Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 17, part. 1, A.djvu/152

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qui poussait au VIIe siècle tant de fervents croyants de l’Islam à la conquête du monde, était amoindrie par l’esprit de secte et par les luttes intestines. En Espagne, le Coran reculait déjà devant les rois chrétiens. En Afrique, les indigènes de toute race, et surtout les Berbères, reprenaient l’autorité et la force que leur donnait la supériorité du nombre. Or, les Berbères étaient de mauvais croyants, et la foi, le respect de l’autorité religieuse du sultan ou khalife est la seule force du monde arabe. Aussi, dès la mort d’Abd-el-Moumen, l’empire des Almohades, s’émietta en trois royaumes : celui de Fez, celui de Tlemcen et celui de Tunis, où le sultan des Hafsides revendiqua le titre de Commandeur des croyants. Tunis fut pendant quelque temps la capitale religieuse du nord de l’Afrique. Mais, à la même époque, Tlemcen, résidence des Beni-Zian, ne lui cédait à aucun autre point de vue. C’était, disent les chroniqueurs arabes, une cité de 100.000 habitants, dont les caravansérails, les palais, les jardins, les mosquées, les écoles, étaient renommés ; un commerce très étendu entretenait ses richesses. Un grand nombre de monuments, voisins de la ville française actuelle, sont encore les témoins de cette splendeur disparue. L’empire des Almohades était démembré, avons-nous dit, en trois royaumes, depuis la mort de son fondateur. Chacun de ces royaumes tomba bientôt dans l’anarchie ; ils étaient cependant obligés de se défendre contre les Espagnols, qui repoussaient peu à peu les Maures d’Espagne et commençaient à menacer l’Afrique. L’arrivée même des musulmans fugitifs de l’Andalousie amena des luttes sanglantes et stériles entre ces tribus, ruinées par la guerre, dénuées de tout, et leurs coreligionnaires d’Afrique, possesseurs du sol depuis de longues générations. C’est alors que va se former ce terrible gouvernement appelé l’Odjéac d’Alger qui, en quelques années, envahira toutes les principautés qui l’avoisinent : Mostaganem, Médea, Tenez, Tlemcen, Constantine reconnaîtront sa suzeraineté ; Tunis lui sera un instant soumis, et Alger finira par imposer son nom à tout le territoire qui s’étend depuis Tabarka jusqu’à Milonia. Poursuivant en Afrique les Maures qu’ils avaient chassés de leur sol, les Espagnols, voulant surtout mettre un terme aux attaques continuelles des pirates d’Oran, passent la mer et s’emparent successivement de Melilla (1497), de Mers-el-Kébir (1505), d’Oran (1509) et de Bougie (1510), et bâtissent un fort, dit « Penon d’Argel », en face d’Alger. Un prince arabe renommé, Selim-Eutemy, est appelé au secours des cités africaines ; il accourt avec sa puissante tribu ; mais aux hasards de la guerre il préfère les conditions humiliantes d’une paix qui sauvegarde ses intérêts. C’est alors que les habitants de Bougie vinrent solliciter l’assistance des deux frères Barberousse, pirates dont la renommée était éclatante et qui, quoique nés chrétiens, dit-on, professaient une haine implacable pour le nom chrétien (v. BARBEROUSSE au tome II du Grand Dictionnaire). L’aîné, Aroudj, s’empare aussitôt de Cherchell, puis se rend à Alger, où Selim-Eutemy l’accueille comme un défenseur ; mais bientôt il usurpe le pouvoir après avoir tué celui-ci. Il organise alors un gouvernement militaire, remplaçant par des Turcs ou des renégats tous ses officiers, tous les membres de sa milice. Après une victoire importante sur les Espagnols (1516), il prend Tenès, Médéa, Miliana, Tlemcen ; mais il est tué dans un combat livré par les Espagnols pour reprendre cette ville. Son frère, Khaïr-Eddyn, lui succède. Vainement Charles-Quint veut détruire cette terrible puissance qui s’élève, la flotte de Hugues de Moncade est détruite devant Alger (1518), et les postes espagnols qui subsistaient sur la côte africaine, bloqués par les Algériens, ne conservèrent bientôt plus aucune puissance. Nous ne parlerons pas ici de l’alliance de Khaïr-Eddyn avec François Ier, ni de son intervention dans les affaires d’Europe ; nous dirons seulement qu’il fit successivement le siège de toutes les villes de la côte. S’appuyant uniquement sur la force, il négligea les traditions dynastiques ou religieuses. Inconnu, d’une origine douteuse, il entendit vivre à la pointe de l’épée, fit de tous les ports des forteresses et des magasins de ravitaillement, créa une flotte de corsaires, enleva les navires et captura les marins chrétiens, à quelque nation qu’ils appartinssent ; il établit à Alger, sa capitale, ce gouvernement de bandits, de renégats d’écumeurs de mer, qui subsista jusqu’au XIXe. siècle. Les Turcs venaient alors de ranimer l’islamisme en