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l’avenir, où il présente la conclusion à laquelle l’ont amené ses recherches et où il explique pourquoi il a examiné les formes de l’amour cnez tant de peuples divers : • Celui qui veut tracer exactement, dit-il, l’état actuel d’une société humaine ne doit pas oublier que dans le présent on trouvera toujours le passé, prolongé par atavisme, par tradition ou par routine. En Europe, l’amour a des caractères ataviques communs, parce que les Européens ont une même ascendance ; nos pères étaient des sauvages, peut-être des anthropophages, et de toute façon au niveau des Australiens et des Fuégiens. Il offre ensuite des caractères actuels qui nous différencient comme Italiens, Français ou Allemands, comme fils du christianisme, de la Renaissance, de la Révolution de 1789, et nos aspirations a un sentiment plus idéal, constituent les caractères naissants de l’amour futur. L’Européen est un des types les plus élevés de la famille humaine, mais il n’est arrivé si haut qu’en passant par tous les degrés du développement mental. Bien qu’Européens, nous avons dans notre sang le sang de ces hommes qui conquéraient leurs femmes en les frappant sur la tète, qui tes achetaient ou les vendaient.

« Nous peu vons donc, par exception, présenter toutes les formes grossières de l’amour que nous avons vues chez les Australiens, les Hottentots et les Cafres, De même que dans notre organisme nous avons du protoplasme comme les amibes, des cellules k cils vibratiles qui se meuvent comme beaucoup d’infusoires, des respirations partielles comme chez les poissons, de même nous avons des exemples de viols, de violences, derupts, de débauches abjectes ; nous sommes polyandres et polygames, nous avons l’amour libre, la prostitution, l’inceste, l’achat et la vente de l’amour, les orgies contre nature, toutes les ignominies et les hontes de l’amour bestial et sauvage, de l’amour des âges ternaire et quaternaire, s’il y eut des hommes k ces âges reculés.

« En dehors de ces cas d’atavisme, l’amour actuel, en Europe, est la résultante de deux forces opposées : d’une idéalité très haute consacrée par la religion et la morale, et de la passion irrésistible qui, affirmée encore par la civilisation, est devenue plus exigeante et plus raffinée. La résultante de la lutte entre un idéal trop élevé et une habitude trop générale de faire ce qui plaît, c’est que, pendant que nous nous disons monogames, nous sommes fort bien polygames

et polyandres ; dans beaucoup de tumilles qui, à la surface, paraissent heureuses et morales, la femme a plusieurs amants, le mari d’autres femmes ou des filles. Par suite, non seulement polygamie, polyandrie et prostitution, mais promiscuité des sexes, formule la plus basse et la plus bestiale de l’amour. •

Amour expérimental {BRÉVIAIRE DE I, ’), par

le docteur Jules Guyot (1882, 1 vol. iu-16). Ces méditations sur le mariage sont difficiles à analyser, et nous ne pouvons que nous faire entendre à demi-mot de nos lecteurs. La femme turque, quand son mari néglige envers elle le devoir marital, a, paraît-il, le droit de le citer devant le cadi ; la femme française ne jouit pas de la même prérogative, mais son époux s’expose, «a pareil cas, à une vengeance qui est la plus cruelle des mésaventures conjugales. Pour l’éviter, le docteur Guyot conseille aux maris de demeurer toujours amoureux : • Ne soyez pas trop réservés, leur dit-il, ce serait imprudent de votre part, La pratique de toutes les vertus, et, en plus, la vertu, sont choses faciles pour la femme qui trouve en son mari un amant à la fois passionné et délicat. L’amour fait la famille ou la détruit ; par suite il perd les nations ou assure leur grandeur. Il faut savoir aimer ; et prouver l’amour, c’est le faire éprouver. » A rapprocher du mot de Diderot écrivant à Falconet, au sujet de Mlle Volland : « Entre ses bras, ce n’est pas mon bonheur, c’est le sien que j ai cherché. • Ce livre avait été composé, paraît-il, pour un prince de la maison impériale ; quoi qu’il en soit, les amis de l’auteur, qui en ont fait bénéficier tout le monde, oui bien mérité du public, car l’œuvre est saine, morale et d’une incontestable utilité. Elle a inspiré des lignes enthousiastes à M. Victorien Sardou qui a écrit la préface par laquelle s’ouvre le volume : « C’est un petit chef-d’œuvre a tous les titres, et il serait à souhaiter qu’un ouvrage tel que celui-ci fût mis k la portée de tous par une édition populaire à bon marché, dont le gouvernement lui-même devrait prendre l’initiative. On ne fera jamais rien de plus utile, de plus moral, de plus réconfortant, de plus opportun. Ce petit livre, qui sous une forme très claire enseigne aux époux l’art de se plaire physiquement, et par suite d’être heureux en ménage, ferait plus que les déclamations vaines des orateurs et des moralistes pour la constitution de la famille, c’est-à-dire des mœurs publiques et pur conséquent de la patrie, car tout se tient. •

