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Le vermout cependant, préparé soigneusement et avec des produits du bonne qualité, pourrait, parait-il, être employé dans certaines circonstances comme médicament ; mais jamais, même dans ces conditions, il ne devrait être l’objet d’une consommation journalière.

Le bitler, mot hollandais qui signifie amer, contient de 36 à 43 pour 100 d’alcool absolu. Pour préparer go litres de cette liqueur, on fait infuser dans 10 kilogr. 65 d’aicool à 80° étendu de 6 kilogr. 65 d’eau, 3 kilogr. 60 de sucre, 60 grammes de grande absinthe, 80 grammes d’anis, 80 grammes d’écorce d’orange, 80 grammes de calamus aromaticus, 80 grammes de baies de genièvre, 80 grammes de sauge, 40 grammes d’angélique, 40 grammes de menthe poivrée, 40 grammes de fleurs de lavande, 20 grammes de girofle. On obtient une liqueur noirâtre, qui se consomme, étendue d’eau et édulcorée par du curaçao, de la menthe, etc. Les observations faites sur les buveurs de bitter ont prouvé que, sur 14 individus consommant chaque jour de î à 8 verres de ce breuvage, 8 étaient alcooliques et que tous étaient atteints de gastralgie.

Tous les apéritifs sont donc funestes : io à cause de l’alcool qui les compose ; 2° à cause de la forte dose de feuilles d’absinthe qui les aromatise ; 3<> à cause des essences qui complètent cette aromatisation, et 40 enfin, à cause des principes que leur donnent les couleurs de toutes sortes qui les diversifient. Toutes ces drogues, inventées par la concurrence et baptisées des noms les plus hétéroclites, sont composées des mêmes ingrédients toxiques. Quelques-unes, nouvellement imaginées, empruntent leur amertume au quinquina, salutaire, dira-t-on ; mais, étant données les conditions de leur fabrication, on peut affirmer qu’elles sont également malsaines. Les dénominations ne font absolument rien à l’affaire. Dès qu’une dénonciation jouit d’une certaine vogue, on crée d’ailleurs souvent sous ce nom ou à son imitation, une liqueur soi-disant apéritive, à peu près identique aux autres. Après le bitter est venu lebyrrh ; la famille des amers a donné naissance à l’orner Picon et à l’amer Blanqui, etc. M. Thiers a dit un jour que l’on n’était vraiment consacré grand homme, en France, qu’après avoir été moulé en pain d’épices. C’est peut-être à cause de cela que l’on a vu longtemps un apéritif, l’amer Thiers, enfermé dans des bouteilles représentant le premier président de notre République, et plus tard, le nom du grand patriote, patronnant l’apéritif Gambetta, s’étalait sur les colonnes-affiches et aux devan ] ires des marchands de vin. Depuis, nous avons eu te picotin, la robertine, l’apéritif américain, etc.

APEURÉ, ÉE adj. (a-peu-ré — du préf. a, et de peur). En proie a la peur : Elle arriva tout kvaVRÛË. tl Un dit aussi épuurÉ, Uns.

  • APEX s. m. (a-pèks — mot lai., apex,

pointe) ; au pluriel, ii’iciiS (a-pi-eès)-Epigr. Signe en forme de virgule ou d’accent aigu gravé au-dessus de certaines lettres dans les inscriptions latines : Z/apex a commencé a être employé vers la fin du i« siècle avant notre ère. Les apicës du monument d’Ancyre-

— Encyd. Vapex a pendant longtemps dérouté les epigraphistes. On a cru d’abord qu’il était uestine a marquer les voyelles longues, car c’était le plus souvent sur les vojelies longues qu’on le rencontrait ; mais on ne le rencontrait pas sur toutes, et on se demandait pourquoi, figure Sur les unes, il était absent des autres. De plus, ou le trouvait aussi parfois sur des brèves et même sur des consonnes. Ce sont ces derniers exemples qui ont servi à déterminer son emploi. Quintilien se borne à dire qu’il est incorrect de placer l’apex sur toutes les voyelles longues et que sa principale utilité est d’aider à distinguer certains homonymes les uns des autres, comme malus, arbre, de malus, méchant. Mais malus, arbre, est pour maatus ; de même, dans les mots où il est

placé sur des consonnes, comme dans vivs,

skrvs, on s’aperçut qu’il remplaçait le redoublement d’une lettre, qu’il aurait fallu écrire vtvvs, servvs (vivut, seruus), l’u et le i> n’ayant eu longtemps qu’un seul caractère. S’il se trouve marquer souvent des -voyelles longues, c’est tout naturel, beaucoup de voyelles longues n’étant que le produit d’une contraction. L’apex supplée donc tantôt à une voyelle disparue par contraction, tantôt à une consonne qu’il aurait fallu redoubler. On le trouve aussi, dans certaines inscriptions, placé entre une voyelle et une cousonne, par exemple andROMac’a ; il remplace ici un H. Sa fonction est dont toujours de rappeler une lettre absente.

