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méthodique ethCt’iiutres recueils. — Safemme, Augustine Chambon, a inventé les ehanffcrettes à eau bouillante, connues sous le noiii d’angustines, et a publié quelques ouvrages. On a d’elle un Manuel de i éducation des abuilles {n9$), et Réflexions morales et politiques sur les avantages de la monarchie (1819).

CHAMBON-FEUGEHOLI-ES, ville de Franco (LoireL ch.-l. de cant., arrond. et k 9 kilom. 3.-0. de SaimVÉtienne, sur l’Ondaine-Vachery, dont les eaux sont excellentes pour la trempa de l’acier ; pop. aggl. 3,915 hab.— pop. tôt. 0,954 hab. Papeteries, forges, fabriques d’acier. Ancien château fort bien conservé et dominant la vallée de l’Ondaine.

  1. CHAMBONAGE s. m. (ohan-bo-na-je — de

champ et bon). Agric. Nom donné, dans le Bourbonnais, aux sols d’alluvion sablonneux, gras, frais, profonds et inondés tous les ans.

CIIAMBONAS (le marquis de), général et homme politique français, mort à Londres en 1807. Il était neveu du fameux Lauzun, maréchal de Biron. Comme celui-ci, il embrassa les idées de la Révolution, devint maire de Sens, maréchal de camp de la garnison de Paris (17G2), et fut chargé la même année du portefeuille des affaires étrangères. Attaqué pour avoir fait avec Beaumarchais un marche de fournitures d’armes ayant un caractère frauduleux, accusé bientôt après de trahison pour n’avoir pas donné connaissance de l’approche des troupes prussiennes, Chambonas s’efforça de se justifier et donna sa démission. Après le 10 août, il gagna Londres, s’y fit successivement horloger et orfèvre, et y mourut dans une extrême pauvreté.

CIIA.MBONN1ÈB.ES (André CuaMvion de), célèbre claveciniste français, mort vers 1670. Son grand-père, Thomas Champion, et son père Jacques Champion, étaient des organistes fort remarquables sous le règne de Louis XUI. Louis XIV conféra à Chambonnières le titre de premier claveciniste de sa chambre. Au dire de ses contemporains, Chambonnières était un exécutant de premier ordre, et, par sa manière d’attaquer la note, il tirait du clavecin des sons d’un velouté qu’aucun de ses rivaux ne pouvait égaler. En tant que compositeur, Chambonniéres doit être considéré comme le fondateur de l’école des clavecinistes qui se succédèrent jusqu’à Rameau ; et, dans les premiers morceaux de Rameau pour clavecin, on rencontre encore la coupe et les ornements des disciples de Chambonniéres. On ne connaît de ce claveciniste que deux recueils de pièces de clavecin, écrites avec une grâce et une naïveté pleines de charmes. L’harmonie de ces pièces est d’une rare correction, ce qui en double Je prix aux yeux des connaisseurs.

CHAMBORANT (de), nom d’une famille célèbre du Limousin, que l’on croit issue des comtes de Flandre. — Humbert de Chambokant périt à la bataille de Poitiers. — Guy ou Guyot de ChamDORAKT fut armé chevalier par Louis XII lui-même, sur le champ de bataille d’Agnadel. — Étienne de Chamborant, maréchal des camps et armées du roi, fut choisi comme le plus capable, par le grand Condé, pour commander sa cavalerie, et servit avec éclat les rois Louis XIII et Louis XIV.— André-Claude de CEiAMBORANT.son arrière-petit-fils, se distingua dans les campagnes d’Allemagne (17Û1-1762), pendant la guerre de Sept ans, et acheta, en 1761, un régiment de cavalerie hongroise, dit hussards de Chumborant. Ce régiment, célèbre dans nos annales militaires, est aujourd’hui le 2« de hussards.

CHAMBORD s. m. (chan-bor — n. pr. de lieu), Coinm. Etoffe de laine qui se fait ordinairement avec des matières choisies, et qui est presque exclusivement employée pour robes de deuil : Les chaMbords sont habituellement en laine pure ; quelquefois, cependant, on en fait dont la laine de la chaîne est retordue avec un fil de soie grége, ou bien dont la chaîne est de coton. Les chambords ne se fabriquent guère qu’à Itoubaix et à Amiens.

— Loe. adv. À la Chambord, Se dit d’une façon particulière d’accommoder le poisson : Carpe À la Chambord.

