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ciplîne sont prises pour empêcher tout désordre, le conseil municipal est assemblé et vote une avance de 700,000 francs pour le règlement de la solde. Ce résultat obtenu, Dalouzy réunit les troupes, leur fait distribuer la solde, et se démet sans désemparer du commandement, après une courte harangue, pleine de convenance et de modestie. Le licenciement s’effectua aussitôt avec la plus grande régularité et l’ordre le plus parfait, et Strasbourg rentra sous l’obéissance royate. Rappelons ici que Louis XVIII fit grâce à Dalouzy, en récompense de son intelligence et de son désintéressement. Depuis cette époque jusqu’à 1870, les seuls épisodes ou événements politiques qui aient marqué dans l’histoire de Strasbourg sont : la visite de Charles X (1828) ; celle de Louis-Philippe (1831), la tentative de soulèvement faite le 30 octobre 1836 par le prince Louis-Napoléon contre le gouvernement de Louis-Philippe (V. ci-après Strasbourg [affaire de]) et l’a grande fête nationale célébréo à l’occasion de l’inauguration de la statue de Gutenberg en 1840. Strasbourg, que le gouvernement de l’Empire, avec son incroyable et coupable incurie, n’avait pas mis en état de défense, fut investi dès les premiers jours de la guerre qui éclata entre la France et la Prusse (9 août 1870). Nous allons raconter longuement ciaprès ce siège mémorable. Bornons-nous à rappeler ici que, par une singulière coïncidence, ce fut le 28 septembre 1870, cent quatre-vingt-neuf ans, jour pour jour, après sa conquête par Louis XIV, que Strasbourg retomba au pouvoir des Allemands, qui T’annexèrent à leur nouvel empire.

Célébrités. Strasbourg a vu naître : Sébastien Brand, le célèbre poëte satirique, dont la Nef des fous, traduite au xvie siècle dans toutes les langues littéraires de l’Europe, jouit d’une vogue universelle ; Oberlin ; l’abbé Grandidier, historiographe de France ; Dietrich, maire de Strasbourg et l’un des premiers, naturalistes de son temps ; le prédicateur Jean Geiler de Keyserberg ; le jurisconsulte Schapflin, et Koch, son continuateur ; les anatomistes Lauth père et fils, le chimiste Spielmann ; les mathématiciens Arbogast etlîamp ; le sculpteur Ohmacht ; le ciseleur Roistein ; les peintres Hans Baldung Grun, élève d’Albert Durer, et Vendelin Dieterlin, auquel on uttribue l’invention de la peinture au pastel ; le poëte Andrieux, le général Kléber et le maréchal Kellermann, duc de Valmy. Il est presque inutile do rappeler encore ici le nom de Gutenberg, enfant d’adoption de Strasbourg. La statue du célèbre créateur de l’imprimerie, œuvre de David d’Angers, a été inaugurée en 1840. Elle est en bronze et repose sur un piédestal de grès orné de bas-reliefs allégoriques. Gutenberg est représenté tenant à la main une feuille sur laquelle on lit ces mots : Et la lumière fut ! C’est une des plus admirables compositions du célèbre statuaire.

Strasbourg (siëgb vis), soutenu par les Français contre les Allemands au début de la guerre de 1870-1871. Après la bataille de Reischshoffen, et lorsque la 3e armée, commandée par le prince royal de Prusse, allait franchir les Vosges pour se diriger sur Paris, la division badoise fut détachée de cette armée et reçut la mission d’aller cerner Strasbourg. Cette ville, un des boulevards de la France, pouvait menacer les Allemands d’une manière toute particulière, devenir un point de concentration et couper les lignes d opérations de l’ennemi. D’ailleurs, comme M. de Bismarck l’a déclaré à M. Jules Favre lors de l’entrevue de Ferrières, c’était la clef de sa motion, et tout allait être mis en œuvre pour l’arracher de nos mains. De plus, l’ennemi savait parfaitement que la place n’était pas en état de défense, et il ne voulait pus nous laisser le temps de réparer la criminelle incurie des hommes de 1 Empire, qui n’avaient fait qu’emplir leurs poches avec l’argent destiné u foudre des canons. Les Allemands eux-mêmes ont constaté l’incroyable négligence qui avait présidé a l’armement de nos places de guerre. « De même que toutes les places fortes de France, dit le colonel Borbstaedt, la place frontière de Strasbourg avait été négligée de ia manière ia plus inexcusable, bien qu’appelée à jouer un rôle important dans une guerre, soit offensive, soit défensive, avec l’Allemagne. La place est construite d’après un système suranné, qui est démontré impossible h conserver eu présence de l’augmentation de portée et d’action des pièces rayées, et, cependant, durant les longues années de paix, rien n’avait été fait pour mieux la protéger contre une attaque régulière tentée avec des pièces rayées de siège et pour mettre en même temps la ville à l’abri d’un bombardement par ia construction de forts avancés. Il était trop tard maintenant pour remédier u cette négligence ; depuis que la dernière guerre était commencée, on avait également peu prévu et peu fait pour tout ce qui concernait la. mise en état, l’armement des ouvrages très-étendus qui entouraient la ville et la garnison nécessaire pour les défendre. Le 6 août, le jour de Wœrth, l’armement de Strasbourg n’était pas encore terminé ; les glacis n’étaient pas dégagés, les remparts n’avaient pas de canons ; on venait seulement d’ouvrir les écluses pour remplir les fossés. La confusion, la précipitation étaient

