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de rester ; elle prenait un siège, semblait ne faire aucune attention aux affaires qui se traitaient et s’occupait de toute autre chose. Quelquefois George II lui demandait son avis : Je il entends rien à la politique, s’écriaitelle. Cette modestie ravissait le soldat George, qui ne craignait rien tant que d’être mené, crainte commune à tous les faibles. Le roi insistait, et, sur certains signes convenus d’avance entre elle et mon père, elle parlait ou se taisait, s’avançait ou s’arrêtait, se tenait sur la réserve ou hasardait son opinion ; tout cela était si bien concerté que ni le roi, ni les assistants, quand par hasard il y en avait, ne devinèrent jamais la scène arrangée entre la reine et le ministre. Mon père jouait avec son chapeau, prenait son épée, lirait son mouchoir, plissait son jabot ; chacun des détails de cette télégraphie avait un sens précis. En général, les matières discutées entre la reine et te ministre avaient été la veille même passées en revue et étudiées à fond par la reine et sir Robert ; mais ce qui m’amuse infiniment, c’est la bonhomie des contemporains et des historiens qui ont été dupes comme le roi. Ils ont imaginé que la reine ne se mêlait jamais des affaires de l’Angleterre. Le fait est qu’elle menait l’Angleterre d’accord avec mon père. • Robert Walpole eut, en réalité, le souverain pouvoir de 1727 à 1737. Sa politique fut constamment pacifique ; il trouva k s’entendre en ce sens avec le cardinal Fleury, qui gouvernai ! alors la France. Mais cette paix, si favorable au développement industriel et maritime de l’Angleterre, fut une duperie pour le voisin. Robert préparait la prospérité du commerce anglais : Fleury hâtait la décadence de la monarchie française.

Walpole garda constamment une forte majorité dans les deux chambres jusqu’en 1737. Par quels moyens obtint-il ce résultat ? Les contemporains ne lui ont pas ménagé à ce sujet les attaques ; on l’a souvent appelé le

père de la corruption ; OH lui attribue Ce

mot cynique : « Chaque homme a son tarif. • Il est certain que ce laborieux ouvrier de la chose publique n’avait guère de scrupules et qu’il trafiquait très - tranquillement des consciences et des opinions sur le marché politique ; mais si l’on considère l’état moral de l’Angleterre à cette époque, on irbit reconnaître que Robert Walpole était juste au uiveau de son temps et qu’il n’était ni plus ni moins corrompu que ceux qui l’ont attaqué avec tant de véhémence. « Les consciences qu’on l’accusait de séduire, dit M. Philarète Chasles, venaient k lui pour être séduites ; devait-il les décourager ? Cette question inorale a bien sa valeur. > Quoi qu’il eu soit, après la mort de la reine, survenue en 1737, le ministre ne fut plus aussi fort. La nation désirait la guerre avec l’Espagne. Walpole, fidèle à son système de paix et d’économie, préféra la voie des négociations. Ce ne fut qu’à la dernière extrémité qu’il consentit à une rupture avec l’Espagne ; mais alors la lenteur qu’il apporta dans les armements, l’insuccès de deux campagnes, l’énormité des taxes excitèrent contre lui la haine du peuple et grossirent les rangs de 1 opposition. De 1738 à 1742, le ministre ne lit que se défendre pied k pied contre une formidable coalition de jacobites et de whigs dissidents. Il résista autant qu’il put et ne tomba qu’au dernier moment. Un membre nommé Sandy lui annonça dans la chambre des Communes qu’il apporterait, un jour qu’il lui désigna, les preuves de différents délits sur lesquels il se proposait de l’attaquer. Walpole le remercia et conserva assez de sang-froid pour discuter pendant la séance un point d’érudition concernant le poëte latin Horace. Le jour où Sandy l’attaqua, il se défendit avec modération ; il eût<peut-être succombé si, par une manœuvre adroite, son parti n’avait pas prolongé tellement les débats qu’un grand nombre de inembres de l’opposilion se retirèrent avant la clôture. Ou 1 attaqua aussi violemmeut dans la chambre haute, où son principal adversaire était le prince de Galles, qui le détestait. Le nombre des opposants allait toujours croissant, et ils avaient pour chefs des hommes tels que Windham, Pulteney, Carteret, Chathani. Le ministre finit p : ir succomber. À la fin de 1741, il n’avait plus compté que des majorités de dix, puis de sept voix. En même temps, sa robuste constitution s’affaissait. • IL ne dort plus, écrivait Horace Walpole en 1742 ; autrefois, ses rideaux n’étaient pas tirés qu’il ronflait comme un bienheureux. À peine à table, c’était le convive le plus gai, le plus brillant, le moins ministre du monde ; maintenant, il reste en face de son assiette, l’œil fixe et ne disant rien. > Le 11 février 1742, il donna sa démission. Il s’était fait l’avant-veille conférer la pairie sous le titre de comte d’Orford. Hoburt Walpole se retira dans son domaine de Houghton, où il mena la même vie que dans sa jeunesse, chassant et buvant. À la nouvelle de l’invasion du prétendant (juillet 1745), le roi fit mander Walpole, qui souffrait alors d’une maladie d’entrailles ; il vint k Londres à petites journées et soutint dans un discours habile la politique du gouvernement. Cet effort l’acheva ; il mourut peu de temps après dans son hôtel de Londres.

