Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 2, part. 1, B-Bd.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

BAL

par conséquent, n’est pas à jour comme les balustrades ordinaires.

— s. f. pi. Nom sous lequel se désignaient autrefois les rangées de fauteuils qui se trouvaient placées dans les théâtres sur le devant et de chaque côté de la scène où jouaient les acteurs.

— Encycl. Les architectes entendent par

calier ou de toute autre construction présen tant des dangers pour la circulation. Les balustrades sont intérieures ou extérieures suivant qu’elles régnent au dedans ou au dehors « d’un édifice ; pleines, lorsqu’elles sont formées par un mur massif ; ajourées, à jour, à clairevoie, lorsqu’elles présentent des découpures évidées plus ou moins régulières ; feintes ou aveuglées, lorsque les découpures sont appliquées sur un fond de maçonnerie. On ne connaît pas d’exemple de balustrades’ extérieures dans les monuments de l’antiquité. Les constructeurs de la période romane employèrent

quelquefois des balustrades pleines ou aveuglées, ordinairement en bois, rarement en pierre. La tribune du porche de l’église abbatiale de Vézelay, construite vers le milieu du xiie siècle, est munie d’un garde-corps en pierre, décoré de grandes dents de scie qui lui donnent quelque apparence de légèreté. Dans la même église, les galeries intérieures du transsept ont des balustrades feintes, décorées d’arcatures et da colonnettes à chapiteaux. L’architecture ogivale évida les balustrades <, et conserva d’abord les arcatures, tout en donnant aux arcs la forme en tiers-point, caractéristique du style nouveau. Une balustrade de ce genre décore le triforium primitif de la nef de la cathédrale de Rouen, où elle se relie aux colonnes de la grande arcature formant galerie. De 1220 à, 1230, on commença a établir, à l’intérieur des grands édifices et k tous les étages, des galeries de circulation garnies de balustrades ajourées. < Les balustrades, dit M. Viollet-Leduc, présentent une extrême variété de formes et de construction, suivant la nature des matériaux employés : s’ils sont durs et résistants, mais d’un grain fin et facile à tailler, comme dans les bassins de la Seine et de l’Oise, les balustrades sont légères et très-ajourées ; s’ils sont tendres, les vides sont moins’larges. En Normandie, en Champagne, où la pierre s’extrait en petits blocs, les ba1 lustrades sont basses ; ailleurs elles sont évidées, dans des dalles posées en délit. La balustrade de la galerie des rois qui décore la façade occidentale de Notre-Dame de Paris, et qui date du commencement du xme siècle, est faite de morceaux superposés et se compose de colonnettes posées en délit avec renfort par derrière, et d’une assise de couronnement évidée en arcatures et ornée de fleurettes en

F ointes de diamant. Lorsqu’on eut idopté usage de tailler les balustrades dans un seul bloc de pierre, on substitua aux piliers isolés, qui n’avaient plus de raison d’être, des clairesvoies composées de trèfles, de quatre-feuilles, de triangles chevauchés, ou de carrés posés en pointe. Suivant M. Viollet-Leduc, qui nous sert de guide dans cette étude, t la hauteur de la balustrade, dans les monuments du style ogival, les rapports entre ses pleins et ses vicies, ses divisions, sadécoration, doiventétre combinés avec la largeur des travées, avec la hauteur des assises et la richesse ou la sobriété des ornements des corniches. Telle balustrade, qui convient à tel édifice et qui fait bon effet là où elle fut placée, semblerait ridicule ailleurs. » Ainsi, dans une balustrade posée sur la corniche-d un grand édifice, les espacements des pieds-droits et les découpures de la claire-voie doivent être larges, les détails de l’ornementation aussi simples que „ possible ; au contraire, la balustrade dun balcon, d’une tribune, d’une galerie peu éle■vée, réclame des ajours multipliés, des membres "sveltes, des ornements délicats. Comme spécimens dans les deux genres, on peut citer : les balustrades des grandes galeries et du sommet des deux tours de la cathédrale de Paris ; la balustrade extérieure du triforium de la même église ; la balustrade de la corniche supérieure de la Sainte-Chapelle ; la balustrade du chœur de la cathédrale de Beauvais, remarquable par une alternance de quatre-feuilles posés en carré et en diagonale, mais un peu trop maigre dans ses membrures ; la balustrade extérieure du chœur de l’église de Saint-Urbain deTroyes (1290-1310), etc. On voit, dans les édifices du xme siècle, des balustrades richement ornementées, .sans que les détails nuisent toutefois à l’ensemble de la décoration : telle est la balustrade qui couronne le passage réservé au-dessus de la porte méridionale de Notre-Dame de Paris, construite en 1257 par Jean de Chelles. « Les architectes du xivo siècle, dit M. Viollet-Leduc, arrivèrent promptement à la maigreur ou à la lourdeur, en surchargeant les balustrades de profils et de- combinaisons plus surprenantes que belles. « Entre autres dispositions nouvelles, ils adoptèrent les crénelages, qui ne manquent pas d’originalité, mais qui ne sont pas en harmonie avec les autres formes du style ogival. À cette époque aussi, on fit des balustrades feintes avec ajgurs (trèfles, quatrefeuilles, etc.) simulés : telles sont les balustrades des chapelles du transsept de Saint-LSénigne, à Dijon, et les balustrades du cloître de la cathédrale de Béziers. Au s.ve siècle, les

