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cations ; 6° le recours de l’inculpé. Les affaires sont inscrites au secrétariat du conseil supérieur, au fur et à mesure de leur arrivée. Un rapporteur spécial est nommé pour chacune d’elles. Il doit faire son rapport pur écrit. Le conseil supérieur statue dans la plus prochaine session. L’intéressé a le droit d’être entendu et de fournir, soit au rapporteur, soit au conseil, toutes les explications qu’il juge utiles à sa défense. Le conseil supérieur de l’Instruction publique n’accepte pas la défense présentée par un avocat. Les décisions du conseil supérieur ne sont valables <jue si la moitié plus un des membres assiste a la séance.

. Appel on peuple (LE PAHTI b3 &’). — Les élections de 1876 avaient été une défaite pour le parti bonapartiste, qui, dans un grand nombre de circonscriptions, avait présenté des candidats. Mais si les partisans du régime plébiscitaire étaient fort clairsemés dans le Parlement, il faut reconnaître qu’ils tendaient a jouer, dans ce qui restait des partis monarchiques à la Chambre et au Sénat, un rôte de plus en plus prépondérant. Le ministère Jules Simon-Martel, constitué le 12 décembre 1876, semblait avoir pris pour tâche do lutter plus particulièrement contre ce parti, que l’Assemblée nationale, exprimant l’opinion du pays, avait déclaré responsable de la ruine et du démembrement de la France. Il était manifeste, d’ailleurs, comme nous l’avons constaté au tome XVI du Grand Dictionnaire, que le parti bonapartiste était fortement organisé et possédait notamment une police dirigée par les anciens chefs de cette administration sous l’Empire, et qui avait conservé des relations intimes avec des hommes maintenus par la cabinet Ricard-Marcère a la préfecture de police. Le ministère Jules Simon-Martel était donc, moitié par sentiment du péril, moitié par suite de pression exercée sur lui par la majorité républicaine, décidé à se montrer sinon impitoyable, au moins vigilant. Dans le mouvement administratif qui suivit de près scn entrée au pouvoir, ce ministère révoqua huit préfets, tous d’origine bonapartiste, et un certain nombre de sous-préfets qui, nommés autrefois par M. Buffet, étaient particulièrement dévoués a ce régime. Le parti bonapartiste fit entendre les plaintes les plus vives et accusa le ministère de faire le jeu des révolutionnaires. M. de Cassagnac, dans le

d’ays», se distingua, comme toujours, entre tous par la violence de ses attaques. Le ministère, qui venait de poursuivre le journal les «Droits de l’homme» pour injures envers le maréchal, président de la République, sa décida k frapper le « Pays », et, le 20 février 1877, le procureur général près la cour d’apptl de Paris sollicita de la Chambre l’autorisation de poursuivre M. de Cassagnac. Une commission spéciale fut nommée ; son rapporteur conclut à autoriser les poursuites. M. de Cassagnac se défendit en opposant au cabinet Jules Simon les écrits et les discours de sou chef sur la liberté de la presse et s’offrit le facile plaisir de mettre le président du conseil en contradiction avec le philosophe et l’écrivain. M. Jules Simon répondit que tout gouvernement avait le droit de défendre son principe, et it n’eut pas de peine k démontrer que la liberté de la presse, à l’heure où il parlait, était plus complète qu’elle ne l’avait été depuis vingt-cinq ans. La Chambre, par 286 voix contre 174, vota les poursuites. Quelques semaines plus tard, M. de Cassagnac comparaissait devant le tribunal correctionnel de la Seine et devant le jury, pour les différents délits dont il était accusé, et il était condamné à l’amende et à la prison.

Bien qu’on affectât, dans l’entourage du maréchal de Mac-Manon, des préférences pour les hommes qui se rattachaient à la monarchie, le parti bonapartiste, comptait sur l’Elysée. La presse impérialiste accusait bien, de temps à autre, les orléanistes et les légitimistes d’accaparer le maréchal au profit ue leurs visées dynastiques, mais elle se refusait à admettre qu’un homme qui devait tout à l’Empire lût disposé à sacrifier ce qu’elle appelait « les droits du Mis de Napoléon III». Le parti ne cachait pas, du reste, qu’il avait un état-major tout prêt ; il grossissait le nombre de ses soldats et affirmait, par ses organes les plus autorisés, que seul il était capable de faire acte d’énergie si les circonstances l’exigeaient.