CHAMBORD, village et commune de France (Loir-et-Cher), arrond. et à 20 kilom. E, de Blois, à 4 kilom. de la Loire, sur le Cosson ; 308 hab. Le territoire du village est complètement enclos par un mur de 35 kilom. de tour, embrassant une contenance de 5,500 hectares, dont 4,500 hectares de bois, cinq fermes et quatorze étangs. On y entre par six portes, à chacune desquelles est un pavillon habité par un. garde. Dans cette enceinte se trouve le beau château de Chambord, dont nous allons donner la description.

CHAMBORD (château de), l’un des plus beaux monuments de l’architecture française de la Renaissance, situé à 14 kilom. de Blois, au milieu des plaines solitaires de la Sologne. Les anciens comtes de Blois, de la puissante maison de Champagne, avaient fait construire en ce Heu une maison de plaisance etdechasse. qui échut avec leurs autres domaines à la maison d’Orléans, en 1397, et qui, cent ans plus tard, fut réunie aux biens de la couronne, lorsque Louisd’Orléans, vingt-troisième- comte héréditaire de Blois, devint roi de France sous le nom de Louis Xfl. En 1526, François Ier, au retour de sa captivité de Madrid, entreprit de métamorphoser en palais le vieux manoir féodal du Chambord, On a longuement agité

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la question de savoir quel fut l’architecte du nouvel édifice ; suivant une opinion accréditée par Blondel et qui a eu longtemps cours, les plans auraient été donnés par Le Primatiee ; mais il est certain que les travaux furent commencés plusieurs années avant l’arrivée en France div.célèbre artiste italien, et il suffit, d’ailleurs, d examiner avec quelque attention le monument pour y reconnaître les caractères de l’architecture nationale. Des documents découverts il y a quelques années ont fait connaître les noms de deux maîtres maçons, Pierre Nepveu, dit Trinqueau, et Jacques Cogneau, qui dirigeaient fa construction, l’un eu 153tt, l’autre en 1544. Est-ce a dire, comme quelques auteurs l’ont avancé, que ces deux maîtres maçons aient été véritablement les architectes de Chambord ? Des doutes que nous partageons ont été émis à cet égard par le savant bibliothécaire de la ville d’Orléans, M. Jules Loiseleur (les Résidences royales de la Loire, Paris, 1803), qui sera notre principal guide dans cette étude. Tout ce qu’il est permis d’affirmer, avec M. Violtet-le-Duc, c’est que, comme plan, comme aspect et comme construction, le château de Chambord est une œuvre de l’école française des bords de la Loire.

Si l’on en croit Bernier (Histoire de Blois, p. 82), dix-huit cents ouvriers travaillèrent pendant douze ans à l’édifice fondé par François 1er, et la dépense, durant cet intervalle, tut de 444,570 livres (plus dé5 millions de notre monnaie). À la fin de 1539, lorsque Charles-Quint, obligé de traverser la France pour aller étouffer la révolte des Pays-Bas, passa par Chambord, où François Ier lui fit donner des fêtes magnifiques, le donjon seul était achevé, ce qui n’empêcha pas l’empereur de s’écrier qu’il regardait ce château « comme un abrégé de ce que peut effectuer l’industriehumaine. » Dans les derniers temps de sa vie, François Ier résida souvent dans cette splendide demeure, où il avait rassemblé plusieurs ouvrages de Léonard de Vinci et d’autres artistes célèbres ; on raconte qu’un jour que sa sœur, la belle et spirituelle Marguerite, plaidait devant lui la cause du sexe faible, il se borna, pour toute réponse, à écrire sur une vitre, avec la pointe d’une émeraude, le distique si connu, :

Souvent femme varie ;

Bien fol est qui s’y ûe.

Cette poétique boutade, que Louis XIV fit disparaître, dit-on, pour être agréable à M"« de La Vallière, et que Bernier nous a conservée telle qu’il l’avait sans doute entendu répéter, ne serait rien moins qu’authentique, au moins quant à sa forme, d après M. Loiseleur ; ce savant fait remarquer que Brantôme, le Seul écrivain qui en ait parlé de visu, dit formellement qu’elle était conçue en. ces termes : Toute femme varie.

