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XVe ; la troisième va de cette époque jusqu’à nos jours. C’est cette dernière période qui présente, dans ses premières années, le point culminant de la littérature catalane* Ces trois périodes sont naturellement déterminées par de grands événements qui jalonnent l’histoire politique de la Catalogne, et que nous aurons occasion de signaler chemin faisant, à mesure que nous les rencontrerons.

La première période commence avec Jacques Ier, qui fut le véritable fondateur de la nationalité catalane. C’est à lui que la langue catalane doit sa restauration ; il en fit la langue politique de son peuple, et l’employa lui-même avec succès dans ses compositions littéraires. Au lieu de se servir, comme ses prédécesseurs, de la langue provençale, qui était alors la langue littéraire de la Catalogne, il inaugura hardiment l’emploi de l’idiome catalan. Nous avons de ce royal auteur une Chronique contenant les principaux événements de son règne, et un recueil de sentences et d’apophthegmes. Le premier de ces ouvrages, imprimé à Barcelone en 1557, existe en manuscrit à la Bibliothèque de Paris ; le second, à celle de l’Escurial, sous le titre de : Lo libro de la saviera. Nous possédons de cette époque plusieurs autres chroniques extrêmement intéressantes dues à Pigpardines, à Ribera de Perpeja ; plus tard, nous trouvons celles de Domenech, de Francech, etc. La théologie et la philosophie nous offrent un assez grand nombre de monuments curieux : par exemple, la traduction des moralistes arabes, du De officiis de Cicéron, des Lettres de Sénèque, de la Politique d’Aristote, de la Cité de Dieu de saint Augustin. Nous rencontrons aussi des traités plus originaux : Suma de philosophia ; Instruiments dels princeps ; Escala de contemplacio. L’el Crestia, de Ximénès, est le plus célèbre de ces ouvrages ; c’est une véritable encyclopédie. Il faut encore citer les sentences recueillies par Anselme Turmeda. La poésie catalane commence aussi dès cette époque à donner des résultats sérieux, et à faire une concurrence heureuse à la poésie provençale, la seule en honneur jusque-là en Catalogne. Les trois hommes qui lui ont rendu le plus de services sont : Raymond Lulle, Febler et Raymond Muntaner. Le savant Lulle a, en effet, dans sa jeunesse, composé des poésies dans sa langue maternelle. Ce sont surtout des poésies mystiques, qui faisaient déjà présager la voie que suivrait le jeune auteur. Elles sont très-nombreuses. Febler est connu par son poème didactique : Linalges de la conquista de Valencia, dans lequel il donne l’histoire et la généalogie de tous les chevaliers qui accompagnèrent le roi Jacques dans cette expédition. Muntaner est connu par une allocution en vers adressée à Jacques II, roi d’Aragon, à propos de la conquête projetée de la Sardaigne. Enfin un manuscrit catalan, qui existe à Carpentras, contient plusieurs poésies dont la plupart des auteurs sont restés anonymes.

Avec la seconde époque, au milieu du XIVesiècle, commence pour la littérature catalane une période d’imitation réfléchie, prenant pour modèles la France, l’Italie et la Provence ; l’Italie surtout, grâce à Dante et à Boccace, imprime à la littérature catalane une impulsion toute particulière. La prose, cependant, résiste mieux à cette influence de l’étranger et conserve beaucoup mieux son caractère national. Les compositions philosophiques et théologiques abondent ; le banquet des douze ermites est une des productions les plus remarquables dans ce genre. L’histoire est cultivée avec succès, et, traitée d’une façon plus érudite, par suite de la connaissance des ouvrages de l’antiquité. Les Chroniques du chevalier Tomich, ainsi que celles de Turell, offrent un véritable intérêt, et M. Cambouliu ne craint pas de comparer ce dernier à Comines.

