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Jolis-Vers, de Billets-Galants et de BilletsDoux, qui sont les opérations les plus, ordinaires du grand esprit dans les commencements d’une amitié. Ensuite, pour faire un plus grand progrès dans cette route, vous voyez Sincérité, Grand-Cceur, Probité, Gêné- ■ rosité, Kespect, Exactitude et Bonté, qui est tout contre Tendre. Après cela, il faut retourner a Nouvelle-Amitié, pour voir par quelle route on va de la à Tendre-sur-Beconnaissance. Voyez donc, je vous prie, comment il faut aller d’abord de Nouvelle-Amitié à Complaisance, ensuite a ce petit village qui se nomme Soumission, et qui en touche un autre fort agréable qui s’appelle Petits-Soi7is. De là il faut passer par Assiduité, et à un antre village qui s’appelle Empressements, puis à Grands-Services ; et, pour marquer qu’il y a peu de gens qui en rendent de tels, ce village est plus petit que les autres. Ensuite il faut passer à Sensibilité ; après, il faut, pour arriver a Tendre, passer par Tendresse ; ensuite il faut aller à Obéissance, et enfla passer par Constante-Amitié, qui est sans doute le chemin le plus sûr pour arriver à Tendre-sur-Beconnaissance. Mais comme il n’y a pas de chemins où l’on ne se puisse égarer, si ceux qui sont à Nouvelle-Amitié prenaient un peu plus à droite ou un peu plus a gauche, ils s’égareraient aussi ; car si, au partir de Grand-Esprit, on allaita Négligence, qu’ensuite, continuant cet égarement, on allât à Inégalité, de là à Tiédeur, à Légèreté et à Oubti ; au lieu de se trouver à Tendresur-Estime, on se trouverait au lac Indifférence, qui, par ses eaux tranquilles, représente sans doute fort juste la chose dont il porte le nom en cet endroit. De l’autre côté, si au partir de Nouvelle-Amitié on prenait un peu trop à gauche, et qu’on allât à Indiscrétion, à Perfidie, à Orgueil, à Médisance ou à Méchanceté, au lieu de se trouver à Tendresur-Beconnaissance, on se trouverait à la mer d’Inimitié, où tous les vaisseaux font naufrage. La rivière d’Inclination se jette dans une mer qu’on appelle la mer Dangereuse ; et ensuite, au delà de cette mer, c’est ce que nous appelons Terres inconnues, parce qu en effet nous ne savons point ce qu’il y a, »’ Cette carte du Tendre est un démenti de plus à ceux qui prétendent que la littérature est l’expression de la société. A en croire M’e de Scudéry, un amant n’eût été digne d’obtenir les faveurs de sa maîtresse qu’après de longues années de soins et d’assiduités, et il eût été vieux barbon le jour où il eût pu espérer de voir couronner sa flamme ; mais les mœurs de l’époque démentent bien cette théorie, et l’année on parut la carte du Tendre est à peu près celle où, -dans la célèbre cassette de Fouquet, on trouva le nom de la plupart des dames de la cour, et le prix qu’elles avaient mis à leur vertu. Malgré cela, la carte eut un grand succès. Godeau, évêque de Vence, écrivit à Mllc de Scudéry :

Enfin j’ai vu l’admirable Clélie,

Et cette carte si jolie.

Si belle, si galante et si pleine d’esprit,

Qu’a peine fut-elle achevée,

Que le tyran des cœurs. Amour, par cœur l’apprit,

On en fit une foule d’imitations qui ne méritent pas une analyse spéciale. Trois ans après la publication de Clélie, l’abbé d’Aubignac fit paraître : Histoire du temps, ou relation du royaume de la Coquetterie, extraite du dernier voyage des Hollandais aux Indes du Levant. C’est là que se trouvaient la place des Cajoleries, le combat des Belles-Jupes, le palais des Bonnes-Fortunes, le bureau des Bécompenses, la borne des Coquettes, la chapelle de Saint-Betour, etc. Une discussion s’éleva entre l’abbé d’Aubignac et Mlle de Scudéry à propos de la priorité de l’idée, et ils en restèrent brouillés. En 1660, Zacharie fit paraître une satire très-vive contre les jansénistes, intitulée : la Belation du pays de Jansériie, otl il est traité des singularités qui s’y trouvent et des mœurs des habitants.

