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la Gironde, de la Dordogne et de Lot-et-Garonne, et sut comprimer tous les désordres par des mesures énergiques. Il rit ensuite partie du conseil des Cinq-Cents, et la Restauration l’obligea de chercher un asile à l’étranger,

BESSON (Jacques-François), évêque de Metz, né à Mieugy (Ain) en 1756, mort en 1842. Lorsqu’il était vicaire général du diocèse de Genève, en résidence à Annecy, il fut mis en prison, en 1792 ; mais il parvint à s’échapper, et résida successivement k Constance, à Turin et à Munich, d’où il continua à administrer le diocèse de Genève. En 1822, il fut nommé vicaire général de la grande aumônerie, et évêque de Metz en 1824.

BESSON (N.) ou BESSON-BEY, amiral égyptien, né en France en 1782, mort en 1837. Il servit d’abord dans la marine française et fut nommé lieutenant de vaisseau lors du siège de Dantzig. Il était attaché à l’état-major de de Rochefort, quand Napoléon s’y rendit après sa seconde abdication. Il lui proposa de mettre à sa disposition, pour échapper à ses ennemis, trois navires de son beau-père, qui était un riche armateur, et Napoléon avait d’abord paru goûter ce projet ; mais il changea d’avis ensuite et se décida, comme on sait, à se rendre à bord du navire anglais Bellérophon. Alors Besson quitta la France et devint capitaine au long cours sur les navires de son beau-père. En 1821, il entra au service de Méhémet-A !i, qui voulait se créer une marine, reçut le commandement de la frégate Bahité et devint membre du conseil d’amirauté du vice-roi.

BESSON (Jean-Séraphin-Désiré), peintre et sculpteur français, né à Sàint-Laurent-eh-Grandveau (Jura)en 1795, mort à Dôle en 1864. Élève de Claude Dejoux, il contribua, en 1823, à la fondation du musée de Dôle, et fut nommé conservateur de cet établissement et directeur de l’école de dessin de la même ville. Il a exposé, au Salon de 1850, des Oiseaux morts (peinture) et une statuette-portrait. Ses principaux ouvrages sont : deux Anges adorateurs, placés sur le maître-autel de l’église de Dôle ; les bustes de Henri IV, de Philippe Ier, de l’abbé Gentet, du général Bernard, du médecin Bouvier, du président de Choisey, à la bibliothèque et au musée de la même ville.

BESSON (Faustin), peintre français, fils du précédent, né à Dôle vers 1821. Tour a tour élève de MM. Ad. Brune, Decamps et J. Gigoux., il débuta au Salon de 1842 par deux portraits, et envoya aux expositions suivantes : le Prélude, Enfants maraudeurs (1844) ; la Madeleine repentante, le Jardinier du couvent, un Jour d’été, des Fleurs (1846) ; le Goûter au bois, Seize ans, Dix-huit ans (1847) ; une scène tirée de Jocelyn, les Femmes et le secret, Autant en emporte le vent

!1848) ; le Retour des vendangeurs, le Prélude

soleil couchant), Courtisanes et seigneurs vénitiens (1849). Les tableaux de cette dernière exposition attirèrent l’attention sur M. Faustin Besson. On loua leur coloris chatoyant, l’esprit do la composition, la désinvolture charmante des figures. Le jeune artiste se vit dès lors admis aux faveurs officielles ; mais, au lieu de lui demander quelques-uns de ces petits sujets de genre pour lesquels il avait montré du talent, on lui commanda d’abord des tableaux de religion. La Communion desaint Louis et la Fuite en Égypte, qu’il peignit, la première pour la préfecture de la Seine, la seconde pour le ministère de l’intérieur, et qu’il exposa au Salon de 1850, prouvèrent qu’il n’avaft. pas les qualités nécessairesiour la grande peinture. Heureusement pour sa réputation, il envoya à la même exposition plusieurs petits tableaux dans sa manière habituelle ; on remarqua dans le nombre : la