« Le succès de Robert Walpole fut tout entier dans cette qualité, le bon sens, dit M. Philarète Chasles. Par elle, il triompha de Bolingbroke, se moqua des puritains et

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dupa les jacobites. Personne mieux que lui ne savait quand et comment il fallait agir, ce qu’il fallait faire, où l’on devait s’arrêter. 11 comprit sa mission et son œuvre, qui étaient de réglementer, de pacifier, de coordonner, de grouper les partis, de recruter des alliés et de temporiser, pour que l’établissement de Guillaume eût le temps de s’asseoir. Ce n’était pas une œuvre généreuse, ni grandiose ; telle quelle il s’en chargea... Il est évident qu’il était parfaitement d’accord avec le centre de la nation, avec la bourgeoisie commerçante, l’aristocratie whig et le peuple industriel. Contre lui s’élevaient les passions extrêmes, l’intérêt et la générosité jacobites, l’utopie et l’idéal de la république calviniste, les deux points opposés et violents du monde anglais. Les indifférents, les flottants, les corrompus demandaient à être achetés ou ralliés ; Hobert leur donna ce plaisir. Le commerce voulait du calme ; le Ilot des cinquante dernières années grondait encore. La moindre violence pouvait réveiller ce qui s’assoupissait, le moindre éclat déchirer de tristes voiles et révéler des plaies récentes. Robert fut le garde-malade vigilant de cette société meurtrie, saignante, flétrie et vigoureuse... Le portrait de Robert Walpole se trouve k Cambridge. À voir cette figure de bonhomme madré, ce petit nez peu héroïque, cet œil fin et brillant, ces plis qui se prolongent k la commissure des paupières, ce double menton de gastronome, ces lèvres riantes et qui se relèvent des coins, ce caractère de tête sans élévation, cette tenue sans prétention comme sans timidité, l’on reconnaît le rustique et spirituel fils du seigneur-fermier de Houghton, celui que l’on appela le maquignon de* couaciencee et qui trouva de grandes facilités k ce commerce, puisqu’il a tenu l’Angleterre dans ses mains pendant un quart de siècle. George Ier ? George II ne sont que des draperies ; le vrai pouvoir, c’est Walpole. ■

WALPOLE (Horace), comte d’Orford, littérateur anglais, fils du précédent, né à Londres en 1717, mort en 1797. Il était le troisième fils du célèbre ministre. Robert Walpole, mari facile, trouvait qu’il rappelait un peu trop fidèlement les traits d’un certain lord Hervey, un ami de la maison ; aussi ne s’occupa-t-il guère de lui ; son éducation première fut laissée aux soins de sa mère. Le jeune homme entra ensuite à l’école d’Eton, puis k l’université de Cambridge, où il connut Gray et Montagu, Il n’avait que vingt ans lorsque sa mère vint à mourir, perte qu’il ressentit profondément ; dix-sept ans après, il s’occupait encore de lui élever à Westminster un monument dont il composait l’inscription. À peine veuf, le père se remaria, et Horace alla faire sur le continent le voyage obligé des débutants de sa condition. 11 visita la France et l’Italie en compagnie d’un de ses condisciples, le poète Gray ; tous deux finirent par se brouiller, et ils se séparèrent à Keggio. C’est à Florence, où il résida quelque temps, qu’Horace Walpole mena avec le plus de suite et de dissipation la vie du monde. Il y trouva bonne compagnie, des Françaises spirituelles, des Anglais d’un commerce agréable, et surtout’M. Mann, chargé d’affaires près de la cour de Toscane et qui occupa ce poste jusqu’en 1786. Horace Walpole continua d’entretenir avec lui une correspondance qui dura quarante-cinq ans et qui se compose de plus de huit cents lettres. Cette spirituelle correspondance, qui est la peinture familière et au jour le jour de l’Angleterre pendant un demi-siècle, forme un monument historique très-important et suffirait pour assurer k l’auteur une reuommée durable., »