Avec la seconde moitié du XVe siècle commence, pour la littérature, une ère de perfection. La poésie nous offre des noms connus de tous : Ausias March, Gazull, Fenollar, Jaume Roig, Farrer. Mossen Ausias March composa, en l’honneur d’une dame de Valence, nommée dona Teresa Bon, un poëme : De Amor, en quatre-vingt-quatorze chants, et en stances de huit ou dix vers ; il donna ensuite des poésies morales : Obras morales, et enfin son poëme sur la mort. Toutes ces œuvres, réunies en un seul volume, ont été imprimées à Barcelone, en 1543. Mossen Jaume Roig, contemporain et rival du précédent, nous a laissé des trobas et différents autres poèmes malheureusement encore inédits. II est surtout connu par son Libre de consells, en quatre chants. À Jayme Gazull nous devons un poëme curieux, intitulé : Plaintes des laboureurs de la plaine de Valence ; à Fenollar, un recueil de chansons, Obres ô trobes, l’Histoire de la Passion, la Dispute des jeunes et des vieux, etc. ; à Farrer, le Réconfort ou Conort. Plus tard, l’influence castillane envahit la littérature catalane, qu’elle finira par absorber presque entièrement. Nous trouvons cependant encore quelques noms dignes d’être mentionnés : Séran, Pujol, Garcia, l’ami de Lope de Vega.

Si nous remontons jusqu’à Ausias March pour relever les productions en prose, nous trouvons le roman de chevalerie : Tirant-lo-blanch, de Joanet Martorell. Il ne faut pas passer non plus sous silence les noms de Solsona, de Peguera, de Carbonell, de Vila, de Tarafa, de Viladamor, d’André Bosch, de Jérôme Pujades, de Gaspard Escolano, de Joseph Blanch, de Taverner, de Culla, de Roig y Jalpi, de Coloma, de Llop, de Cendros, Baldo, de Farràs, de Mareillo.

On voit que la littérature catalane est loin d’être l’une des plus pauvres de l’Europe. Il est seulement regrettable qu’on n’ait pas encore réuni dans un seul corps et publié tous ces ouvrages de genres et d’époques si différents pour les rendre accessibles à tous. Tous ces monuments, comme le constate M. Cambouliu, sont dispersés aujourd’hui aux quatre coins de l’Europe ; un petit nombre seulement ont été imprimés. M. Cambouliu indique, parmi les endroits où se trouvent les principales collections de livres et de manuscrits catalans, les bibliothèques provinciales de Barcelone et de Valence ; la bibliothèque de l’évêché, à Palma ; la Bibliothèque impériale, à Paris ; les bibliothèques d’Oxford, de Copenhague, de Rome, de Carpentras, etc.


CATALAN (Arnaud), dit Tremoletta, troubadour provençal du XIIIe siècle. Sur les neuf pièces qui lui sont attribuées, quatre sont consacrées aux louanges de Béatice de Savoie, épouse de Raymond-Bérenger IV, comte de Provence.


CATALAN (Eugène-Charles), mathématicien français, né à Bruges le 30 mai 1814. Destiné « d’abord à l’architecture, il entra, en 1826, à l’école gratuite de dessin ; y devint, à l’âge de quinze ans, répétiteur de géométrie ; puis, poussé par son goût pour les mathématiques et l’enseignement, il fréquenta la Sorbonne et le Collège de France, et commença à donner quelques leçons : en 1832, il faisait des cours publics pour les ouvriers. Après avoir été, pendant six mois, externe au collège Saint-Louis, il remporta, en 1833, le prix de mathématiques au concours général, et entra à

l’École polytechnique. Sorti dans les ponts et chaussées, il abandonna cette carrière brillante et lucrative, et fut nommé professeur au collège de Châlons-sur-Marne. Démissionnaire en 1837, il revint à Paris, donna des leçons dans diverses institutions, notamment à l’école préparatoire de Sainte-Barbe, dont il est l’un des fondateurs. Atin de rentrer dans l’Université, il se présenta, en 1846, au concours de l’agrégation ; reçu le premier, il fut nommé, à la suite de ce concours, professeur divisionnaire-au collège Charlemagiie ; puis, deux ans plus tard, professeur de mathématiques supérieures au lycée Saint-Louis.

Républicain sincère et constant, M. Catalan prit part à la révolution de 1830 et à presque toutes les manifestations dirigées contre le gouvernement de Louis-Philippe : le 24 février 1848, à l’Hôtel de ville, il réclama, le premier, la formation d’un gouvernement provisoire ; et, le lendemain, assis entre Garnier Pages et Lamartine, il fut, pendant quelques heures, l’un des secrétaires du pouvoir insurrectionnel. Après le 2 décembre, destitué pour refus de serment, il redevint professeur libre et, comme par le passé, fit recevoir un grand nombre d’élèves a l’École polytechnique. En 1865, le gouvernement belge offrit à M. Catalan, qui l’accepta, une haute position scientifique, celle de professeur d analyse à l’université de Liège.

M. Catalan est membre de diverses sociétés savantes, entre autres de la Société philomathique et de l’Académie de Belgique.

