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beauté : « Comment pouvez-vous être si fière, disait-il, de tout cela qui doit pourrir un jourî — Voilà qui est fort bien, reprit la jeune fille ; mais, en attendant, cela n’est pas pourri. »

« #

Un prédicateur foudroyait en chaire les charmes extérieurs de la femme, et terminait par cette phrase plus qu’hyperbolique : « Tout cela, mes frères, ce n’est que de la boue. » Un jeune homme, que n’avait probablement pas attiré à l’église l’éloquence du prédicateur, et qui se trouvait placé à côté d’une fort belle personne, lui dit alors tout bas : « Ah I mademoiselle, il faut avouer qu’il y a de bien

jolie boue. •

Lors du mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette, Louis XV demanda au duc de X... qui avait été chargé de la recevoir à la frontière et qui la précédait de quelques heures à Paris, si la jeune archiduchesse était d’une beauté aussi achevée qu’on le disait, et comme le duc s’extasiait sur les charmes de la Dauphine, le roi l’interrompit brusquement en lui disant : « A-t-elle de la gorge ? — Oh ! sire, je n’aurais jamais osé porter mes regards...-Vous êtes un sot, mon cher duc, c’est par là qu’il fallait commencer. » «

Quant Apelle veut peindre la déesse de la beauté, il rassemble les plus belles filles qu’il peut trouver, et prend de chacune d’elles ce qu’il voit de plus parfait :

Sur les divers appas de ces jeunes objets

Le peintre laisse errer ses regards satisfaits.

Il préfère ce bras ; c’est ce pied qui l’attire ;

Cet œil l’a plus séduit ; il choisit ce sourire ;

De lis plus éclatants ce cou parait semé ;

Ce front est plus uni ; ce buste est mieux formé ;

Plus beau dans ses contours, ce sein qu’il idolâtre

S’élève et se sépare on deux globes d’albâtre ;

En rassemblant ces traits, À pelle transporté

N’a peint aucune belle, il a peint la Beauté.

Lemierre.

Fhilis n’a point d’esprit ; mais sa bouche est si belle. Qu’a celle de Vénus elle peut s’égaler ; Je ne l’écoute point quand je suis auprès d’elle. Mais je la regarde parler. Lebrun.

Pourquoi s’applaudir d’être belle ! Quelle erreur fait compter la beauté pour un bien ?

À l’examiner, il n’est rien

Qui cause tant de chagrins qu’elle. Je sais que sur les cœurs ses droits sont absolus ;

Que tant qu’on est belle on fait naître Des désirs, des transports et des soins assidus ;

Mais on a peu de temps a l’être,

Et longtemps a ne l’être plus.

Mme Desiioulieb.es.

Beauté (analyse de la), par Hogarth. V. Analyse.

DenniL- d’Angélique (la), en espagnol la Uermosura de Anr/elica, poëme en vingt chants, de Lope de Vega. Cette œuvre est la continuation du poëme de l’Arioste. Il fut composé pendant l’expédition de Y Armada, à bord du navire le San-Juan, sur lequel Lope s’était embarqué. En voici le sujet. En mourant, un roi de Séville lègue sa couronne au plus beau gentilhomme qui parviendra à être aimé do la plus belle femme du monde. Les concurrents sont nombreux ; les femmes laides, les plus disgraciées de la nature, ne sont pas les moins empressées h se mettre sur les rangs. Angélique et Médor se présentent, et, d’une voix, unanime, le prix, de la beauté leur est décerné. Hélas I ils ne jouissent pas longtemps de leur triomphe. La jalousie, l’envie intriguent et se mettent en campagne. On arme contre eux, et bientôt même on va jusqu’à assiéger la capitale de leur royaume. Médor est séparé d’Angélique et se rend coupable d’une infidélité, dont il se repent bientôt. Angélique est elle-même courtisée. Après bien des péripéties, les deux amants se retrouvent, et Angélique meurt de joie en revoyant Médor.

La date de la publication du poème doit être fixée entre 1602 et 1605. Malgré d’incontestables beautés, il est fort au-dessous du modèle que Lope de Vega s’était proposé de suivre. L’imitation ne lui a guère porté bonheur. L’invraisemblance des aventures qui émaillent ce poëme, et le peu de soin avec lequel il est écrit, rendent cette œuvre bien inférieure à la Jérusalem conquise (v. ce mot) du même auteur.