APHANOCAPSE s. f. (a-fa-no-kap-se — du gr. aphainos, qui ne paraît pas ; kapsa, coffre, capsule). Bot. Genre d’algues, ordre des Cyanophycées, famille des Nostocacées, tribu

des Chroococcées.

APHANOMYCÉS s. m. (a-fa-no-mi-sèssdu gr. aphanés, nuisible ; mukês, champignon). Bot. Genre de champignons comycètes, famille des Saproléguiees, vivant généralement dans l’eau, sur les animaux ou les végétaux vivants ou uvjrts.

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— Encycl. Le thalle de ces petits champignons est une cellule rameuse à filaments cylindriques, à l’extrémité desquels sont situés les sporanges contenant les zoospores. Ceux-ci sont de deux espèces (v. saprolb- GMÉits), et il peut se faire que les zoospores de la première espèce ne sortent pas du sporange, qui se trouve plus tard rempli d un réseau membraneux. Les oogones ne produisent qu’une oosphère à la formation de laquelle s’emploie tout le protoplasma de l’oogone, protoplasma qui reste inclus dans la membrane primitive et ne laisse plus après sa rétractation qu’un liquide clair a la place qu’il occupait auparavant.

•APHASIE s. f.-Pathol. Perte de la faculté de prononcer les mots correspondant aux idées qu’on veut rendre, et cela avec conservation totale ou partielle de l’intelligence.

— Eocycl. Uaphasie est un symptôme commun à plusieurs maladies ; on l’observe Surtout dans le ramollisseuientdu cerveau, l’hémorragie cérébrale, la méningite, l’aliénation mentale, les tumeurs cérébrales syphilitiques ou autres ; il est caractérisé par une lésion de la troisième circonvolution frontale du côté gauche, appelée circonvolution de Broca.

Le malade ne peut trouver les mots qu’il veut employer ; il s’impatiente, se met en colère et répète malgré lui, dans une phrase, des syllabes souvent inintelligibles. L’un n’aura à sa disposition que le mot cousisi pour exprimer toutes ses idées. L’autre répétera « Je vais bien ■ à chaque question qu’on lui fera. Une dame, citée par Trousseau, adressait des injures à ses visiteurs tout en croyant leur dire : < Donnez-vous donc la peine de vous asseoir I »

Si l’aphasique n’a pas perdu la mémoire, il écrira lui-même ce qu’il a a demander ; dans le cas contraire, la chose lui sera impossible, il ne pourra se faire comprendre que par des signes.

Quant au traitement de l’aphasie, il variera nécessairement avec la maladie qui l’a occasionnée. Les anliphlogistiques (saignée, sangsues, ventouses), les révulsifs {vésicatoires, sinapismes, frictions), les purgatifs (sulfate de magnésie, calomel, aloès, jalap), seront les remèdes les plus utiles en pareil cas.

— Bibliogr. G- Ballet, le Langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie (1886, in-18).

APHASIQUE adj. (a-fa-zi-ke — rad. apAo•l’e). Méd. Qui se rapporte à l’aphasie.

— s. m. ou f. Personne atteinte d’aphasie. APHEMIE s. f. (a-fé-mt — du gr. a priv. ;

phémi, je parle). Physiol. Syn. de aphasie. APHÉM1QUE adj. (a-fé-mi-ke — rad. aphémie), Physiol. Qui a rapport à l’aphémie ; qui estaffecié d’aphémie.

— Substantiv. Personne affectée d’aphémie (Broca).