En littérature, quand on rappelle la carte, le pays de Tendre, c’est toujours sur le ton de la familiarité et de la plaisanterie :

« L’Arétin a eu des amours de toutes les espèces ; sa carte de Tendre n’en finit pas-, et la liste féminine qu’il déroule vaut la liste de notre vieil ami don Juan. Je ne vous parlerai point des amours les plus grossières ; la cuisinière de Rome suffit sans doute. ■

Philaréte Chaslks.

« Vous m’aimiez donc réellement, demandât-elle d’une voix doucereuse au député, qui, après une heure d’un entretien assez habilement conduit, était enfin arrivé d’étape en étape sur les frontières du pays de Tendre, et venait de risquer une allusion directe à son ancienne passion. »

Ch. de Bernard, le Paravent.

« Cela me donna à réfléchir sérieusement sur le peu de sincérité des hommes, et, chemin faisant, j’éprouvai un véritable contentement à reconnaître que je n’avais pas pour Son Excellence une affection bien prononcée. Je m’en étais tenue avec lui au premier relais du sentiment, et, chose étrange, quelques heures plus tôt, j’aurais juré que nous avions parcouru ensemble tous les points de la carte de Tendre. » R. de Beauvoir.

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« Songez qu’il me fauttous les détails, et que je vous demande le bulletiE de cette campagne amoureuse. L’ennemi, je parle de Léon, a-t-il opposé une vigoureuse résistance ? Avez-vous manœuvré longtemps sur cet échiquier galant qu’on appelle la carte de Tendre ? Avez-vous passé des défilés de Colère au bosquet de Soupirs, et franchi le ruisseau de Doux-Regrets pour entrer dans le vallon d’Espérance ? »

A. Achard, la Bobe de Nessus.

« — Vous avez raison, il est toujours de bon goût de sortir des sentiers battus. Mais comment supposer qu’il puisse vous venir la fantaisie de jouer un rôle près de moi ? continua la marquise en minaudant.

> — Ah çà ! où cette précieuse veut-elle en arriver ? se demanda le vicomte ; il me semble qu’elle me pousse furieusement vers le pays de Tendre. »

Ch, de Bernard, Un homme sérieux.

Carte et description de I empire de Poésie.

Cet.ouvrage, publié en 1696, était une satire contre les postes du temps, au frontispice duquel on avait mis le nom de Fontenelle, resté entièrement étranger à ce badinage. Voici, d’après le Magasin pittoresque, une analyse succincte de cette carte curieuse : « Lauteur commence à diviser la contrée qu’il décrit en Haute et Basse-Poésie, suivant 1 usage, adopté pour les différents pays de l’Europe. La Haute-Poésie est habitée par des gens graves, mélancoliques, refrognés, et parlant un langage qui est a l’égard des autres provinces de la Poésie ce qu’est le basbreton pour le reste de la France. Tous les arbres y portent leurs fruits jusque dans les nues ; les chevaux y courent plus rapides que les vents ; les femmes y ont un éclat supérieur à celui du soleil. La province a pour capitale le Poëme-Epique, bâti sur un terrain sablonneux et tellement ingrat, qu’on ne se donne presque plus la peine de le cultiver. La ville offre un aspect grandiose ; mais elle est d’une étendue et d’une régularité ennuyeuses. Dans le voisinage, à gauche, s’élève une chaîne de montagnes escarpées, que bordent des précipices dangereux. Ce sont les monts de la Tragédie, sur le sommet desquels on aperçoit des ruines d’antiques cités. Ces hauteurs sont aujourd’hui abandonnées, on se bâtit plus qu’à mi-côte ou bien dans les vallons, et l’on se sert pour ces bâtisses de matériaux que l’on tire des ruines dont nous venons de parler. La Basse-Poésie renferme deux villes : le Burlesque, qui en est la capitale, et qui s’élève au milieu d’étangs bourbeux ; et la Comédie, plus agréablement située, mais qui se ressent néanmoins du voisinage de la capitale, avec laquelle elle entretient un fréquent commerce. Entre la Haute et la Basse-Poésie, s’étendent les déserts du Bon-Sens, où l’on n’aperçoit aucune ville, mais seulement quelques cabanes isolées. Ce n’est pas que le pays ne soit, à l’intérieur, d’une grande beauté ; mais les abords en sont difficiles et peu connus, et l’on ne trouve presque pas de guides pour vous montrer le chemin. Ces déserts confinent à une province excessivement peuplée, la province des Pensées-Fausses. L’aspect en est enchanteur ; tout rit à la vue, tout charme, en ne s’y promène qu’au milieu des fleurs ; mais le terrain où l’on marche n’a aucune solidité, et s’enfonce partout sous les pas. Cettéprovince a pour ville principale l’Elégie, située au milieu de bois et de rochers, dont les habitants, qui se plaignent sans cesse, font le lieu ordinaire de leurs promenades, et qu’ils prennent à témoin des tourments qu’ils endurent. Deux rivières, coulant à une assez grande distance l’une de l’autre, et qui n’ont presque pas de communication entre elles, arrosent l’empire de Poésie : l’une, au cours tortueux et inégal, est la rivière de la Bime, qui descend des montagnes de la Béverie, et baigne les villages de la Ballade, du Chant-Boyal, de Virelay. L’autre, au contraire, a un cours droit et uni ; c’est la rivière de la Baison, qui a sa source dans le désert du Bon-Sens, et va se perdre dans une forêt sombre et touffue semée d’une infinité de labyrinthes, et qui s’appelle la forêt du Galimatias. À droite de la province de la Haute-Poésie, s’étend une contrée stérile appelée l’Imitation, dont les habitants