Amour ou ■• Mort (l’) (El Amor 0 la Muerte], poème de M. Campoamor (Madrid, 1884). Deux amants s’aimaient d’amour tendre ; un traître survint et, en l’absence du bien-aimé, fit accroire a la jeune tille qu’elle était trahie, méprisée pour une autre femme, i» qui le parjure aurait donné k la fois son

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cœur et son noml La douleur et le dépit s’emparent de cette pauvre âme abusée et égarent l’amante au point qu’elle même consent à se laisser épouser par le fourbe. Elle ne découvre l’infâme supercherie dont elle a été victime qu’au retour de son ami, toujours fidèle. Mais alors ils comprennent tous qu’il faut a ce drame un dénouement sanglant : un des deux hommes est de trop sur la terre. Un duel terrible et sans témoins s’engage entre eux : hélas I c’est l’amant qui est tué, et le mari accourt, avec une joie féroce, annoncer k sa femme l’issue du combat. Elle l’entend qui vient, elle reconnaît son pas : ■ Oh 1 penser que cet homme viendrait ici me faire injure I Mes cheveux se dressent sur ma tête comme sur le crâne d’une furie 1... Mais quoi ? l’obscurité se répand sur la terre... je ne vois plus le jour... quel est cet objet qui flotte dans les airsî Jésus I quelle vision !... Courage, courage I en écartant avec mes mains tous ces fan’ tomes, je trouverai la porte peut-être... • Elle la trouve, en effet, et la barricade. Son mari la renverse ; elle s’enfuit vers la fenêtre. « Où vas-tu ? lui crie-t-il. — Où je vais, infâme ? Ton cœur vil ne le devine pas ? Je vais, vivante ou morte, rejoindre mon amant t Je vais m’unir à lui pour l’éternité I • Un pareil canevas, dit M. Léo Quesnel, n’est pas nouveau ; i mais le nouveau ne consiste pas à dire ce que personne n’a pu dire avant vous ; il consiste à revêtir une situation ou une idée d’une forma différente de celle qu’on lui a donnée jusque-là et plus belle. C’est ce qu’a fait Campoamor dans ce monologue terrible. •

Amour loin I» l’erreur (i/), par M. de Lescure (1882, in-12). C’est un ouvrage d’histoire qui a tout l’intérêt et toute l’émotion d’un roman, car, à vrai dire, ces pages d’histoire ne sont que des épisodes romanesques de la terrible époque. Avec la guillotine en permanence et la crainte ou la certitude d’avoir à comparaître devant le tribunal révolutionnaire, qui n’était que l’antichambre de l’échafaud, on aima tout de même, on aima

plus passionnément que jamais, précisément parce que les jours étaient comptés et on avait hâte d’arriver au dénouement, avant que la fatale machine ne vint emporter 1 amant ou la maîtresse. M. de Lescure en donne de nombreux exemples, spécialement dans le chapitre consacré aux prisons, et nous relevons dans son livre de belles pages sur les derniers jours d’André Chénier et sa rencontre avec la Jeune Captive, MUe de Coigny. Il étudie aussi, chemin faisant, quelques curieux problèmes historiques. Qui Charlotte Corday aimait-elle ? Les historiens et les critiques de la Révolution ont tour à tour désigné le comte de Belzunce, Barbaroux, M. de Franquelin, Boisjugant de Mingré, Adam Lux, etc., et tous ces noms montrent assez combien il y avait lieu d’hésiter. Ponsard s’est arrêté à Barbaroux, dans son beau drame de Charlotte Corday ; Michelet aussi. M. de Lescure introduit un nouveau nom dans le débat, Bougon-Langrais, secrétaire général du Calvados en 1791, et procureur-syndic en 1792. M. de Lescure montre que ce fut lui qui eut la dernière pensée de Charlotte Corday ; il lui adressa également la sienne, lorsque six mois après il était sur le point de monter sur l’échafaud : « Oh ! Charlotte Corday, oh I ma noble et généreuse amie, toi dont le souvenir occupa sans cesse ma mémoire et mon cœur, attends-moi, je vais te rejoindre I Le désir de te venger m’avait fait jusqu’à ce jour supporter l’existence ; je crois avoir assez satisfait à ce devoir sacré ; je meurs content et digne de toit •