Ses principaux ouvrages mathématiques sont : Théorèmes et problèmes de géométrie élémentaire, recueil fort intéressant qui a obtenu quatre éditions ; Traité élémentaire de géométrie descriptive, avec atlas de vingt-huit planches, dont la seconde édition est de 1862 ; Éléments de géométrie (s» édit., Gauthier-Villars) ; Manuels des aspirants au baccalauréat r es sciences et des candidats à l’École polytechnique, ouvrages qui se recommandent par une grande concision unie à une grande clarté ; Traité élémentaire des séries, dont la matière a été l’objet des principales études de Al. Catalan et qui offre en effet le recueil le plus complet des règles de convergence et des singularités et exceptions si nombreuses que comporte la question. Tons ces ouvrages, tirés à un grand nombre d’exemplaires et souvent réédités, témoignent de la faveur dont jouissait M. Catalan comme professeur, mais ils ne constituent que la partie la moins importante de son avoir scientifique. Il nous serait impossible de citer les titres de tous les mémoires qu’il a publiés dans le Journal de M. Liouville, dans le Journal de l’École polytechnique, dans les Nom Annali, ou qui ont été compris dans les recueils académiques : nous nous bornerons à mentionner les principaux. Nous mettrons en première ligna une collection de mémoires sur la théorie générale des surfaces, où l’auteur a souvent lutté avec succès contra MM. Bonnet, Bertrand et Serret. Il serait à souhaiter que M. Catalan, dont l’érudition en cette matière est aussi étendue que ses vues sont souvent ingénieuses, pût nous donner, dans son style simple et clair, un traité complet d’une théorie qui s’est si grandement enrichie depuis Monge, mais dont les matériaux sont restés épars dans tous les recueils scientifiques de l’Europe. Ce désir nous est suggéré par la lecture du Premier mémoire sur les surfaces gauches, publié par l’Académie de Belgique.

Nous mentionnerons en second lieu un grand nombre de mémoires d’analyse Sur les séries et leurs transformations (Académie de Belgique) ; Sur l’intégration des équations

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différentielles simultanées homogènes (Annali di mathematica de M. Tortolini) ; Sur les fonctions elliptiques {Atti dell’ Accademia pontificia) ; Sur les nombres de Bernoulli.

L’Académie des sciences avait proposa comme sujet du concours pour le grand prix de mathématiques en 1863 la question suivante : « Perfectionner, en quelque point important, la théorie géométrique des polyèdres. » Il faut sans doute être académicien pour éprouver aujourd’hui le besoin de voir perfectionner la théorie des polyèdres, tandis que tant de belles et grandes questions sont de toutes parts à l’étude. M. Catalan voulut concourir, et dans un mémoire déposé sous l’épigraphe ;

Travaillez, prenez de la peine : C’est le fonds qui manque le moins,

mémoire qui a été inséré dans le tome XXIV du Journal de l’École polytechnique, il eut le talent de donner de l’intérêt à une question assez maladroitement choisie pour n’avoir attiré que deux concurrents, même après une première remise. M. Catalan avait travaillé sous l’inspiration de son épigraphe, qui peut signifier qu’on n’est pas toujours libre de choisir le jardin qu’on doit arroser, et qui exprimait en même temps un légitime espoir ; mais il eut le tort de laisser deviner qu’il était l’auteur du mémoire que la commission avait distingué. Les commissaires, MM. Bertrand, Serret et Bonnet, proposèrent, à l’Académie de ne pas décerner le prix. M. Catalan a spirituellement raconté sa déconvenue dans une lettre publique adressée à M. Laugier, alors viceprésident de l’Académie des sciences. Sans nous prononcer sur la question personnelle que soulève M. Catalan, nous croyons devoir protester contre la décision prise, le premier tort venant des commissaires qui avaient pu imaginer en face de l’Europe savante un sujet de concours aussi complètement dénué d’intérêt.


Catalans (LES), opéra en deux actes, paroles de Burat de Gurgy, musique de M. Elwart, représenté sur le théâtre des Arts à Rouen, dans le mois de janvier de 1840. On a remarqué dans cet ouvrage plusieurs morceaux bien traités, notamment l’air de Paquita au premier acte, la romance de Mareel, et surtout le grand air d’Andréa, qui a été vivement applaudi. Les interprètes de cet opéra ont été "Wermelen, Boutard et Mme Félix.