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encore augmentées par l’arrivée, dans la soirée même, des fuyards de Wœrth qui se précipitaient dans la ville, où ils répandaient les plus effrayantes nouvelles. » (Campagne de 1870-1871 ; trad. de M. Costa de Serda, capitaine d’état-major.)

Cette déplorable situation de la place provenait de la persuasion où était le gouvernement que l’ennemi nous attendrait l’arme au bras sur son territoire et n’oserait pas envahir le nôtre ; persuasion qui fait le plus grand honneur à la prévoyance et a la perspicacité des hommes de l’Empire. Comme si les Allemands n’avaient jamais envahi la France I

Après la terrible journée de Reischshoffen, une foule de fuyards, ainsi que le rapporte l’écrivain que nous venons de citer, se précipitaient dans Strasbourg, quartier général de Mac-Mahon, tandis que les restes du l°r corps battaient en retraite dans la direction de l’ouest. Soldats de la ligne, chasseurs à pied, artilleurs, turcos s’engouffraient pélemele dans la place comme un torrent débordé. Cette foule, fantassins juchés k cheval, cavaliers démontés, apportaient un appoint d’environ 3,000 hommes à la garnison, dont le noyau n’était formé que du 87e de ligne, fort de 2,700 hommes, appartenant à la 4e division du 1er corps, et qui était resté par hasard k Strasbourg lors de son passage dans la place. La garnison comprenait, en outre, deux bataillons de dépôt d’infanterie, deux compagnies de dépôt de chasseurs à pied, les batteries de dépôt de deux régiments d’artillerie, quatre bataillons de garde mobile, deux escadrons de lanciers et enfin 500 pontonniers que le manque de chevaux avait empêchés de rejoindre le 1er corps, plus 120 marins destinés à former l’équipage de la flottille du Rhin, qui était devenue sans emploi. Tous ces éléments hétérogènes réunis présentaient un effectif d’environ 17,000 hommes ; mais, sur ce nombre, la moitié à peine était familiarisée avec le service militaire, les dépôts se composant en majeure partie de recrues et la garde mobile n’ayant reçu ses armes que le 8 août. Tenons compte aussi de la garde nationale sédentaire, 3,600 hommes environ ; mais elle ne pouvait guère être utilisée que pour le service intérieur de la place, car elle était formée d’hommes qui n’avaient reçu aucune instruction militaire.

Quant à l’armement de la place, il eût été formidable si l’on avait pu utiliser tous les canons ; mais le service du génie et de l’artillerie était complètement insuffisant, le génie ne disposait, en effet, que de vingt mineurs et de cinq capitaines ; l’artillerie ne comprenait que 1,200 hommes avec six chefs d’escadron. Ce n’est pas ce chiffre dérisoire qui pouvait suffire k l’établissement et au service des 1,000 k 1,200 canons que renfermait la place. On ne put utiliser que 87 canons et 23 mortiers, et encore d’un calibre très-inférieur à celui des pièces de l’ennemi et d’une portée beaucoup moindre.