Orient ; en s’emparant de Constantinople, ils effacèrent le dernier vestige du vieil empire grec ; ils s’avançaient invincibles dans les plaines du Danube et faisaient trembler l’Europe. Khaïr-Eddyn, sans reconnaître aucun maitre, donna à Selim 1er, sultan de Constantinople, l’assurance, d’un hommage nominal. Il reçut alors à Constantinople, des mains du sultan Soliman, les insignes de capitan-pacha, c’est-à-dire grand amiral de la marine turque. Il protégea le port d’Alger par de nouveaux forts et par une jetée, qui existe encore aujourd’hui, entre la côte et les îlots voisins, formée des débris de la forteresse espagnole (le Pen.). Il détrôna le roi de Tunis, Muley-Hassan, et il fallut que Charles-Quint lui-même passât en Afrique pour lui arracher cette conquête. D’ailleurs, un peu plus tard (1541), l’empereur paya cher, par sa défaite devant Alger, le succès qu’il avait obtenu à Tunis.

Khaïr-Eddyn mourut à Constantinople en 1527 ; mais le royaume qu’il avait fondé, avec son frère, en dehors de toute organisation régulière, devait durer trois siècles. L’amour de la rapine, la haine des chrétiens, furent des liens suffisants pour maintenir une sorte de pouvoir et, d’autorité au milieu de ces dix générations de corsaires. Les révolutions de palais furent sans nombre ; les révoltes des provinces furent souvent difficiles à réprimer, car toute la force des Algériens consistait dans leur marine. Néanmoins, ils continuèrent à troubler le commerce de la Méditerranée et à ruiner les populations de l’intérieur ; celles-ci ne supportèrent jamais un joug plus avide et une administration d’une plus grande incurie. Voici un proverbe arabe qui avait cours, avant 1830, dans la province d’Alger : « Quand Baba Tourki (sobriquet des fonctionnaires du dey) se présente à l’entrée de la plaine et tousse trois fois en caressant sa barbe, toute la Métidja devient un désert. »

Il importe de dire quelle fut, jusqu’en 1830, l’organisation du gouvernement turc en Algérie. La plupart des appellations sont encore usitées aujourd’hui pour désigner des charges analogues, ou plus souvent comme titre honorifique. Le dey était le chef de la milice ; il était élu par les troupes dans une assemblée générale, ou divan, à laquelle les simples soldats étaient admis. Il portait le titre d’agha et obéissait nominalement à un pacha ou bachaga, nommé par le sultan de Constantinople, et le représentant. En réalité, ce pacha avait peu d’autorité ; souvent le dey lui-même avait le titre de pacha, et il n’était pas rare de le voir chassé par les soldats. Au-dessous du dey étaient : 1° l’oukil-el-hardj, ministre de la marine ; 2° le kasnadji, ministre des finances ; 3° l’agha, commandant les troupes, qui avait dans son département les affaires des outhans (district de la plaine) et sous les ordres duquel étaient les caïds ; 4° le kodja-el-khiel, inspecteur des haras, chargé de la régie des Haouchs, biens ruraux appartenant au domaine ; 5° le mecktoubdji, chef des secrétaires, directeur de la correspondance publique, de la comptabilité, des règlements militaires et de celui des milices ; 6° le beit-el-malhdji, curateur aux successions vacantes, dont les fonctions sont à peu près celles de notre directeur de l’enregistrement et des domaines. À Alger, le chef municipal ou gouverneur de la ville était le cheik-el-medinah, ou cheik-el-belad, chargé de la justice et de la police ; sous ses ordres étaient des naibs (lieutenants) et des amins, chef de corporations. Il y avait, en outre, un second gouverneur, choisi parmi les premières familles et descendant d’un marabout, investi du titre de naid-el-aschraf, chef des notables, qui devait se concerter avec le gouverneur et ses lieutenants pour toutes les mesures à prendre. Les environs de la capitale, le fahs, était divisé en outhans, lesquels étaient formés de plusieurs tribus ; les tribus se divisaient en douars, ou réunion de plusieurs tentes. Toutes les affaires des outhans étaient du ressort de l’agha. Les chefs étaient les caïds, chargés de l’administration et des affaires politiques, comme nos préfets ; les cadis rendaient la justice, au-dessous des caïds se trouvaient les cheiks, nommés par un ou plusieurs douars. Entre les caïds et les cheiks venait généralement un autre fonctionnaire, le cheik des cheiks, ou cheik-el-schion, nommé par l’agha, sur la présentation des autres cheiks et sous l’approbation du pacha. Le gouvernement des trois provinces ou beylicks : Constantine, Titery (capitale Médéa) et Oran, à partir seulement de 1792, où les Espagnols la cédèrent aux Turcs, était confié à trois beys, gouverneurs nommés par le dey, révocables à volonté et dont les nominations de fonctionnaires devaient être soumises à l’approbation du dey.