Henri II hérita du goût de François [« pour Chambord ; il y ajouta plusieurs constructions importantes, entre autres le charmant escalier de la cour de l’Ouest, où se voient l’H couronné et le croissant qui était l’attribut de Diane de Poitiers, sa maîtresse, en même temps que sa propre devise (Donec tolum impleat orbem). C’est à Chambord que ce souverain ratifia, en 1552, en présence du margrave Albert de Brandebourg, le traité qu’il avait conclu l’année précédente, à Fontainebleau, avec les princes protestants d’Allemagne. Charles IX entreprit à son tour des travaux du réparation et d’ornementation à Chambord ; mais il dut les suspendre, faute d’argent. Henri IV préféra à cette résidence le château de Saint-Germain, d’où il pouvait mieux surveiller sa bonne villede Paris. Louis XIII, an contraire, y vint fréquemment. Les écrivains les plus sérieux ont accueilli une historiette pas’sablement étrange, d’après laquelle le timide monarque aurait pris avec des pincettes un billet doux que M’c de Hautefort avait caché dans sa collerette et qu’il n’osait pas retirer avec ses doigts. « Quelque gauche et niaisement pudique qu’on le suppose, dit M. Loiseleur, peut-on admettre que Louis XIII ait, en effet, imaginé d’introduire des pincettes (les grosses pincettes des cheminées de cette époque) dans la cachette où venait de se dissimuler le billet qu’on lui refusait ? M. Cousin, choqué de l’invraisemblance, suppose que les pincettes étaient d’argent. Il eût mieux fait, selon nous, d’adopter la version de Montglat, qui ne parle d’aucune espèce de pincettes... Un simple rapprochement de dates suffira, en tout cas, pour établir que le fait n’a pu se passer à Chambord. Marie de Hautefort naquit en l’année 1616 ; elle n’avait que dix ans, 1 et ne cachait pas encore de billets sous sa collerette, lorsque Louis XIU donna Chambord à son frère au mois de juillet 1626. Or, depuis cette époque, Louis XIII, presque continuellement brouillé avec le duc d’Orléans,

ne fut jamais tenté de le visiter dans ses terres... La Marion Delorme, de M. Victor Hugo, dont le quatrième acte se passe à Chambord, en 1638, époque où Gaston était en état de conspiration permanente contre son frère, pèche aussi sur ce point contre la vérité historique. » Après la mort de Gaston, arrivée en 1660, le château fit retour à la couronne. Louis XIV eut peu de goût pour cette résidence, qui se prêtait mal aux-pompes théâtrales dont il aimait à s’entourer. Il y lit néanmoins exécuter des travaux importants par Mansart et y donna quelques fêtes brillantes. Il y vint pour la première fois au mois de

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juillet 1660, aussitôt après son mariage avec l’infante Marie-Thérèse. Il n’y séjourna, depuis, que huit autres fois "pendant son long règne. Ce fut là que le grand Molière donna, devant le monarque, la première représentation de Monsieur de Pourceaugnac, en 1669, et celle du Bourgeois gentilhomme, m 1670.

Sous Louis XV, le château de Chambord eut deux maîtres illustres, le roi Stanislas et Maurice de Saxe. Le premier y vécut huit ans (de 1725 à 1733), d’une vie paisible, doucement occupée d’art et de bonnes œuvres, et y laissa des souvenirs ineffaçables chez les habitants de la contrée. C’est ce prince qui eut la fâcheuse idée de combler les larges fossés qui entouraient le château, et de renverser les balustres de pierre qui en ornaient les bords. Après la bataitledeFontenoy, en 1745, Louis XV donna Chambord à Maurice de Saxe, avec 40,000 livres de revenus sur le domaine ; mais le maréchal n’y fixa réellement sa résidence qu’en 1748, après la paix d’Aix-la-Chapelle. Il fit construire à la porte du château des casernes pour deux régiments de uhlans qu’il avait formés et que le roi lui avait laissés ; il établit dans le parc un haras de chevaux de l’Ukraine, qui y vivaient libres et sans gardiens, et qui, dit-on, accouraient d’eux-mêmes sur la place d’armes, à l’heure où les trompettes sonnaient la manœuvre j à l’intérieur du château, il déploya un attirail fastueux ot s’entoura d’une pompe presque royale. Le temps qu’il ne consacrait pas à des manœuvres militaires et à la chasse, il l’employa aux plaisirs ; il avait fait construire, au second étage du donjon, une jolie salle de spectacle, où Favart et sa troupe donnèrent des représentations d’ecuvres plus ou moins grivoises, qu’on venait applaudir de toutes les villes voisines, de Blois et même d’Orléans. On sait que le maréchal devint amoureux de la belle Mlne Favart, et qu’à force de persécutions il finit par en triompher ; il se souilla, d’ailleurs, par les plus honteuses débauches et mourut en 1650, d’une fièvre putride occasionnée par ses excès. Son corps resta quarante jours exposé dans la chapelle de Chambord, sur un lit de parade qu’entouraient seize drapeaux pris à Lawfeld et à Rocoux, et fut transporté ensuite dans l’église luthérienne de Strasbourg, où il repose encore.