Rencontre prévue, Consuelo et Haydn, et surtout le Retour du. barbier d’Olmedo et de Gil Blas. Au Salon de 1852, à côté des Anges au tombeau de la Madeleine, nouvelle commande de la préfecture de la Seine, il exposa une de ses meilleures toiles : la Jeunesse de Lantara. (aujourd’hui au musée de Dôle), que le ministre de l’intérieur, mieux inspiré, lui avait commandée. Au Salon de 1853, il envoya Boucher et Rosine, un de ses bons ouvrages encore (aujourd’hui au palais de Saint-Cloud) ; en 1855, la Promenade de la’dauphine et les Maîtres mosaïstes (sujet emprunté k G. Sand). VEnfance de Grétry (inusée de Toulouse), qui figura au Salon de 1857, est ce qu’il a fait de mieux jusqu’ici. M. About a dit, à propos de ce tableau : « M. Faustin Besson a cent demi-qualités qui ne feront jamais un grand peintre, mais qui ont fait, dès le début, un peintre charmant. Je ne réclame pas pour lui une place dans les musées, mais je voudrais lui tailler une principauté dans les boudoirs. Toutes les fois que je vois chatoyer sur un guéridon de laque la prose de M. Arsène Houssaye, je cherche instinctivement au-dessus de la porte une fantaisie de M. Faustin Besson. Ce jeune peintre, dont le pinceau répand comme une rosée de jeunesse, ne dessine pas comme M. Ingres, ni même comme Paul Delaroche ; ce coloriste agréable est à une grande distance de Watteau et même de Roqueplan ; mais il a pris, en éclectique, assez de dessin et de couleur pour récréer nos yeux sans choquer notre goût. ■ Cette appréciation est parfaitement exacte., M. Besson est un artiste aimablei, spirituel, galant, qui a l’instinct de l’élégance et le sentiment du coloris ; peu lui importe, d’ailleurs, d’être vrai,

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pourvu qu’il soit séduisant ; il affectionn.6 particulièrement le xvnie siècle, les habits brodés, les gilets historiés, les manchettes et les jabots de dentelles, la poudre, les paniers, les poufs ; il semble qu’il ait vécu du temps de Boucher, de Vanloo, de Lancret, et qu’il soit leur disciple ; il en a la coquetterie et le charme, parfois aussi la mollesse et le laisseraller. L’Atelier de Coustou et le Réveil du printemps, qu’il a exposés en 1861, sont loin de valoir 1 Enfance de Grétry. Nous préférons, dans un autre genre, ses portraits de M™« Favart et de Mlle Devienne, de la Comédie-Française, qui ont figuré au Salon de 1859. Il a exposé et a peint en dehors des expositions beaucoup d’autres portraits, principalement des portraits de femmes. Depuis quelques années, il a exécuté un grand nombre de peintures décoratives, notamment au ministère de l’intérieur, aux Tuileries (chambre de l’Empereur), àSaint-Cloud, dans les hôtels Rothschild, Furtado, de Pompignan, de Florieux, Thoinnet de la Thurmelière, de Mme la comtesse Lanskorowska, à Paris ; de Mérode, à Bruxelles ; von Bath et Caussmann, à Cologne. M. F. Besson a été décoré de la croix de la Légion d’honneur en 1865.

BESSON (Gustave - Auguste), industriel français, né à. Paris en 1820. Il se rendit de bonne heure très-habile dans la fabrication des instruments de musique en cuivre, et s’appliqua à en corriger les défauts. On lui doit l’invention des pistons qui portent son nom, et celle de la perce pleine. Il a souvent exposé ses produits, et il a obtenu une médaille a l’exposition universelle de 1851 à Londres, puis une médaille de ire classe à Paris en 1855.

BESSUNGEN, nom d’un village du grandduché de Hesse-Darmstadt, situé près de Darmstadt, dont il forme un faubourg ; 2,000 h.

j DESSUS, satrape qui gouvernait la Bac-I triane sous Darius Codoman, le troisième du | nom. Le roi persan, qui avait conçu des dou-I tes sur sa fidélité après la bataille d’Issus, j le rappela de sa satrapie et le fit venir à Ba-I bylone, où il réunissait ses forces pour continuer la guerre. À la bataille d’Arbelles, ] Bessus commandait l’aile gauche de l’armée perse, qui était précisément opposée à celle que commandait Alexandre en personne. Après cette bataille, dont l’issue fut, on le sait, fatale à Darius, Bessus, Nabarzane et quelques autres satrapes formèrent secrètement le projet de s’emparer du roi, de le mettre à mort et de se partager le royaume. Ils parvinrent en effet, au moment où le roi s’enfuyait d’Ecbatane, à se rendre maîtres de sa personne et le chargèrent de chaînes. Vive- ; ment poursuivis par Alexandre, ils mirent a mort le roi captif, qui refusait de les accompagner plus loin. Alors Bessus, qui était parvenu à regagner la Bactriane, son ancien gouvernement, y réunit des forces considérables et revêtit les insignes de la royauté, avec le titre d’Ataxerxès, à ce que nous apprennent Quinte-Curce (vi, 6.) et Arrien (Anabase, m). À l’approche d’Alexandre, il traversa l’Oxus ; mais, trahi à son tour par ses anciens complices, il ne tarda pas à tomber entre les mains de Ptoîémée, général du conquérant macédonien, et il fut livré par Alexandre à Oxathrès, le frère de Darius, qui le fit périr dans les plus affreux tourments (Quinte-Curce, vu, 5, 10 : Arrien, Anabase, iv ; Diodore, xvn, 83 ; Plutarque, Alex., XLtii ; Justin, xii, 15).