Beauté humaine (PRINCIPES NATURELS DE

la), par D. R. Hay, membre de la Société royale d’Édimbourg (1852). La théorie développée dans ce court traité mérite une mention particulière. ; une telle étude ayant dit son dernier mot par la bouche des plus grands penseurs, des plus grands artistes, en tant que définition philosophique ou esthétique, M. Hay n’affiche pas la prétention d’avoir entièrement découvert la tête de cette Isis voilée, mais sa théorie est ingénieuse et parfaitement déterminée. Les principes qu’il expose peuvent s’appliquer à tous les arts qui ont la forme pour objet. En voici le résumé :

L’artiste doit être géomètre ; sans cette condition, il ne pourra jamais reproduire la figure humaine avec quelque perfection ; M. Hay conseille même au sculpteur de modeler ses figures dans une attitude parfaitement droite,

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et de lis courber ensuite pour leur donner le mouvoment cherché sans déïanger les proportions établies. Il prend pour modèle la Vénus de Milo, et c’est sur ce type de beauté qu’il cherche à établir sa théorie.

Comprenant tout le corps humain entre trois lignes parallèles, dont deux sont tangentes aux épaules, et la troisième passe par le centre du visage, il divise ensuite la figure par la moitié dans le sens horizontal ; puis, du sommet de la tête et du centre des pieds joints malléole contre malléole, il fait partir une série d’angles qui se coupent en diagonales et vont joindre les deux lignes parallèles extérieures en divers points. C’est dans le réseau formé par toutes ces lignes que M. Hay arrête les proportions types que lui ont fournies les modèles antiques.

Ses recherches tendent, dit-il, à prouver que l’harmonie et la simplicité constituent la beauté absolue ; elles font voir non-seulement que le plus noble ouvrage de la création répond parfaitement à l’épreuve que l’on peut faire de ses proportions, mais encore que le Créateur a placé dans l’intelligence humaine le pouvoir déjuger son œuvre et d’établir des distinctions entre les divers degrés de beauté qu’elle présente.

Il est sous-entendu que cette théorie ne peut pas plus créer des artistes, que la Rhétorique de Quintilien ne crée des orateurs, ou Y Art ■poétique, des poètes. Il faudra toujours quelque chose là !

Dcuuié iin diniiie (la), opéra-comique en un acte, paroles de MM. Scribe et Emile de Najac, musique de M. Jules Alary, représenté au théâtre de l’Opéra-Comique, le 28 mai 1861. Le titre de cet ouvrage n’est bon qu’a*dérouter l’intelligence du public. Il ne s’agit pas, en effet, de ce fard printanier qui est l’apanage des jeunes visages ; mais tout simplement d’un moyen de plaire, déjà indiqué par Scribe dans son opéra du Philtre. Le mineur Jean Lenoir parvient à se faire aimer de Léopoldine, non grâce a un talisman, ainsi qu’il le croit naïvement, mais en rasant son visage barbu, en prenant un costume avantageux, ’et surtout en s’occupant beaucoup de lui-même. La beauté du diable serait donc celle qu’on doit à l’art plus qu’à la nature ? Singulière conclusion, qui frise le paradoxe. Le livret, achevé par M. de Najac, attendait son tour depuis neuf ans dans les cartons de l’Opéra-Comique. Le succès médiocre de la partition valut seul à l’ouvrage quelques représentations. La musique, bien écrite pour les voix, manquait d’originalité, à part un chœur de paysans et une romance. Scribe, par respect pour sa mémoire, ne fut pas nommé.

BEAUTÉ (dame de), surnom d’Agnès Sorel, qu’elle prit quand son royal amant lui eut fait don du château de Beauté, situé dans le bois de Vincennes. Aujourd’hui, ce château a entièrement disparu. Il avait été bâti par le roi Charles V, et ce fut là que ce prince finit ses jours. Longtemps après, Charles VII le donna à sa maitresse, la belle Agnès Sorel, qui le conserva jusqu’à sa mort. Ce fut à cause du nom de ce château et des charmes de cette magnifique propriété, qu’elle fut appelée la belle des belles ou Madame de Beauté ; au bas de son portrait, qui figurait dans le château, François Ier écrivit ce quatrain, qu’il composa en son honneur :

Plus de louange et d’honneur tu mérites, Ta cause étant de France recouvrer, Que ne peut dans un cloître ouvrer Close nonnain, ou bien dévot ermite.

C’était do la poésie royale, qui laissait quelque peu à désirer : — Le portrait fut enlevé, et on laissa le château tomber tout doucement en ruine.

