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BEC – BED


§ Attraper, prendre où l’on peut, mettre la main sur ; Le vieux notaire pensait que, quelquefois encore, il pourrait se glisser furtivement dans l’étude, butiner encore par-ci par-là comme l’abeille matinale, becqueter une vente, comme un passereau un fruit mûr. (F. Soulié).

— Fig. Piquer, tourmenter, troubler, ronger : Pour une âme pieuse, n’était-ce pas un crime que cette pensée qui lui becquête toujours le cœur ? (Balz.)

— Absol. Manger, on parlant dos oiseaux : Quand le coq a découvert quelques graines en quelque endroit, il en avertit les poules, et ne prend sa part de nourriture que lorsqu’il les voit toutes occupées à becqueter (Cuv.)

Partout, partout le corbeau noir becquête.
Partout les vers ont des corps à manger,

A. Barbier.

Reviens becqueter dans ma main,
À tes besoins toujours ouverte,
Le millet choisi grain à grain.

— Fam. Manger, se nourrir : J’ai vendu tout ce que j’avais pour becqueter.

— Fauconn. Prendre la becquée. V. Becquer.

Se becqueter, v. pr. Se battre à coups de bec : Les coqs se becquètent à mort. II Se caresser avec le bec : Les pigeons passent des heures à se becqueter.

— S’embrasser l’un l’autre à plusieurs reprises : Deux jeunes amoureux qui se becquètent.

— Par ext. Se joindre, être placé l’un près de l’autre : Je ne suis pas poète, et je n’ai point l’esprit assez galant pour faire se becqueter deux rimes au bout d’une idée. (V. Hugo.)

BECQUETEUR s. m. (bè-ke-teur — rad. becqueter). Ornith. Nom vulgaire du petit sterne ou hirondelle de mer.

becquillon s. m. (bè-ki-Hon ; // mildira, de bec.) Fauconn. Bec dos oiseaux de proie qui sont encore jeunes : Ces oiseaux n’ont encore que le becquillon.

— Hortic. Petit pétale qui remplace le pistil dans une anémone double.

BECQUOYSEL s, m. (bô-koi-zèl — de bec et oyscl, autref. oiseau). Art milit. V. Bec DE-FAUCON.

BECRI-MUSTÀPIU, favori d’Amurath IV, qui vivait au xvne siècle. Le jeune sultan Amurath parcourait un jour, sous un déguisement, les rues de Constantinople, lorsqu’il rencontra un homme ivre, qui se roulait dans la fange au milieu de la risée publique, et qui le frappa d’étonnement par la gaieté et par la singulière audace de ses reparties. Le sultan fit porter dans son palais l’ivrogne, qui s’était endormi. À son réveil, celui-ci parut devant Amurath, et comme le sultan lui demandait où était ce trésor avec lequel il prétendait

Ïiouvoir acheter Constantinople et le sultan ui-même, Bécri, qui avait fait demander un pot de vin, le lui présenta en disant : « Ce trésor, le voilà ; il est préférable à tous les biens de l’univers, » Amurath but du vin. Depuis lors, il y prit un tel goût, qu’il s’adonna a l’ivrognerie et garda prés de lui Bécri-Mustapha, devenu bientôt après son inséparable compagnon de débauches. Bien qu’il dût son élévation à un vice honteux, Bécri-Mustapha n’en fut pas moins un des plus sages conseillers du célèbre et belliqueux sultan, en même temps qu’il était un de ses meilleurs lieutenants par son intrépidité. Il se signala surtout aux sièges d’Envan et de Bagdad (1638), et mourut peu de temps avant son maître. Celui-ci le fit enterrer, en grande pompe, entre deux tonneaux, et porta son deuil.

BEC-ROND s. m. Ornith. Espèce de bouvreuil d’Amérique, dont le bec est arrondi : Les BECs-itONns se nourrissent de fruits, de graines, et font entendre un cri assez semblable à celui du moineau. (Buff.)

BECSE (0-), ville de l’empire autrichien, en Hongrie, comitat de Bacs, sur la rive droite de la Theiss, vis-à-vis de Torok-Becse ; 12,000 hab. Grand commerce de grains.

B1ÎCSE (TOROK-), ville de l’empire autrichien, en Hongrie, comitat de Torontal, sur la rive gauche de la Theiss, vis-à-vis d’O-Beese ; 4,000 hab. Commerce de fruits et élève de bétail.

BECSKA s. m. (bèk-ska). Métrol., Mesure de capacité pour les liquides, employée à Cracovie, et qui vaut environ 57 litres.