BEST (Guillaume), jurisconsulte hollandais, né en 1683 à Amersford, mort en 1719. Il professa le droit civil à l’université de Harderwyck, et publia en latin plusieurs ouvrages de droit, dont les principaux sont : De ratione emendandi leges (Utrecht, 1707), traité fort estimé de Lude wig, comme donnant de bonnes notions sur les règles de la critique du droit, et Oratio de œquitate juris romani (1717).

BEST (Jean), habile graveur, né à Toul (Meurthe) en 1808. Il est un de ceux qui, à notre époque, ont renouvelé la gravure sur bois et en ont obtenu des effets qui ont presque la puissance et l’éclat de la gravure sur acier. Il a fait paraître dans le Magasin pittoresque, dans l'Illustration et autres recueils, des gravures qui sont de véritables chefsd’œuvre. Son nom a été popularisé par d’innombrables publications illustrées. Outre ses ateliers de gravure, où se sont formés une foule d’artistes distingués, M. Best a fondé une imprimerie importante. Il a obtenu de nombreuses récompenses aux expositions.

beste s. m. (bè-st.e). Chim. Vase de grès servant à la cristallisation des eaux-fortes. V. Cuine.

BESTEG OU BESTEIG S. m. (bè-Ktègh).

Géol. Veine de terre argileuse ou molle, qui se trouve entre un filon et les salbandes. Le besteo est une terre onctueuse et colorée, qui annonce ordinairemmit la présence de substances métalliques. (Brongniart.)

BESTELME1ER (Georges), industriel et homme politique bavarois, né en 1785 à Schwabach. Fils d’un fabricant dé tabac, il vint s’établir, avec son frère David, à Nuremberg, où il s’adonna à la même industrie que son père, mais sur la plus vaste échelle. Sa grande position comme industriel lui valut d’être nommé presque constamment membre de la diète bavaroise, à partir de 1819, et bourgmestre de Nuremberg en 1838. Bestelmeier s’est signalé à la chambre élective, surtout en 1840,

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1842,1845 et 1848 ; comme un des plus ardents défenseurs de la liberté et des droits des peuples. On a de lui quelques écrits, notamment : Mémoire sur la fabrication et la culture du tabac en Bavière (1838).

BESTENGUE s. f. (bè-stain-ghe). Chass. Sorte de piège pour prendre les oiseaux il On dit aussi bestenque.

BESTEREZE, ville de Hongrie. V. Bisztritz (Waag-).

BESTIA (Lucius-Calpurnius), tribun du peuple et consul romain au ne siècle av. J.-C Il fut nommé tribun du peuple, l’an de Rome 631. Dix ans après, il devint consul et fut chargé de faire la guerre à Jugurtha ; mais il se laissa corrompre par ce prince, et il fut ensuite condamné a un exil perpétuel.

bestiaire s. m. (bè-sti-è-re — lat. bestiarius, même sens ; de bestia, bête). Antiq. rom. Celui qui était destiné à combattre dans le cirque contre les bêtes féroces : Les plus audacieux bestiaires déclarent qu’ils veulent bien combattre un sanglier ou un taureau ; mais, quand il s’agit de lions ou de tigres, ils se font prier. (Sir Edw. Bulwer Lytton.) Comme il était d’usage que les criminels ne fussent pas armés, quelques voix crièrent ; Point d’armes au bestiaire 1 le bestiaire sans armes ! (A. Guiraud.)

— Adjectiv. : Bientôt apparurent les esclaves bestiaires, revêtus d’épaisses armures de fer, à l’épreuve de la morsure des animaux. (E. Sue.)

— Tanière, endroit où sont renfermées des bêtes féroces :

Une litière

D’ossements tapissait le vaste bestiaire.

V. Huoo.

— Littér. Au moyen âge, Recueil de fables, de moralités sur les bêtes et sur les sciences naturelles : Les bestiaires étaient des poèmes le plus souvent envers de huit syllabes.