BEAUTEMPS-BEAUPRÉ (Charles-François), ingénieur hydrographe français, né à Neuville-le-Pont en 1766, mort en 1854. II étudia la géographie sous la direction deBuache, son cousin, chef du dépôt des cartes et des plans de la marine, fut nommé ingénieur à dix-neuf ans, reçut en même temps du ministre Fleurieula mission de dresser les cartes du Neptune de la. Baltique, et fut chargé, en 1791, d’accompagner, en qualité de premier ingénieur hydrographe, le contre-amiral d’Entrecastaux, envoyé à la recherche-de La Pérouse. Pendant cette expédition, il leva avec une exactitude admirable le plan des terres qu’il visita, et dressa des cartes auxquelles l’Angleterre est redevable de la découverte de la terre de Diémen. Un officier qui portait ces cartes ayant été fait prisonnier par les Anglais, au retour de l’expédition d’Entrecastaux, ceux-ci se servirent des renseignements que le hasard mettait entre leurs mains, pour visiter la côte de l’Australie, si remarquablement décrite par Beautemps-Beaupré. Fort heureusement pour la gloire de cet illustre ingénieur, ’ alors prisonnier au Cap de Bonne-Espérance, qu’il possédait un second exemplaire de ses cartes et de ses plans, et qu’il put les faire parvenir à l’ambassadeur de France aux États-Unis. De retour àParis en 1796, Beautemps-Beaupré fut chargé de tous les grands travaux hydrographiques qui eurent lieu sous l’Empire, et mérita le surnom de Père de l’hydrographie. C’est lui qui leva le plan du cours de l’Escaut, de la côte orientale de l’Adriatique, des côtes maritimes de la France, des côtes septentrionales de la mer d’Allemagne, etc. Nommé successivement ingénieur hydrographe de première classe en 1797, hydrographe sous-chef

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de la marine en 1804, et ingénieur hydrographe en chef en 18U, il fut membre de l’Académie des sciences (i8io), du Bureau des longitudes et de la Société royale de Goettingue. Il a achevé le Neptune de la Baltique, le Pilote français, dont le 6® volume a paru en 1844, et publié, entre autres travaux : la Carte hydrographique générale, pour servir au voyage de circumnavigation du capitaine Marchand ; le plan de l’Escaut (1804, en 3 feuilles) ; Atlas du voyage d’Entrecastaux (1808), etc. Grâce à des relèvements astronomiques, combinés avec ceux de la boussole, Beaupré s’était créé, pour la levée des plans, une méthode d’une grande précision, qu’il publia en même temps que son Atlas du voyage d’Entrecastaux.

BEAUTEVILLE (Jean-Louis Dubuisson de), évêque d’Alais, né à Beauteville en 1708, mort en 1775. Député, en 1755, à l’assemblée générale du clergé, il essaya d’y faire prévaloir les opinions les plus modérées, et s’attira même les inimitiés de quelques-uns de ses collègues, surtout par la publication de son mandement contre le Recueil des Assertions (1764). Le pape Clément XIII lui ayant adressé à ce sujet un bref, Beauteville en appela au parlement d’Aix, qui condamna le bref au feu. Savant, éclairé, charitable, tolérant, l’évêque d’Alais se fit également aimer des catholiques et des protestants de son diocèse. On a de lui beaucoup de mandements, parmi lesquels on cite ceux qu’il publia au sujet de la mort de Louis XV et du mariage de Louis XVI.

BEAUTIE s. f. (bô-tî). Bot. Syn. de thilachie.

Beautrier s. m. (bô-tri-é). Syn. do beaucrier.

BEAUTURE s. f. (bô-tu-re — rad. beau). Mar. Beau temps : Nous avons une beautuiîe, une continuation de beacTuee. Il Peu usité.