BECSKEREK (GROSS-), ville de l’empire autrichien, en Hongrie, comitat de Torontal, sur la Béga, à 70 kil. S.-O, de Temeswar ;’ 12,600 hab. Récolte de soie ; ruines imposantes d’un ancien château fort.

BECTAS, aga de janissaires, mort en 1649. De concert avec la sultane Keasem, qui lui promit le vizirat, Bectas organisa une révolte ayant pour but de renverser Mahomet IV, âgé seulement de sept ans, et de le remplacer sur le trône par son frère Soliman. Le grand vizir Sinus, appelé dans l’Arta-Djiamt, où s’étaient réunis les janissaires et les autres conjurés, déclara qu’il était prêt à reconnaître Soliman et qu’il allait prendre des mesures à cet effet ; mais dès qu’il eut quitté l’assemblée, le rusé vizir s’empressa de réunir autour du palais du sultan les troupes fidèles, et fit arrêter et mettre à mort la sultane Keasem. Devant cette attitude énergique, Bectas se vit aban BED

donné de ses complices. lise réfugia, déguisé en Albanais, chez un homme du peuple ; mais il ne tarda pas à être découvert et à être amené au sérail, où il mourut étranglé.

BECTASCHITES S. m. pi. (bèk-ta-chi-tc). Religieux turcs, ainsi appelés du nom de Bectasch, leur instituteur, fameux par ses prophéties et ses prétendus miracles, il On dit aussi beltachites.

IlECTOZ (Claudine de), née près de Grenoble en 1480, morte en 1574. Ellé prit, sons le nom de sœur Scolustique, le voile dans le monastère de Saint-Honorat en Provence, et plus tard elle en devint ahbesse. Grâce aux leçons d’un religieux de l’ordre de Lérins, Denis Fauehier ou Faucher, elle apprit à fond les langues anciennes, et s’acquit bientôt la réputation d’un des écrivains latins les plus élégants de son temps. François Ier, qui était en correspondance avec elle, montrait ses lettres comme des modèles de bon goût. Pendant un voyage qu’il fit en Provence avec Marguerite de Navarre, le roi alla, dit-on, visiter Claudine Bectoz à son monastère. Aucun des écrits de l’abbesse de Saint-Honorat ne nous est parvenu.

BEC-TRANCHANT s. m. Ornith. Nom vulgaire du pingouin commun. Il PI, Becs-tranchants.

BÉCu. DE adj. (hé-ku — rad. bec). Fauconn. Qui a le bec long et fort : Oiseau

BÉCUANT s. m. (bé-ku-an). Min. Couche en pente, dans une ardoisière.

BÉCUDEL s. m. (bé-ku-dèl). Hortic. Variété de raisin.

BÉCUIBA s. f. (bé-ku-i-ba). Bot. Sorte de noix du Brésil.

BÉCUL s. m. (bé-ku). Min. Pièce de l’échafaud, dans une ardoisière.

BECULA ou BECGLuM, ville de l’ancienne Espagne, dans la Bétique, célèbre par la victoire de Scipion sur As irubal, en 209 av. J.-C

BÉCUNE s. f. (bé-ku-ne). Ichthyol. Poisson de mer nommé aussi bécasse, ressemblant au brochet, très-vorace et quelquefois long de 2 m : 50 à "3 m : La bécune est remarquable par la grandeur des dents dont sa gueule est armée. (Valenciennes.)

BEDA, petite ville de la Gaule Belgique, au N. de Trêves. C’est aujourd’hui Bittbourg.

BEDA (Noël), théologien français, né près d’Avranches, mort en 1536. Principal du collège Montaigu à Paris, en 1502, il devint, vers 1520, syndic de la faculté de théologie de cette ville, et se signala par son zèle intolérant, par la véhémence de ses déclamations, par ses emportements et ses intrigues. Il persécuta, non - seulement les théologiens qui rompaient avec les vieilles règles de la scolastique, comme Merlin, Le Febvre d’Etaples et surtout Érasme, mais encore les hommes de lettres dont il redoutait les critiques, et il intenta un procès au Collège royal, où il voulait que l’enseignement du grec et de l’hébreu fût donné par des professeurs approuvés par la faculté de théologie. Lorsque la Sorbonne fut consultée au sujet du divorce de Henri VIII, il empêcha ce corps de donner un avis favorable ; mais il s’exprima à ce sujet et se conduisit d’une façon si extravagante, il attaqua avec tant de violence l’alliance de Henri VIII et de François Ier, qu’il accusa à plusieurs reprises de tolérance envers les hérétiques, qu’il fut envoyé en exil. Rappelé quelque temps après, il montra qu’il était loin d’être corrigé. Le parlement de Paris le condamna, en 1536, à faire amende honorable sur le parvis Notre-Dame, et léfit enfermer à l’abbaye de Saint-Michel, où il mourut peu de temps après. On a de lui quelques ouvraf es dépourvus de tout esprit critique et écrits ans un style barbare, notamment : De unica Magdalena (Paris, 1519, in-4o) ; Contra commentarios Fabri in Euangelia, Ub. II, etc. ; In Erasmi paraphrases, lib. /(152G, in-fol.)

