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sévère. Comme on voyait journellement des gens vendre dans les maisons bourgeoises des cartes recoupées et raccommodées, à 12 sous le sixain, lequel coûtait 35 ou 40 sous dans les bureaux, le 22 décembre 1751 parut un arrêt fort rigoureux : outre les amendes, il prononçait la peine du carcan et celle des galères contre les contrevenants, et permettait la visite des commis dans les maisons particulières. Lorsqu’on fonda, au siècle dernier, fhotel de l’École royale militaire, ce fut l’impôt établi sur les cartes à jouer qui fut affecté aux premiers besoins de cette fondation.

— Homonyme. Quarte.

CARTE (Thomas), historien anglais, né en 1686, près de Clifton (comté de Warwick), mort en 1754. Attaché aux intérêts des Stuarts, il refusa de prêter serment à George Ier, prit part à la rébellion de 1715, et dut se réfugier en France. La protection de la reine Caroline I lui rouvrit les portes de sa patrie ; mais il fut de nouveau inquiété en 1744, à propos de l’entreprise de Charles-Édouard. Il a beaucoup écrit sur l’histoire de son pays. On estime surtout : Histoire de la vie de Jacques, duc d’Ormond (Londres, 1735-1736, 3 vol. in-fol.), dont on a publié un abrégé en français ; Histoire générale à" Angleterre (1747-1755,4 vol. in-fol.), travail inachevé, mais fort remarquable malgré quelques singularités ; Catalogue des rMes gascons, normands et français conservés dans les archives de la Tour de Londres (1743, 2 vol. in-fol.) ; Recueil de lettres originales et de mémoires concernant les affaires d’Angleterre de 1641 à 1660, etc.

CARTEAUX (Jean-François), général français, né àAllevan(Forez)en 1751, mort en 1813 ; Fils d’un soldat, il suivit la même carrière que son père, étudia ensuite la peinture et exécuta quelques tableaux d’histoire qui eurent du succès. Depuis, il prit, quitta, reprit tour à tour la palette et l’épée, entra dans la garde nationale pendant la Révolution, et se distingua à la journée du 10 août. Envoyé ensuite comme adjudant commandant à l’armée des Alpes, puis comme général contre les Marseillais révoltés, il les battit dans leurs diverses positions d’Orange, de Cadenet, de Salon ; s’avança, en combattant les Anglais, dans les gorges d’OUioules, vers Toulon, dont il commença le siège avec des ressources et des forces insuffisantes, et fut remplacé dans cette opération par Dugommier. Il parut quelque temps aux armées d’Italie et des Alpes, tut un moment emprisonné pendant la l’erreur, défendit courageusement la Convention contre les sections royalistes au 13 vendémiaire, et devint, en 1801, un des administrateurs de la loterie. Napoléon lui donna le commandement de la principauté de Piombino, qu’il exerça de 1804 a 1805. A notre article Bonaparte (Napoléon), nous avons donné sur le général Carteaux d’amples et curieux détails.

CARTEIA, ville de l’ancienne Espagne, dans la Bétique, près du détroit d’Hercule, et un peu au N. de Calpe, chez les Bastules. En 171 av. J.-C, les Romains y envoyèrent une colonie, et César y vainquit Sextus Pompée. La ville moderne de San-Roque paraît construite sur l'emplacement de l’ancienne Carteia.

CARTEL s. m. (kar-tèl — ital. cartello, dimin. de carta, carte). Lettre de provocation en duel ; provocation elle-même : Envoyer, donner, recevoir un cartel. Accepter, refuser un cartel. Plutarque rapporte qu’Antoine, succombant sous le poids de l’infortune, envoya un cartel d Auguste ; celui-ci lui fit répondre qu’il avait mille façons de mourir sans recourir à ce moyen. César ennoya-t-il un cartel à Caton ou Pompée à César pour tant d’affronts réciproques ? (J.-J. Rouss.)

Da lâcheté Torenne étaitîl accusé ? Un cartel cependant fut par lui refusé.

Desmaiiis.

A toi, Robert de Normandie,

Le prince de Grenade adresse ce cartel,

Et par ma voix, il te défle, Non danG un Tain tournoi, mais au combat mortel.

Scribe.

— Par ext. Provocation, défi d’un genre quelconque : Jusqu’à présent, ce cartel épi' stolaire n’a donné lieu qu’à deux ou trois pamphlets médiocres. (L. Ulbach.)

— Chevaler. Défi entre chevaliers, dans un tournoi :

Soit que l’honneur à la barrière-L’appelle à débattre un cartel...