CATALANI (Michel), archéologue et biographe italien, né à Ferme (Marche d’Ancône) en 1750, mort à Bologne dans les premières années du xixe siècle. Après la dissolution delà compagnie de Jésus, à laquelle il appartenait, il obtint un canonicat dans sa ville natale, et se mit à étudier les antiquités du pays. Ses principaux ouvrages sont : Origini ed antidata Fermane (1778) ; De ecclesia Fermana, ejusque episcopis et archiepiscopis ; Memorie délia zecca et délie monete.Fermane (1782), etc.

CATALANI (Angelica), célèbre cantatrice italienne, née à Sinigaglia en 1779, morte à Paris en 1849. Son père, juge de paix à Sinigaglia, joignait à ses fonctions le commerce de diamants, cumul que l’on trouve tout naturel dans une ville où se tient encore aujourd’hui la foire la plus renommée de toute l’Italie. Chargé d’une nombreuse famille, M. Catalani envoya la jeune Angelica au couvent de Santa - Lunia à Gubbio, et, pour faire entrer sa fille dans cet établissement, exclusivement consacré à l’éducation des demoiselles nobles, il fut obligé d’invoquer une parenté hasardée avec ^illustre maison des Mastaï, à laquelle appartient le pape Pie IX. C’est dans le couvent de Sainte-, Lucie qu’Angelica Catalan ! reçut les premières notions de l’art musical. On chantait beaucoup à ce couvent, qui, comme toutes les institutions de ce genre en Italie, vers la fin du xvme siècle, n’était guère qu’une espèce de conservatoire religieux. Les jours de fête et même les simples dimanches, les religieuses et les novices chantaient des cantiques et des motets qui excitaient l’admiration des fidèles. Au milieu de ces voix fraîches, brillait la voix d’Angelica, dont le timbre pénétrant, la flexibilité et l’étendue étaient un sujet d’envie pour ses compagnes. Les religieuses, mettant à profit les facultés musicales de leur pensionnaire, lui confiaient de petits soios qui attiraient grand nombre de dévots à leur sainte patronne. La maravigliosa Angelica chante aujourd’hui, se disait-on dans le pays, et la foule se pressait à l’église. Cependant le bruit un peu mondain des succès d Angelica scandalisa quelques âmes pieuses, et l’évêqno donna ordre à la supérieure de supprimer les’ soli. Mais cette supérieure, femme intelligente et adroite, esquiva l’interdiction en plaçant Angelica derrière ses compagnes, qui dérobaient leur sœur aux regards profanes et tempéraient l’éclat de cette voix qui devait un jour émerveiller l’Europe.

M’Ie Catalani resta au couvent de Gubbio jusqu’à l’âge de quatorze ans. Son père, matgré les instances qui lui étaient faites, ne pouvait se décider à diriger le talent d’Angelica vers un but profane, surtout vers le théâtre. Vaincu enfin par les larmes de sa fille et les prières de toute sa famille, M. Catalani se résigna, et Angelica fut envoyée à Florence pour y prendre des leçons du sopraniste Marchesi. La jeune fille étudia pendant deux ans sous la direction de ce maître, qui lui apprit à modérer l’éclat de sa voix, à ménager ses notes suraigues, et lui enseigna