Aphorisme* sur la >aletie dans la vie,

ouvrage philosophique publié en 1851, par Arthur Schopenhauer, et traduit en français par J.-A. Cantacuzène (1880, 1 vol. in-8"). Schopenhauer a lui-même exposé l’objet de ce livre et le point de vue auquel il s’est placé en l’écrivant. « Je prends ici, dit-il, la notion de la sagesse dans la vie dans son acception immanenie, c’est-à-dire que j’entends par là l’art de rendre la vie iiussi agréable et aussi heureuse que possible. Cette étude pourrait s’appeler également «TEudêmonologie» ; ce serait donc un traité de la vie heureuse. Celle-ci pourrait a son tour être définie une existence qui, considérés au point de vue purement extérieur ou plutôt (comme il s’agit d’une appréciation subjective) qui, après froide et mûre réflexion, est préférable à la non-existence. La vie heureuse, ainsi définie, nous attacherait à elle par elle-même et pas seulement par la crainte de la mort ; il en résulterait en outre que nous désirerions la voir durer indéfiniment. ■

L’ouvrage des Aphorismes est comme la paraphrase de cette pensée de Chamfort que le philosophe allemand a prise pour épigraphe :

  • Le bonheur n’est pas chose aisée :

il est très difficile de le trouver en nous et il est impossible de le trouver ailleurs. » Ce qui différencie le sort des hommes peut être ramené à trois conditions fondamentales : ce qu’on est, ce qu’on a, ce qu’on représente. Ce qu’on est, c’est la personnalité dans son sens le plus étendu : cela comprend santé, force, beauté, tempérament, caractère moral, intelligence. Ce qu’on a, c’est la propriété, la richesse, l’avoir de toute nature. Ce qu’on représente, c’est ce qu’on est dans la représentation, dans l’opinion des autres : cela se divise en honneur, rang et gloire.

Schopenhauer n’a pas de peine à montrer que les différences de la première catégorie sont les plus importantes, et que, pour le bonheur de l’individu, le principal est ce qui se trouve ou se produit en lui. On est heureux suivant ce que l’on sent, pense ou veut. Aussi les mêmes circonstances, les mêmes événements extérieurs affectent-ils ebaqueindividu tout différemment, et quoique tous soient placés dans un même milieu, chacun vit dans un monde différent. Le monde dans lequel chacun vit dépend de la façon de le concevoir, laquelle diifère pour chaque tête ; selon la nature des intelligences, il paraîtra pauvre, insipide et plat, ou riche, intéressant et important. On en voit facilement l.i raison philosophique : c’est que toute réalité se com

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pose de deux moitiés, le sujet et l’objet, aussi nécessairement et aussi étroitement unies que l’oxygène et l’hydrogène dans l’eau. Si la moitié objective est identique, la subjective étant différente, ou réciproquement, la réalité actuelle sera toute autre ; la plus belle et la meilleure moitié objective, quand la subjective est de mauvaise qualité, ne fournira à jamais qu’une méchante réalité, semblable à une belle contrée vue par un mauvais temps ou réfléchie par une mauvaise chambre obscure.

Si le bonheur vient surtout de ce que l’on est, les biens suprêmes sont les biens subjectifs, et en premier lieu, la gaieté et la santé. Le bonheur a deux ennemis qui le menacent 3ans cesse : la douleur et l’ennui. Ce qui fait qu’il est si difficile d’être heureux, c’est qu’il, est presque impossible de les éviter en meine temps. On ne réussit à s’éloigner de l’un qu’en se rapprochant de l’autre, et réciproquement ; si bien que la vie représente en réalité une oscillation plus ou moins forte entre les deux. Schopenhauer analyse cette fatalité de la condition humaine ; il en montre la cause dans le double antagonisme, à la fois objectif et subjectif, qui existe entre la douleur et l’ennui, Extérieurement, le besoin et la privation engendrent la douleur ; enrevanche, l’aise et 1 abondance font naître l’ennui. C’est pourquoi nous voyons la classe inférieure du peuple luttant incessamment contre le besoin, donc contre la douleur ; et par contre la classe riche et élevée dans une lutte permanente, souvent désespérée, contre l’ennui.