BAL

balustrades à claire-voie se composent le plus souvent de losanges ou de triangles. Quelquefois elles sont décorées d’attributs ou de pièces principales d’armoiries sculptées dans les ajours. C’est ainsi que la balustrade de l’hôtel de Jacques Cœur, à Bourges, présente des cœurs, des coquilles de pèlerin, et cette devise : A vaillans riens impossible ; la balustrade de la nef de la cathédrale de Troyes est décorée des clefs de saint Pierre alternant avec des fleurs de lis ; la balustrade, refaite au XV siècle à la base du pignon de la Sainte-Chapelle, offre, dans chacun de ses espacements, une grande fleur de lis, et, au milieu, la lettre K (initiale de Charles VII), couronnée et tenue par deux anges. À la fin du xvp siècle et au commencement du xvie, l’usage de placer des chiffres, des inscriptions, dans la claire-voie des balustrades, prévalut complètement : la façade du château de Blois, construite par François Ier, porte des balustrades où figurent des F couronnés et des salamandres ; au château de Josselin, en Bretagne, une balustrade offre cette devise : A plus.

La Renaissance employa d’abord des balustrades composées d’ordres réduits : on peut en voir un exemple à l’église Saint-Eustache, à Paris ; la claire-voie est formée de petits pilastres doriques séparés par des arcades portées sur des pieds-droits. L’inconvénient qu’il y avait a rappeler ainsi, dans ces parties accessoires d’un édifice, les grandes divisions de l’architecture, fit adopter par la suite des pilastres d’un galbe particulier ressemblant assez bien à celui d’un flacon avec son goulot. On leur donna le nom de balustres, d’où vint celui de balustrade qui, à partir de cette époque, servit à désigner les garde-corps dont nous nous occupons (on les nommait auparavant chancel, gariol). Bien que, dans l’architecture romane, rien n’autorisât l’emploi des balustrades, cet emploi fut adopté par la plupart des architectes du xvue et du xvme siècle et dégénéra même en abus. On ne se borna pas à placer des balustrades là où le besoin d’une barrière à hauteur d’appui se faisait sentir ; on s’en servit comme de motif de décoration. Les hommes de goût ont fini par

s’élever contre une mode qui dénaturait les principes de l’architecture classique. Les balustrades destinées à servir de couronnement ont été, en particulier, l’objet des plus justes critiques. « Indépendamment de ce qu’elles terminent un monument ou une maison d’une manière mesquine, a dit Quatremère de Quincy, elles ajoutent à la hauteur des entablements, qui semblent alors écraser les-colonnes ou les pilastres qui les portent. Dans les édifices où les combles sont apparents, au Luxembourg, par exemple, elles produisent le plus mauvais effet : on croirait apercevoir un autre édifice derrière la façade. On pourrait aller jusqu’à mettre en question si la balustrade au-dessus de l’entablement, même quand on ne voit pas le toit, n’est pas contre les bonnes règles. L’entablement présente toujours l’image des entraits, des jambes de force et des chevrons qui.constituent la charpente du toit. Est-il donc naturel que le toit soit supprimé, quand on conserve tous ces indices frappants ? » Suivant l’écrivain que nous venons de citer, lorsqu’un architecte veut terminer une maison par une terrasse, il dort observer de n’indiquer que les parties qui constituent le plancher, telles que la frise et l’architrave ; dans ce cas, les balustrades peuvent s’employer avec succès parce qu’elles suppléent à la corniche. Quant aux balustrades faites pour garnir le devant des tribunes, des balcons, des perrons, des terrasses établies dans les jardins, etc., leur usage n’a rien que de très-naturel. On en fait en pierre, en bois, en fer ; elles affectent les formes les plus variées, mais il importe qu’elles soient en harmonie avec l’ensemble de la décoration des édifices auxquels elles sont destinées.