Entre temps, ses orateurs ordinaires, MM. Jolibois, Raoul Duval, Paul de Cassagn jc et autres interpellaient le gouvernement sur la politique intérieure ou sur les affaires étrangères, ne laissant au cabinet aucun instant de repos et provoquant dans la Chambre des scènes tumultueuses que le président, M. Grévy, n’arrivait pas toujours à prévenir. Au commencement de mai 1877, on signala, dans la presse républicaine, un rapprochement plus intime entre les fractions hostiles au gouvernement de la République. Le parti bonapartiste, avec lequel la droite était, depuis 1876, obligée de compter, avait été cependant jusqu’alors quelque peu tenu à l’écart. Les légitimistes et les orléanistes, mettant de côté leurs répugnances, négociaient depuis quelques semaines une entente avec le parti de 1 Appel au peuple. Quelques notes menaçantes pour le ministère Jules S mon parafaient dans les journaux de d.oile et

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les feuilles bonapartistes annonçaient à mots couverts que le cabinet allait tomber.

Le 16 Mai éclata. On sait quelles furent les causes réelles de ce coup d’État. Nous nous bornerons ici à signaler la part prise par le parti bonapartiste à cette aventure, qui, grâce à l’énergie du parti républicain et à celle de son chef, M. Gambetta, aboutit à un avortement piteux. Le 17 mai 1877, le « Journal officiel » faisait connaître la Composition du nouveau cabinet. À sa tête se trouvait M. de Broglie, l’ancien chef du cabinet du 24 mai 1673, un mléaniste. Mais les bonapartistes détenaient le portefeuille de l’Intérieur avec M. de Fourtou. M. Brunet, ministre de l’Instruction publique, et M. Paris, ministre des Travaux publics, étaient acquis au parti de l’Appel au peuple.

Le rôle prépondérant de ce parti, dans l’aventure tentée sous la direction de M. de Broglie, ne tarda pas à s’affirmer. Les remaniements du personnel administratif permirent à M. de Fourtou de faire une large part à l’élément bonapartiste qui rentra en maître dans les préfectures. Les parquets furent peu atteints ; on les savait, à de rares exceptions près, absolument hostiles a l’idée républicaine. Le nouveau cabinet n’était pas constitué depuis quinze jours que les feuilles légitimistes d’abord, puis les organes de juste milieu, se plaignirent, les premières très énergiquement, les seconds par des allusions plus ou moins transparentes, des envahissements du parti bonapartiste et de la part léonine

aui lui avait été faite dans la distribution es places. La presse de l’Appel au peuple, en réponse à ces récriminations qui devaient devenir de plus en plus vives, répondait que le cabinet avaitdû prendre impersonnel administratif là où il se trouvait et que ce n’était point sa faute si les partis légitimiste et orléaniste manquaient d’hommes capables d’occuper les fonctions administratives ou désireux de les remplir. Elle ajoutait que la prépondérance de l’élément bonapartiste, habitués qu’étaient les hommes de ce parti k manier le suffrage universel, ne pouvait que contribuer au succès de la cause commune. Le » Pays ■, organe des bonapartistes militants, n arrêtait pas là ses commentaires et donnait nettement à entendre que lorsqu’il serait nécessaire de recourir aux mesures énergiques, les hommes de son parti étaient seuls de taille à ne point reculer devant les responsabilités. Ces fanfaronnades n’inquiétaient nullement le parti républicain, mais elles alarmaient les légitimistes et surtout les orléanistes, qui savaient parfaitement qu’au cas du triompha des bonapartistes il leur faudrait repasser la frontière. Le cabinet avait dû, conformément k la Constitution de 1875, demander au Sénat d’approuver son intention de dissoudre la Chambre. La discussion s’engagea dans la séance du 17 juin et dura plusieurs jours, M. Brunet, ministre de l’Instruction publique, ancien magistrat de l’Empire, bonapartiste militant, y prit part et ne laissa pas ignorer au Sénat qu’il était disposé à user de la candidature officielle et à examiner si, oui ou non, il faudrait un jour déclarer l’état de siègf.