Mais, en réalité, tout ce gouvernement dépendait du bon plaisir des milices, qui assassinaient le dey, quelquefois pour le seul plaisir de montrer leur puissance. D’ailleurs les tribus restaient à peu près indépendantes, à la condition de payer des impôts. Quant aux populations des montagnes, notamment les Kabyles, elles échappèrent le plus souvent à l’oppression des agents du dey. Certaines tribus prenaient le bey pour appui dans leurs différends avec les tribus voisines ; elles finissaient par se mettre à la solde des Turcs et se faisaient exempter des impôts. En sommé, la véritable ressource du gouvernement consistait dans les captures faites chaque année dans la Méditerranée et jusqu’au delà du détroit de Gibraltar. Les nombreuses histoires d’enlèvement par les pirates remplissent toute la littérature du XVIe et du XVIIe siècle, et, en réalité, le nombre des hommes célèbres qui ont été captifs à Alger ou à Tunis est très considérable. Citons, entre autres, Cervantès, Vincent de Paul, Regnard. Les esclaves étaient vendus dans l’intérieur du pays ou bien employés pour les travaux publies ou comme rameurs sur les galères du dey. Les vaisseaux capturés et leurs cargaisons formaient le plus gros des revenus ordinaires de l’État.

« Les expéditions étaient de véritables entreprises commerciales, auxquelles s’intéressaient les riches particuliers, souvent le dey lui-même. Tout était réglé avec la plus grande précision. Au retour, un secrétaire des prises, assisté de chaouchs, de changeurs, de mesureurs, de crieurs, faisait débarquer et vendre les marchandises et les esclaves. Ensuite, il procédait à la répartition : un droit fixe était prélevé par l’État ; le reste, les frais déduits, était partagé par moitié, entre l’armateur et l’équipage. Personne à bord ne touchait sa solde ; on naviguait à la part. » — « Il reste aujourd’hui peu de chose de l’Alger des deys ; cependant les ruelles étroites de la haute ville peuvent encore en donner une idée. C’étaient les mêmes maisons basses, muettes, penchées les unes vers les autres, laissant à peine filtrer un rayon de lumière. Dans cet espace étroit grouillait toute une multitude : 100.000 habitants au temps de Haëdo (1600), 200.000 d’après un résident français au XVIIe siècle. Turcs, Coulouglis, Arabes, Maures, Juifs, Kabyles, Biskris, renégats et captifs venus des quatre coins de l’Europe, assemblage confus des races les plus diverses et des types les plus opposés, l’arabe, le provençal, l’italien, l’espagnol, le français, toutes les langues et tous les idiomes se heurtaient dans cette Babel. Quand un navire entrait dans la darse, arborant fièrement le pavillon vert semé d’étoiles, tout se ruait vers la marine ; c’était le moment d’acheter, de vendre, de spéculer. Parfois, si l’on avait capturé quelque barque espagnole chargée de vins, les pauvres diables d’esclaves se grisaient à bon marché ; ils avaient aussi leur part de liesse. À de certains jours, toute la ville devenait morne ; les rues étaient désertes, les maisons closes, la milice venait d’égorger le dey. Les Coulouglis se révoltaient ; une escadre européenne passait, lançant à toute volée ses boulets et ses bombes. Mais l’orage passé, on reprenait avec insouciance la vie accoutumée. Telle fut Alger pendant trois siècles, métropole de la piraterie, rendez-vous de tous les forbans, patrie cosmopolite des aventuriers sans scrupule, terreur des nations civilisées, qu’elle bravait avec l’audace d’une longue impunité. Cette impunité est l’étonnement de l’histoire. »