Le commandement de Strasbourg avait été1 confié au général Uhrich, rappelé du cadréde la réserve pour occuper ce poste dans ces douloureuses circonstances. Enfant du pays (né à Phalsbourg) et ayant déjà exercé ce commandement, il connaissait exactement les conditions delà place ; malheureusement, il manqua des ressources militaires qui eussent du être accumulées à Strasbourg. Le colonel Sabatier était directeur du génie, ayant sous ses ordres le lieutenant-colonel Maritz, chargé des travaux de la défense. Le service du génie de la citadelle était confié au commandant Ducrot, qui y fut tué le 30 septembre par un éclat dobus ; à la tête de l’artillerie se trouvait le général Barra !, qui avait réussi k pénétrer dansia place, déguisé en paysan, alors qu’elle était déjà investie ; il avait sous ses ordres comme directeur le colonel Belu.

Un conseil de guerre tenu le 7 août constata que la garnison avait du pain pour cent quatre-vingts jours et d’autres vivres pour soixante jours, avec peu de viande sur pied. Ce même conseil décida qu’on résisterait énergiqueraent et que le service serait ainsi organisé pour la garnison : un tiers occuperait les remparts, un tiers serait de piquet et prêt à marcher, l’autre tiers au repos, sauf les cas où toutes ces forces devraient combiner leurs efforts. Le général Uhrich adressait en même temps k la population une proclamation destinée à réagir contre les appréhensions excitées par le brusque isolement de la place et la soudaine apparition de l’ennemi devant ses murs ; elle se terminait par cette phrase bien française : ■ Si Strasbourg est attaqué, il se défendra tant qu’il restera un soldat, un biscuit, une cartouche. >

La division badoise ne tarda pas k se montrer, sans trouver le moindre obstacle sur sa route ni aux approches de Strasbourg, et elle occupa aussitôt les localités environnantes. Elle était commandée par le général Beyer, ministre de la guerre du grand-duché de Bade. Surpris par cette soudaine et terrible irruption, le générai Uhrich n’avait eu le temps d’organiser aucun moyen de défense extérieur ; c’est déjà sous le feu de l’ennemi qu’il commença k faire en partie dégager les glacis, à palissader- les ouvrages, k abattre les arbres qui pouvaient gêner le tir de la place ; mais sur aucun point il ne put établir des travaux propres k arrêter les approches de l’assaillant. Sohiltigheùn et Kônigshoffen n’étaient même pas occupés,

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bien qu’on pût les considérer comme des faubourgs de Strasbourg. Il devenait ainsi évident que le général Uhrich allait se borner à une défense purement passive des ouvrages de la place. Le cimetière de Sainte-Hélène, situé près de Schiltigheim, k deux ou trois cents pas des glacis, n’avait été ni rasé ni occupé, en sorte que, dès les premiers jours, l’assiégeant put s’y établir sans résistance et se trouver ainsi dans le voisinage le plus immédiat des remparts.

La division badoise n’eût pas suffi k elle seule à faire capituler Strasbourg ; aussi lui expédia-t-on des renforts considérables. La place allait voir arriver successivement devant ses murs une partie des troupes de réserve restées en Allemagne, savoir : la division d’infanterie de landwehr de la garde royale et la lr» division de réserve, comprenant chacune 12 bataillons, 8 escadrons et 18 bouches k feu ; le 30e régiment d’infanterie, venu de Rastadt ; le 34<s régiment de fusiliers, venu de Mayence ; le 2° régiment de dragons de réserve et le 2» régiment de hussards de réserve, qui devaient former une brigade de cavalerie. Ces forces réunies pouvaient former un effectif de 50,000 à 60,000 hommes. Quant k l’artillerie, elle était formidable. Outre celle des Badois, les 4*, Ee, 7° et 10<J corps, la garde royale, la Bavière et le Wurtemberg avaient fourni 33.compagnies d’artillerie de place ; on tira également des diverses parties de l’Allemagne 14 compagnies du génie, auxquelles s’adjoignit plus tard une compagnie bavaroise de la même arme. L’assiégeant disposait ainsi de 7,000 artilleurs et 2,200 soldats du génie. L’année assiégeante devait recevoir 200 canons rayés prussiens k chargement par la culasse et 100 mortiers lisses, amenés en chemin de fer des places de Magdebourg, Wesel et Cobientz. D’un autre côté, les Badois, qui avaient leurs batteries établies à Kehl, sur la rive droite du Rhin, allaient les voir renforcer de 40 pièces de gros calibra et 12 mortiers, expédiés, de Rastadt.