Malherbe.

— Art milit. Convention entre deux partis ennemis pour la rançon ou pour l’échange des prisonniers : 77 n’y eut jamais de cartel d’échange entre Charles et le czar. (Volt.)

— Mar. Bâtiment portant les prisonniers qui doivent être échangés.

— Blas. Ecu : Cartel d’armoiries.

— Techn. Encadrement de certaines pendules qui s’appliquent ordinairement contre une muraille ; pendule elle-même : Un cartel de salle à manger. Un vieux cartel de cuivre incrusté d’arabesques à écaille ornait le manteau de la cheminée en pierre blanche. (Balz.) Un petit cartel de bois renfermant une montre d’argent tenait lieu de pendule, (E. Sue.) Il Ornement figurant un écusson.

— Métrol. Ancienne mesure pour les grains, qui était usitée dans les environs de Sedan.

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— Encycl. On nommait cartel, dans l’ancien droit féodal, une lettre de défi ou d’appel à un combat singulier ; on s’en servait surtout à l’époque où la plupart des différends se jugeaient par les armes. On envoyait des cartels non-seulement à ceux dont on avait à se plaindre ou dont on voulaitse venger, mais encore à ceux avec qui on voulait se mesurer pour éprouver si on leur était supérieur en force et en vaillance. Si le nom de cartel date du moyen âge et du droit féodal, cette sorte de défi a toujours existé, et l’histoire nous en présente maint exemple. Dans Homère, plusieurs héros se défient ainsi en combat singulier. On sait le fameux combat des trois cents Lacédémoniens contre trois cents Argiens, dans lequel Othryade, chef des Lacédémoniens, et deux Argiens restèrent seuls des six cents combattants. Les deux Argiens retournèrent chez eux, mais Othryade, avec le sang qui coulait de ses blessures, écrivit sur son bouclier : «J’ai vaincu, » et il se tua pour ne pas survivre & ses compagnons. Manlius Torquatus et Valérius Corvinus tuèrent les deux Gaulois qui s’étaient avancés hors des rangs pour les défier. Pyrrhus ayant envoyé un cartel à Antigone, celui-ci répondit quesi Pyrrhus é’tait las de vivre, il avait beaucoup d autres chemins pour courir à la mort. Dans une occasion semblable, Auguste fit dire à. Antoine, qui l’avait provoqué, que ses affaires n’étaient point assez mauvaises pour lui faire prendre un

fiarti aussi désespéré ; que si Antoine cherchait a mort, il y avait mille autres moyens de la trouver. Charles IX, roi de Suède, battu par Christian IV, roi de Danemark, lui envoya un cartel ; mais celui-ci répondit que l’appel que Charles lui faisait était une marque qu’il avait besoin d’ellébore pour purger son cerveau. Édouard HI envoya aussi un cartel à Philippe de Valois, pour le défier soit à un combat singulier, soit à un combat de cent contre cent ; mais il en reçut pour réponse qu’un souverain n’acceptait pas un défi de son vassal. Turenne, provoqué à un combat singulier par l’électeur palatin, dont les États avaient été ravagés par l’armée française, excusa ses soldats qui avaient incer.diê les villages pour venger la mort cruelle de leurs camarades, et ne fit aucune réponse au défi qui lui avait été adressé. Toutefois le cartel du moyen âge avait une signification plus étendue, plus complexe que celle d’un simple défi. On sait que le droit de guerre privée fut pendant longtemps attaché à la plupart des fiefs, et que cet état d’hostilité fut, durant plusieurs siècles, l’état normal de la société européenne. Quand un seigneur avait à se plaindre d’un autre, il lui envoyait sur un parchemin la déclaration de ses griefs ; et lui signifiait qu’à partir de ce moment il lui ferait tout le mal qu’il pourrait ; c’était une déclaration de guerre analogue à celle du flamine romain lançant un javelot sur le territoire ennemi. C’était le cartel qui maintenait, sinon lajustice, du moins la loyauté chevaleresque, en avertissant d’avance un ennemi de se tenir sur ses gardes. Pour bien faire comprendre ce qu’était le cartel et le rôle qu’il jouait au moyen âge, nous ne pouvons mieux taire que de citer ici le cartel adressé par le duc d’Orléans au duc de Bourgogne, qui avait fait assassiner son père au milieu de Paris même : « Charles, duc d’Orléans et de Valois, comte de Bloisetde Beaumont, seigneur deConches ; Philippe, comte de Vertus, et Jean, comte d’Angoulêroe, frères ; a toy, Jean, qui te dis duc de Bourgogne, pour le très-horrible meurtre par toy faict en grande trahison de guet-apens, par meurtriers affectés, en la personne de nostre très-cher et redoubté seigneur et père monseigneur Louis, duc d’Orléans, seul frère germain de monseigneur le roy, nostre souverain seigneur et le tien, nonobstant plusieurs serments, alliances et compaignies d’armes qu’avais à luy ; et pour les grandes trahisons, desloyautés, déshonneurs et mauvaisetés que tu as perpétrées contre nostredict souverain seigneur monseigneur le roy, et contre nous, en plusieurs manières : te faisons savoir que, de ceste journée ensuivant, nous te nuirons de toute notre puissance et en toutes les manières que nous pourrons ; et contre toy, et de ta desloyauté et trahison, appelons Dieu et raison à nostre aide, et tous les prudhommes de ce monde ; en témoin de vérité, nous avons fait sceller ces présentes lettres du soel de moy Charles, dessus nommé. Donné àJarjeau, le dix-huitième jour de juillet, l’an de grâce mil quatre cent onze. » Voici la réponse au duc de Bourgogne ; elle n’est ni moins curieuse ni moins instructive : « Jean, duc de Bourgogne, comte d’Artois, de Flandre et de Bourgogne, palatin, seigneur de Salines et de Malines ; à toy Charles, qui te dis duc d’Orléans, à toy Philippe, qui te dis comte de Vertus, et à toi Jean, qui te dis comte d’Angoulême, qui naguères nous avez escript vos lettres de defftance ; faisons sçavoir, et voulons que chacun sçache, que, pour abattre les très-horribles trahisons, très-grandes mauvaisetés et aguets pensées, conapirées, machinées et faictes solennellement a rencontre de monseigneur le

