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SUBL

— Absol. : Il y a dans la voix d’un homme menacé qui vous appelle quelque chose d’impérieux qui subjugue et qui commande, (il. de Martignac.) Dans Mirabeau, tout, jusqu’à ses défauts, impose et subjugue. (Villem.) Il faut étonner pour subjuguer. (E. Soherer.)

Subjuguer une femme, Lui faire violence : Il n’est pas improbable que, dans des pays ckauds, des singes aient subjugué des filles. (Volt.) || Inus.

— Syn, 5ubjtiguer, asservir, assujettir, etc. V. ASSERVIE.

SUBJUGUEUR s. m. (su-bju-gheur). Celui qui subjugue :

Preneur de forts, subjugueur de province». L& Fontaine.

Il Peu usité.

SUBLACUNEUX, EU SE ad], (sub-la-kuncu, eu-ze — du préf. sub, et de lecuneux). Hist. nat. Qui a des enfoncements peu profonds, des lacunes légères. ' -

SUBLAMELLAIRE adj. (sub-la-mèl-lè-re

— du préf. sub, et de lamellaire). Hist. nat. Incomplètement lamellaire : Structure sub-

LAMELLAIRB.

SUBLAMELLÉ, ÉE adj, (sub-la-mèl-lédu préf. sub, et de lamelle). Presque lamelle. Il On dit aussi sublamelleux, euse.

SUBLAPSAIRE s. m. (sub-la-psè-re). Hist. relig. Syn. de infralapsaire.

SUBLAPSARIEN s. m. (sub-la-psa-ri-aindu préf. sub, et du lat. lapsus, tombé). Hist. relig. Syn. de infhalapsaire.

SUBLATA CAUSA, TOLUTUH EFFECTUS

(Supprime* la cause, l’effet disparait). On cite souvent ces mots latins pour faire entendre qu’après avoir supprimé la cause d’un mal on a lieu d’espérer que le mal lui-même cessera d’exister.

SUBLET s. m. (su-blè). Ichthyol. Genre de poissons, de la famille des labroïdes, voisin des crénilabres, et qui habite la Méditerranée : Les sublets sont de petits poissons qu’on trouve toute l’année sur les côtes rocheuses et peu profondes. (E. Baudement.)

— Encycl. Les sublets sont caractérisés surtout pur un museau protractile, presque autant que celui des filous, dont ils se distinguent d’ailleurs par leur ligne latérale non interrompue ; le premier caractère ne permet pas de les confondre avec les crénilabres, qui ont avec eux les plus grandes affinités. On ne connaît bien qu’une seule espèce de ce genre, le sublet groin ; mais celle-ci présente trois variétés bien tranchées, que Risso a regardées comme autant de types spécifiques distincts. Les sublets sont des poissons de petite taille, qui vivent dans la Méditerranée ; ils fréquentent de préférence les parages rocheux et peu profonds, où on les rencontre toute l’année. C’est là aussi que la femelle dépose son frai au printemps. Les sublets ont peu d’importance au point de vue de la pêche ; néanmoins leur chair est tendre, savoureuse et délicate.

SUBLET DES NOYEBS (François), administrateur français, né en 1578, mort à Dangu le 20 octobre 1645. Il fut intendant des finances et secrétaire d’État sous Louis XIII et fonda l’Imprimerie royale, d’abord établie dans les galeries du Louvre. Par un excès de zèle pudique, qui ne fuit pas l’éloge de son intelligence, il fit brûler l’un des chefsd’œuvre de Michel-Ange, le tableau dont François Ier avait décoré le château de Fontainebleau.

SUBLEYRAS (Pierre), peintre et graveur français, né à Uzès en 1699, mort à Rome en 1749. Il apprit le dessin sous la direction de son père, puis vint à Paris en 1724 suivre les cours de l’Académie et remporta ie premier prix, À la suite de ce succès, il partit pour Rome, où il se maria et se fixa définitivement. Subleyras comptait en Italie de nombreux admirateurs ; mais il n’est en réalité qu’un peintre de second ordre, malgré une certaine grandeur dans la composition. Ses principaux tableaux sont.• l’Empereur Vatens s’évanouissant devant saint Benoit, à Saint-Pierre de Rome ; le Serpent d’airain ; Jésus chez Simon ; le Martyre de saint Hippolyte ; le Martyre de saint Pierre ; te Faucon ; VErmite, au Louvre ; le Portrait de Benoit XIV, à Versailles.

