et les Russes, lorsque, privés de tout secours, ils Unirent par succomber. Ce fut alors que Catherine II conclut avec Frédéric II et Marie-Thérèse d’Autriche un traité par lequel les trois autocrates procédèrent au premier partage de la Pologne (18 septembre 1772). Chacun des trois souverains spoliateurs s’empara de ce qui lui convenait, et le reste de ce malheureux pays fut laissé à Stanislas, qui dut reconnaître solennellement la cession des territoires envahis. Quant à l’Europe, elle assista impassible au démembrement de ce pays tombé dans ta situation la plus misérable. En même temps que Stanislas se trouvait réduit h une ombre de pouvoir, le cabinet de Saint-Péiersbourg introduisait de force de grandes

niodilications dans la constitution polonaise. Devenu l’humble vassal de son ancienne maltresse, le roi de Pologne n’eut jamais la pensée de secouer son joug. Il n’eut même pas l’idée d’abdiquer pour protester contre le plus odieux des attentats de la force. Il continua à exercer un pouvoir précaire sur les possessions dont les trois puissances lui avaient garanti l’intégrité, sans se douter que cette garantie était nu leurre. Toutefois, il manifesta quelques bonnes intentions, s’occupa d’encourager les lettres, le commerce, l’industrie et consacra à l’instruction publique les biens enlevés u l’ordre des Jésuites, qui venait d’être supprimé. En 1787, Stanislas no rougit point d’accompagner la czurine dans son voyage eu Tauride et de lui donner les’ témoignages de la plus plate adulation, tandis que calle-ci le traitait avec la plus grande indifférence. L’année suivante, la guerre ayant éclaté entre la Russie et la Turquie, Catherine II demanda à la diète polonaise de lever en Pologne 30,000 hommes de cavalerie ; mais cette demande fut repoussée et, dans l’espoir de secouer le joug moscovite, les Polonais conclurent, le 29 mars 1790, un traité d’alliance défensive avec la Prusse. La diète de Varsovie, qui devait devenir célèbre sous le nom de grande diète et de dièle constituante, crut pouvoir alors rédiger une constitution nouvelle, malgré la représentation de Stanislas, qui affirmait qu on indisposerait la grande impératrice, a si sincèrement attachée k la Pologue, » La diète n’en continua pas moins sou œuvre et promulgua la constitution du 3 mai 1791. Par cet acte, la couronne était déclarée héréditaire dans la maison de Saxe ; le pouvoir exécutif appartenait au roi, assisté d’un conseil privé composé du primat, de cinq ministres et de deux secrétaires ; le pouvoir législatif appartenait aux états divisés en deux Chambres ; le liberumveto, le conseil permanent et les confédérations étaient supprimés. La religion catholique, bien que religion d’État, n’empêchait en rien la liberté des autres cultes ; la noblesse conservait ses privilèges, mais elle était imposée du dixième de son revenu et les paysaus se trouvaient placés sous la protection de lois spéciales-, des droits politiques étaient conférés k la bourgeoisie ; enfin on élevait à 100,000 hommes le contingent de l’armée. Pendant que Stanislas faisait à cinq reprises le serinent de maintenir la constitution, les nobles prenaient la résolution de la renverser et formaient dans ce but la confédération de Targowicz. Sur ces entrefaites, Catherine U signait la paix avec les Turcs, déclarait ta guerre à la Pologne, sous prétexte de secourir les confédérés, et amenait, par la promesse d’un nouveau partage, le roi de Prusse à. rompre son traité avec les Polonais. Vainement, dans ce péril extrême, la diète supplia Stanislas de se mettre à la tète de l’armée, que commandait l’héroïque Kosciusko ; ce prince, oubliant tous ses serments, commit la lâcheté d’obéir à Catherine en reconnaissant la confédération de Targowicz (25 août 1792). L’année suivante, la czariue procéda, de concert avec le roi de Prusse et l’Autriche, au second partage de la Pologne (22 juillet-25 septembre 1793) et réunit la diète de Groduo. Cette assemblée, terrinée par la présence de l’armée russe, consentit à abroger la constitution de 1701 et a. reconnaître l’acte odieux qui démembrait