BEDAGAT, titre d’un livre religieux très-important chez les Birmans, et celui auquel on accorde la plus grande autorité. II comprend trois grandes divisions et reproduit des doctrines évidemment empruntées au bouddhisme indien. La première section se compose de cinq livres et porte le nom de Weenee ; ces cinq livres renferment les commandements de Gandama, La seconde section, appelée Thoke-ian, comprend trois livres, et la troisième, appelée A-be-da-na, sept. C’est 458 ans après la mort de Gandama, sous le règne de Doke-ta-kàh-ma-nee, que, suivant les traditions bouddhiques, ces livres furent miraculeusement transcrits en un seul jour du texte original aujourd’hui perdu ; mais, s’il faut en croire l’autorité des personnes compétentes, ce prétendu texte original n’aurait jamais existé. Sous le règne de Nam-ma, 930 ans après la transcription, ils furent traduits de la langue tee-ho en magadha ou pâli par Boke-da-gan-thah, célèbre religieux, et apporté à Sam-boo-de-pa, ou, comme disentles Birmans, notreile. Différents abrégés ontété exécutés d’après le Bedagat ; denombreux commentaires ont été également composés afin de résoudre les difficultés qui pouvaient s’attacher à l’interprétation du livre saint. Ces commentaires et ces abrégés mentionnent surtout de merveilleuses récompenses réservées à ceux qui feront de riches offran BED

des aux prêtres, et des peines qui attendent ceux qui ne leur donneront rien.

BEDAINE s. f. (bc-dè-ne. — Etym. contestée : du v. fr. boudin, boudiné, qui signif. nombril ; l’ancienne forme boudaine paraît militer en faveur de cette origine. Selon Diez, co nom aurait do l’analogie avec bidet, ce qui nous semble inadmissible. Suivant Ménage, de bis et de dondaine, « parce que, dit-il, la dondaine était un instrument court et gros ; on a de là appelé les grands ventres des bedondaines, et ensuite des bedaines, et grosse dondon, une femme courte et grosse. Nous croyons plutôt que ce mot, réduit à sa première syllabe, est une onomatopée ; les syllabes be, bou, etc., ne pouvant être émises que par un gonflement des lèvres et même de la joue • c’est ainsi que, dans le v. fr. bedon signif. tambour). Fam. Gros ventre ; ventre en général : Demplir, farcir sa bedaine. Avoir une grosse bedaine. lorsque le duc d’Orléans demandait la médiation de madame du Barry, cette sultane avait l’habitude de frapper sur la bedaine du prince, qui était fort grosse, et de lui répondre • « Gros père, on aura soin de voire affaire. • (Vie privée do Louis XV). Un de ces plaisants qui rient de tout, entendant publier la loi qui nationalisait les deux tiers de la délie publique, s’écria : Que de bedaines vont se rétrécir ! (’*")

Quand j’aurai fait ta brave et qu’un fer, pour ma

(peine. M’aura d’un vilain coup transpercé la bedaine. Dites-moi, mon honneur en sera-t-il plus gras ?

Molière. Veux-tu peindre ie bon Silène Riant de voir sa tasse pleine D’un vin délicieux et frais ? Je t’offre en ces lieux ma bedaine Et d’un front serein tous les traits.

Lafarë.

— Art milit. anc. Boulet de pierre, qu’on lançait au moyen d’une catapulte, et plus tard avec des bouches à feu.

— Econ, domest. Nom donné anciennement à des vases à grande panse, de toutes matières et de toutes dimensions, qui servaient à divers usages, surtout à renfermer des liquides. Il On disait aussi bédanne et

BESDAINE.

— Epithètes. Grosse, grasse, large, vaste, énorme, rebondie, arrondie, pesante, diminuée, amaigrie.