Marat aima-t-il et fut-il aimé ? C’est encore un curieux problème parmi ceux qu’étudie M. de Lescure, et il conclut pour l’affirmative. Oui, Marat a été amoureux, et

non seulement il a trouvé une amoureuse dévouée jusqu’à l’abnégation dans sa maltresse, Simonne Evrard, mais il a fait des caprices ! On cite la marquise de l’Aubépine, M’18 Fleury, du Théâtre-Français, et quelques autres jolies femmes. En revanche, Philippe-Égalité, que l’on se représente volontiers comme un prince ami du faste et

de la débauche, sans mœurs et sans scrupule, apparaît dans ce livre comme un bon bourgeois, épris de sa maîtresse, M1»* de Buffon, et de toutes ses grandeurs ne regrettant que le bonheur de vivre près d’elle, heureux et tranquille, dans quelque retraite ignorée. L’histoire anecdotique, composée sur des documents intimes, contrarie souvent la grande histoire, l’histoire sérieuse.

Amon» de Philippe (les), roman de M. O, Feuillet (1881, in-lS). M. Octave Feuillet nous présente dans ce volume un de ces tableaux de la vie mondaine qu’il sait si bien peindre. Deux gentilshommes campagnards, très proches parents et dont les domaines se touchent, le comte de Boisvilliers et le comte de la Roche-Ermel, projettent d’unir leurs enfants, Philippe et Jeanne ; mais ils vivent bien retirés, « travaillant sans gloire aucune, sinon sans honneur, à la multiplication du pain et de la viande, et donnant à la cavalerie française de solides remontes. » Jeanne n’est qu’une villageoise, un peu mieux eduquée que les autres, et que Philippe trouve laide ; il a d’autres visées : le château paternel et ses herbages l’ennuient, Paris et les

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lettres l’attirent. Tout en faisant ses études pour entrer au conseil d’État, il s’est senti poète et il a composé un drame. Frédégonde ; une actrice, Mary Gérald, qu’il ne connaît d’ailleurs que pour l’avoir vue sur la scène, lui semble réaliser l’idéal de premier rôle qu’il a dans la tête, et il en tombe amoureux, comme auteur dramatique et comme homme. « La fascination de la comédienne est une magie si connue qu’il parait assez inutile da l’expliquer, surtout aux Parisiens, dont elle constitue la principale religion. L’actrice leur représente une espèce de femme qu’ils rencontrent fort rarement dans le monde et jamais dans leur ménage : une femme qui paraît exempte de toutes les infirmités et de toutes les vulgarités terrestres ; une femme à qui il De manque jamais rien, ni une dent, ni un cheveu, ni un bouton de gant, ni un diamant à l’oreille, ni une rose au sein- Elle semble, comme une fleur, sortir sans défauts, toute fraîche, toute habillée et toute parée des mains de la nature. Vous ne la voyez qu’un instant, et pendant cet instant elle est parfaite, et, quand elle rentre dans l’ombre, elle vous laisse sous l’impression d’une chose lumineuse et un peu plus qu’humaine. > Les amours de Philippe avec Mary Gérald durent juste le temps des répétitions de Frédégonde ; k la première représentation, les sifflets font sombrer et la pièce et l’affection de la comédienne qui s’enfuit k New-York, à la poursuite des applaudissements et des bank-notes des Yankees. Nouvelles amours de Philippe ; de l’actrice, il tombe dans les filets d’une femme du monde, la marquise de Talyas, dont, pendant la guerre, simple mobile, il a sauvé te mari en grand danger de laisser sa peau aux Prussiens. ■ La marquise de Talyas avait alors vingt-huit ans. Ses épaules fines et rosées, son front pur, ses cheveux d’un blond légèrement châtain, son sourire presque ingénu, ses dents lactées avaient seize ans ; mais, par un contraste qui saisissait, ses veux étaient bien de son âge, et même d’un âge plus mûr ; le refard était pensif, hardi, dur, avec l’éclat leuâtre et métallique de l’acier. Elle était faite admirablement, elle le savait, et elle portait toujours, au bal comme dans sa loge, son buste un peu en avant et comme en offrande. Elle avait la souplesse infatigable des espèces félines comme elle en avait la grâce ondoyante... Philippe fit quelques tours de valse avec elle, en se demandant ca que pouvait être au dedans une femme de ce modèle, mais il devait se le demander plus d’une fois avant de le savoir. En attendant, il sentait parfaitement que ce n’était plus là la reine de théâtre, comme celle qu’il avait aimée autrefois, mais une reine véritable, avec du sang azuré dans les veines et de la race jusqu’au bout des ongles. • Elle se donne à lui, qui n’aurait jamais osé s’offrir, et alors commence pour le pauvre Philippe une vie d’inquiétudes et de tourments qui lut semble d’autant plus insupportable, qu estant retourné k la Roche - Ermel il a vu Jeanne, dans toute la grâce de sa beauté candide, qu’il en est amoureux, et qu’il compare les anxiétés de l’adultère, de l’adultère dans les conditions surtout où il le commet, avec les satisfactions de l’heureux mariage qu’il pourrait faire. Quelle est sa stupéfaction, un jour, d’entendre la marquise lui ordonner d’épouser sa cousine Jeanne ! Elle n’a pas eu d’autre moyen de détourner un soupçon du marquis de Talyas, et comme elle croit que Jeanne est une laideron, elle s’y est résignée. Philippe la prend au mot, non sans inquiétude, car il craint que la vérité ne se fasse jour, et en effet, bientôt la marquise, devinant une rivale préférée, veut faire rompre le mariage. Ces pages sont les plus dramatiques du roman, qui cependant a un dénouement heureux. Venue à la Roche-Ermel, pour tout voir de ses yeux, la terrible marquise, ne pouvant décider Philippe à revenii a elle, m Jeanne à lui rendre son fiancé, essaye, dans une promenade sur l’eau, de noyer sa rivale ; elle est désarmée par la générosité de celle-ci, qui, reprenant pied légèrement, et ayant parfaitement deviné l’intention de la marquise, met l’accident sur le compte de sa propremaladresse. Elle retourne k Paris et laisse les amoureux s’unir. M. O. Feuillet a mis son charme habituel dans ces fines études de passions et de caractères.