BEAUVAIS (Bellovacum), ville de France (Oise), ch.-l. du dép., au confluent du Thérain et de l’Avelon, à 72 kil. N. de Paris, sur un embranchement du chemin de fer du Nord. Pop. aggl. 13,253 hab. — pop. tôt. 15,364 hab. L’arrond. renferme 12 cant., 242 comm. ; 128,683 hab. Evêché suffragant de Reims ; tribunaux de 1™ instance et de commerce, collège, bibliothèque ; manufacture de tapis qui rivalise avec celle des Gobelins’ fabriques de couvertures de laine, draps, velours d’Utrecht, poteries de grès, etc. Beauvais, ville gauloise, se soumit à César et fit partie de la Belgique Ir« ; au ve siècle, elle passa sous la domination des rois francs, fut brûlée et saccagée par les Normands en 925, se constitua en commune en 1099, et eut la douleur de voir commencer dans son enceinte (1357) les troubles de la Jacquérie. Pendant la guerre de Cent ans, elle fut vainement assiégée par les Anglais, qui furent repoussés par le courage et la présence d’esprit de Jean de Lignères. En 1472, .Charles le Téméraire ne fut pas plus heureux dans ses entreprises contre cette ville ; l’héroïsme de Jeanne Laine, selon les uns, Fouquet ou Fourquet selon d’autres, surnommée Hachette, sauva Beauvais de la fureur des Bourguignons. Patrie de Villiers de l’Ile-Adam, de Philippe de Crèvecœur, du grammairien Restaut, de Lenglet-Dufresnoy, etc. Enceinte romaine, dont on fait remonter la construction à la seconde année du règne de Néron ; restes d’un temple de Bacchus ; découvert en 1036 ; arènes antiques ; magnifiques tombeaux romains en marbre ; voies romaines ; tour romane, seul reste du château des comtes de Beauvais.

Beauvais renferme plusieurs églises remarquables :

h’église de la Basse-Œuvre, ancienne cathédrale, est aujourd’hui presque entièrement ruinée, et masquée en grande partie par des maisons’particulières. Quelques archéologues ont prétendu que cet [édifice, affecté d’abord au culte des faux dieux, fut construit sous Néron, en même temps que les murs de la ville, et qu’on le consacra à la sainte Vierge et à saint Pierre, après que saint Lucien fut venu prêcher l’Evangile aux Bellovaques, sous le règne de l’empereur Dèce, vers 242. S’il est vrai que l’emploi du petit appareil et des bandes de briques rappelle, dans cette construction, la manière romaine, il est facile de reconnaître, à de nombreux caractères architoctoniques, que c’est un monument romano-bysantin, qui n’a pas dû être exécuté avant le vnic siècle. L’église de la Basse-Œuvre a 22 m. de largeur, 28 m. 50 de longueur et 16 m. de hauteur. Sa façade principale, percée de trois portes et d’une fenêtre, dont l’archivolte est ornée d’un quadruple rang de moulures figurant des étoiles, a pour couronnement un fronton triangulaire, au centre duquel est sculptée en demirelief une croix ancrée. Cette façade est postérieure au reste de l’édifice, qui n’offre intérieurement ni sculptures ni ornements. L’édifice n’a jamais été voûté ; il devait être couvert d’un plafond en bois. La nef était éclairée par cinq fenêtres sur chaque face. Cinq piliers carrés, à angles tronqués, de l m. de côté, soutiennent les arcades à plein cintre qui séparent les ailes de la nef. Cette église devint de bonne heure insuffisante. Au xe siècle, Hervé, quarantième évêque de Beauvais, fit bâtir une nouvelle cathédrale, qui fut brûlée une première fois en 1180, et détruite de fond en comble par un second incendie, en 1225.

La nouvelle cathédrale (Saint-Pierre) fut commencée dès l’année 1225, et sur remplace BEA

