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meau par sa nature vindicative, dont parlent si souvent les Arabes. Gesenius, au contraire, croit que garnal vient de la racine gainai, signifiant porter. Le chameau serait donc la tiête de somme, le jumentum par excellence de la race sémitique. Cette divergence ne prouve qu’une chose : l’antiquité considérable de ce nom du chameau, qui semble être antérieur à tous les documents littéraires qui nous sont parvenus des peuples sémitiques. Peut-être trouve-t-il son explication dans un dialecte aujourd’hui entièrement disparu et appartenant à la période primitive des langues sémitiques. Une particularité curieuse, et qui vient encore augmenter l’obscurité qui cache les origines du nom du chameau, c’est qu’il existe en sanscrit, pour désigner cet animal, un mot présentant avec les mots sémitiques de singulières analogies : c’est kramila, qui, de son côté, s’explique fort bien par des racines sanscrites : kram, youlant dire marcher, avancer ; pam, qui a exactement le même sens, et qui pourrait fournir un dérivé gamêta, encore beaucoup plus voisin des termes sémitiques, Est-ce à dire que Ils

langues sémitiques aient emprunté aux langues indo-européennes la nom du chameau ?est assez invraisemblable. Ou bien, au contraire, le sanscrit a-t-il emprunté ce mot aux langues sémitiques, en le modifiant de manière à le ramener artificiellement à une racine autochthone ? On ne saurait le dire. S’il y a simple coïncidence, elle est au moins extraordinaire.

Nous avons dit tout à l’heure que les Grecs et les Latins n’avaient connu le chameau en Europe que par l’intermédiaire des peuples sémitiques ; cependant, il est a peu près hors de doute, qu’avant leur établissement en Europe, alors qu’ils appartenaient a la grande famille indo-européenne établie dans l’Asie centrale, ils ont connu le chameau ; car, comme le fait fort judicieusement remarquer M. Pictet, le chameau h deux bosses est originaire de la Bactriane. « Aristote, déjà, dit ce savant auteur, signale Cette différence d’avec l’espèce arabe a une seule bosse. ■ D’après Pallas, on le trouve encore sauvage dans les steppes de la Mongolie, sur les frontières de la Chine. Un des noms sanscrits de l’animal, duikakud, qui a deux bosses, s’upplique à l’espèce bactrienne. « Si les Aryas primitifs, ajoute M. Pictet, ont connu le.chameau, il est évident toutefois qu’ils n’onî pu l’emmener avec eux en Europe, où il ne saurait s’acclimater, même en supposant, ce qui n’est pas sûr, qu’ils aient su déjà le soumettre au joug.

Nous allons du reste voir que, chez les Aryas de l’Asie centrale, il existé pour les noms du chameau un remarquable accord. Le chameau, s’appelle en zend ushlra ; on a même voulu retrouver ce mot dans le nom de Zoroastre ; eu persan moderne, ushtur, ou,

Ear aphérèse, shulur ; en kourde, eshter ; en elloutchi, hushtar ; en afghani, ush, ukh ; en arménien, Uzd, etc. À ces mots correspond évidemment le sanscrit usÀtra, qui est aussi un des noms du chameau. Appartient-il au lexique commun des Aryas, ou a-t-il été importé de la Bactriane dans l’Inde avec l’animal lui-même ? On ne sait. Cependant cette dernière hypothèse paraît la plus vraisemblable, car si l’on veut savoir l’étymologie de ce nom du chameau, c’est le zend plutôt que le sanscrit qu’il faut interroger, malgré la ressemblance apparente aveu ushtar, désignant en sanscrit un bœuf de labour. Ushlra dérive en zend de usha, usa, uça, intelligence, et signifie l’animal intelligent. La mémoire des mauvais traitements, dont cet nnimal semble doué à un haut degré, suppose effectivement un certain degré d’intelligence, et Justine suffisamment cette dénomination laudative.