{»assent leur vie à glaner dans les champs de eurs voisins. Il y en a quelques-uns qui s’enrichissent à ce métier-là. L’empire de Poésie est très-froid du côté du septentrion ; c’est là que se trouvent les villes de l’Acrostiche, de Y Anagramme et des Bouts-Bimés ; il est borné, du côté opposé, parla mer, où Ton remarque l’Ile de là Satire, environnée de toutes parts de flots amers, et qui renferme une grande quantité de salines, principalement de sel noir, et l’archipel des Bagatelles, formé d’une multitude de petites îles si légères, qu’elles flottent toutes sur l’eau, et dont les principales sont les lies des Madrigaux, des Chansons et des Impromptus.

Carie du paya de Cocagne. L’Italie a aussi

sa carte fantaisiste : c’est une carte du pays de Cocagne. On y voit des prisons, avec cette inscription : Prison pour ceux qui travaillent, et, en un certain endroit, un homme marche entre deux sergents, et on lit ; Il va en prison pour avoir travaillé. Plus loin, d’autres sergents mettent la main sur un paysan pris en

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flagrant délit de travail : Cet hî>mme travaillait ; il ira en prison. On pourrait rapprocher le paya de Cocagne de celui dont parle Rabelais, ou on avait cinq sous par jour pour dormir, et sept sous et demi quand on ronflait. La carte du pays de Cocagne est entourée d’un sonnet qui mérite d’être rapporté : • C’est ici un bien autre pays que l’Allemagne, où l’on ne boit au cabaret qu en payant son écot I Ici, chacun se donne du bon temps à table, sans une obole au gousset : c’est le pays de Cocagne ! Ici, moins on travaille plus on gagne, et qui n’est pas fainéant est chassé ignominieusement. Et l’on chante, libre de tout soin, La souris qui se plaint d’aimer. Ici, les fours produisent naturellement le pain ; s’il pleut, c’est une pluie de lazagnes et de miroton, et s’il éclaire, il tombe des crépinettes. De tous côtés jaillissent des fontaines, des rivières de muscat et de vin grec ; les prés sont émaillés de tourtes, d’omelettes et de beignets. Et mille autres merveilles, comme vous le verrez dans la carte ci-contre, dressée par M. le Craqueur. ■ Au mot cocagne nous donnerons plus de détails sur ce charmant pays, dont nous ne faisons ici qu’indiquer la carte.

CARTE s. f. (kar-te — du lut. charta, papier). Jeux. Nom donné à de petits cartons hns, taillés en carré long, et portant sur une de leurs faces des figures en couleur, pour jouer à divers jeux ; le jeu même que l’on joue avec ces cartes : Jeu complet de cinquante deux cartes. Jeu de piquet ou de trente-deux cartes. Jouer aux cartes. Battre, mêler les cartes. Couvrir une carte, l’écarter, l’amener, l’escamoter, la filer. Faire des tours de cartes. Carte biseautée. Je n’aime point à jouer avec des gens qui ont tantôt une carte de plus et tantôt une carte de moins. (Le Sage.) Les cartes emploient le loisir de la prétendue bonne compagnie, d’un bout de l’Europe à l’autre. (Volt.) Les cartes furent renouvelées des Latins, afin de soulager l’adversité de Charles VI. (Chateaub.) Il y a un fripon futur dans l’homme qui risque toute sa fortune sur une carte. Certains hommes adorent les femmes qui jouent à la séduction comme on joue aux cartes. (Balz.)