ment même de l’église d’Hervé. L’évêque Miles do Nanteuil, qui entreprit cette nouvelle construction, s’engagea, pour subvenir aux dépenses, à abandonner pendant dix ans la dixième partie de tous les revenus de son diocèse. Les travaux du chœur, commencés en 1247sous l’épiscopatde Guillaume de Gretz, ne furent terminés qu’en 1272 ; on y officia la même année. En 1284, les voûtes s’écroulèrent par suite de l’écartement des murs latéraux : il fallut les reconstruire, et, pour en contre-balancer la poussée, on dut se-décider à élever des piliers de chaque côté du chœur, au centre des trois premières travées. Ces réparations furent achevées en 1324, sous l’épiscopat de Jean de Marigny, frère du trop célèbre Enguerrand.il restait à construire les transsepts et la grande nef. Les travaux, suspendus pendant la guerre de Cent ans, furent enfin repris par l’évêque Villiers de l’Ile-Adam, qui posa la première pierre de la croisée (nef transversale), le 21 mai 1500. Jean Vast ou "Waast de Beauvais, et Martin Chambiges ou Cambiche de Cambrai (d’autres disent de Paris), furent alors chargés de diriger la construction. François Ier, pour témoigner s’a reconnaissance au chapitre de la cathédrale de Beauvais, qui avait coopéré à sa rançon, lorsqu’il était captif à Madrid, affecta, pendant plusieurs années, les produits de la gabelle de Bordeaux aux dépenses de la construction de Saint-Pierre. Jean Waast étant mort en 1524 fut remplacé par son fils. En 1528, Scipion-Bernard fut adjoint à Martin Chambiges, qui mourut quatre ans plus tard, et eut pour successeur Michel Lalye. Ce dernier termina le portail méridional, et, de concert avec Jean Waast fils et François Mareschal, archicharpentier, éleva la croisée jusqu’aux voûtes (1555). Au lieu de construire la nef, ces trois architectes, jaloux, dit-on, de la renommée que Michel-Ange venait d’acquérir en construisant le dôme de Saint-Pierre de Rome, « voulurent prouver que l’art gothique pouvait produire des monuments susceptibles de surpasser en hauteur et en hardiesse ceux connus jusqu’alors (Woillez, Descr. de la cath. de Beauvais, 1838). « Ils élevèrent, au centre de la croisée, une tour ’ octogone, à base rectangulaire, haute de 48 m. et surmontée d’une flèche en charpente, de 45m. 50 d’élévation. Cette tour était percée à jour, ornée de clochetons délicatement ciselés et de vitraux peints. L’intérieur, voûté en ogive, pouvait être vu depuis le pavé de la croisée ; aux époques de solennité, on y plaçait une lampe dont la vive lumière s’apercevait, la nuit, à une distance considérable. Ce merveilleux clocher, commencé en -1560 et terminé en 1588, ne subsista que cinq ans ; les architectes ayant mal calculé la pression énorme qu’il faisait subir aux voûtes, il s’écroula en 1573, le jour de l’Ascension, au moment où les fidèles sortaient processionnellement de l’église. Il a été remplacé depuis par un modeste campanile en bois. Le cardinal Charles de Bourbon, qui occupait le siège de Beauvais au moment où l’accident arriva, fit faire les réparations les plus urgentes. On eut mémo la pensée d’achever l’édifice ; mais les travaux furent définitivement suspendus en 1604, faute de fonds assez considérables.

La cathédrale de Beauvais serait assurément l’une des plus vastes églises de la chrétienté, si la grande nef et la façade principale avaient été exécutées. Selon M. Woillez, cette nef, accompagnée de doubles bas côtés, n’aurait pas eu moins de 52 m. 50 de longueur. Dans l’état actuel, l’édifice consiste en une nef transversale, ou croisée, et un chœur immense, bordé de collatéraux et terminé par une abside heptagonale autour de laquelle rayonnent sept chapelles. Du fond de la chapelle de la Sainte-Vierge jusqu’au mur de refend qui ferme l’église du côté où devait s’ouvrir la grande nef, la longueur est de 72 m. 50. La largeur totale du chœur, y compris les bas côtés et les chapelles, est de 58 m. 15. La croisée, large de 15 ni. 35, a 57 m. 80 de longueur dans œuvre, du nord au sud. La hauteur sous clef de voûte, au centre des transsepts, est de 48 m. 18. — Le chœur de Saint-Pierre passe à bon droit pour l’un des plus grandioses qu’ait créés l’architecture ogivale. Primitivement, il était bordé de chaque côté, jusqu’au sanctuaire, par trois larges arcades à ogive, que supportaient des colonnes massives, flanquées de quatre fines colonnettes engagées ; nous avons vu que la chute des voûtes, en 1248, obligea de modifier cette disposition’ et d’établir des piliers intermédiaires, ce qui a doublé les arcs ogivaux. Chaque colonne est couronnée, à une hauteur de 15 m. 17, par un joli chapiteau qui supporte la retombée des voûtes des bas cotés et celle des impostes des arcades du chœur. De co point s élance un seul fût de colonne engagée, qui va recevoir les nervures des voûtes. A 22 m. 67 du sol, règne une galerie à jour haute de 6 m. et qui fait le tour du chœur. Au-dessus est la claire-voie : elle n’a pas moins de 17 m. d’élévation, et comprend dix-neuf fenêtres, divisées en compartiments élégants par des meneaux de pierre et ornées de vitraux • peints jusqu’au tiers environ de leur hauteur. Ces verrières, d’un dessin peu correct, et que l’on a quelque raison de croire contemporaines de la construction du chœur, représentent les douze Apôtres, les saints Patrons du diocèse et des Guerriers armés de pied en cap. « Au premier abord, dit M. D, Ramée, le chœur de Beauvais semble avoir une grande