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une foule de traits plus compliqués les uns que les autres. Par malheur, il lui communiqua aussi son goût pour la surabondance et le pailleté de la vocalisation italienne. De là, cet excès de roulades et de points d’orgue souvent sans raison, qu’on a justement reproché plus tard à la cantatrice. Mlle Catalani débuta en 1795 sur le théâtre de la Fenice, à Venise, dans un opéra de NasolinL Elle était à peine âgée de seize ans. Son éblouissante beauté, son port de reine, joints à l’extraordinaire étendue de sa voix, soulevèrent un enthousiasme extrême. Après ses débuts à Venise, elle passa à Florence, où elle chanta dans Monima et Afitridate, de Natolini, puis se fit entendre à Milan dans la Clytemneslre, de Zingarelli, et les Bacchanales romaines, de Nicolini. Elle produisit, dans cette dernière ville, peu d’effet sous le rapport du chant, mais sa voix fui considérée comme une merveille. Après Milan, elle visita Trieste, Rome, Naples, et fut partout accueillie avec transport. Le bruit de ses triomphes la fit appeler à Lisbonne, au nombre des artistes qui desservaient le théâtre italien de cette ville, et parmi lesquels brillaient la Gafforini etCrescentini. Entourée de pareils virtuoses, Mlle Catalani ne pouvait que voir grandir son talent. L’exemple et les conseils de Orescentini surtout lui furent d’un grand profit. Sous la direction de ce maître, dont les leçons étaient bien autrement sévères et rigides que celles de Marchesi, Angelica apprit à phraser et à corriger quelques-uns des défauts de sa prestigieuse vocalisation. Pendant six années, M"« Catalani émerveilla la cour et la ville de Lisbonne. Ses manières nobles et réservées, sa piété et son bon cosur lui attiraient la considération et l’estime générales. Le régent de Portugal l’aimait comme un de ses enfants. C’est à la cour de Portugal que MU* Catalani rencontra M. de Valabrègue, jeune officier français attaché à la personne du maréchal Lannes, ambassadeur de France en Portugal. M. de Valabrègue, capitaine au 8e régiment de hussards, était beau, parfaitement distingué et de manières exquises. Le charme de son esprit, ses avantages physiques et aussi son élégant uniforme firent une profonde impression sur le cœur de Mlle Catalani. M. de Valabrègue, voyant les tendres sentiments qu’il inspirait, sentiments d’ailleurs partagés par lui, et comprenant de plus quel trésor se cachait dans la voix de la jeune cantatrice, demanda sa main. La famille et les amis de Ml’o Catalani s’efforcèrent en vain de la détourner de cette union ; à toutes les objections présentées, Mlle Catalani répondait en baissant les yeux : ■ Ma che bell offizialet • Le bel officier finit par triompher de tous les obstacles et épousa Mlle Catalani. Dès ce moment commença la spéculation basée sur ce talent enchanteur. Muie Catalani, qui conserva toujours son nom de famille tant qu’elle parut en public, quitta Lisbonne en 1808 ; elle se rendit d’abord à Madrid, où elle donna plusieurs concerts qui lui rapportèrent des sommes considérables ; puis elle vint à Paris dans les premiers jours du mois de juin. Sa réputation l’avait précédée, et on peut voir dans les journaux du temps l’annonce de l’arrivée de ce prodige. Mme Catalani donna à l’Opéra trois concerts qui attirèrent une foule immense, bien que le prix des places eût été triplé. L’étendue et la puissance de son organe, les trésors de sa vocalisation et son extrême beauté excitèrent une admiration sans bornes. Toutefois, aux éloges mérités, la critique parisienne osa mêler quelques justes observations. Napoléon avait entendu M"’" Catalani ; et, désireux de fixer pour quelque temps au moins à Paris un talent qui pouvait détourner l’opinion publique de plus graves sujets, il la fit mander aux Tuileries. Mme Catalani arriva plus morte que vive. « Où allez-vous ? lui dit l’empereur.— À Londres, sire ! — Il faut rester à Paris ; on vous payera bien, et vos talents y seront mieux appréciés. Vou3 aurez cent mille francs par an, et deux mois de congé. C’est entendu. Adieu, madame, à Et M’"» Catalani se retira sans avoir osé parler à son auguste interlocuteur de l’engagement pour Londres qu’elle avait contracté en Portugal avec l’ambassadeur d’Angleterre. Elle fut donc-obligée de s’enfuir de France sans passe-port, et s’embarqua furtivement à Morlaix sur un bâtiment qui venait d’échanger des prisonniers. Son passage lui coûta cent cinquante louis.

Mme Catalani arriva à Londres au mois d’octobre 1806, et c’est dans cette ville que l’attendait une fortune sans exemple jusqu’ulors. Elle avait tout ce qu’il fallait pour captiver les Anglais : d’abord sa voix sans - rivale, puis son maintien noble et réservé, ses attitudes princières ; enfin son antipathie pour Napoléon et sa préférence marquée pour l’Angleterre. Dans une seule saison théâtrale, qui durait environ quatre mois, elle gagnait environ 180,000 fr., y compris la représentation à son bénéfice. En outre, dans le même temps, elle gagnait environ 60,000 fr. dans les concerts et soirées particulières. On lui donnait jusqu’à 200 guinêes pour chanter, àDrury-Lane ou à Cavent-Garden, le Cod save the King ou le Rule Britannia, et 2,000 livres sterling lui furent payées pour une seule fête musicale. Lorsque la saison théâtrale était close à Londres, M"1* Catalani parcourait l’Angleterre et 1 Écosse, et partout les recettes abondaient. L’Irlande, la pauvre Irlande elle-même, vendait ses haillons pour