Lorsque la Révolution éclata, Chambord était revenu depuis longtemps à la courotine. Le gouvernement républicain, ne sachant que faire d’un pareil édifice, eut un instant l’idée de le faire démolir ; on se borna à vendre aux enchères le mobilier, les tentures, les tableaux et les autres objets d’art qu’y avaient entassés les anciens maîtres. On forma aussi le projet de détruire les Heurs de lis, les écussons et autres insignes de la royauté répandus sur toutes les parties de l’édifice ; mais un architecte intelligent, AL Maire, sauva le château de ce dernier outrage, en dressant pour le travail de mutilation un devis dont le chiffre effraya le gouvernement.

Napoléon eut plusieurs fois la pensée de faire restaurer Chambord. Il l’assigna d’abord en dotation à la Légion d’honneur, et. quelque temps après, il voulut en faire présent au roi d’Espagne, Charles IV, qu’il venait de détrôner ; mais le devis de restauration etd’ameublement, dressé par l’architecte Fontaine, s’étant élevé a 9 millions, l’empereur recula devant une dépense aussi considérable, et l’exroi dut se contenter de la résidence de Compiègne. En 1809, le château de Chambord fut érigé en principauté, sous le titre de Principauté de Wagram, et donné à Berthier, avec une dotation de 500,000 francs de rentes, prélevés sur les produits de la navigation du Rhin, et qui devaient être employés, pendant cinq ans au moins, à l’ameublement et aux réparations les plus urgentes du château.

Sous la Restauration, la princesse de Wafram bbtint de Louis XVHI l’autorisationaliéner une propriété devenue très-onéreuse, par suite de la suppression de la dotation ; le château était sur le point de tomber aux mains de la bande noire, lorsque le comte de Càlonne proposa de l’acheter, au moyen d’une souscription publique, et de le donner en apanage au due (le Bordeaux, qui venait de naître. • Cette souscription, dit M. Loiseleur, qui devait, pour être belle et pure, rester 1 offrande spontanée de- la nation, ne parut bientôt plus qu’un tribut prélevé par l’adulation sur la faiblesse et la servilité. » Elle fut vivement attaquée par les libéraux, notamment par Paul-Louis Courier, à qui elle inspira un pamphlet des plus véhéments. Le célèbre railleur insista particulièrement sur les funestes leçons que Chambord pouvait donner à l’héritier du trône : « Ah I si au lieu de Chambord pour le duc de Bordeaux, disait-il, on nous parlait de payer sa pension au collègel... Mais à Chambord, qu’apprendra-t-il ? Ce que peuvent enseigner et Chambord et la ctrar. Là, tout est plem ûe ses aïeux. Pour cela précisément je ne l’y trouve pas bien, et j’aimerais mieux qu’il vécût avec nous qu’avec ses ancêtres. Là, il verra partout les chiffres d’une Diane, d’une Châteaubriant, dont les noms souillent encore ces parois infectées jadis de leur présence. Les interprètes, pour expliquer de pareils emblèmes, ne lui manqueront pas, on peut le croire, et quelle instruction pour un adolescent destiné à régner I...» Le pamphlet valut à son auteur deux mots de prison et 200 francs d’amende. En 182S, la duchesse de Berry vint prendre possession du château au nom de son fils, ut posa

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solennellement la première pierre de la restauration de l’édifice. Survint la çéveïaiTlbB <te. Juillet. Le gouvernement de Louls-Phillppë revendiqua la propriété de Chambord ; mais, par un arrêt du A mai 1839, la cour royale d’Orléans maintint le duc de Bordeaux dans la possession du domaine qu’on lui contestait. Aujourd’hui encore, le prince exilé est le maître de cette royale demeure, et il ta dispute de loin au temps, qui poursuit lentement, mais sûrement, son œuvre de dévastation ; ce ne sont pas, en effet, des réparations partielles, qu’on y effectue de temps à autre, qui pourraient sauver ce vaste édifice ; son état réclame, depuis bien des années, une restauration d’ensemble. Nous croyons, avec M. Loiseleur, qu’il n’existe qu’un moyen de préserver ce beau monument de la ruine qui le menace : « c’est d’en faire l’apanage de la nation, do ses arts et de son histoire ; d’y installer un musée consacré à toutes les merveilles intimes, à toutes les curiosités de la Renaissance, à toutes celles du moins dont s’entouraient les souverains, quelque chose comme l’hôtel de Cluny étendu aux proportions de la vie royale. » Et nous pensons aussi que M. le duc de Bordeaux ne se refuserait pas, si la proposition lui en était faite de façon à ne froisser aucune des délicates susceptibilités de l’exil, à vendre a l’État un monument historique qui lui est plus onéreux que profitable.