De tout temps par l’ennui les peuples obsédés Ont connu l’aiguillon deB cartes et des dés.

Barthélémy.

... Dis si les maisons, par les grecs fréquentées, Ont employé jamais car/ci plus biseautées.

PONSARt).

1) Cartes hautes, Premières cartes du jeu, celles qui ont la plus grande valeur : Bans là plupart des jeux, le roi est la plus haute carte.

li Cartes basses, Celles qui ont la moindre valeur dans le jeu : Le deux est la plus basse carte. Il Carte blanche, Celle qui ne porte aucune figure de roi, de dame ou de |valet. n Carte double, triple, quadruple, Au lansquenet, Réunion dans une main de deux, trois, quatre cartes de même figure, comme rois, as, sept, etc. :

Dix fois h carte triple être pris le premier !

Reonard.

Il Carte fausse, Carie seule de sa couleur ou qui dérange un coup que l’on pourrait jouer sans elle : Avoir une carte fausse dans son jeu. il Fausses cartes, Cartes préparées frauduleusement pour être reconnues par un joueur. On dit aussi cartes ajustées, tl Carte brûlante, Au quinze, Carte qui représente plus de cinq points. Il Cartes droites, Celles que le coupeur qui donne distribue aux autres coupeurs avant de tirer la sienne. Il Cartes jouées et gagnées, Au jeu du hoc, Annonce du joueur qui s’est défait de toutes ses cartes avant les autres joueurs. Il Carte de face, Celle que le banquier de pharaon place à sa droite, et sur laquelle les pontes perdent ce qu’ils ont joué, tl Carte anglaise, Celle que le même banquier place à sa gauche, et sur laquelle il double les mises des pontes. Il Carte au banquier, Première carte que retourne le banquier en commençant la partie. Il Carte du coupeur, La carte que celui qui tient la main retourne et prend pour lui. Il Ce tes de reprise, Celles que l’on tire après la première distribution, tl Premier, dernier en cartes, Joueur qui doit être le premier, le dernier à jeter sa carte. Il Faire cartes égales, Faire le même nombre de levées, il Faire les cartes, Faire un plus grand nombre de levées que ses adversaires, avantage an

?uel on attache un ou plusieurs points. I ! Filer

es cartes, Se défaire d’un certain nombre de cartes qui se suivent. Il Filer ses cartes, Les découvrir lentement et peu à peu. Il Filer la carte, Escamoter une carte en donnant, la garder pour se la donner.au lieu de la donner au joueur à qui elle reviendrait. Il Demander cartes ou des cartes. Déclarer qu’on a l’intention de se défaire d un certain nombre de ses cartes, pour en prendre d’autres. Il Aller aux cartes, Prendre des cartes au talon pour remplacer celles que l’on écarte. Il Afioir cinq, six caries, Au piquet, Avoir cinq, six cartes de même couleur, six piques, six trèfles, etc. Il Payer en cartes, Faire le même point que le banquier, auquel cas on ne donne ni ne retire rien.

— Par ext. Cartes, Somme que les joueurs déposent en commençant, pour payer les cartes dont ils vont se servir : Les cartes valent beaucoup aux domestiques de cette maison, il On dit généralement aujourd’hui Mettre au flambeau, au lieu de Payer les cartes.

— Fig. Personne, chose, sur laquelle on fonde une espérance, on risque une entreprise : ilfHe Cormon était une carte sur la-

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quelle iljbuaifàà. vie, ei le froid pressentiment d’une catastrophe ^enveloppait déjà. (Balz.)

— Fam. Château* de cartes, Petite maison de campagne assez gracieuse, mais peu solidement bâtie, far oUusioo/aux petites constructions que les enfants élèvent avec des cartes : Versailles, petit chAteau de cartes alors, bâti par Louis XIII ennuyé d’avoir couché dans un méchant cabaret à rouliers.., (St-Sim.) Il Fig. Chose vaine, de peu de durée : Nos projets de fortune, de grandeur, de pouvoir, de gloire et de félicité, sont les châteaux de cartes de notre enfance virile. (Le comte de Ségur.)

Dessous des cartes, Proprement, Côté des cartes qui porte la figure ou les points, et qui n’est point vu par les joueurs quand on donne les cartes ou qu’on les coupe. Il Fig. Secret, chose que l’on s’efforce de tenir cachée : Voir, savoir, connaître le dessous des cartes. On ne peut juger les événements, à moins de connaître le dessous des cartes. (M»’e de Sôv.) Une de nos folies a été de découvrir tous les dessous de cartes de toutes les choses que nous croyons voir, et que nous ne voyons point. (M010 de Sév.) On ne voit jamais te dessous des cartes. (Volt.) On ne doit s’attendre à trouver chez Dangeau aucune considération pO' litique, ni à découvrir aucun dessous de cartes ; on n’a que les dehors. (Ste-Beuve.)