Amours d’un Interne (LES), par Jules Claretie (1881, 1 vol. iu-16). Mffl« Barrai est devenue folle sous le coup d’une violente commotion cérébrale : on lui a rapporté mort son mari, tué en duel. Son mal empirant chaque jour et les ressources de la pauvre femme étant plus que modestes, il faut la faire entrer à la Salpétrière. Sa fille Jeanne, une belle jeune fille au regard songeur, demande et obtient comme une faveur la permission d’accomplir un acte héroïque : elle ne veut pas quitter sa mère, dont elle est à son tour devenue la maman, et comme il n’y a qu’un moyen pour cela, elle se fait fille de service dans la sombre maison des aliénés ; c’est entre les murs d’un hôpital que s’écouleront sa jeunesse, hélas ! et sa vie entière. Il y a dans cet asile de la vieillesse souffrante un interne, Georges Vilandry, & qui la nature a généreusement accordé les dons les plus précieux, de l’intelligence et du cœur. Ému d’abord par le sublime dévouement de Jeanne, il est ensuite frappé par la beauté de la jeune

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fille, à laquelle sied à ravir la robe de service, aussi bien que le petit bonnet de linge. Lui qui n’avait eu jusqu’alors d’autres amis que ses livres, d’autre maitresse que la science, le voilà éperdument épris de Jeanne. Mais il aime comme aiment les savants, du moins dans les livres, d’un amour profond et discret, que rien ne peut révéler à l’œil peu exercé de Mlle Barrai. Tout autre est Paul Combette, un jeune peintre qui connaît beaucoup d’internes et vient fréquemment à la Salpétrière. Ce Combette est la vivante antithèse de Vilandry : charmant garçon, au physique s’entend, tout en dehors, beau parleur, grand séducteur de femmes. On pourrait le surnommer le bourreau des cœurs ; avec lui, ville assiégée c’est ville prise. Il aime, ou croit aimer, trois femmes k la fois : Mathilde Mignon, une grisette sentimentale, dont il brise le petit cœur, qu’il rend hystérique d’abord, puis folle ; la fille d’un banquier, MHe Lamarche, qu’il finira par épouser à cause de sa belle flot, et M*10 Barrai, à qui il a également promis le mariage. Jeanne se laisse prendre aux paroles dorées de ce beau fils, elle l’aima, elle loi donne toute son âme. Cependant, honnête avant tout, elle hésite k devenir sa femme, car elle a entendu dire que la folie est un mal héréditaire. Comme elle n’a rien vu de l’amour de Vilandry, c’est le jeune savant lui-même qu’elle va consulter pour savoir si elle peut épouser le peintre. L’interne est fou de douleur, et à la demande de la jeune tille, que l’aveuglement égoïste de la passion transforme en bourreau inconscient, un combat terrible s’engage en lui-même : s’il répond non, Jeanne pourra encore être k lui ; s’il répond oui, il la pousse dans les bras d’un rival détesté I Le devoir l’emporte, et, la mort dans le cœur, il dit à Jeanne : « Vous pouvez épouser Combette. • Radieuse d’amour, elle va porter au peintre l’heureuse nouvelle ; mais celui-ci l’accueille avec froideur... ■Plus tard la dit-il. La vérité est qu’il trouve définitivement les écus de Blanche Lamarche préférables aux beaux yeux de Jeanne Barrai. Combette a tué moralement deux personnes : Jeanne et Vilandry. Ces grands cœurs ne se peuvent donner qu’une fois, et ces deux beaux jeunes gens finissent ici leur vie, du moins en ce qui concerne l’amour. Jeanne a lu enfin dans le cœur de Vilandry, mais il est trop tard, et ils demeurent k jamais séparés, murmurant parfois sans doute ce vers du poète : Et mon secret m’est cher, et chère ma souffrance !

