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prime pas seulement, il peint et grave la pensée. « Les ouvrages bien écrits, dit Buffon, seront les seuls qui passeront à la postérité. La quantité des connaissances, la singularité des faits, la nouveauté même des découvertes ne sont pas de sûrs garants de l’immortalité ; si les ouvrages qui les contiennent ne roulent que sur de petits objets, s’ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans génie, ils périront parce que les connaissances, les faits et les découvertes s’enlèvent aisément, se transportent et gagnent même à être mis en œuvre par des mains plus habiles ; ces choses sont hors de l’homme, le style est de l’homme même. • On a exagéré cette maxime de Buffon en lui prêtant le mot célèbre : le style, c’est l’homme. Ce n’est pas tout à fait ce qu’il a voulu dire ; mais toutefois l’aphorisme, tel qu’on l’énonce d’ordinaire, dérive naturellement de la phrase telle que l’a écrite Buffon. Si le style est « de l’homme même, » c’est qu’il le tire de sa propre individualité, de ce qui fait qu’il est lui : son goût, ses lectures, ses mœurs, ses tendances à la gravité, à la gaieté ou à la rêverie, son imagination, sa sensibilité, sa pénétration, etc. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’un produit si intime reflète le caractère tout entier, ot l’on pourra dire avec justesse : le style, c’est l’homme. On aperçoit très-bien la vérité de cet aphorisme en étudiant les caractères généraux du style chez les écrivains de toute une nation ; ces caractères reflètent le génie même de la race. « Des figures fortes et hyperboliques, dit encore Buffon, donnaient une vive chaleur à celui des Orientaux ; les Athéniens, peuple spirituel et poli, s’étaient formé un style précis, clair et soigné j les Asiatiques, licencieux et amis du luxe, affectaient un style fleuri, mais diffus. On remarque les mêmes différences caractéristiques dans le style des Français, des Anglais et des Espagnols. >

La diversité des caractères et des humeurs produit donc nécessairement la diversité des styles, de peuple à peuple et d’homme à homme ; de même qu’il n’y a pas, sur toute la surface du monde, deux physionomies humaines qui soient exactement semblables, il n’y a pas non plus deux styles qui se ressemblent exactement ; on ne peut constaterqu’une sorte de parenté, reconnaissable à certains traits. Il n’en est pas moins possible, à travers cette diversité infinie, de distinguer les lois générales qui constituent le style et de les poser pour règles, sans prétendre pour cela enlever à l’écrivain sou originalité ; ainsi les peintres et les sculpteurs établissent un canon, d’après les proportions les plus heureuses du corps humain, sans s’assujettir néanmoins à jeter tous leurs personnages dans ce moule. Ces lois générales portent, les unes, sur l’arrangement et la composition de l’ensemble d’un ouvrage, l’enchaînement logique de ses diverses parties, la méthode qui préside à la liaison des idées, aussi bien dtne phrase à l’autre que du premier chapitre au dernier ; les autres sur les qualités résultant de l’expression, du choix des mots ; ce sont : la clarté, la précision, la propriété, la correction, la pureté, le naturel, la noblesse et l’harmonie. Nous avons étudié séparément chacune de ces qualités générales du style (v. clarté, précision, etc.) ; nous ne nous y arrêterons pas.

Bans leur ensemble, ces lois générales ne sauraient être contestées ; il est certain que sans l’ordre et la méthode dans les idées, sans la clarté, la précision, la propriété des termes, la correction et la pureté du langage, l’harmonie des mots et des phrases, il n’y a pas de style. Mais la noblesse est le caractère d’un genre de style particulier et non du style en lui-même ; eu la rangeant parmi les qualités générales, les rhéteurs ont obéi à une préoccupation naturelle aux écrivains du xvne et du xvme siècle, qui ne faisaient dater la littérature française que de Malherbe, Si l’on appliquait cette prétendue règle aux écrivains des siècles antérieurs, on trouverait que Rabelais, qui n’a pas de noblesse, n’a pas ae style : il est bien certain pourtant qu’il en a un, et des meilleurs. La rhétorique va plus loin ; elle classe tous les styles, maigre leur grande variété, en trois groupes principaux et les ramène à trois types : le style simple, dont les caractères sont, outre la simplicité, la brièveté, la naïveté, la finesse, la grâce ; le style tempéré, qui brille par l’abondance, la richesse, la vivacité, l’énergie, et le style sublime, qui recherche particulièrement les grands effets, la magnificence des expressions, la profondeur des idées, et dont l’énergie peut aller jusqu’à la véhémence. Cette classification n’est pas aussi arbitraire qu’elle paraît au premier abord ; elle répond à trois groupes de genres littéraires auxquels on peut ramener tous les ouvrages ; mais il faut ajoater que les trois styles peuvent se trouver habilement fondus dans le même livre, dans la même page.