Bergère, détachons-nous

De Newton, de Descartes ;

Ces deux espèces de fous

N’ont jamais vu le dessous

Dea cartes, des cartes, des cartes.

SAtNT.AUl.AiaE.

Brouiller les cartes, Proprement les mêler avant de donner. Il Fig. Semer la désunion, embrouiller les affaires -. Evidemment Moreali voulait brouiller les cartes. (G. Sand.)

Les cartes se brouillent, La désunion se met, les affaires s’embarrassent : Tandis que mon père était à Bordeaux, les cartes sk brouillèrent à diverses reprises. (St-Sim.)

— Jouer cartes sur table, Proprement jouer à jeu découvert, en laissant voir ses cartes à ses adversaires. Il Fig. Agir franchement, loyalement, sans rien cacher de ses intentions : Bref, l’entrevue a été favorable, vous avez plu ; je joue cartes sur table, n’est-il pas vrai ? (Ch. de Bernard.) Je joue cartes sur table, moi ; je suis ta franchise même. (Th. Leclercq.) J’ai joué cartes sur taule avec elle ; je lui ai dit ce que valait son bien. (G. Sand.)

— Fig. Cacher ses cartes, Ne pas laisser deviner ses intentions, agir de finesse : Quand on joue à l’amour avec une femme, il faut bien cacher ses cartes. (A. Houssaye.) On dit aussi cacher son jeu.

— Fig. Prendre les cartes, Prendre la direction d’une affaire.

— Loc. prov. et fig. Si vous n’êtes pas content, prenez des cartes, Se dit à un homme trop difficile à contenter, et qui vous impatiente par son mécontentement : Je répondis que, s’il n’était pascontent.il n’avait qu’a prendre des cartes. (St-Sim.) Il Cette locution est empruntée à certains jeux où celui qui n’est pas content de ses cartes peut en prendre d’autres au talon. Il On ne sait jamais avec lui de quelle carte il retourne, On ne sait jamais à quoi s’en tenir avec lui, on ignore toujours ce qu’il veut.

— Divinat. Tirer les cartes, Chercher à lire dans l’avenir d’après la disposition fortuite des cartes, pratiquer la cartomancie.

— Encycl. Hist. Bien qu’une opinion généralement accréditée et basée sur celle du P. Ménestrier veuille que les cartes à jouer aient été inventées à l’effet do distraire et d’amuser le roi Charles VI dans ses jours do démence, li paraît certain que les cartes nous viennent de l’Asie, comme les échecsj que leur origine remonte à une haute antiquité, et qu’elles ont été introduites en France par les bohémiens, vers la fin du xino siècle. On a des raisons de croire que, primitivement, les caries offraient une représentation exacte des échecs ; cette analogie est prouvée par l’inspection des vieux tarots du xvc siècle, dans lesquels il y a le fou et la cour, dite maison de Dieu. Le sens allégorique est le même dans les deux jeux, qui sont, l’un et l’autre, une représentation de la guerre. Le fameux jeu de cartes de Charles VI, auquel on voudrait faire l’honneur d’être le premier qui ait paru, était une suite de leçons morales, de devises et d’emblèmes philosophiques ; ces cartes étaient enluminées sur un fona d’or à compartiment. Le passage suivant d’un compte de Charles Poupart, argentier du roi, nous dit le nom do leur auteur : « À Jaquemin Gringonneur, peintre, pour trois jeux de cartes à or et à diverses couleurs, de diverses devises, pour porter devers ledit seigneur roi pour son esbattement, lvi sols parisis. ■ (Registre de la Chambre des comptes.)

Les jeux se composaient d’abord desoixantedix-huit cartes, savoir : un fou, vingt et un atouts particuliers ; et cinquante-six cartes analogues aux nôtres, c’est-à-dire quatre rois, quatre reines, quatre valets, quarante points de l’as au dix, plus quatre cavaliers qu’on a supprimés. On trouva en Chine le matériel d’un jeu à peu près semblable et se composant de soixante-dix-sept tablettes. Les Espagnols, les Italiens et les Allemands ont connu les tarots avant qu’ils arrivassent en France ; les Espagnols particulièrement