— Encycl. Hist. littér. On donne le titre de bestiaires à des poèmes composés au xn« et au xinc siècle, sur le genre de vie, les mœurs et les coutumes des animaux. Cette sorte d’histoire naturelle était loin de se distinguer

Ïiar la vérité et l’exactitude des observations ; es fragments laissés par Pline et par Aristote, les légendes et les fables qui avaient cours dans ces siècles d’ignorance, en faisaient le fond ; mais ce fond lui-même n’en constituait que la partie accessoire : la plus importante était celle des applications et des moralités qu’on en tirait. Le moyen âge était, par excellence, l’époque des allégories ; dans chaque animal, il voulait voir un emblème des vicesi ou des vertus de l’homme, et, de leur description, tirer une leçon profitable. Cette idée n’était pas neuve : Elieri l’avait eue, et Anatole donne pour principe, dans son Traité sur la physionomie, que les qualités des animaux sont exprimées par la forme de leurs organes, et que la ressemblance entre ces organes et ceux de l’homme en suppose une semblable entre les caractères. Certaines philosophies religieuses, exagérant ce principe, allaient même jusqu’à confondre les deux êtres, et, selon Hérodote, les Égyptiens croyaient que les âmes, en quittant leur corps, passaient dans celui des animaux. Platon remarque même que ces animaux étaient ceux dont les âmes avaient, durant la vie, partagé et suivi les instincts : les gourmands devenaient des ânes ; les tyrans, des loups ; les homicides, des bêtes féroces ; les débauchés, des porcs., et les étourdis, des oiseaux. Ces traditions, loin de se perdre, avaient passé de la philosophie païenne à la théologie chrétienne ; elles avaient constitué une sorte d’histoire naturelle légendaire, qui était devenue, pour l’esprit mystique du catholicisme, la source d’une multitude d’instructions morales et d’applications ingénieuses aux mystères de la relifion. Saint Basile, saint Ambroise, avaient éveloppé ces idées dans leurs homélies sur la création. Aussi, peu à peu s’était formée une zoologie mystique, qui constituait un système complet, et qu’on retrouvait dans les sculptures et les vitraux des cathédrales, comme dans les sermons dés prédicateurs, ou les vers des postes, tous clercs à cette époque. Ce symbole avait fini par prendre une forme aussi nette, aussi arrêtée que les hiéroglyphes d’Égypte ; c’était une tradition qu’il n’était pas plus permis d’altérer que la figure consacrée du Christ, de la Vierge et des apôtres. Pour n’en citer qu’un exemple, les péchés capitaux étaient représentés par certains signes qu’on retrouve partout et toujours les mêmes. Ainsi l’Orgueil, é’est un roi chevauchant sur un lion et portant en sa main un aigle ; l’Envie ressemble à un moine chevauchant sur un chien et portant en sa main un èpervier ; la Colère est une femme chevauchant sur un sanglier et portant er. sa main un coq ; la Paresse est représentée par un vilain chevauchant sur un âne et portant en sa main un bubon ; l’Avarice, c est un marchand chevauchant sur un taxe et portant en sa main une chouette ; la Gourmandise est figurée par un jouvencel chevauchant sur un loup et portant en sa main un mufle ; laLuxure est représentée par une dame chevauchant sur une chèvre et portant en sa main uns colombe. C’est ainsi que chaque vice, chaque vertu trouvait son symbole dans les qualités vraies ou supposées des animaux, à la description desquels ne présidait pas une cri BEST

tique bien éclairée. Ainsi Guillaume, l’auteur du Bestiaire divin} dont nous parlerons plus loin, place le phénix et les sirènes au nombre des animaux qu’il décrit. Il prétend que la belette conçoit et enfante par l’oreille ; que l’aigle, pour se rajeunir, va se brûler aux rayons du soleil, .et tombe dans une fontaine de jouvence ; qu’on prend la licorne en faisant marcher contre elle une pucelle attrayante. On conçoit quel usage fréquent devaient faire de ces allégories mystiques les écrivains pieux et fort maniérés de cette époque, ainsi quo les peintres, les architectes et les sculpteurs. Hugues de Fouilloi, prieur de Saint-Laur, dédie son bestiaire a un pieux laïc, nommé Rainier, dont il trace le portrait sous la figure d’un faucon, et le sien propre sous celle d une colombe. « Vous voyez, mon frère, lui dit-il, la colombe et le faucon posés sur la’ mémo perche ; c’est l’image de ce que nous avons été, vous et moi, et de ce que nous sommes maintenant. Dieu nous a tous deux appelés, vous des armées, moi du clergé, pour nous asseoir sur la règle de la vie religieuse, comme sur une perche commune. Vous qui, semblable au faucon, aviez coutume de prendre les oiseaux domestiques, votre devoir est maintenant d’attirer les oiseaux des champs, c’est-à-dire les gens du monde, à la religion par l’odeur d’une sainte vie. J ai placé, après la description de la colombe, celle du faucon, parce que cet oiseau est le symbole de la noblesse, à laquelle vous appartenez. » Ne croirait-on pas entendre les précieuses ridicules parler d’amour divin avec sainte Thérèse ? Les Bestiaires, composés soit en latin, soit en français, sont très-nombreux ; parmi les principaux, il faut citer le Spéculum naturale, de Vincent do Beauvais ; le Traité des animaux, d’Albert le Grand ; le livre De proprietatibus rerum, de Barthélémy GlaDvil, et le Trésor, de Brunetto Latini ; mais les deux plus célèbres sont lo Bestiaire d’amour, de Richard de Fournival, chancelier de l’église d’Amiens, et le Bestiaire divin, de Guillaume, clerc de Normandie. Ils sont trop curieux, au point de vue des mœurs de cette époque et de l’état où se trouvaient les sciences naturelles, pour que nous n’en disions pas quelques mots.