Horace Walpole revint en Angleterre en septembre 1741. Il y arrivait pour représenter, dans le nouveau parlement, le bourg de Cullington, dans le Cornouailles. Le monde politique était fort agité, la crise éclatait où devait succomber son père après tant d’années d’un grand pouvoir. Horace prononça pour la défense du vieux ministre quelques mots préparés et mesurés que loua Pilt, tout en combattant ses conclusions. Celte première expérience des affaires eut sur lui une durable influence. Elle lui inspira tout k la fois un grand dédain pour le public, de la défiance envers tous les hommes d’État et le goût de les peindre plutôt que de les imiter. Son début comme orateur lui laissa un bon souvenir, mais peu d’envie de recommencer. Son tour d’esprit et peut-être sa constitution délicate ne lui promettaient pas les succès de la tribune, et l’on dit qu’il ne parla pas plus de deux ou trois fois pendant les vingt-sept années qu’il siégea sur les bancs parlementaires. Il n’avait rien de cette force et de cette égalité de tempérament, de ce fonds de bonne humeur qui s’unissaient chez son père k l’activité ardente d’une infatigable ambition.

C’est dans le monde et dans les lettres, c’est comme critique ingénieux, comme observateur fin et moqueur des ridicules, des intrigues et des vices de son temps que brilla Horace Walpole. Il obtint des succès dans divers genres ; mais, indifférent, attaché à ses aises et à ses manies, il ne voulut être et ne fut jamais en toute chose qu’un amateur. Bien que son père lui eût laissé en mourant peu de fortune, les sinécures dont il était titulaire lui permettaient de mener

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facilement la vie du grand monde, dans lequel son nom et son esprit le plaçaient au premier rang. C’est k ce titre de gentleman qu’il tenait avant tout, et quoiqu’il passât son temps à écrire, il se défendit toujours d être auteur ; il eût cru déroger en acceptant cette qualification. Il voulait bien être célèbre comme écrivain, mais k condition que la célébrité lui viendrait malgré lui et qu’il mènerait toujours dans le monde une vie de gentleman oisif. « 11 n’était pas plus auteur, dit un de ses biographes anglais, que le père de M. Jourdain n’avait été marchand. Lui marchand I c’est pure médisance 1 II ne l’a jamais été. » Ou le complimentait un jour sur l’érudition qu’il avait déployée dans plusieurs de ses. ouvrages : • Moi, répondit Walpole impatienté, moi éruditl je ne sais rien ; comment saurais-je quelque chose ? Jiii toujours vécu au milieu d un inonde bruyant ; je dors la grasse matinée, que je prolonge autant que possible ; je soupe tard ; j’ai passé la moitié de ma vie k jouer au pharaon jusqu’à trois heures du malin ; je suis un grand enfant, et voilà tout. » Walpole avait alors quarante-trois ans passés.

. Horace Walpole collabora au Monde, rédigé par des hommes de bonne compagnie comme lui, et qu’a ce titre il trouvait très-supérieurs en talent k des roturiers comme

Thomson et Fielding ; c’étaient Chesterfield, Jenyns, lord Bath, sir Charles William, Whitliead, hommes d’esprit sans doute, mais qui n’étaient point des écrivains de premier ordre. En 1752 parut le premier ouvrage vraiment remarquable de Walpole, VJEàes Walpàliana, ou la description du magnifique palais que sou père possédait dans le Norfolk k Houghton et de la belle collection de peinture et d’objets d’art que ce palais renfermait. En 1757, il publia une Lettre de Xo-ho, philosophe chinois à Londres, à son ami Lieuchi à Pékin, satire remarquable qui eut un tel succès qu’on en fit cinq éditions en quinze jours. Walpole établit cette même année k Strawberry-Hill une presse où il fit imprimer la plupart de ses ouvrages et ceux de quelques auteurs qu’il aimait, les odes de Gray, — par exemple, la traduction des œuvres de Hentzner, l’ouvrage de lord Withworth sur la Russie, la vie de lord Herbert de Cheibury, etc.