BALUSTRE s. m. (ba-lu-stre — du lat. balaustrum, calice de la fleur du grenadier, parce que le petit pilier nommé balustre a la forme de ce calice). Archit. Petit pilier, généralement employé avec d’autres et assemblé avec eux par une tablette, pour former un appui ou une clôture : Un balustre de marbre, de bois. Lucien monta par un escalier à balustres de châtaignier. (Balz.) Des balustres taillés grossièrement soutiennent les rampes des escaliers. (V. Hugo.) À mes pieds règne une longue bordure de balustres, sur laquelle mes yeux glissent avec plaisir, comme sur les festons d’une dentelle élégante. (Vitet.) li Partie latérale de la volute ionique.

— Par ext. Balustrade.

Ici s’offre un perron, là règne un corridor. Là eu balcon s’enferme en un balustre d’or.

Boileau.

il Se dit particulièrement de la balustrade qui entoure le lit d’un souverain et de l’enceinte qu’elle enferme. La table même du roi était autrefois entourée de la même manière : Le roi fit entrer Portland dans le balustre de son lit, où jamais étranger n’était entré, (StSim.)

— Techn. Ornement que porte la tige d’une clef, tout près de l’anneau, et qui se compose ordinairement d’un ou plusieurs renflements séparés par des parties creuses. On l’appelle aussi embase. j| Renflement qu’on voit vers le milieu de la tige de la plupart des chandeliers, il Petite colonnette qui orne le dos d’une chaise-i’li Pilier d’un guéridon, il Compas

BAL

à balustre, Compas pour tracer de très-petits cercles, qui a ses branches surmontées d’une sorte de petit manche en forme de balustre, au moyen duquel on manœuvre l’instrument entre le pouce et l’index.

— Encycl. Il n’existe pas de modèle de balustre dans les monuments de l’antiquité. "Suivant Quatremère de Quincy, on ne peut voir l’origine de ce motif de décoration que daos les ouvrages en bois, imaginés par les menuisiers du moyen âge, pour faire des appuis ou des barrières. Les premiers balustres employés par les architectes de la Renaissance ressemblent, en effet, à des potelets de bois façonnés au tour ; ils ne diffèrent des colonnettes que par un léger renflement vers le milieu du fût et participent, du reste, des divers caractères des ordres d’architecture auxquels ils sont associés. Par la suite, le renflement s’accentua de plus en-plus et fut décoré de sculptures qui en alourdirent singulièrement la forme. On peut voir, dans l’article que nous consacrons au mot balustrade, que les architectes du xviie et du xvme siècle firent un emploi véritablement abusif de cette invention mesquine.

Le balustre se compose de trois parties

firincipales : le chapiteau, la tige ou vase et e piédouche. La tige comprend elle-même deux parties : la panse et le col. La panse n’a d’ordinaire qu’un seul renflement ; lorsqu’elle présente deux renflements (façade du théâtre du Gymnase, à Paris), ils sont joints par une sorte d’annelet. La tige du balustre est quelquefois quadrangulaire (terrasse du jardin des Tuileries, du côté de la place de la Concorde) ; elle est le plus souvent ronde (colonnade du Louvre). La plinthe du piédouche et le tailloir du chapiteau doivent être carrés par leur plan ; parfois, ils sont ronds (palais du Luxembourg). Il faut observer, autant que possible, dit Blondel, que les balustres soient en nombre impair (pas plus de onze, pas moins de cinq dans une travée), et que la distance qui les sépare soit égale à la moitié de leur plus gros diamètre, afin que le vide égale le plein. Les proportions des balustres et leur galbe doivent répondre aux différents caractères des ordres d’architecture sur lesquels ils sont posés ; s’ils sont placés au-dessus d’un attique, c’est l’ordre de dessous qui doit régler le genre et la richesse qu’il faut lçur donner. Il y a, dès lors, autant de manières de profiler les balustres qu’il y a d’ordres. Le balustre toscan, qui convient particulièrement aux constructions rustiques, aux terrasses des jardins et des parcs, a ordinairement sa tige quadrangulaire ; le balustre corinthien, qui est le plus fréquemment employé, se place indistinctement sur tous les ordres, excepté l’ordre toscan : à Trianon, il figure sur un ordre ionique ; à Vincennes, sur un ordre dorique ; au château de Clagny, stir un ordre composite ; au Louvre, sur un ordre corinthien. Dans les escaliers, les moulures des balustres sont tantôt rampantes, tantôt horizontales ; dans le premier cas, elles ont l’avantage de réunir les conditions de parallélisme qui sont presque indispensables en architecture ; mais elles ont l’inconvénient de présenter un aspect contraire à l’idée de solidité : il semble que les balustres glissent de dessus leur socle.