Malgré leur défaite de 1541, sons les murs d’Alger, les Espagnols menacèrent quelquefois encore la domination de Barberousse et de ses successeurs. Le conseil du dey songea un moment à s’appuyer sur la France. Les Algériens demandèrent des secours à Charles IX, et le duc d’Anjou, plus tard Henri III, parut quelque temps disposé à commander l’expédition. Cela se passait en 1572. Dès 1520, les Français de Marseille étaient entrés en relations d’affaires avec les Algériens en acquérant le droit de pêcher le corail sur leurs côtes. C’est alors que se fonda, sur l’emplacement de la ville actuelle de la Calle, l’établissement du Bastion de France, sorte de comptoir fortifié, qui fut le pivot de la politique française jusqu’en 1830. Pris, repris, démoli par les Turcs, restauré à la suite de nouveaux traités, le Bastion acquit une importance bien supérieure à sa valeur commerciale. Dès 1581, un consulat français fut établi à Alger. Henri IV et Richelieu eurent de nombreux démêlés avec l’odjak (gouverneur d’Alger). Les corsaires étaient fort mécontents de voir la plupart des navires arborer le pavillon français et se prévaloir des traités conclus entre Alger et la France pour échapper à leurs réquisitions. Maintes fois ils capturèrent les bâtiments français. Le capitaine Samson Napollon conclut, en 1628, un traité par lequel le roi de France s’engageait à payer une sorte de tribut au chef des pirates. Ce pacte fut rarement exécuté. Nous avons dit (v. ALGER, au tome 1er du Grand Dictionnaire) comment Louis XIV se décida à punir les insultes et les rapines des Algériens. Un traité, signé à Versailles en 1690, par les ambassadeurs du dey Mezzomorte, fut la suite de ces mesures de rigueur. Cependant, le XVIIIe siècle est encore rempli des mêmes histoires d’enlèvements, de pillages et de cruautés. Lorsque Bonaparte envahit l’Égypte, le sultan excita encore la haine des Algériens contre les chrétiens ; les traités de 1800 et de 1801 restèrent lettre morte. En 1807, le dey profita des défaites de la flotte française pour vendre aux Anglais nos concessions sur les côtes d’Afrique. Arago est fait prisonnier et ne rentre en France que deux ans plus tard. Napoléon souffrait toutes ces insultes avec impatience ; un officier de marine, le capitaine Boutin, fut chargé d’une reconnaissance à opérer dans les environs d’Alger, afin de préparer une expédition : les plans dressés par cet officier ne furent pas inutiles en 1830. L’empereur tomba sans pouvoir réaliser ses projets dans la Méditerranée. En 1817, le dey consentit à nous restituer les concessions qu’il nous avait enlevées dix ans auparavant. Ces concessions n’étaient autre chose que l’ancien Bastion de France et certains points de la côte orientale, propres à la pêche du corail. Le loyer de cette restitution fut élevé d’année en année par le dey ; enfin, en 1826, il accorda à toutes les nations la jouissance de nos privilèges. D’autres différends surgirent à la même époque. Nous avons raconté l’insulte faite au consul de France Deval par le dey Hussein-pacha en 1827, les refus que ce dernier opposa à nos demandes de satisfaction, enfin la résolution que prit le gouvernement de Charles X de s’emparer d’Alger par la force ; il nous suffira d’ajouter ici quelques détails complémentaires.