Une classification plus oiseuse est cello qui assigne un style particulier à chaque genre littéraire. Voici l’énumération de ces divers tiyles d’après le rang que leur ont assigné les meilleurs traités de rhétorique :

Le style lyrique, pour correspondre à ce qu’on appelait le délire prophétique de l’ode, emploie les termes riches, forts, hardis, les tours singuliers.

Le style épique, sans manifester un enthousiasme aussi vif que celui de l’ode, est près STYL

que aussi élevé et exige de la magnificence, de riches images, d’abondants développements.

Le style tragique doit conserver toujours une grande élévation, puisque les personnages sont d’un caractère et d’un rang élevé.

Le style comique est simple, clair, familier, sans devenir jamais bas et rampant ; il se nuance d’expressions vives, fines, délicates ; s’il s’élève quelquefois, il n’oublie pas, dans ses plus grandes hardiesses, le sujet auquel il s’applique.

Le style dramatique, en général, se conforme au caractère et a la nature du personnage qui parle.

Le style descriptif brille par l’éclat des tableaux et la richesse des peintures.

Le style didactique a la gravité de l’enseignement et y mêle l’élégance dans les détails.

Le style bucolique, simple, naïf, gracieux, n’a ni faste ni apprêt.

Le style de 1 apologue offre de même la grâce, le naturel et la simplicité.

Le style historique a pour principaux caractères la clarté, la gravité, la noblesse, la précision.

Le style oratoire, très-varié suivant les sujets que l’on traite, a comme qualités fondamentales celles que nous venons de signaler dans le style historique.

Le style épistolaire est surtout distingué par le naturel et doit se conformer à, la nature des lettres écrites.

Ces classifications, qui passaient autrefois pour fondamentales, manquent de justesse ; elles sont basées sur le caractère général des genres littéraires, et, suivant que ce genre demande de l’ampleur, de la simplicité, de la précision, de la poésie, le style devra être ample, précis ou poétique. Formuler un tel précepte, ce n’est pas faire une grande découverte, d’autant plus que !e caractère général du genre aura beau être la gravité et la précision, comme dans le genre historique, rien n’empêchera l’historien de s’élever par moments jusqu’à cette haute éloquence qui se traduit par l’ampleur et la richesse du style ; rien n’empêchera non plus le poëte tragique, quoique le caractère du style de la tragédie soit l’élévation, de descendre un peu jusqu’à terre, de faire parler ses héros comme tout le monde ; et voilà la classification en déroute. On tenait beaucoup autrefois à ces limites arbitraires des genres ; on les déclarait infranchissables. Ainsi Voltaire, dans ses Commentaires sur le théâtre de Corneille, note avec soin certains vers de Cinnn, de Polyeucte ou du Cid et les stigmatise d’un seul mot dédaigneux : vers de comédie I Qu’importe, si ce vers est en situation ?

De plus, ces énumérations, si étendues qu’on les fasse, sont toujours incomplètes ; puisqu’il y a autant de styles que de genres littéraires, à celle que nous avons donnée ci-dessus d’après les traités de rhétorique, il faudrait ajouter le style du roman, qui diffère certainement du style de l’histoire ; le style du conte, plus familier et plus simple que celui du roman ; le style du pamphlet, de la satire, de la chanson, variétés qui ont chacune leurs qualités propres, la finesse, l’ironie, la malice, la gaieté, et qui cependant peuvent s’élever jusqu’au plus haut style ; le style de la polémique, celui de la métaphysique et de la philosophie, celui de la science, différant autant entre eux que des styles précédents. Dire qu’ils demandent de la précision, de la clarté, de l’élégance, c’est ne rien dire du tout, puisque ces qualités sont communes à tous les styles, 11 devrait donc suffire de dire que le style doit être adapté au genre littéraire, scientifique ou philosophique que l’on truite et que la connaissance de ce genre, sans laquelle on ne pourrait écrire, en indique forcément le style.