roy, notre très-redoubté seigneur et le vostre, et contre sa très-noble génération par feu Louis vostre père, faux, desloyal, trahistre, de parvenir h la finale exécution détestable, à laquelle il a contendu à rencontre de nostredict très-redoubté seigneur et le sien, et aussi contre sa dicte génération, si faussement et notoirement que nul prudhomme ne le debvoit laisser vivre ; et mêmement nous qui sommes cousin germain de mondict seigneur, doyen

CAET

« •

des pairs ’et deux fois pair, et plus astrainct à luy et à sadicte génération que autre quelconque de sa dicte génération, ne devions un si faux, desloyal et fellon trahistre, laisser sur terre plus longuement, "que ce ne fust & nostre très-grande charge ; avons, pour nous acquitter loyalement et faire notre debvoire envers notre très-grand et très-souverain seigneur et sa dicte génération, faict mourir ainsi qu’il debvoit ledict faux et deslovai trahistre, et ainsi avons faict plaisir à Dieu, service loyal à nostredict très-redoubté et souverain seigneur, exécuté à raison ; et pour ce que toy et tesdits frères, ensuivez la trace fausse, desloyale et félonne de vostredict feu père, cuidans venir aux damnables et desloyaux faicts à quoy il contendoit ; avons très-grande liesse au cœur desdictes deffiances ; mais du surplus contenu en icelle, toy et tes deux frères avez menti et mentez faussement, mauvaisement etdesloyaument, trahistres que vous estes ; et dont a laide de notre seigneur, qui sçait et congnoist la très-entière et parfaite loyauté, amour et bonne intention que toujours avons et aurons tant que vivrons a nostredict seigneur, sa dicte génération, au bien de son peuple, et de tout son royaume, vous ferons venir à la fin et punition telle que tels faux et desloyaux trahistres, rebelles et désobéissants félons comme toy et tesdicts frères estes, doibvent venir par raison. En témoin de ce nous avons fait sceller ces lettres de notre scel. Donné en nostre ville de Douay, le 14e jour d’aoust, l’an de grâce mil quatre cent onze, i