Ainsi donc, dès le début, alors que MM. de Broglie et Decaze se retranchaient, pour justifier le Seize-Mai, sur le triomphe imminent du radicalisme et affectaient de compter sur un retour de l’esprit public vers les idées conservatrices, M. Brunet semblait prévoir un échec et était décidé à tout, k la proclamation de l’état de siège, à la suppression de tous les journaux républicains ou même libéraux, etc. Cet ancien magistrat de l’Empire avait donné devant le Sénat la note de son parti.

Le ministère eut gain de cause deva’it le Sénat, qui, par 149 voix contre 130, accorda la dissolution. Le décret parut le £5 juin. Les Chambres se séparèrent et le ministère eut tout le loisir de s’occuper des élections.

Il s’agissait d’abord de choisir les hommes qui devaient être officiellement désignés aux électeurs comme candidats du marëcUal. Le parti bonapartiste, voulut, là encore, se faire la part du lion. Mais à rencontra des obstacles qui ne s’étaient point présentés au lendemain même du Seize-Mai. Les orléanistes, qui n’ont, en réalité, que deux ou trois points où ils soient certains des résultats électoraux, élevaient des prétentions considérables ; les légitimistes de l’Ouest ne promettaient qu’à demi leur concours, ou le

refusaient formellement, dans les arrondissements où ils comptaient de nombreux

partisans. Le cabinet aurait voulu que les candidats du maréchal marchassent au scrutin sous un même drapeau, celui de M. de Mac-Mahon. Mais M. Rouher, qui était alors le chef reconnu du parti bonapartiste, avait, dans le journal ■ l’Ordre » de Paris, qualifié cette prétention « d’insensée » et déclaré que le parti irait aux élections avec son drapeau. Les légitimistes, qui avaient été sacrifiés dès le début de l’aventure et qui s’attendaient k l’être plus encore dans la répartition des candidatures officielles, ne faisaient plus déjà que virtuellement partie de la coalition.

À la veille des élections, fixées an 14 octobre, le parti bonapartiste était réellement le maître dans le cabinet, et l’on a pu soutenir que i’mtervemion personnelle du maréchal, intervention qui s’aflirma par le manifeste du 19 septembre, était l’œuvre de ce

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parti. Le ton de ce manifeste, où M. do Mac-Mahon annonçait son intention de conserver son poste, quoi qu’il arrivât, et alors même que le suffrage universel lui donnerait tort, ce ton, disons-nous, trahissait son origine. La presse bonapartiste se chargeait d’ailleurs de développer ce thème avec une audace sans égaie ; elle menaçait les républicains d’une dissolution nouvelle si, par impossible, disait-elle, le pays venait a se prononcer contre le maréchal.

Quelques divisions s’étaient cependant produites dans le camp bonapartiste, où M. Rouher s’efforçait de maintenir la discipline. Elles portaient sur la marche a suivre en ce qui concernait les alliances à conclure dans tel ou tel arrondissement avec les orléanistes ou avec les légitimistes. Mentionnons enfin que le prince Napoléon, qui s’était associé à l’ordre du jour des 363, était conspué par le parti tout entier ; mais ce personnage jouait alors un rôle si effacé et comptait un nombre si restreint de partisans, que son opinion n’avait aucun poids sur les délibérations du parti. Les élections eurent lieu le 14 octobre. On sait ce qui advint. En dépit de la pression la plus violente, le ministère fut mis en minorité : tant d’efforts avaient abouti k gagner 59 sièges. Les gauches possédaient une majorité dé plus de 100 voix. Les bonapartistes entraient à la Chambre au nombre de 99, gagnant une vingtaine de sièges sur les élections de 1876. C’était peu, si l’on songe qu’ils avaient, pendant plusieurs mois, disposé, en faveur de leurs partisans, de tout l’outillage administratif. Les coalisés ne s’attendaient pas, quoi qu’ils en aient dit depuis, à une défaite. Le premier moment de stupeur passé, le parti bonapartiste, ou tout nu moins la fraction violente de ce parti, demandait une nouvelle dissolution, la proclamation de l’état de siège et la mise en œuvre des moyens énergiques qui pouvaient seuls, disait le « Pays », sauver la société. Ces conseils ne prévalurent pas. M. de Broglie ne se souciait pas de risquer sa tête dans une aventure dont les bonapartistes pouvaient seuls recueillir le bénéfice ; il se retira. Un cabinet incolore, dit cabinet d’affaires, fut constitué le S3 novembre ; il durait une quinzaine de jours, et, le 14 déewmbre, le maréchal de Mac-Mahon, que les bonapartistes militants avaient accusé de mollesse et d’indécision, faisait appeler M. Dufaure.