Il y a encore une autre division des styles qui n’est pas moins abondante et qui, au lieu d’être basée sur la diversité des matières, est tirée des qualités mêmes de chaque style. Nous avons donné dans cet ordre d’idées la véritable division adoptée par les critiques, celle du style simple, du style sublime et du style tempéré. Nous ne suivrons pas les rhéteurs dans les subdivisions infinies qu’ils ont établies, en distinguant les styles naïf, naturel, familier, gracieux, élégant, badin, orné, fleuri, grave, noble, etc. Ce sont là de pures épithètes, propres à qualifier, dans un moment donné, tel ou tel style ; mais ce ne sont point des qualités assez nettement tranchées pour différencier ces styles et pour donner lieu à une classification. Nous distinguerons seulement, avant de quitter ce sujet, deux modes de style qui se présentent constamment dans la prose : le style périodique et le style coupé. Dans le- style périodique, les propositions ou les phrases sont liées les unes aux autres, soit par le sens même, soit par des conjonctions. La période, plus favorable à l’harmonie, offre aassi l’avantage de tenir en suspens l’esprit de l’auteur ou du lecteur. Dans le style coupé, toutes les parties sont indépendantes et sans liaison réciproque ; il en résulte surtout une grande vivacité, une grande liberté d’allure. V, période.

— Bot. Le style se présente ordinairement comme une colonne grêle, filiforme, traversée dans toute sa longueur par un canal, parcourue par des vaisseaux très-étroits. Il est dit terminal latéral ou basilaire, suivant

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u’il naît du sommet, du côté ou de la base

e l’ovaire ; quelquefois il s’insère sur ce dernier organe, non pas directement, mais par l’intermédiaire d’un disque ou d’un réceptacle de forme diverse ; d’autres fois, il se soude avec le support des étamines ou avec la corolle. Il est simple ou multiple, entier ou divisé au sommet, droit ou diversement courbé ou enroulé, glabre ou velu, nu ou ailé, souvent glanduleux. Sa forme, sa longueur, sa consistance sont aussi très-variables. Enfin, il manque dans beaucoup de plantes, et le stigmate repose alors immédiatement sur l’ovaire.

Le style a une assez grande importance dans la classification ; s’il est régulier ou irrégulier, c’est que la fleur l’est aussi. Le nombre des styles ou des divisions du style est, dans la plupart des cas, en rapport exact avec celui des loges de l’ovaire. Souvent celui-ci est à plusieurs loges, tandis que le style est simple dans toute sa longueur ; mais on peut alors le considérer comme formé de plusieurs styles étroitement soudés ; en effet, si on le coupe transversalement, on voit qu’il est composé d’un nombre de faisceaux égal à celui des loges de l’ovaire. Au reste, le nombre des styles est assez constant dans la plupart des familles végétales, et peut servir a caractériser des groupes très-naturels. Linné s’en est servi pour établir des ordres dans chacune de ses treize premières classes, et aujourd’hui encore on emploie fréquemment les expressions monor/yne, digyne, triffyne, ... polygyne, pour désigner les plantes dont les fleurs ont un, deux, trois... ou en général plusieurs styles. Ainsi on trouve un style dans les cypéraeêes, trois dans les polygonées, cinq dans les oxalidées, etc.