< Quand on arrive à Chambord, dit Chateaubriand, on pénétre dans le parc par une

de ses portes abandonnées ; elle s’ouvre sur une enceinte décrépite et plantçe de yioliers jaunes, qui a 7 lieues de tour. De l’entrée, on aperçoit le château au fond d’une allée descendante. En avançant sur l’édifice, il sort de terre dans l’ordre inverse d’une bâtisse placée sur une hauteur, laquelle s’abaisse h mesure qu’on s’en approche. François Ier, nrrière-petit-ftls de Valentine de Milan, s’était enseveli dans les bois de son aïeule : Tout ne m’est rien, rien ne m’est plus. Chambord rappelle les idées qui occupaient le roi soldat dans, sa prison-, femmes, solitudes, remparts. Chambord n’a qu’un escalier double, afin de descendre et monter sans se voir. Tout y est fait pour les mystères de la guerre et de l’amour. L’édifice s’épanouit h. chaque étage ; les degrés s’élèvent accompagnés de petites cannelures comme des inarches dans les tourelles d’une cathédrale. La fusée, en éclatant, forme des dessins fantastiques qui semblent avoir retombé sur l’édifice ; cheminées carrées ou rondes, enjolivées de fétiches de marbre, semblables aux poupées de marbre que j’ai vu retirer des fouilles à Athènes. De loin, l’édifice est une arabesque ; il sa présente comme une femme dont le vent aurait soufflé en l’air la chevelure ; de près, cette femme s’incorpore dans la maçonnerie et se change en tours ; c’est alors Clorinde appuyée sur des ruines. Le caprice d’un ciseau volage n’a pas disparu ; la légèreté et la finesse des traits se retrouvent dans le simulacre d’une guerrière expirante. Quand vous pénétrez en dedans, la fleur de lis et la salamandre se dessinent dans les plafonds. Si jamais Chambord était détruit, on ne trouverait nulle part le style premier do la Renaissance, car à Venise il s’est mélangé... » En regard de cette peinture ultra* fantaisiste, on nous saura gré de placer li> description moins prétentieuse et tout aussi poétique qu’a tracée M. Jules Loiseleur : «Au bout d’une longue avenue de peupliers, percée au milieu de maigres taillis, on voit peu à peu —poindre et sortir de terre un monument féerique qui, surgissant ainsi au milieu de ce sablo aride et de ces bruyères, produit un effet d’autant plus saisissant qu’il est inattendu. Un génie de l’Orient, comme l’a dit un poète, semble l’avoir dérobé aux pays du soleil pour le cacher dans ceux du brouillard avec les amours d’un beau prince. Au sommet d’uno masse imposante de bâtiments, dont l’œil no discerne pas bien d’abord le style ni l’ordonnance, au-dessus de terrasses garnies de balustres élégants, jaillit, comme d’un sol fécond et inépuisable, une incroyable végétation do pierre sculptée, fouillée, travaillée de millo manières. C’est une forêt de campaniles, dû cheminées, de lucarnes, de dômes, de tourelles, dentelés, découpés, contournés avec un caprice qui n’exclut pas l’harmonie ni l’unité, et que décorent des F gothiques, des salamandres -et aussi des mosaïques d’ardoise imitant le marbre, pauvreté singulière au milieu de tant de richesses. L’élégante lanterne à jour du grand escalier domine cet ensemble de pinacles et de elochetons et baigne dans l’azur sa fleur de lis colossale, dernier point pyramidal parmi tant de pyramides, dernière couronne de tant de couronnements. • À ceux qui ne voient dans cette construction singulière qu’une fantaisie bizarre, un caprice colossal, une œuvre pleino de contre-sens et de disparates, AL Loiseleur répond : • Chambord, nous la reconnaissons, n’est point l’œuvre d’un génie priine-saùtier ; sa conception révèle plus de tâtonnements et de réminiscences que de véritable originalité. Le plan général manque d’ensemble et d’unité ; on y sent, en bien des endroits, l’hésitation, les retouches, les adjonctions faites après coup... Il faut prendre Chambord pour ce qu’il est, pour un ancien château gothique, habillé en grande partiéâ la mode de la Renaissance. Nulle part ailleurs cette transition d’un art k l’autre ne se signale avec un caractère plus- saisissable et plus naïf-, nulle part ailleurs le brillant papillon de la Renaissance