L’interne devient un médecin célèbre, et Mlle Barrai trouve de sublimes consolations dans son dévouement à sa mère d’abord, puis, après la mort de celle-ci, aux jeunes idiotes, pour lesquelles elle fonde une école.

Tel est le sommaire du roman, très apprécié, de M. Claretie. La fable, on le voit, est d’une simplicité extrême : mais elle n’est k vrai dire qu’un prétexte, elle sert de cadre k une étude poignante sur la grande maladie de cette fin de siècle. « Rien de plus fréquent, dit M. Claretie dans sa préface, que ces névroses bizarres qui produisent soit les affolées du monde ou du théâtre, soit les exaltées de la politique et des réunions populaires : les déséquilibrées du foyer ou de la place publique. L’hystérie est un peu partout a l’heure ou nous sommes : tantôt elle s’affirme exaltée du haut d’une tribune, tantôt elle griffonne, on ne sait où, quelque lettre anonyme. Nous avons vu cela, nous le voyons tous les jours encore. Il appartenait donc au romancier d’étudier, après les savants, ces manifestations inquiétantes, attirantes aussi, ces cas bizarres. • C’est lk surtout ce qu’a voulu faire M. Claretie, et le véritable intérêt de son livre, à ce point de vue, réside dans les personnages secondaires, qu’au milieu des grandes lignes de notre analyse nous n’avons pu faire intervenir. C’est la grosse Lolo, que son amant hypnotise, puis oublie dans le sommeil cataleptique, et qui manque de mourir pour être restée trop longtemps dans une position horriblement fatigante ; c’est le frère de Blanche Lamarche (une toquée elle aussi), qui, pris par l’hystérie k l’âge difficile de la formation, semble un moment incertain de son sexe et révèle tous les goûts d’une fille ; c’est Mathilde Mignon et la vieille Pauline, une exaltée mystique qui pousse la jeune fille à assassiner M’1» Barrai ; ce sont surtout les deux Russes, Serge Platoff, un sculpteur nihiliste, et la jolie Olga, une vierge skoptzi, qui sous sa blouse de soie rouge cache, à la place des seins, deux entailles profondes, deux plaies horribles, affreusement repoussantes, stigmatisant sa beauté de leur hideur. En somme, les Amours d’un interne sont fort sombres, et malgré les railleries spirituelles de Montgoberl, un sceptique, un. bourru bienfaisant, on emporte du livre de M. Claretie, comme d’une visite a l’hôpital, une impression de tristesse poignante.

Amour ai rArfeat (l’), comédie en quatre actes et en vers de M. Ernest de Cafonne, représenté au troisième Théâtre - Français (théâtre Déjazet), le 29 août 1877. Hector Duchesne, banquier, a rêvé pour son fils Paul et sa fille Angèle deux mariages très riches. Ce n’est pas pour eux, mais pour lui-même qu’il caresse de tels projets, car son intention est de ne servir aux enfants que l’intérêt de leurs dots respectives et de garder par devers lui le capital, grâce auquel