La vérification des pouvoirs et les rapports de la commission d’enquête, nommée par la Chambre, firent un jour complet sur les actes et les projets des auteurs du Seize-Mai. Il devint évident, d’une part, que les bonapartistes avaient rêvé un coup d’État et usé de toute leur influence pour y décider le maréchal, et, d’autre part, que la fraction orléaniste du cabinet du Seize-Mai n’avait reculé devant cette extrémité que parce qu’elle avait douté du succès. Ces deux faits sont k enregistrer.

Le parti de l’Appel au peuple prétendit, dès l’ouverture de la session de 1878, k la direction des affaires de la coalition vaincue ; il ne laissa échapper aucune occasion de s’emparer de la tribune. Dans la séance du 31 janvier 1878, M. Rouher prenait la parole pour demander à la Chambre de renoncer à son système d’invalidations au nom de la concorde et du patriotisme, et en considédération des circonstances extérieures (la guerre était alors déclarée entre la Russie et la Turquie). M. Gambetta répondit que les orages accumulés qui menaçaient l’Europe étaient le résultat des candidatures officielles de l’Empire. La question de vérification des pouvoirs passa dès lors au second plan et un duel oratoire s’engagea entre le chef des gam-hes et Yex-vice-empereur. M. Rouher, vieilli et privé des fidèles qui le couvraient d’applaudissements au Corps législatif impérial, ne fut plus, comme orateur, que l’ombre de lui-même. Le renouvellement des conseils municipaux, qui eut lieu le 6 janvier 1878, renversa encore quelques notabilités bonapartistes. Au Sénat, la majorité de droite s’endettait. Le groupe dit constitutionnel, groupe grâce auquel les auteurs du Seize-Mai avaient obtenu la dissolution, se scindait en deux fractions, dont l’une acceptait franchement le ministère Dufaure. Le parti bonapartiste abandonnait, lui aussi, la coalition ; d’Ordre», journal de M. Rouher, après avoir manifesté son dédain pour le maréchal et les » aventuriers politiques ■ auxquels il s’était livré jusqu’à l’expiration de son mandat, déclarait « que le parti n’avait plus aucun intérêt à persister dans la plus vaine, la plus inutile et la plus impopulaire des coalitions ». Nous ne rappellerons pas ici les mille incidents puérils et de parti pris orageux que soulevaient a la Chambre les bonapartistes, dont l’extrême droite mérita l’épithète de « parti du boucan » ; mentionnons toutefois que M, de Cassagnac tenait à honneur de mener cette campagne, qui prit bientôt un tel caractère de violence, que la fraction bonapartiste modérée crut devoir en décliner la responsabilité. Notons encore que des polémiques d’une certaine aigreur avaient éclaté entre le journal « l’Ordre » et le « Pays ». Lors de la vérification de son élection, M. de Cassagnac s’était montré particulièrement agressif vis-à-vis du maréchal, qu’il traita de parjure et qu’il accusa d’avoir lâché(textuel) les fonctionnaires qui s’étaient compromis pour lui. Les ministres du 16 mai n’étaient pas plus ménagés.

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Faisant allusion aux poursuites dont le cabinet rie Broglie était menacé, le député de Condom disait : « On parle de les poursuivre, et on a raison. Quand on met la main à une semblable entreprise, il ne faut pas la rater. » Le comte de Chambord ayant adressé, dans le courant de novembre, une lettre de félicitations à M. de Mun à propos d’un discours prononcé k la Chambre par l’orateur catholique, la presse bonapartiste, le journal « l’Ordre» en tête, redoublèrent de violence k l’adresse de la presse légitimiste. La rupture, en un mot, était complète entre les coalisés un an k peine après le Seize-Mai.