Le 9 août, le général Beyer, qui connaissait fort bien l’état de déuûment dans lequel avait été laissée la place, envoya une sommation au général Uhrich, qui répondit par un refus énergique. En entrant en Alsace, le général Beyer avait adressé aux habitants u«e proclamation dans laquelle il promettait de faire avec humanité cette horrible guerre. Eût-il tenu parole ? c’est douteux, car il lui eût bien fallu obéir aux ordres du quartier général allemand, pour qui le mot humanité était absolument vide de sens : le siège de Strasbourg en fut une preuve éclatante. Quoi qu’il en soit, ce général tomba malade, dit-on, et fut remplacé dans son commandement par le général de Werder, qui ne se targuait pas d humanité, celui-là ; Teuton farouche qui ne reculait devant aucun moyen, et qui, à une dureté inflexible, joignait une haine implacable contre la France ; en un mot, un digne lieutenant de M. de Moltke. Cette cité que les Allemands prétendaient s’attacher, ii.allait commencer par la brûler et la saccager ; c’est ainsi que Strasbourg, Strasbourg, fille de l’Allemagne, comme l’appelle une chanson populaire au delà du Rhin, devait être sauoée :

« O StrasbourgI ô Strasbourg ! O cité admirablement belle où sont enfermés tant de

soldats, où sont emprisonnés aussi, vous l’oubliez, depuis plus de cent ans, ma gloire et mon orgueil. Depuis plus de cent ans, fille de mou cœur, tu te consumes dans les bras du larron welche, mais ta douleur cessera bientôt. O StrasbourgI ô Strasbourg ! la fille de mon cœur, éveille-toi de tes rêves sombres ; ô Strasbourg ! tu vas être sauvée... »

Le mysticisme, la poésie et un vandalisme sauvage, voilà bien le caractère allemand.

Le général de Werder arriva devant Strasbourg le 14 août et établit son quartier général k Mundolsheim. t/arlillerie allemande était commandée par le général Decker, et le génie par le général de Mertens, qui avait dirigé au même titre l’attaque des ouvrages de Dùppel.

Dès les premiers jours, l’infériorité de notre artillerie fut évidente ; nos projectiles n’arrivaient pas jusqu’à l’ennemi, tandis que les siens éclataient dans nos ouvragesavfincés, double circonstance qui lui permettait de s’approcher de la place ce plus en plus. À partir du 18 août, les troupes allemandes affectées au corps de siège commencèrent k arriver successivement, et l’observateur placé en vedette au sommet de la llèche de la cathédrale, sous ia lanterne, signalait sans cesse de nouvelles colonnes. Durant cette période préparatoire du siège, le général Uhrich, réduit à des forces trop inférieures, ne put contrarier les préparatifs de l’ennemi. Cependant, le 14, il tenta une sortie au nord-est, sur la Robertsau, sortie à la suite de laquelle les Badois firent sauter le pont qui conduisaitkce village. Le lendemain, 15aout, le bombardement de Strasbourg commença, non pas le bombardement des remparts, de la citadelle, des ouvrages de défense, mais celui delà ville même, des demeures paisibles et inoffensives, des monuments de l’art, Legénérul de Werder prit un plaisir sauvage à célébrer ainsi la Saint-Napoléon. Ce jour-lk, le général Uhrich assista au Te Deum qui fut chanté k la cathédrale. Des événements plus graves et portant bien le cachet des habitudes bonapartistes devaient signaler cette fête na-

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tionale si la moindre victoire des Français avait pu être annoncée, et M. Jules Claretie nous fournit à ce sujet de curieux détails, qu’il emprunte lui-même k une brochure patriotique : Quarante jours de bombardement, publiée k Neuchàtel par un réfugié strasbourgeois. Le pouvoir central était représenté k Strasbourg par M. Pron, préfet du Bas-Rhin, qui, pendant tout le temps qu’il exerça ses fonctions, ne cessa de rêver un coup d’État nouveau, et en cela, il obéissait sans doute k des ordres venus d’en haut. Ce M. Pron ne se proposait rien moins que de faire arrêter tous les adversaires notoirement connus de l’Empire, à l’instar de son estimable cellègue du Rhône et de bien d’autres encore, assurément. Heureusement, le général Uhrich refusa de le suivre dans cette voie.