Dans l’histoire comme dans la vie commune, le grotesque se mêle toujours au sérieux ; l’historien Muller parle d’un cuisinier d’Eppenstein, en Allemagne, qui, en 1477, adressa au comte Othon de Solms le cartel suivant : « Haut et puissant seigneur comte de Solms, vous saurez que moi, Jean, cuisinier, avec mes aides de cuisine et tous nos marmitons, joints à tous nos amis les bouchers, porteurs de bois, etc., nous déclarons la guerre à vous et aux vôtres, à votre pays, à vos sujets et principalement à vos bestiaux, et cela pour donner à notre gracieux seigneur et multre, Godefroi d’Eppenstein, seigneur de Miihlberg, une preuve de notre attachement ; et en même temps peur me venger moi, Jean, cuisinier, de la blessure qu’on m’a faite dernièrement lorsque j’ai voulu emporter un mouton. Pour mettre notre honneur à l’abri de toute atteinte, nous vous prévenons de vous tenir sur vos gardes ainsi que vos bestiaux ; du reste, nous ne comprenons dans cette menace ni votre cuisinier Hermann ni ses aides. Le présent écrit fait sous nos yeux et scellé de notre sceau, le mercredi après la Saint-André, de l’an mil quatre cent soixante et dix-sept. <

Le nom de cartel est resté à nos provocations en duel ; mais, comme on le voit, ce n’est qu’improprement et par extension qu’il peut leur être donné.

Droit des gens. Dans le droit des gens, on appelle cartel la convention qui se conclut pendant la guerre entre les commissaires ayant tes pleins pouvoirs de leurs souverains pour régler l’échange ou la rançon des prisonniers. Les conditions du cartel sont ordinaitement l’échange pur et simple, dans les limites d’une exacte proportion, c’est-à-dire qu’on donne colonels contre colonels, capitaines contre capitaines, hommes contre hommes, tous en nombre égal, et qu’on fixe la rançon des prisonniers en échange desquels on ne saurait en rendre d’autres. La rançon des officiers généraux et des grades importants se fixe de gré à grè ; quant à celle des officiers et des soldats, elle est généralement régîée à un mois de solde. Aujourd’hui on rend purement et simplement les prisonniers de guerre à la conclusion de la paix, ou même avant, sous condition qu’ils ne porteront pas les armes jusqu’à la. fin de la guerre.

On nomme aussi cartels la convention par laquelle deux États s’engagent à se rendre réciproprement leurs déserteurs.

CARTELADE s. f. (kar-te-la-de). Métrol. Mesure agraire anciennement en usage dans la Guyenne.

CARTELAGE s. m. (kar-te-la-je). Arquebus. Nom donné à une variété de fer fondu, qui sert a faire les garnitures des fusils.

CARTELÈE s. f. (kar-te-lé). Métrol. Mesure agraire qui était usitée dans le Dauphiné,

CARTELET s. m. (kar-te-lè). Comm. Petite étoffe de laine qui n’est plus en usage. Il Syn.

de CARRELET.

CARTELETTE s. f. (kar-te-lè-te). Comm. Ardoise taillée en pièces de petite dimension.

— Adjectiv. Ardoise captelette.

CÀRTELETTI (François-Sébastien), poëte italien du xvie siècle. Il publia, sur le Martyre de sainte Cécile, un poème qui était plutôt un livre de piété qu’une œuvre littéraire, et qui est aujourd’hui complètement oublié. Nous ne le mentionnons que parce que Carteletti a été quelquefois cité comme le premier auteur d’un poëme italien, et, à ce titre, comme le précurseur du Tasse.

CARTELLE s. f. (kar-tè-le — dimin. de carte). Mus. Feuille de peau d’âne préparée avec des portées toutes tracées, où les compositeurs peuvent écrire leur musique au

crayon et feffacer ensuite avec une éponge : Les cartelles viennent toutes de Home ou de

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Nantes. (J*-J. Rouss, .) Il Toile huilée et peinte en blanc, qui sert au même usage.

— Techn. Bois de prix, débité eu petites planches pour me&bles : On débite par cartelles les bois recherchés, tels que te frêne, l’orme et l’érable loupeux et’noueux, quand on les met par petites planches pour meubles. (Baudrillart.) il Grosse planche qui porte les meules d’un moulin.