Aux élections sénatoriales du 5 janvier 1879, le parti bonapartiste subit une nouvelle défaite, et tandis que le parti légitimiste faisait passer quelques-uns de ses candidats, tous les bonapartistes militants, noiamment le maréchal Canrobert, étaient éliminés par le suffrage restreint. Le 30 janvier 1879, le maréchal de Mac-Mahon donnait sa démission de président de la République. Le parti bonapartiste, qui conservait du fait de la présence du maréchal quelque espoir, dut constater qu’un retour de fortune était, pourlongtemps, sinon pour toujours, écarté. Le nouveau président de la République, M. Grévy, ayant constitué son cabinet, le personnel bonapartiste conservé par MM. Dufaure et de

Marcère soit dans les préfectures, soit dans les parquets, soit encore dans les finances fut soumis k une rude épreuve ; mais le coup fatal devait être porté aux partisans de l’Appel au peuple par un incident imprévu qui, en les privant de leur chef naturel, devait amener la désagrégation rapide du parti.

Le fils de Napoléon III, après avoir terminé ses études en Angleterre, avait sollicité, puis obtenu l’autorisation de faire campagne avec les troupes anglaises, k cette époque aux prises, dans l’Afrique australe, avec le roi Cettiwayo. Or, le 20 juin, on apprenait k Paris que ce jeune homme avait été surpris et massacré dans une reconnaissance par un parti de Zonlnus. Les bonapartistes commencèrent par nier le fait, mais le lendemain une dépêche venue de Londres et adressée au gouvernement français confirmait cet événement. Avant même les obsèques du fils de Napoléon III. le parti bonapartiste se partageait sur la question du choix du successeur de la victime des Zoulous. D^s le lendemain, ces divisions éclatèrent.

La Constitution de 1870, celle qui avait été ratifiée par le plébiscite de mai, portait que Napoléon III avait seul le droit de se choisir un successeur. Elle ajoutait qu’à défaut d’héritier légitime ou direct, le prince Napoléon (Jérôme) et sa descendance directe et légitime, de mâle en mâle et par ordre ds primogéniture, étaient appelés au trône. Au point de vue des bonapartistes, et en admettant que la constitution plébiscitée en 1870 fût restée leur loi, il ne pouvait exister qu’un seul et unique prétendant ; le prince Napoléon. M. Rouher et plusieurs notabilités bonapartistes, dont quelques-unes ont depuis

déserté la cause du prince, le reconnurent en effet comme héritier du fils de leur ancien maître. Mais M. Rouher, tout en faisant ostensiblement de son mieux pour faire accepter à son parti tout entier son nouveau chef, ne dissimulait pas dans son entourage que le passé de l’ancien ami de Sainte-Beuve était un grave obstacle au maintien de l’unité du parti. Il se disait d’ailleurs très fatigué, ce qui était Vrai, et annonçait son intention de renoncer k la vie politique. En somme, il regrettait que son parti fût tombé en de pareilles mains et il déclarait hautement qu’il se retrancherait dans l’abstention la plus complète, s’il était contraint d’abdiquer la direction politique du groupa au profit du nouveau prétendant,

À côté de M. Rouher, dont le dévouement au prince Napoléon manquait d’enthousiasme, on voyait surgir des opposants déclarés qui répudiaient formellement le nouveau prétendant ou qui ne l’acceptaient que sous certaines conditions. M. Ainigues, qui s’était fait une spécialité de l’exploitation du socialisme eésarien, soutenait dans le « Petit Caporal • que le prince Napoléon, en se portant candidat républicain en Corse, d’abord contre M. Charles Bonaparte que le prince impérial avait désigné à ses fidèles, puis contre M. Rouher, mandataire direct du prince défunt, avait méconnu les volontés de son souverain, ratifié la révolution du Quatre-Septembre et renoncé formellement k son

droit successoral. M. Paul de Cassagnac, qui, plus tard, devait être l’adversaire le plus acharné du prince Jérôme, se contentait, au début, de certaines réserves et posait ses conditions. «Le trône, disait-il dans letPays», n’est pas un immeuble ordinaire, qui puisse passer à n’importe qui, par voie ordinaire de succession. L’héritier du sang n’a aucun droit s’il n’est aussi l’héritier des doctrines. » Puis, après avoir rappelé que le prince Napoléon s’était dit républicain et avait laissé croire qu’il était l’ennemi dé la religion, il demandait des déclarations formelles et rassurantes que le prince pouvait faire à son heure, mais à la condition que cette heure fût prochaine. Quelques jours plus tard, M. de Cassagnac invitait le prince k faire connaître si » en combattant pour lui, il serait permis à ses fidèles de ne point séparer ces deux moitiés de Dieu, dont parlait le poète, le pape et l’empereur. Ce langage métaphorique n’ayant