C’est le 13 juin 1830, au lever du soleil, que nos soldats aperçurent la rade et la ville d’Alger. Le dey Hussein, bien résolu à résister énergiquement, était cependant réduit à ses propres forces, dès le début de la campagne ; il ne pouvait compter sur aucun allié sérieux. Des secours demandés au Maroc et aux beys de Tunis et de Tripoli avaient été refusés ; ces souverains avaient répondu par des offres de prières. Le sultan Mahmoud, poussé par les Anglais, avait cru résoudre la question algérienne en envoyant un pacha chargé d’étrangler le dey et de donner satisfaction immédiate à la France. Cet envoyé (Tahir-pacha) avait été arrêté par les bâtiment français. Hussein organisa les troupes de l’odjak, et s’assura du concours des beys d’Oran, de Constantine et de Titery, qui lui amenèrent quelques troupes. Hussein s’attendait à un bombardement comme ceux de Duquesne et de Tourville ; mais le plan de l’expédition était tout autre. Mettant à profit les renseignements fournis par le capitaine Boutin, l’état-major français avait décidé de tourner Alger du côté de la terre et de débarquer sur la presqu’île de Sidi-Ferruch, voisine d’Alger, dont le mouillage était excellent. C’est à cette idée que nous devons la conquête de l’Algérie. Toutes les expéditions précédentes avaient échoué à cause de la difficulté de tenir la mer pendant longtemps en dehors de la rade d’Alger. Le débarquement à Sidi-Ferruch eut lieu le 14 juin, sans autre résistance qu’un petit nombre de coups de fusil, tirés par une centaine d’Arabes. La presqu’île fut aussitôt convertie par le général du génie Valazé en un camp retranché. Les troupes algériennes étaient déjà signalées par les avant-postes. Concentrées à l’est d’Alger, à la Maison-Carrée, elles furent établies en face du camp français de Sidi-Ferruch, par l’aga Ibrahim, gendre du dey ; 40.000 ou 50.000 hommes, presque uniquement composés de cavalerie, formaient cette armée qui attaqua nos troupes dès le 19 juin. Les Algériens montrèrent au début de la bataille beaucoup d’ardeur, mais peu d’habileté à concerter leurs mouvements. Bourmont laissa passer le premier choc, puis ordonna à ses troupes de marcher en trois colonnes, droit au plateau de Staouëli, situé en avant de Sidi-Ferruch. Les redoutes arabes furent emportées, et dès lors la fuite de l’ennemi commença. Les cavaliers de l’aga Ibrahim se retirèrent jusqu’aux murs d’Alger, à cinq lieues de distance. Cette victoire prit le nom de Staoueli ; elle permit d’achever le débarquement et d’attendre la grosse artillerie, qui, seule permettait d’engager définitivement les opérations et de commencer, en cas de succès, le siège de la ville. Cependant les Algériens imputaient à la crainte les retards de la marche des Français. Le 24 juin, le général Bourmont reprit l’offensive et s’empara des hauteurs du mont Bouzaréa. Tous les combats étaient meurtriers : le général perdit un fils blessé à Sidi-Kalef ; 1.700 honnies étaient hors de combat après quelques jours d’action. Lorsque l’armée fut arrivée sur le versant sud du Bouzaréa, elle découvrit la ville d’Alger, la rade et la flotte française qui préparait, de tous côtés, une attaque par mer. L’enceinte, non bastionnée, était incomplètement fournie d’artillerie : quelques forts détachés couvraient la ville. Le plus redoutable était le fort l’Empereur, bâti sur l’emplacement du quartier général de Charles-Quint, lors de son attaque infructueuse en 1541. Bourmont établit son quartier général à 2 kilomètres de ce fort, fit commencer les tranchées et placer les batteries. Ces préparatifs de siège., dans un terrain rocheux, coupé de routes, de haies de cactus et d’aloès, furent difficiles. L’amiral Duperré faisait en même temps une première reconnaissance des forts de la rade et en détruisait une partie. Le 4 juillet, le feu fut ouvert sur le fort de l’Empereur. Cette défense, construite entièrement en maçonnerie et défendue par des artilleurs bien inférieurs aux nôtres, fut, le jour même, obligée de cesser le feu. Les janissaires qui la gardaient se précipitèrent vers la ville. « À dix heures du matin, dit M. Camille Rousset, le feu du château avait complètement cessé ; déjà le général de La Hitte donnait l’ordre de battre en brèche, et les chefs de pièces s’occupaient de modifier leur pointage. Tout à coup, une flamme jaillit, une puissante détonation secoua la terre, puis on ne vit plus rien. Au milieu d’une fumée noire et suffocante, dans les batteries, dans les tranchées, dans les campements, une grêle de pierres brisées, de poutres rompues, d’éclats de fer et de bronze mêlés de flocons de laine roussie, tombait et s’abîmait avec fracas ; plusieurs hommes, çà et là, furent grièvement blessés. Après quelques minutes d’ébranlement parmi les troupes surprises, le calme revint, et sous le nuage qui continuait de s’élever et de s’étendre, on commença à apercevoir le château de l’Empereur, ruiné par l’explosion de son magasin à poudre. » Deux soldats, Lombard et Dumont, allèrent arborer le drapeau blanc au sommet du fort. Les canons de la ville tiraient toujours ; quelques pièces furent