En composant son Bestiaire divin, Guillaume ne fait qu’obéir au goût de son siècle : les écrivains ses contemporains, comme ceux qui l’ont précédé, ne cherchent qu’une chose dans la description de la nature : ce n’est point la vérité, mais le sens mystique qu’elle renferme. Cet esprit singulier les conduit à écrire des pages comme la suivante, de Hugues do Saint-Victor. « Dans la sainte Écriture, il est question de trois colombes, celle de Noé, celle de David, celle de Jésus-Christ. La première est le repos, la seconde la force, la troisième le salut. La colombe, c’est l’Église ; le bec de la colombe divisé en deux parties, emblème de la prédication, sépare les grains d’orge et les grains de froment, c’est-à-dire les maximes de l’ancien Testament et du nouveau ; elle a deux yeux : à l’aide de l’un, elle saisit le sens moral ; à l’aide de l’autre, le sens mystique. De l’œil droit, elle se contemple elle-même, de l’œil gauche elle contemple Dieu ; les deux ailes expriment la vie contemplative et la vie active. » Et l’auteur continue ainsi durant deux pages, multipliant les aperçus et les rapprochements, dont la plupart, comme on vient de le voir, sont passablement forcés. Guillaume, écrivant sous l’impression de pareils modèles, doit peu se soucier de la vérité et de l’exactitude des faits ; une seule chose lui importe, c’est de tirer une leçon bonne et profitable de la description qu’il va faire. Tous ses chapitres sont coulés dans le même moule : il dit tout ce qu’il sait sur l’animal dont i ! parle, en fait une comparaison avec Jésus-Christ, et conclut par quelque trait de morale, comme dans les fables. Voici la description du lion ; elle suffira pour donner une idée du genre de l’ouvrage : « Le lion a trois propriétés : il habite les hautes montagnes ; quand il se voit poursuivi par le chasseur, il efface avec sa queue la trace de ses pas ; quand il dort, il a les yeux ouverts ; la femelle du lion met bas des petits qui tombent à terre sans vie pendant trois jours ; ils sont abandonnés par elle, mais le lion arrive, et, soufflant sur eux, il les rappelle à la vie. C’est un animal généreux qui n’attaque l’homme que lorsqu’il est pressé par la faim. C’est ainsi que Jésus-Christ cacha si bien sa venue sur la terre, que le démon lui-même ne s’en aperçut pas. Trois jours aussi, comme le petit lion, U fut privé de vie ; mais Dieu le père le fit sortir du tombeau et ressusciter glorieusement. » Dans les trente-neuf partie.1 ! qui composent le Bestiaire divin, le systèmo est le même, et la monotonie n’est sauvée que par la naïveté crédule de quelques détails. C’est une inspiration toute différente qui est venue au chancelier de l’église d’Amiens, et il fait de son Bestiaire, non un symbole de morale, mais un langage de galanterie. Guillaume de Normandie n’aurait pas eu semblable idée, lui qui partageait l’aversion de tout religieux pour les filles d’Eve, et leur avait jeté ce singulier anathème dans son apologuo des Deux pierres. «En Orient, dit-il, sontdeu : c pierres, l’une mâle et l’autre femelle, qui prennent feu lorsqu’on les place l’une près ds l’autre, et la chaleur qu’elles produisent alors est si grande, qu’elles embrasent toute la montagne. Ce qui nous apprend que l’homme doit fuir la société de la femme, dont le contact brûle et donne la mort. » Fournival,