Sublicins (pont), pont en bois construit "sur le Tibre, dans l’ancienne Rome, au bas du mont Aventin. Le roi Ancus Martius fit établir co pont afin de réunir le Janicule a la ville. En 731 de Rome, une crue du Tibre l’emporta : il fut remplacé par un pont en pierre qu’on nomma pont JEmilius. Ce fut sur le pont Sublicius qu’Horatius Codés arrêta l’armée de Porsenna. Tous les ans, on faisait sur ce pont une fête qui consistait à jeter dans le fleuve trente mannequins à figure humaine, dans le but d’apaiser ses fureurs,

SUBLIGACULUM s. m. (sub-li-ga-ku-loimn —■ mot lut. formé de sub, sous, et de ligare, lier). Antiq. rom. Sorte de caleçon en usage chez les Romains, il On l’appelait aussi suc CINCTORIUM.

— Encycl. Les athlètes en Grèce, dans les premiers temps, ne se montraient pas aux jeux publics sans un caleçon ; mais, plus tard, ils laissèrent ce vêtement et firent leurs exercices dans un état de complète nudité.

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Les Romains, au contraire, eurent toujours le caleçon dans les exercices gymnastiques. Sur la scène, les comédiens portèrent aussi le subligaculum. Il était également porté par les ouvriers qui pressaient les grappes de raisin dans les cuves. Les soldats légionnaires avaient de même un subligaculum, qui descendaitjusqu’au milieu du gras de la jambe. Suivant certains commentateurs, c’est le subligaculum que Virgile a donné pour vêtement aux sacrificateurs rutules et troyens, lorsqu’il dit (Enéide, XII) :

Vtlati limo, et verbena tempora vincti. Mais, selon d’autres érudits, il faut lire : Velali lino, ce qui change entièrement le sens relativement à cette particularité.

Les esclaves romains portaient un vêtement appelé aussi limus, et qui était ou une sorte de jupon ou un caleçon. Les esclaves de l’Inde, d’après ce que dit Strabon, n’étaient vêtus que d’un subligaculum. C’est encore aujourd’hui la coutume des esclaves indiens et de ceux des autres contrées tropicales de porter un caleçon pour unique vêtement.

SUBLIGNY, littérateur français qui vivait au xvno siècle. On ne sait rien de sa vie et on ignore le lieu, la date de sa naissance, ainsi que le lieu et la date de sa mort. Bien qu’inscrit comme avocat au barreau de Paris, il s’adonna au théâtre et à la critique, et, après avoir vivement attaqué Racine, il devint un des plus zélés partisans de ce poète. On doit à Subligny : la Folle querelle, comédie en trois actes et en prose (Paris, 1668, in-lï), critique de l’Andromaque de Racine, représentée avec succès au Palais-Royal le 18 mai 1668. RScine attribua cet ouvrage à Molière et se brouilla avec ce dernier. Toutefois, il tint compte de quelques-unes des observations de Subligny pour la 2e édition à’Andromaque ; Réponse à la critique de ta Bérénice de Racine par l’abbé de Vitlars (1671) ; Dissertations sur tes tragédies de Phèdre etHp- polyte (1677, in-12) ; la Fausse Clélie, histoire française, galante et comique (1670, in-12), fréquemment réimprimée ; Aventures ou Mémoires d’Henriette-Sileie de Molière (1672, S parties, in-12), réimprimés plusieurs fois séparément et dans les œuvres de MmeVilledieu. On attribue, en outre, à Subligny : la Muse dauphine ; le Désespoir extravagant, comédie non imprimée ; la Coquette et ta fausse prude, comédie ; l’Homme à bonnes fortunes, comédie ; ces deux pièces se trouvent dans les œuvres de Baron.

SUBLIMABLE adj-. (su-bli-ma-ble — rad. sublimer). Chim. Qui peut être sublimé.

SUBLIMATION s. f. (su-bli-ma-si-onrad. sublimer). Chim. Opération qui consiste à volatiliser un corps par la chaleur, pour le recueillir ensuite à l’état solide, en le refroidissant : Sublimation du soufre.

— Fig. Purification : Le martyre est une sublimation, sublimation corrosive. (V. Hugo.)