BEDAJUM, nom latin de la ville de Burghansen.

BÉDANE s. m. V. bec-d’âne.

BÉDAOUÏ s. m. (be-da-ou-i). Arabe nomade -Hélas ! lui dis-je, je suis devenu tout d fait un- bédaouE  ; je mange très-bien du dourah cuit sur une plaque de tôle, des dattes fricassées dans le beurre, de la pâle d’abricot, des sauterelles fumées. (Gér. de Nerv.)

BÈDARIEUX, ville de France (Hérault), ch.-l. de cant., arrond. et à 33 kil. N. de Béziers, sur l’Orb. ; pop. aggl., 8,338 hab. — pop. tût. 9,087 hab. Collège communal ; fabrique de filoselle ; draps fins, huiles, filatures de laine, quincaillerie, bonneterie, papeterie,- mégisserie, chapellerie, teinturerie, confiserie, distillerie, colle forte ; commerce de bois de construction, graines, légumes secs, fourrages, garances, chardons, laines. Petite ville bien bâtie, propre et bien percée. Bédarieux est agréablement situé sur l’Orb, qui la sépare d’un de ses faubourgs. Aux environs, sites charmants.

BÉDARR1DE, avocat et jurisconsulte français. On a de lui les ouvrages suivants : Traité des faillites et des banqueroutes ou Commentaire de la loi du 28 mai 1838 ; Dudol et de la fraude (1851, 3 vol. in-8") ; Des sociétés commerciales (1857, 2 vol. in-8o). Il est décoré de la Légion d’honneur.

BÉDARR1DES, en latin Bituritœ, ville de France (Vaucluse), arrond. et à 15" kil. N.-E. d’Avignon, ch.-l. de canton, sur l’Ouvèze ; pop. aggl. 2,156 hab. — pop. tôt. 3,003 hab. Moulin à garance.

BÉDAT s. m. (bé-da — du lat. vetare, défendre). Anc. législ. Garenne, bois prohibé.

BÉDAUDE OU BÉDEAUDE S. f. (bé-dô-de). Ornith. Nom vulgaire de la corneille emmantelée.

BEDDEVOLE (Dominique), médecin et naturaliste, né à Genève, mort en 1692. Il fut le médecin de Guillaume III, et il a laissé des ouvrages où il soutenait des idées neuves pour le temps. C’est ainsi, par exemple, que, dans sa Disputatio inauguralis de epilepsia, il montrait que la lune n’a aucune influence sur les animaux non plus que sur les plantes. On cite encore de lui des Essais d’anatomie, où il explique clairement la construction des organes (Leyde, 1686), et Dissertatio de hominis génératione in ovo.

BEDDEVOLE (Jean), jurisconsulte suisse, né à Genève en 1697, mort en 1760. Il exerçait avec distinction la profession d’avocat dans sa ville natale, lorsque, cédant à son humeur aventureuse, il alla habiter successivement à Paris, puis à Rome, où il se fit catholique et d’où il fut chassé pour avoir cherché à se donner comme un des descendants de la famille Bentivoglio. On lui doit la traduction de Y Histoire civile du royaume de Naples, par Giannon-a (1742, 4 vol. in-4»).

BEDDOES (Thomas), médecin anglais, né à Shifnal en L7G0, mort en 1808. Il fit ses études

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à l’université d’Oxford, où il obtint en 1786 une chaire de chimie. Plus tard, il alla se fixer à Bristol, où il exerça avec succès la médecine. Beddoes était en relation avec plusieurs savants illustres de son temps, notamment le célèbre médecin Brown, qu’il avait connu dans un voyage en Écosse en 1781, et Lavoisier, avec qui il s’était lié lorsqu’il avait visité la France en 1787. Beddoes a publié plusieurs ouvrages, des brochures et des articles de journaux. Parmi les premiers, nous citerons : Essai sur les causes, les premiers signes et les préservatifs de la consomption (1799, in-8o) ; f/ygeia ou Essais de morale et de médecine sur les causes qui influent sur l’état des personnes de la classe moyenne et de la classe des riches (Bristol, 1802, 3 vol. tn-8°) ; Lettre à sir Joseph Banks sur les causes et la destruction des mécontentements actuels, les imperfections ei les abus de la médecine (1803).