Le soir, vers onze heures et demie, l’ennemi avait établi ses batteries à une distance de 3 kilom. au plus, et les obus s’abattirent sur la ville jusqu’à minuit, broyant et incendiant les maisons, écrasant des vieillards, des femmes et des enfants. C’étaient les pièces établies sur les hauteurs de Hausbergen qui préludaient ainsi k l’œuvre de destruction. Le général de Werder, reculant à la pensée d’un siège en règle devant une citadelle et des remparts ! trouvait plus expéditif de foudroyer une grande ville tout entière, espérant que la pression exercée par les habitants sur le général Uhrich forcerait ce dernier à capituler : mais cet odieux calcul du général teuton fut déjoué par la patriotique population de Strasbourg, qui ne cessa, pendant tout le siège, de donner des exemples de courage, de dévouement et d’abnégation.

Le 16, une forte reconnaissance de 1,500 hommes environ eut lieu dans la direction du sud-ouest, vers Ostwald ; mais elle se heurta k des masses bien supérieures.et dut se retirer en laissant trois canons sur le terrain. Les Allemands n’en emmenèrent que deux, n’osant pas s’approcher du troisième, dans la crainte qu’un piège ne leur fût tendu de ce côté-, il tut ramené le lendemain par des paysans. Le colonel Fiévet fut blessé dans cette affaire. Le 17, dans la matinée, la garnison essaya une nouvelle sortie sur la Robertsau ; dès qu’elle eut rallié la place, la citadelle ouvrit un feu violent dans cette direction, afin de détruire les abris des Allemands, notamment le couvent du Bon-Pasteur. Le 18, autre sortie sur Schiltigheim, pendant laquelle nos soldats incendièrent plusieurs maisons et brasseries établies en a vint de ce village et occupèrent momentanément la cimetière de Sainte-Hélène. Tandis qu’avaient lieu ces sorties, les projectiles continuaient à s’abattre sur la ville, surtout la nuit.

Mais c’est le 18, dans la soirée, que commença le véritable bombardement. Dès le 17 au matin, lu vigie de la cathédrale avait signalé de tiès-forte3 colonnes ennemies conduisant uno nombreuse artillerie et se dirigeant sur Wolfisheim, village situé sur la Bruche, du côté de la porte Blanche, k 3 kilom. des ouvrages avancés. Les batteries badoises, établies k un demi-kilomètre de Kehl, en face de la citadelle, y firent pleuvoir leurs projectiles, ainsi que sur le quartier Saint-Nicolas, où ils causèrent d’affreux dégâts. Le générai Uhrich tourna alors ses canons sur la ville de Kehl et la réduisit en cendres. C’est au sujet de cet incident que nous allons surprendre la mauvaise foi allemande dans toute sa beauté. Voici ce que dit k ce sujet !e colonel Burbstaedt, dont l’ouvrage est d’ailleurs excellent k consulter au point de vue purement militaire, quand l’auteur ne se laisse point aveugler pur le fanatisme de l’orgueil national :

«Sous prétexte de représailles, et contrairement à tous les usages de la guerre, la général Uhrich donnait l’ordre k la citadelle de canonner ia ville de Kehl, entièrement ouverte. Le lendemain, le lieutenant général de Werder rendait le général Uhrich personnellement responsable de cet acte illégal, déclarait en même temps qu’il allait frapper l’Alsace d’une contribution équivalente aux dommages injustement infligés k la ville de Kehl. La citadelle n’en continuait pas moins son feu et réduisit en cendres une grande partie de la ville. C’était là un acte de brutalité d’autant plus inutile qu’il n’était justifié par aucune considération sérieuse... ■

Que l’on tourne le feuillet et l’on trouvera le passage suivant ; mais alors il s’agit de Strasbourg :

« Le général de Werder voulait donc commencer par essayer du bombardement, moyen d’intimidation complètement justifié par tous les usages de la guerre, avant de passer à une attaque en règle qui serait peut-être fort longue. A la guerre, les considérations d’humanité doivent céder le pas aux grands intérêts militaires, et c’est d’ailleurs faire acte d’humanité envers l’un et l’autre des partis en présence que de chercher k abréger la durée de la lutte. >

Ainsi, quand le général Uhrich brûle Kehl, servant de point d’appui k des batteries formidables, c’est contraire d tous tes usages de la guerre ; mais lorsque le général de Werder broia sous ses obus les demeures iuoffensives, prend la flèche de la cathédrale pour objectif et incendie la bibliothèque, c’est un moyen d’iîitimidaiion complètement justifié par tous les usages de la guerre. Il n’y a qu’en