— Encycl. En métallurgie, la sublimation s’emploie en grand pour préparer industriellement certains corps, tels que l’acide arsénieux, le mercure et le zinc. Le premier, qui est ordinairement un produit accessoire du grillage des minerais d’étain, se dégage dans les chambres de condensation ; mais on l’obtient aussi directement par le grillage des pyrites arsenicales. Quel que soit le procédé employé, on le purifie par une seconde sublimation. Pour le mercure, on le distille dans des cornues ou des fourneaux, et on en condense les vapeurs dans des récipients pleins d’eau ou dans des appareils d’un grand développement, qui se refroidissent par le contact de l’air extérieur. Le zinc est distillé dans des pots, cornues ou moufles chauffés extérieurement et se condense dans les allonges de ces appareils ; une seconde fonte achève la purification du métal. En géologie, on donne le nom de sublimation à 1 action volcanique qui produit diverses substances minérales, telles que le soufre, le chlorhydrate d’ammoniaque, le sulfure d’arsenic, le fer olij giste, etc. Il est facile de se rendre compte

de ce phénomène en se rappelant que les

volcans offrent une grande quantité de produits gazeux, dont quelques-uns condensablés ou solubles dans l’eau. Ces produits se composent en très-grande partie de vapeur d’eau, mais on y rencontre aussi des acides chlorhydrique, sulfureux, carbonique, quelquefois sulfhydrique : il s’y joint diverses substances qui se subliment ou qui sont entraînées en particules par les courants gazeux. M. de Buch fait remarquer que, dans les émanations gazeuses des volcans, l’acide chlorhydrique se manifeste d’abord, au moment de la plus grande intensité de l’action volcanique ; l’acide sulfureux apparaît quand l’action diminue, et l’acide carbonique vient ensuite pour se dégager souvent pendant des siècles après la cessation apparente des phénomènes volcaniques. Lorsqu’un volcan cesse de donner lieu à des éruptions, il passe généralement à l’état de solfatare, c est-à-dire qu’il n’émetjjlus que des vapeurs, parmi lesquelles celles du soufre et de l’acide sulfureux jouent le rôle le plus apparent. Outre les gaz qui se dégagent des volcans, il s’en dégage aussi des laves, quand elles ont commencé à se consolider par refroidissement. Les courants ou les matières qui ont rempli les bas-fonds émettent alors constamment de la vapeur d’euu, de l’acide chlorhydrique,

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du sel ammoniac qui se dépose à la surface et des chlorures de fer, sans compter le réalgar, le fer oligiste, etc., qui se subliment parfois dans les fissures. Il faut, par conséquent, que la lave renferme toutes ces matières qui y restent engagées pour une cause quelconque, pendant tout le temps que la masse est fluide ou pâteuse.

SUBLIMATOIRE s. m. (su-bli-ma-toi-re

— rad. sublimer). Chim. Vaisseau dans lequel on recueille les produits de la sublimation.

— Art hermét. Sublimatoire des philosophes, Œuf des sages, dans lequel se cuit la pierre.

SUBLIME adj. (su-bli-me — lat. sublimis, même sens). Très-grand, très-noble, très-élevé : Action sublime. Courage sublime. Dévouement sublime. Sublimes connaissances. Il est des devoirs simples et sublimes qu’il n’appartient qu’à peu de gens d’aimer et de remplir. (J.-J. Rouss.) Sans le goût, le génie n’est qu’une subume folie. (Chateaub.) Le chagrin rend sublime le visage d’une jeune femme très-belle. (Balz.) Il ne faut soutient qu’un imposteur adroit pour dégrader les idées îesplussvBUues. (Perrand.) Toutes les conquêtes sublimes sont plus ou moins des prix de hardiesse. (V. Hugo.) L’état le plus sublime et le plus religieux, c’est l’état le plus naturel. (G. Sand.) Les gens d’un mérite sublime

Entraînent de chacun et l’amour et l’estime.

Molière.

0 nuit ! que de choses sublimes Eclatent sur ton large sein 1

A. Uarbier.

0 Molière 1 homme simple et sublime génie, Tu us l’honnêteté maitresse de tes vers.

De Banville.

0 Qui atteint, dans un genre noble, le plus haut degré de perfection et cause une sorte de ravissement : Pensée sublime. Langage sublime. Art sublime. Dans tous les genres, la vérité est ce qu’il y a de plus sublime, de plus simple, de plus difficile et cependant de plus naturel. (Mm« de Sév.) Une pensée sublime est préférable à toutes les pompes de l’appareil. (Volt.) L’expression ne doit jamais être plus simple que lorsque la pensée ou le sentiment est sublime. (Marmontel.)Z, es grandes idées entraînent après elles tes expressions sublimes. (Fontanes.)