Le style ne joue guère qu’un rôle passif dans la fécondation des végétaux ; on peut comparer ses fonctions à celles que remplit la tige dans les phénomènes généraux de nutrition. De même que celle-ci est simplement une sorte de canal par lequel la sève arrive aux feuilles, aux bourgeons et aux autres organes, le style ne fait que transmettre à l’ovaire les grains de pollen ou la matière fécondante qui arrive sur le stigmate. Le style n’est pas toujours facile à distinguer de ce dernier, qui s’étend souvent sur sa fuce interne, dite alors sligmatifère. Après la fécondation, le style se flétrit et tombe, du moins dans la plupart des cas. Quelquefois cependant il persiste en tout ou en. partie, ou même prend un nouvel accroissement. C’est ce qu’on observe notamment dans les azalées, les kalamies, les rosages, plusieurs crucifères et ombellifères, et surtout dans les anémones et les clématites, où les styles forment d longues aigrettes plumeuses.

■— Allus. Uttér. Le »tjle, c’est l’homme, AJ’usion au célèbre aphorisme de Buffon, dans son Discours sur le style.* Le style est de l’homme même ou Le style est l’homme même. Ainsi que nous l’avons expliqué plus haut (v. l’enoycl. style), Buffon n’a pas dit : Le style, c’est l’homme ; mais cette proposition se déduit naturellement de celle qu’il a émise. On ne sait même pas au juste quelle forme il lui avait donnée. Il n’y a pas de phrase plus souvent citée que celle-ci et il n’y en a pas sur les termes de laquelle on soit moins d’accord. On lit dans la plupart des éditions, à partir de celle deDidot (1843, in-12) : Le style est de l’homme même. Dans la plupart des éditions anlérieuresi à partir de 1800, la phrase entière avait disparu. La vérité est que, dans le Recueil de l’Académie, Buffon, qui sans doute avait revu lui-même les épreuves, a imprimé : Le style est l’homme même. On trouve aussi cette version dans une édition, sans doute la première de toutes, du Discours prononcé dans l’Académie française, par M. de Buffon, le samedi 25 août 1753 (in-12 de 29 pages). Cette version est peut-être la meilleure ; mais est-ce la vraie ? Qui nous représentera le manuscrit autographe de Buffon et la fameuse phrase probablement raturée, surchargée, refaite à plusieurs fois, et finalement arrêtée de la main de l’illustre écrivain ?

Au nombre des révélations intéressantes que renferme la Correspondance inédite et annotée de Buffon, mise au jour en 1860 par son arrière-petit-neveu, se trouve celle-ci, que le Discours sur le style, un des chefsd’œuvre de la langue française, a été composé rapidement. En effet, Bunïon écrit au président de Buffey le 4 juillet 1753 : t Je suis à Montbard jusqu’au 15 d’août, que je retourne à Paris pour ma réception. Je ne sais trop encore ce que je leur dirai ; mais il me viendra peut-être quelques inspirations. » Et le 25 août il prononce son immortel discours. Dans le projet qu’il avait communiqué au président de Buffey, et dont M. Nadault de Buffon nous a conservé le texte, ne se trouve pas le mot fameux : Le style est l’homme même, d’où l’on peut conclure qu’il n’a été introduit dans te discours qu’après coup. Cette maxime de Buffon a eu le sort de toutes « les maximes célèbres. La phrase a été discutée, puis altérée.

Quoi qu’il en soit, c’est presque toujours le mot : Le style, c’est l’homme, que l’on attribue à Buffon, et beaucoup plus rarement on cite l’une des deux phrases qu’il a dû écrire : Le style est l’homme même, ou Le style est de l’homme même.

« Buffon a dit : Le style, c’est L’homme. Le style pourtant ne constitue pas l’homme, il

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ne fait que le révéler ; il est une expression, une manifestation de l’homme. L’éducation est plus qu’une expression de l’homme : elle est l’homme même. ■

Le" Père Félix,

« Tant vaut le philosophe, tant vaut la méthode. Donnez la méthode de Descartes à un esprit comme Condillac, croyez-vous qu’il en sortira les Méditations ? Buffon a dit : Le style, c’est l’homme ; on peut dire dans le même sens : La méthode, c’est le philosophe. >

Pierre Leroux,

« Jamais le mot mis à la mode dans le siècle dernier par le plus littéraire de tous les naturalistes, Le style est l’homme, n’a reçu d’application plus éclatante et plus vraie qu’avec V. Hugo. Le caractère saillant de la pensée de cet écrivain, c’est une prédilection assidue pour les images visibles, pour la partie pittoresque des choses, une préférence constante pour la couleur, à l’exclusion de toutes les autres qualités. •

Gustave Planche.