BALUSTRE, ÉE (ba-lu-stré) part. pass. du v. Balustrer : Terrasse balustrée.

BaluStrer v. a. ou tr. (ba-lu-stré-rad. balustre).’ Munir d’une balustrade : Balustrbr une terrasse, un escalier.

BALUX s. m. (ba-lukss). Sable aurifère de certaines rivières.

BALUZE (Étienne), célèbre érudit, né à Tulle en 1630, mort à Paris en 1718. Il fut bibliothécaire de Colbertet professa le droit ca-Dpn au collège de France, dont Louis XIV le nomma inspecteur. On sait que c’est par ses soins que la bibliothèque du ministre acquit la plus grande partie des trésors littéraires qui la rendirent célèbre parmi les savants. Ayant blessé la susceptibilité du roi dans un de ses ouvrages, en prouvant que les Bouillon descendaient des anciens ducs de Guyenne, comtes d’Auvergne, il se vit priver de sa place et de ses pensions et exiler de Paris, où il ne rentra qu’en 1713. Outre de nombreux manuscrits, il a laissé quarante-cinq ouvrages imprimés. Les principaux sont : Reyum francorum Capitularia, riche collection de capitulaires enrichie de notes plein es d’érudition (1677 et 1780) ; Conciliorum nova Collectio, dont il ne publia qu’un volume (1683) ; Histoire généalogique de la maison d’Auvergne ; Vie des papes d’Avignon (1693), qui passe pour un de ses meilleurs ouvrages ; des éditions de saint Oyprien, de Salvien, de Loup, de Ferrières, etc., ainsi qu’un grand nombre de savantes dissertations.

Baluze est un des hommes qui ont rendu le plus de services à l’érudition et aux lettres, par ses travaux comme par ses efforts pour rassembler des livres, des manuscrits, des documents de toute sorte, et par la libéralité avec laquelle il les communiquait aux écrivains et aux- savants.

11 composa lui-même son épitaphe : Il gît ici, le sire Étienne ;

11 a consommé ses travaux ;

En ce monde il eut tant de maux.

Qu’on ne croit pas qu’il y revienne. Par son testament, il ordonna que sa bibliothèque fût vendue en détail, afin de faciliter à un plus grand nombre de gens de lettres

BAL

135

et d’amateurs l’acquisition des raretés qu’elle contenaitSes propres manuscrits, ses extraits, les livres ou pièces annotés de sa main, le tout au nombre de quinze cents, furent acquis par le roi et sont aujourd’hui à la Bibliothèque nationale. L’abbé Vitrac a prononcé et publié un Éloge de Baluze (Limoges, 1777, în-8°).

balvane s. m. (baLva-ne). Piège pour les gelinottes.

balyze s. f. (ba-H-ze). Eaux et for. Cordon de taillis ou de futaie qu’on laisse aotoui d’une coupe.


BALZAC s. m. (bal-zak). Agric. Variété de raisin.