Walpole fit un second voyage en France au mois de septembre 1765. À Paris, il rencontra Mm0 du Défiant qui, aveugle et âgée de soixante-dix ans, s’éprit pour lui d’une amitié qui avait.tous les caractères d’un amour très-violeul. Walpole, redoutant le ridicule, lui écrivit un jour k ce sujet qu’il ne voulait pas être k cinquante ans le héros d’un roman dont l’héroïne en avait soixante-dix ; mais, malgré beaucoup de duretés de ce genre de la part de Walpole, leur liaison dura dix-neuf ans, jusqu’à la mort de M’08 du Deffant. Quoique en apparence amis de Voltaire et en correspondance suivie avec lui, tous deux le détestaient et méprisaient la plupart des philosophes de leur temps. Leurs prétendus ridicules sont le sujet continuel des sarcasmes de Walpole dans sa correspondance aveu Mm«< du Défiant. Elle mourut en 1780 et légua k son vieil ami ses manuscrits et sou chien.

Walpole se retira des affaires publiques en 176$, avant la dissolution du parlement ; il adressa k cette occasion au maire de Lynn une lettre remarquable pour lui faire connaître qu’il renonçait ft l’honneur de représenter plus longtemps ses administrés, l.a même année, il publia ses Doutes historiques sur la vie et le rèyne de liiehard 111 (Londres, 1768, in-4o), sorte de justification paradoxale de ce monarque. Il eut aussi k la même époque des discussions avec Chatterton, dont la mort valut au grand seigneur tant de reproches. Quelques années après parut la Mère mystérieuse, tragédie lugubre et atroce, impossible k la représentation, mais offrant de sérieuses qualités. Il n’arriva rien de remarquable k Walpole jusqu’en 1791, époque de la mort de son neveu, uout il fut l’héritier. Devenu comte d’Orfurd, il ne siégea pas une seule fois k la chambre haute et continua jusqu’à sa mort de passer son temps avec ses uiniset de cultiver les lettres.

Outre les ouvrages que nous avons cités, on a d’Horace Walpole le Château d’Olrunte, roman dans le genre d’Anne Radeliffe, trad. en français (1761, in-12) ; Souvenirs des cours de George II et George III (Londres, 1S05, in-fol.) ; Mémoires sur les dix dernières années du règne de George II (Londres, 1822, in-4o), traduit en français par Cohen (1823, 2 vol. in-8o) ; Mémoires sur le règne de George III (Londres, 1845, 4 vol. in-8o) ; enfin sa Correspondance (Londres, 1857-1859, 9 vol. in-S°). Hue partie seulement de ce recueil, les Lettres à sir G. Montagu, a été traduite eu français par M. Ch. Malo (Paris, 1818, in-8oJ ; les Lettres de di™* du Veff’nnt à H. Walpole ont été également publiées k part (Londres, 1810, 4 vol. in-12).

On écrivain anglais a tracé le portrait de ce singulier caractère dans des termes qui méritent d’être reproduits. «On ne lait, dit-il, des pâtés de foie gras qu’en donnant une prépondérance extraordinaire et une obésité contre nature au pauvre animal que le gastronome sacrifie k ses plaisirs. De même, l’espèce de délicatesse qui se fait remarquer chez Horace Walpole n’est que le résultat d’une maladie intellectuelle. Artificiel, ca WALP

prieieux, plein d’affectation et de fantaisies, il avait étouffé son naturel et voilé ses sentiments personnels sous une multitude de plis et de replis, de masques qu’il déposait et qu’il reprenait tour k tour, de rôles qu’il s’imposait. Il était impossible de percer toutes ses enveloppes et d’aller jusqu’à l’homme réel. Plus misanthrope que Timon, plus philanthrope qu’Howard, plus courtisan que