« Pour peindre Camille Desmoulins, il suffit de rappeler ses indiscrétions ; c’est de lui surtout qu’il est vrai de diie : Le style est l’homme même. Pour moi, je ne le dissimule pas, après le long commerce que j’ai eu avec cet enfant perdu, je me sens disposé à me ranger du côté des indulgents ; pour l’honneur de l’humanité, je veux croire à la dernière hypothèse, »

Gbrvjzbz.

« Le langage est la forme ordinaire sous laquelle la pensée se manifeste. Les couleurs qu’il reçoit en passant par la plume d’un écrivain varient suivant ses habitudes, sa sensibilité et son esprit ; elles constituent le caractère particulier du style. C’est en ce sens qu’on a dit : Le style est l’homme même, » Dk Latena.

« En 1801, M. Parison n’était pas, comme nous tous, aussi enfant que le siècle qui commençait. Il était né en 1771. Sa bibliothèque avait presque le même âge que lui : je crois vraiment qu’il l’avait commencée au collège. La bibliothèque, c’est l’homme, dit quelque part le docteur Payen, parodiant ainsi un motde Buffon. Celle de M. Parison s’ouvrait à tous ces Jivres préférés dans lesquels les savants et les hommes célèbres mettent leur chiffre, leur nom, leurs armoiries, leur pensée, quelquefois leur génie. »

Cuvillier-Fleury.

« Quelquefois derrière une femme qui écrit, il y a un homme qui l’inspire ; les rôles d’Egérie et de N uma sont renversés, et alorâ l’œuvre de la femme trahit une influence masculine ; ce qui faisait dire à Mme Delphine de Girardin, parodiant le mot de Buffon : Le style, c’est l’homme. »

Emile Deschanel.

Style (discours sur le), prononcé par Buffon à sa réception à l’Académie française (1753). La proposition de ce discours célèbre, mais peu compris généralement, est celle-ci : < Il n y a que les ouvrages bien écrits qui passeront à la postérité. » Buffon a voulu dire par là que, sans le stylej les idées les plus sublimes ne sont pas de surs garants de l’immortalité, parce que les idées s’enlèvent, se transportent, et gagnent même à être présentées sous une meilleure forme qui souvent fait oublier leur inventeur. Tous les hommes, en effet, ont k peu près le même fonds d’idées sur toute chose, et ce qu’on appelle une idée neuve n’est pas, comme se le persuadent les ignorants, une idée qui n’était encore venue à personne ; c’est au contraire une idée que tout le monde avait en soi confusément, mais que quelqu’un s’est avisé le premier de publier. Ainsi, La Fontaine a fait oublier la plupart de ceux qui lui ont fourni les sujets de ses fables, en se les appropriant par le style ; il n’a rien inventé, et cependant il est original. Rien n’est donc propre à l’homme, rigou reusement parlant, que le style ; d’où cet axiome dans lequel Buffon a résumé tout son discours : «Le style est l’homme même, • axiome souvent cité depuis, mais dans un sens que ne lui donnait pas Buffon. Il n’avait pas voulu dire ici que l’homme se peint dans ses écrits, cette vérité avait déjà été énoncée bien longtemps avant lui, mais que le style seul est de l’homme, à la différence des idées qui n’appartiennent à aucun, mais sont du domaine de tous. Quant aux qualités qui constituent la bonté du style, Buffon rentre dans les préceptes de tous les temps : « Bien écrire, dit-il, c’est à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre. ■ Et encore : ■ Le style n’est que l’ordre et le mouvementque l’on met dans ses pensées. • En résumé, le Discours sur le style renferme une suite de conseils particuliers donnés aux écrivains qui aspirent à se survivre. Ne vous fiez pas, leur dit-il, à la beauté de vos idées, à leur sublimité même ; songez, à bien écrire ; il n’y a que les ouvrages bien écrits qui passeront à la postérité. •