Nous trouvons des observations très justes et très fines sur l’ennui et la vulgarité et sur l’état mental qui les produit, sur les besoins intellectuels et sur la manière dont ils contribuent au bonheur. • Pourquoi les têies bornées sont-elles si fort exposées à l’ennui ? C’est que leur intellect n’est absolument pas autre chose que l’intermédiaire des motifs pour leur volonté. Si, à un moment donné, il n’y a pas de motifs à saisir, alors la volonté se repose et l’intellect chôme ; caria première, pas plus que l’autre, ne peut entrer en activité par sa propre impulsion ; le résultat est une effroyable stagnation de toutes les forces dans l’individu entier, l’ennui. » En quoi consiste la vulgarité ?Dans la grande prédominance de la volonté sur l’entendement. « Cette prédominance peut être portée à un degré tel que l’entendement n’apparaît que pour le service de la volonté, quand ce service ne réclame pas d intelligence, quand il n’existe de motifs ni petits ni grands, l’entendement cesse complètement et il survient une vacuité absolue de pensées. Or le tiou/oir dépourvu d’entendement est ce qu’il y a de plus bus ; toute souche le possède et le manifeste, quand ce ne serait que lorsqu’elle tombe. » Schopenhauer explique comment la force intellectuelle est une condition du bonheur. «L’homme doué d’une force intellectuelle prédominante est capable de sMntéresser vivement aux choses par la voie de l’intelligence pure sans immixtion aucune du vouloir ; il en éprouve le besoin même. Cet intérêt le transporte alors dans une région à laquelle la douleur est essentiellement étrangère, pour ainsi dire, dans l’atmosphère des dieux à la vie facile, t On remarquera le tour piouant que donne l’auteur à ces observations, en les rapportant à sa théorie de la volonté, en les exprimant dans sa langue psychologique.

Passons aux biens de la seconde catégorie. Ces biens correspondent aux besoins, et les besoins, d’après la classification d’Épicure, que Schopenhauer accepte, sont de trois sortes : il y en a qui sont naturels et nécessaires, d’auires qui sont naturels sans être nécessaires, â’autres enfin qui ne sont m’ naturels ni nécessaires. Les premiers comprennent la nourriture et le vêtement. Les suivants se rapportent à la satisfaction sexuelle. Les derniers sont les besoins du luxe, de l’abondance, du faste et de l’éclat ; ils sont en nombre infini et difficiles à satisfaire. C’est en vue de ces besoins que la fortune est désirée, et l’on comprend très bien qu’elle le soit. La fortune doit d’ailleurs être envisagée moins comme un moyen de se procurer les plaisirs du monde que comme un rempart contre le grand nombre des maux et des malheurs possibles. C’est une condition négative du bonheur à laquelle doit se joindre la richesse de l’esprit.

L’opinion d’autrui, le rang, l’honneur, la gloire, constituent la troisième espèce de biens, c’est-à-dire ce que l’on représente, Ce que l’on est aux yeux d’autrui. L’opinion ne peut être pour nous réellement un bien ou un mal qu autant qu’elle détermine la conduite des autres envers nous ; et celle-ci n’est même à considérer qu’autant qu’elle contribue à modifier ce que nous sommes en nous et par nous-mêmes. Schopenhauer s’élève avec force contre la valeur excessive attachée à l’opinion. C’est une « superstition universellement dominante ■, qui exerce sur toutes nos déterminations « une influence démesurée et hostile à notre bonheur «. C’est une ■ espèce de manie répandue généralement ou plutôt innée i qui produit la moitié des tourments et des angoisses de la vie. C’est par > un renversement de l’ordre naturel » que L’opinion nous semble être • la partie réelle de notre existence, l’autre ne paraissant en être que la partie idéale », et que

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« l’image de notre être dans la tête des autres nous tient plus à cœur que notre être lui-même ■. Le prix que nous mettons à ce qui, directement, n’existe pour personne, constitue cette folie « à Inquelle on a donné le nom de vanité, pour indiquer le vide et le chimérique de cette tendance ». Elle appartient « à cette catégorie d’erreurs qui consistent à oublier la but pour les moyens, comme l’avarice ».