Nul art n’a précédé l’art sublime des Vfrs.

IjEBBRUH.

— Qui est grand, noble, élevé dans ses actes, ses paroles, ses écrits : Écrivain, artiste sublime. Être sublime de dévouement. Les fautes d’Homère n’ont pas empêché qu’il ne fût sublime. (Boileau.) Les plus sublimes esprits ont eux-mêmes des endroits faibles. (Vauven,) Il y a deux manières d’être sublime, par les idées ou par les sentiments. (J. Joubert.)

— Hist. Titre d’honneur qui, dans le ve siècle, était exclusivement réservé aux comtes : Le sublime comte.

— Anat. Muscles sublimes, Muscles superficiels, voisins de la peau.

— Méd. Respiration sublime, Celle qui est large et accompagnée d’un mouvement du thorax pendant l’inspiration.

— s. m. Perfection du beau ; caractère de ce qui est sublime, grand, noble, élevé : Le sublime de ta charité. Le sublime du style, des pensées. Viser au sublime. Quand le sublime vient à éclater où il faut, il renverse tout comme un foudre. (Boileau.) Il vaut mieux exceller dans le médiocre que de s’égarer en voulant atteindre au grand, au sublime. (La Bruy.) J’aime les gens qui savent quitter le sublime pour badiner. (Volt.) Le sublime n’est pas dispensé d’être raisonnable. (Marmontel.) Ce qu’on appelle enflure n’est, pour ainsi dire, que le sublime contrefait. (Turgot.) Le premier effet du sublime est d’accabler l’homme, le second de le relever. (Mme de Staël.) Le sublime, c’est la simplicité dans la grandeur. (Fontanes.) Les femmes peuvent prétendre au sublime, mais au sublimk féminin. (J. de Maistre.) Les anciens ont atteint le Sublime du naïf, et les modernes le sublime du grand. (De Donald.) Le sublime est la cime du grand. (J. Joubert.) La gaieté, comme le sublime, demande une sorte de naïveté et de bonne foi. (De Barante.) Le beau est circonscrit, te sublime est vague et indéterminé. (Mesnurd.) Le sublime lasse, le beau trompe, le pathétique seul est infaillible. (Luraart,) En amour, une fausse intonation fait passer du sublime au ridicule. (A. d’Houdetot.) Le sublime, c’est le son que rend une grande âme. (Lacordaire.) Le sublime de la nature humaine réside dans le dévouement. (Mich. Chev.)

Tout martel n’est pas fait pour aller au sublime.

Pàlissot.

Sans y faire tant de façon,

Voici comme mon cœur s’exprime ; J’aime et j’aimerai ma Nanon,

Et je me moque du sublime.

Voltaire.

— Fam. Ce ^u’on apprécie, ce qu’on goûle, ce qu’on vante le plus : Le subllme du nouvelliste est le raisonnement creux sur la politique. (La Bruy.)

— Rhétor. L’un des trois genres du style, au point de vue de l’élévation de la pensée et de fa noblesse de l’expression : Les trois gen-

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res du style sont le simple, le tempéré et le sublime.

— Syn. Sublime, éloT*. relevé, etc. V. ÉLEVÉ.

— Encycl. Rien n’est plus difficile qu’une définition en matière d’esthétique. S’il est périlleux de vouloir expliquer en quoi consiste le beau, il doit être plus délicat et plus épineux encore de faire entendre nettement ce que nous devons appeler le sublime, c’est-à-dire le beau porté jusqu’au plus haut point qu’il puisse atteindre, l’idéal, l’infini dans les choses de l’art. « En effet, dit Laharpe, comment définir ce qui ne peut jamais être préparé par le poète ou l’orateur, ni prévu par ceux qui lisent ou qui écoutent, ce qu’on ne produit que par une espèce de transport, ce qu’on ne sent qu’avec enthousiasme, enfin ce qui met également hors d’eux-mêmes et l’artiste qui compose et la multitude qui admire ? Comment rendre compte d’une impression qui est à la fois la plus vive et lu plus rapide de toutes î »

Essayons pourtant de nous rendre compte de ce qui se passe en nous dans ces moments d’enthousiasme et d’exaltation où, soit au milieu d’une représentation dramatique, soit en lisant quelque œuvre littéraire, nous nou3 écrions tout d un coup avec transport : Ceci est sublime/