BALZAC (Jean-Louis GUEZ, seigneur DE), célèbre littérateur français, né à Angoulême en 1594, mort en 1654. Il était fils d’un gentilhomme angoumoisin, Guillaume Guez, qui servit sous le duc d’Épernon, et qui, ayant fait bâtir un château, près d’Angoulême, au village de Balzac, ajouta depuis lors à son nom celui de sa châtellenie. Le jeune de Balzac, après avoir étudié chez les jésuites, fit à dix-sept ans un voyage en Hollande, pour y compléter son éducation. Il y connut le savant Baudius, et y fit paraître son premier ouvrage, intitulé Discours politique d’un gentilhomme français, dans lequel il se prononce pour la liberté et pour la réforme. Il se livra, en même temps, en compagnie de Théophile de Viau, à une vie de plaisirs si peu mesurés que sa santé en fut altérée, et que, depuis lors, il se voua au célibat sans beaucoup de mérite. Revenu en France en 1618, il se rendit près du duc d’Épernon, protecteur de son père, il vécut dans l’intimité du fils du duc, qui, devenu cardinal de Lavalette, l’emmena avec lui en Italie et en fit son agent d’affaires à Rome. C’est alors que Balzac commença à écrire des lettres qui eurent un grand retentissement. Lorsqu’il quitta l’Italie, en 1622, et qu’il se rendit à Paris, il y était déjà presque célèbre. Il reçut partout l’accueil le plus flatteur, et se vit recherché des plus grands personnages, au nombre desquels se trouvait l’évêque de Luçon, si fameux, depuis, sous le nom de cardinal de Richelieu. Son premier recueil de lettres, publié en 1624, obtint un succès prodigieux, non-seulement en France, mais dans toute l’Europe. Devenu tout à coup célèbre, Balzac eut aussitôt un grand nombre d’envieux, et, par conséquent, d’adversaires acharnés. À leur tête se trouvèrent deux feuillants, dom André de Saint-Denis, qui l’attaqua vivement comme plagiaire dans un livre intitulé : Conformité de l’éloquence de M. de Balzac avec celle des plus grands personnages des temps passés et des temps présents ; et le P. Goulu, général de l’ordre, qui, sous le titre de Pyllarque, publia contre lui la plus virulente des diatribes. Pour répondre à ces attaques passionnées, Balzac fit paraître son Apologie, sous le nom du prieur Ogier. Celui-ci, paraît il, en avait préparé les matériaux, mis en œuvre par Balzac lui-même avec un art consommé. Cette apologie où, avec le peu de modestie qui lui était habituel, Balzac se donnait les éloges les plus fastueux, ne fit qu’ajouter un aliment de plus au débat. Fatigué de cette lutte, il se détermina à vivre désormais dans la retraite. D’autres déceptions contribuèrent à lui faire prendre cette résolution. Il désirait obtenir un évêché ou tout au moins une riche abbaye ; mais pensant qu’on devait aller au-devant de lui, et qu’il ne devait point solliciter, il finit par déplaire à Richelieu. Le ministre l’accusa de vivre trop retiré, de ne pas se montrer à la cour, et ne lui donna jamais que le titre d’historiographe de France. Retiré au fond de sa province, dans son château de Balzac, il y passa la plus grande partie de sa vie, composant des ouvrages et se livrant tout entier au culte des lettres. Mais il ne vécut pas pour cela dans l’oubli et dans l’isolement. Non seulement il recevait des visites d’amis et de grands personnages, mais encore il était en correspondance journalière avec Chapelain, Costar, Voiture, etc., et les personnes du plus haut rang mettaient un prix inestimable aux lettres de l’ermite de la Charente, ainsi qu’on l’appelait souvent à l’hôtel de Rambouillet.

Les lettres de Balzac eurent un grand retentissement à l’époque où elles parurent ; l’auteur savait les lancer. « Comme elles contenaient toujours des choses très-flatteuses pour les personnes à qui il les adressait, dit Joseph de Maistre, on mettait quelque prix à se les communiquer ; on en faisait même des copies. Balzac avait compté sur la vanité de ses correspondants, et il ne s’était pas trompé dans ses calculs. Les louanges qu’il prodiguait aux autres devaient servir de véhicule à sa propre réputation. Au fond, ces lettres étaient bien faites pour faire sensation. Balzac, qui ne manquait pas de vues profondes, trouvait un langage hérissé de grec et de latin. Malherbe avait commencé par purger la poésie de ces locutions étrangères ; il avait du nombre et de l’harmonie sans cesser d’être correct ; Balzac voulut opérer dans la prose la même révolution que Malherbe dans les vers. Il ne pouvait y parvenir que par des écrits où le français parût avec tous ses avantages et dépouillé de cette superfétation d’érudition gréco-latine......... Balzac a mis dans ses lettres tout ce qu’il avait dans l’esprit et dans le cœur : les préjugés d’un érudit et les scrupules d’un grammairien, qui, peu satisfait de sa langue, qu’il trouve rude, informe, sèche, presque barbare, s’applique de toutes ses for-