Après cette critique générale de l’opinion viennent des pages fort remarquables sur l’honneur. Le philosophe en donne une définition excellente, ■ L’honneur, dit-il, est, objectivement, l’opinion qu’ont les autres de notre valeur, et, subjectivement, la crainte que nous inspire cette opinion. En cette dernière qualilé, il a souvent une action très Salutaire, quoique nullement fondée en morale pure, sur l’homme d’honneur.» D’où vient et comment naît ce sentiment de l’honneur ? L’explication qui en est donnée dans lesApfiorismes est purement utilitaire. « L’homme ne peut, à lui seul, que très peu de chose : il est un Robinson abandonné ; ce n’est qu’en communauté avec les autres qu’il est et peut beaucoup. Il se rend compte de cette condition dès l’instant où sa conscience commence à se développer, et aussitôt s’éveille en lui le désir d’être compté comme un membre utile de la société, capable de concourir a l’action commune, et ayant droit ainsi à participer aux avantages de la communauté humaine. Il y réussit en s’acquittant d’abord da ce qu’on exige et attend de tout homme en toute position, et ensuite de ce qu’on exige et attend de lui dans la position spéciale qu’il occupe. Mais il reconnaît tout aussi vite que ce qui importe, ce n’est pas d’être un homme de cette trempe dans sa propre opinion, mais dans celle des autres. Voilà l’or’gine de l’ardeur avec laquelle il brigue l’opinion favorable d’autrui et du prix élevé qu’il y attache. ».

Des relations diverses dans lesquelles un homme peut se trouver avec d’autres individus et qui mettent ceux-ci dans lu cas de lui accorder de la confiance, d’avoir, comme on dit, bonne opinion de lui, naissont plusieurs espèces d honneur. Schopenhauer distingue l’honneur bourgeois, l’honneur de la fonction, l’honneur sexuel et l’honneur chevaleresque. L’honneur qu’il appelle « bourgeois », surtout pour le distinguer de l’honneur chevaleresque, est celui qui a la sphère la plus étendue ; c’est l’honneur envisagé d’une manière générale, celui qui résulte des rapports les plus généraux. L’honneur de la fonction est l’opinion générale qu’un homme revêtu d’un emploi possède effectivement toutes les qualités requises, et s’acquitte ponctuellement et en toutes circonstances des obligations de sa charge.

Schopenhauer examine les principes de l’honneur sexuel et croit y trouver la preuve que tout honneur repose, en fin de compte, sur des considérations d’utilité. L’honneur sexuel est, selon lui, un esprit de corps, ce qui le rapproche de l’honneur de la fonction. Il se divise en honneur des femmes et honneur des hommes. Le premier est de beaucoup le pins important des deux, parce que dans la vie des femmes les rapports sexuels sont la grande affaire. « L’honneur féminin est, quand on parle d’une fille, l’opinion générale qu’elle ne s’est donnée à aucun homme, et, pour une femme mariée, qu’elle ne s’est donnée qu’à celui auquel elle est unie par le mariage. L’importance de cette opinion se fonde sur les considérations suivantes. Le sexe féminin réclame et attend du sexe masculin absolument tout, tout ce qu’il désire et tout ce qui lui est nécessaire ; le sexe masculin ne demande à l’autre, avant tout et directement, qu’une unique chose. Il a donc ftillu s’arranger de telle façon que le sexe masculin ne pût obtenir cette unique chose qu’à la charge de prendre soin de tout, et par-dessus le marché aussi, des enfants à naître ; c’est sur cet arrangement que repose le bien-être de tout le sexe féminin. Pour que l’arrangement puisse s’exécuter, il faut nécessairement que toutes les femmes tiennent ferme ensemble, et montrent de l’esprit de corps. »

Le chapitre consacré à 1 honneur se termine par une critique vigoureuse de l’honneur chevaleresque et du duel. Schopenhauer montre les différences qui séparent l’honneur chevaleresque ou point d’honneur de l’honneur bourgeois. L’honneur chevaleresque ne consiste pas dans l’opinion d’autrui sur notre mérite, mais uniquement dans les manifestations de cette opinion ; peu importe que l’opinion manifestée existe réellement ou non, et encore moins qu’elle soit ou non fondée. VI ne dépend pas de ce que nous faisons, mais de ce qu’on nous fait, de ce qui nous arrive. Il est ainsi placé dans la main, ou simplement suspendu au bout de la langue du premier venu ; pour peu que celui-ci y porte la main, l’honneur est, a tout instant, en danger de se perdre pour toujours, à, moins que l’offensé ne le reprenne par la violence. Il n’a pas sa source dans l’essence de la nature humaine ou dans une manière sensée d’envisager les rapports des hommes entre eux. Ce qui le prouve, c’est qu’il ne règne qu’en Europe, et que, dans l’Europe même, son empire ne s’étend qu’à la noblesse, à la classe militaire et à leurs émules.

Après avoir étudié les trois conditions qui