Chesterfield, plus pédimtesque que les antiquaires, plus aristocrate que le premier baron chrétien, plus ironique que Voltaire, affectant de dédaigner tout ce qui le méprisait, il.avait peu d’estime pour tout ce qu’il affectait d’admirer... Pour qu’il prit un intérêt vif k quelque chose, il fallait que ce fût une bagatelle. Sa politique, c’étaient les intrigues domestiques de la cour de George II. Eu se mêlant k ces tracasseries de ménage, il se croyait diplomate ; en les consignant dans ses lettres, il se disait historien... Or. voyait suspendu chez lui dans un beau cadre le texte original de la sentence signée par Cromwell et qui conduisit Charles |ef à l’échafaud. Il avait inscrit au-dessous : Major charta... Au fait, il n’était républica n que par plaisanterie et révolutionnaire que pour s’amuser. Ses opinions, contraires k son tempérament et k sa nature, n’étaient pour lui que des jouets qu’il estimait k peu près comme une vieille lance contemporaine des Tudors ou comme un pistolet qui aurait appartenu k Cromwell. Ce qui est curieux, c’est de voir ce jargon de républicanisme uni k toutes les habituies de la cour, cet élève des Fym et des Bradshaw écrire avec beaueuup de soin et d’élégance un catalogue des auteurs royaux, manquer rarement d’assister k un grand lever et se montrer dans toutes ses relations l’imitateur fidèle des marquis et des comtes qui brillaient sous Louis XIV. Que lui importait après tout la politique, pourvu que ses petites ogives de plâtre s’élevassent k lu hauteur convenable et qu’il eût disposé agréablement dans sa galerie ses fauteuils d’ivoire sculptés et ses cuirasses de peau de rhinocéros ! Après tout, c’était un homme rare et un écrivain remarquable. Jamais peut-être une si étrange combinaison de défauts et de qualités ne se trouvera chez lu même écrivain. Son goût n’est pas pur ; sou imagination n’est pas créatrice ; il n’est pas né logicien ; il manque de profondeur. Quel est donc le charme irrésistible des écrits d’Horace Walpole ? On peut le résumer en un mot : il amuse.

« En le lisant, vous n’êies pas convaincu, saisi, pénétré, touché ; mais vous le suivez avec attention ; votre intelligence est éveillée ; il vous force d’admirer l’adresse avec laquelle une foule de riens élégants sont disposés dans sa galerie. Ne cherchez pas dans ses écrits l’utilité, la beauté, la grandeur, mais la bizarrerie, l’intérêt piquant, la singularité. Continuateur de ces beaux esprits qui, sous Charles il, importèrent eu Angleterre l’affectation de Voiture et de Balzac, il a sur eux un grand avantage : il ne revêt jamais la robe du professeur et du pédant ; il rit, il plaisante, il se moque de lui-même. Vous pouvez tout lui passer : facéties, mauvaises épigramuies, jeux de mot heureux ou malheureux, comparaisons extravagantes, fantaisies et affectations de toutes les espèces. Jamais il n’ennuie, et c’est un immense talent. • Un tel homme avec tous ses défauts devait exceller dans le style épistotaire, et, en effet, il y excelle. On le met en ce genre au niveau de Mm" de Séviguè et de Voltaire.

WALPOLE (Spencer-Horatio), homme politique anglais, né en 1806. Il descend d’Horatio, lord Walpole de Wolterton, frère do sir Robert Walpole, et est le second fils de Thomas Walpole de Stagbury-Paik (comté de Surrey) et de Marguerite Perceval, fille du comte d’Egmont. Après avoir étudié le droit k Etou et k Cambridge, il devint avocat en 1831, et se livra avec succès k la pratique du barreau. En 1835, il épousa sa cousine, Isabelle, la plus jeune fille de l’expremier ministre Spencer Perceval, et celte union le rapprocha encore davantage des tories, auxquels il appartenait pur sa naissance. L’influence du comte d’Egmont le fit entrer, en 1S46, au parlement comme représentant du bourg de Midhurst, et, s’il lui fut possible de jouer un rôle important dans cette assemblée, ce fut moins k cause de son mérite particulier, que par suite de ses relations, ainsi que du manque.de chefs de talent, qui paralysait l’activité du parti des protectionnistes, si nombreux cependant. M. Walpole possédait, toutefois, de profondes connaissances eu droit et en théologie, ainsi qu’un assez remarquable talent oratoire, et il trouva notamment l’occasion de se faire valoir lors des débats sur les titres ecclésiastiques (1851), où il vainquit lit résistance faite par le ministère whig à l’aggravation des mesures employées contre le

clergé catholique. Lorsque, par suite, en février 1852, on forma un cabinet protectionniste, sous la présidence de lord Derby, M. Walpole en fit partie comme secrétaire d État de l’intérieur ; mais la manière dont il remplit ces fonctions n’augmenta en rien sa réputation, et son inexpérience politique se fit, au contraire, jour k diverses reprises. Son dévouement bien connu aux tories lui valut cependant l’honneur d’être élu, en 1856, par l’université de Cambridge au Par-