Prenons un exemple. Nous sommes au théâtre. Nous voyons sur la scène un princo exilé dont un ennemi implacable a mis la tête à prix. C’est Macduff. Il a fui sa patrie. Mais la haine de son rival le poursuit encore et l’atteint jusque dans sa retraite. On vient annoncer au proscrit que son château est pillé, sa femme condamnée à mort, ses fils tués. Il entend ces horribles nouvelles qui le frappent coup sur coup. Pasun cri, pas une larme. 11 reste absorbé dans un morne abattement, songeant, non à pleurer ses enfants, mais u les venger. Ce silence est déjà d’un admirable effet. Nous sommes émus ; ce n’est pas assez. Le génie du poëte n’est point satisfait. Il nous a touchés ; il va nous étonner. Il nous a fait admirer une scène pathétique. C’était le beau seulement ; voici le sublime. On essaye. de consoler Maedu-ff ; mais il repousse toutes les consolations, ou plutôt il n’entend, il n’écoute rien et demeure plongé dans une sombre méditation. Tout à coup il rompt ce silence obstiné et s’écrie avec une inexprimable amertume : « Malheureux que je suis 1 il n’a pas d’enfants I » Ce trait, d’une si énergique concision, n’a pas besoin de commentaire. C’est un cri parti du cœur, c’est un mot de génie qui s’impose à notre admiration ; voilà le sublime.

Qu’y a-t-il de plus dans ce trait que dans le reste de la scène î Pourquoi avons-nous dit jusque-là : Ceci est beau, tandis que nous nous écrions maintenant : Ceci est sublime ? M. Ch. Lévêque répond a cette question pat-un autre exemple tiré des spectacles de la nature : « Du haut de la proue d’un vaisseau, dit-il, ne voyant de toutes parts à l’horizon que 1 eau et le ciel, je contemple l’Océan, et, soit apaisé, soit furieux, il excite en moi le sentiment du sublime. Or, à ce moment, mes yeux n’aperçoivent pas les bornes de l’Océan, et son étendue me paraît sans limites. Ma vue n’en sonde pas les abîmes, et il me paraît sans fond ; s’il se soulève, mon regard ne rencontre rien qui puisse détier sa puissance, et cette puissance me paraît sans mesure. Tout à coup, par la pensée, je resserre l’Océan et le ramène aux proportions d’un lac enfermé dans un cercle de montagnes. Ces montagnes circonscrivent le lac de tous côtés, etd’un coup d’œil j’en embrasse la courbe. Le lac est peu profond, et limpide, et ma vue en aperçoit le lit de sable fin et de plantes sur lequel reposent ses eaux ; ces eaux sont unies, et, quand le vent les irrite, leur plus grand courroux ne va qu’à renverser de légers esquifs. Aussitôt, en comparaison de rOcéan, vce lac ma semble petit, mais beau L’Océan, lui aussi, est un lac, mais il m’a semblé sublime. Comment cesserait-il d’être sublime pour moi ? Si son étendue, sa profondeur et sa puissance cessaient d’être à mes yeux indéfinies, indéterminées. au delà de toute mesure. »

Ainsi, nous voyons déjà ressortir nettement la différence entre le beau et le sublime. Le beau est toujours défini, limité, mesuré ; c’est l’ordre et 1 harmonie. Le sublime, c’est l’infini, l’indéterminé, l’incommensurable, le désordre et souvent l’imprévu. Le beau nous émeut sans nous ébranler ; le sublime, au contraire, nous secoue jusqu’aux intimes profondeurs de notre être. Le beau n’excite en nous qu’une admiration calme ; le sublime allume en nous un enthousiasme impétueux.

Il ne sera pas sans intérêt de rapprocher de la définition que nous venons de teuter et de cette théorie du sublime les définitions et les théories les plus célèbres des philosophes anciens et modernes.

Commençons par Platon, ab Jove principium. Si ce philosophe n’a pas traité en particulier du sublime, il a du moins parlé, en maint endroit, de la beauté idéale, de ce type de perfection infinie et éternelle dont le spectacle nous écrase et nous confond. C’est bien le sublime qu’il semble décrire dans le Banquet, quand il parle de « cette beauté merveilleuse, non engendrée et non périssable, exempte de décadence comme d’accroissement, qui n’est point belle dans telle partie