Nous allons encore étudier un des noms du chameau, qui présente des aspects historiques très-intéressants, et que M. Pictet analyse avec beaucoup de sagacité : c’est celui que nous retrouvons employé dans une fraction importante de la famille indo-européenne, chez les peuples germaniques. Le chameau est appelé en ancien allemand olpenla, olbenta ; en ancien saxon, olvunt ; en ancien Scandinave, ilfalldi, toutes formes qui répondent au gothique ulbandus, employé par Uiphilas dans sa traduction de la Bible, comme équivalent du mot grec kamêios. Schlegel, et M. Pictet lui-même, ont voulu d’abord identifier ce nom du chameau avec celui de l’éléphant, elafant en ancien allemand, elpent en anglo-saxon. Il y aurait eu confusion entre les deux animaux ; mais M. Pictet est revenu complètement de cette opinion. Partant d’une étymologie proposée par Jillg, pour les noms slaves du chameau M. Pictet croit que les noms germaniques que nous avons cités plus haut se rattachent à un mot sanscrit, vulabandha, littéralement, au corps puissant, vala, s’étant contracté en ul dans le gothique. Les noms slaves du chameau présentent de très - grandes affinités avec les noms germaniques : dans l’ancien slave, velibûdù ; dans le russe, velbliudù ; dans le polonais, wielùàd ; dans le bohémien, we/bland, etc. M. Pictetconclut de cette similitude que les Goths n’ont point reçu d§ s Slaves le nom du chameau, ou vice versa, mais que les deux peuples, restés longtemps plus ou moins en rapport avec les contrées où se trouvait le chameau baetrien ou tartare, ont conservé an ancien nom aryen qu’ils possé CHAM

daient sans doute en commun avant leur séparation.

— Mamm. La groupe des chameaux établit en quelque sorte le passage entre les ruminants ordinaires et les pachydermes. Ils ne tiennent réellement aux premiers que par la fonction physiologique de la rumination et par l’appareil organique nécessaire à son accomplissement ; encore cet appareil présente-t-il

chez eux des dispositions toutes particulières. Leur système dentaire, aussi bien que la conformation de leurs pieds, les rapproche des

pachydermes. Tous les chameaux, en effet, ont des canines aux deux mâchoires, et quelques-uns des incisives à la mâchoire supérieure. Leurs pieds sont bifurques, il est vrai, mais sans être absolument fourchus ; au lieu de ce grand sabot aplati au côté interne, qui, dans les ruminants à cornes, recouvre chaque doigt, ils n’ont qu’un petit sabot presque rudimentaire et parfaitement symétrique.

Le groupe générique des chameaux peut être divisé en deux sous-genres ; les chameaux proprement dits et les lamas. Les caractères des chameaux proprement dits peuvent se résumer ainsi : mâchoires années de canines en haut et en bas ; la supérieure portant deux incisives et douze màchelières, l’inférieure dix màchelières et six incisives ; pieds bifurques, garnis en dessous d’une espèce de semelle qui avance jusque vers

l’extrémité des doigts ; une ou deux bosses ou loupes adipeuses sur le dos. La conformation extérieure des chameaux est loin d’être gracieuse. « Leur lèvre renflée et fendue, leur long cou, leurs orbites saillants, la faiblesse de leur croupe, la proportion désagréable de leurs jambes et de leurs pieds, en font, dit Cuvier, des êtres en quelque sorte difformes ; mais leur extrême sobriété ei la faculté qu’ils ont de se passer plusieurs jours de boire les rendent de première utilité. Cette faculté tient probablement à de grands amas de cellules qui garnissent les côtés de leur panse, et dans lesquelles il se retient ou se produit continuellement de l’eau. » Les chameaux ont la verge dirigée en arrière ; mais, pendant l’érection, l’organe génital se redresse et se porte en avant ; l’accouplement est assez difficile. La femelle porte douze mois, et, dans les circonstances ordinaires, il faut laisser le petit teter et paître en liberté jusqu’à l’âge de quatre ans. Ces animaux étaient parfaitement connus des anciens, et leur domestication est probablement aussi ancienne que celle du bœuf. De nos jours, ils habitent l’Asie et l’Afrique ; on les trouve même, quoique en petit nombre, dans l’Amérique et dans l’Europe. Le chameau à deux bosses est répandu en Asie, depuis les contrées les plus méridionales jusqu’au lac-Baïkal. Le dromadaire ou chameau à une seule bosse existe depuis l’Arabie, sa patrie primitive, jusque dans l’Asie Mineure ; en outre, il occupe toute la largeur de l’Afrique, depuis la mer Rouge jusqu’à l’océan Atlantique, et depuis la Méditerranée jusqu’au Sénégal.