BEDE (saint), surnommé le Vénérable, savant religieux et historien anglais, né à Wearmouth (comté de Durham) vers 675, mort en 735, et, selon Baronius, en 776. Dès l’âge de sept ans, il entra au monastère de Saint-Paul à jarrow, où il fut ordonné diacre à dix-neuf ans, et prêtre à trente. Ayant cultivé depuis l’enfance les lettres, les sciences et les langues, Bède, à une époque où l’Europe était plongée dans la barbarie, savait la philosophie, l’astronomie, l’arithmétique, la grammaire, l’histoire, la théologie, l’Écriture sainte, etc., et il s’était instruit presque seul dans sa cellule par la lecture des auteurs grecs et latins et par celle des Pères de l’Église. Il acquit bientôt une telle réputation de savoir et de piété, que le pape Sergius voulut l’attirer près de lui en Italie ; mais le moine était modeste, ami du repos et de l’obscurité. La contemplation solitaire et le culte désintéressé des lettres et des sciences l’intéressaient plus que les honneurs : il refusa. « Je me donnai, dit-il lui-même, toutes les peines possibles pour méditer les saintes Écritures, et, à côté de l’observation de la discipline monastique (innumera >nonasticœ sercitulis retinacula) et de l’office du chœur, il m’a toujours été doux d’apprendre, d’enseigner ou d’écrire. » Merveilleusement doué par la nature, Bède joignait à ces avantages une assiduité au travail qu’on ne contracte que dans la retraite. Il passa sa vie entière dans son couvent cultivant les lettres, instruisant les jeunes religieux et composant les ouvrages qui ont illustré sou nom.

Le travail avait altéré sa santé ; nous trouvons dans les historiens anglais la relation suivante des derniers moments de ce savant religieux. Tourmenté depuis quelque temps par un asthme des plus violents, il n’en poursuivait pas moins ses occupations ordinaires. Pendant les longues insomnies que lui causait la douleur, il se désolait surtout de ne pouvoir mettre la dernière main à sa traduction de l’évangile de saint Jean en angio-saxon, et àsa compilation des œuvres de saint Isidore. La veille de sa mort, il se sentit très-mal ; ses pieds étaient enflés, ses membres déjà presque paralysés : « Combien reste-t-il encore de chapitres ? deraanda-t-il au moine qui lui servait de secrétaire. — Un seul, répondit celui-ci ; mais vous n’avez pas assez de force pour le dicter. — Prenez votre plume, répliqua le moribond ;• trempez-la dans l’encre, et écrivez vite. » Vers les neuf heures du soir, il se fit apporter par un des frères quelques objets qu’il tenait enfermés dans son armoire : « Maître, lui dit le secrétaire, qui n’avait pas cessé d’écrire, tout est fini. — Oui, reprit Bède, vous avez dit vrai, consummatum est. Maintenant, qu’on relève ma tête et qu’on me mette sur mon séant à l’entrée de ma cellule ; je veux voir encore une fois la place où j’avais l’habitude de prier. » Un instant après, il rendait le dernier soupir. Ses restes furent déposés à Jarrow, puis transportés à Durham.

La légende varie sur l’origine de l’épithète de vénérable que l’histoire lui donne. Les uns disent que, de son vivant, on lisait ses homélies dans les églises du voisinage pendant les offices, et que, — ne sachant comment le qualifier pour ne point contrevenir aux canons de l’Église, le clergé l’appela vénérable. Le mot Bède, sans adjectif, eut été trop sec. D’autres prétendent que, devenu vieux et aveugle, ce qui ne saurait être vrai que dans l’hypothèse faite par Baronius, le titre de vénérable était une marque d’estime pour son grand âge. On raconte encore, au sujet de cette qualification, qu’un moine plaisant l’ayant conduit auprès d’un tas de pierres et lui ayant dit qu’un grand concours de peuple était là, réuni pour l’entendre, Bède avait fait un long discours, et que les pierres avaient répondu : Amen, vénérable Bède. Enfin, une légende fort ancienne rapporte qu’un moine, qui avait entrepris de lui faire une épitaphe, ne pouvant achever le premier vers, conçu en ces termes :

Bac sunt infossa Beda : ossa,

était allé se coucher, et qu’à son réveil il avait trouvé le vers fini ; une main mystérieuse avait ajouté venerabilis pendant la nuit.

Le plus important des ouvrages de Bède est son Histoire ecclésiastique, en cinq livros, qu’il publia à l’âge de cinquante-neuf ans, et qui est un des monuments nationaux de l’Angleterre. Elle commence soixante a.ns environ avant Jésus-Christ, au moment de l’expédition de César dans les Gaules, et s’étend jusqu’à l’an 731. C’est un monument précieux pour ceux qui veulent étudier les origines de la