CARTEI.LIER (Pierre), célèbre sculpteur français, né à Paris le ï décembre 1757, mort dans la même ville le 12 juin 1831. Son père, simple serrurier mécanicien, lui fit cependant donner une éducation assez soignée ; il avait reconnu l’intelligence précoce de son fils, et ses rares dispositions pour la sculpture. Pierre entra donc de bonne heure dans l’atelier de Charles-Antoine Bridan, dit Bridan le père, après avoir passé par l’école gratuite de dessin, où il puisa les premiers éléments de son art. Bridan s’intéressa bien vite à ce jeune homme ardent au travail et qui promettait de lui faire honneur. Aussi Carteliier fit-il en peu de temps des progrès rapides ; malheureusement, la mort de son père vint l’arracher à ces fortes études, et il dut demander a l’art industriel son pain de chaque jour et celui de sa mère. Il n avait alors que dix-sept ans.’ 11 se mit à faire des modèles de pendules, de candélabres, de flambeaux, de bouts de table, qu’il allait offrir de boutique en boutique. Mais ce travail mercantile lui faisait oublier peu à peu les pures et nobles traditions do l’art, puisées à l’atelier de Bridan ; l’opiniâtreté de son travail ne pouvait suppléer a, l’absence des savantes leçons du maître. Admis à l’École des beaux-arts, il ne put en suivre les cours régulièrement. Il essaya cependant de concourir, trois ans après, pour le prix de Rome : mais il échoua ; une seconde tentative ne fut pas plus heureuse. Alors le jeune artiste^ en voyant s’évanouir l’unique espoir qui lui restait, se sentit envahi par un découragement profond, d >« !+ il ne parvint que très-difficilement à se relever.

Carteliier ne lit donc pas le voyage d’Italie, et il ne put aller aux sources mêmes étudier l’antique et s’en inspirer, et cependaut(par une sorte d’intuition extraordinaire, il l’a mieux compris, il l’a rendu avec plus de bon| heur qu’une foule d’autres plus heureux et même plus illustres. En 1793, un événement inattendu vint mélanger de quelque joie sa pénible et laborieuse existence : il épousa une femme charmante, qui, de plus, lui apporta une dot modeste, mais suffisante pour, l’arracher à la préoccupation de la vie matérielle. Carteliier se remit donc au travail avec une nouvelle ardeur, et, trois ans après, en 1790, il exposait une petite figure en terre cuite, qui obtenait un très-grand succès. L’auteur fut un des lauréats de l’Exposition. Aux premiers bruits de cette réputation naissante, Chalgrin, l’architecte du Luxembourg, alla visiter le jeune sculpteur dans son atelier, et lui commanda deux grandes figures pour la façade méridionale du palais, dont on achevait alors la décoration sculpturale. Ces statues représentaient, l’une la Vigilance, l’autre, la Guerre. Exposée au Salon de 1800, cette dernière fut très-bien accueillie et valut à Carteliier une véritable célébrité. À cette œuvre remarquable succéda la figure de la Pudeur, célèbre statue exposée, en plâtre seulement, au Salon de 1801. Exécutée en 1808, elle fut placée d’abord à la. Malnmison, et transportée depuis en Angleterre, après la mort de l’impératrice Joséphine. Le talent de Carteliier grandissait avec sa réputation, et le bonheur avec la fortune vint enfin s’asseoir à son paisible foyer. Le plâtre de sa statue d’Aristide fut exposé au Salon de 1804, et, en 1805, dans la salle du Sénat. Le marbre n’en a jamais été exécuté, « L’antiquité, ’iisa.t M. Quatremère de Quincy en parlant de cette figure, l’antiquité (on peut le croire) n’aurait pas mieux, dans la patrie même du personnage, fait ressortir cet héroïsme de simplicité qui caractérise l’homme juste en butte à l’ignorante prévention de la multitude. Naïveté de pose et d’action, vérité de style, justesse de costume, on dirait une statue retrouvée ou restituée. » Cette œuvre si remarquable fut suivie de la statue de Vergniaud, plâtre colossal, chef-d’œuvre du maître, qui fut placé dans l’escalier du Sénat. « C’est le moins faible de mes ouvrages, » disait modestement Carteliier. En 180S, parut au Salon, en plâtre, et en 1810, en marbie, la statue de Louis Bonaparte, roi de Hollande, avec un buste du fils aîné de ce prince. Un monument d’une plus grande proportion et bien plus important suivit ce travail ; ce fut l’énorme bas-îelief exécuté en 1810, au-dessus de la porte principale du Louvre. Carteliier était alors dans tout l’éclat de son talent et de sa réputation ; les commandes et les honneurs lui arrivaient en foule : nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1808, membre de l’Institut en 1810, il fut chargé en 1811 d’exécuter une statue colossale de Napoléon législateur, pour l’École de droit. D’autres travaux, aussi remarquables que nombreux, vinrent encore il-lustrer sa féconde et brillante carrière. Le gouvernement lui demanda, pour l’arc de triomphe du Carrousel, la Reddition de la ville d’Ulm, bas-relief d’une composition simple, serrée, grandiose, d’un effet excellent. La statue du général Pichegrji, marbre d’une exécution merveilleuse, lui valut encore un très-beau succès au Salon de 1819. Cette oeu-