L’introduction et la multiplication du chameau dans les diverses parties du globe indique suffisamment le prix que l’on attache partout à ses services. En effet, pour la taille, la force, il l’emporte sur toutes les autres espèces domestiques ; pour la sobriété, il ne le cède à aucune, et c’est à bon droit que Buftbn’ le proclame le plus utile, le plus précieux de tous les animaux. « Le chameau, dit M. de Quatrefages, est, pour les habitants des contrées où il se multiplie, ce que le renne est pour le Lapon : il les nourrit de son lait, plus abondant et durant plus longtemps que celui de la vache ; de sa chair, qui, chez les jeunes, est, dit-on, aussi bonne que celle du veau. Il les habille de son poil, plus long et plus moelleux dans quelques ruées que nos laines les plus estimées. Dans ses longues courses au milieu des déserts, l’Arabe emploie la fiente de se&chameaux comme litière pour ses bêtes de somme, comme combustible pour préparer ses aliments, et retire de son urine le sel ammoniac, que, pendant des siècles, il a seul fourni a l’industrie. C’est surtout comme bête de somme que le chameau est précieux pour son propriétaire : seul, il apu rendre habitables ces contrées arides où l’Arabe a, de tout temps, trouvé un asile pour sa farouche indépendance ; seul, il a pu rapprocher par le

commerce ces peuples que des océans de sable séparent les uns des autres ; aussi les Orientaux l’ont-ils appelé, dans leur langage figuré, le navire du désert. 11 doit ses avantages à deux circonstances principales : la conformation de ses pieds et son extrême sobriété. Cette sobriété est proverbiale en Orient. Un chameau chargé de 4 à 500 kiîogr., faisant 10 à 12 lieues sous un soleil brûlant, n’a souvent pour tout aliment qu’une poignée de grains, quelques dattes ou une petite pelote de pâte ce mais. Il est souvent huit à dix jours sans boire ; mais il faut ajouter qu’une si étonnante sobriété est, en grande partie, une propriété acquise. Sous ce rapport, les chameaux élevés pour vivre dans les déserts de l’Arabie et de l’Afrique sont bien supérieurs à ceux qui habitent des contrées plus favorisées de la nature. » En dehors de son emploi comme bête de somme, comme bête à laine et comme animal alimentaire, le chameau peut être utilisé pour le trait, ou même remplir dans une armée les fonctions qui sont ordinairement dévolues au cheval, Lors de l’expédition d’Egypte, en 1798, un régiment monté sur des

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dromadaires fut formé par les ordres du général Bonaparte, et il rendit, assure-t-on, de très-grands services. Cette création a été, de nos jours, renouvelée en Algérie avec plus de succès encore, par les soins des généraux Marey-Monge et Carbuccia.

On comprendra facilement que des animaux aussi anciennement et aussi complètement domestiqués que les chameaux doivent avoir été profondément’modifiés ; aussi existe-t-il un grand nombre de races qui varient de pelage, de taille et de^proportions. Les chameaux du Turkestan ont, dit-on, jusqu’à 2 m. 50 au garrot, et, suivant le P. du Halde, il s’en trouverait en Chine dont la tailla n’excéderait pas celle de l’âne. Au milieu d’une si grande variété, on s’uccorde pourtant à ramener toutes les races à deux espèces, caractérisées par le nombre des bosses : le chameau proprement dit, qui a deux bosses, et le dromadaire, qui n’en a qu’une. Le chameau k deux bosses, ou chameau proprement dit, appelé encore chameau turc, chameau de Bactriane, se distingue au premier abord par ses deux bosses, dont l’une, située sur le garrot, tombe ordinairement de côté, pour peu que l’animal soit gras, tandis que l’autre, placée en arrière, reste plus ferme et plus fixe. Cette espèce est généralement plus grande que celle des dromadaires ; ses jambes sont plus courtes en proportion de son corps ; sa démarche est plus lente ; son museau est plus renflé, et son poil plus brun. On a remarqué aussi qu’elle pouvait supporter des froids plus rigoureux, qu’elle se tirait mieux des boues et des terrains marécageux. La ménagerie du Muséum a possédé plusieurs chameaux à deux bosses ; voici les observations tes plus intéressantes qui ont été faites sur ces animaux. Ils entraient en rut vers la fin de l’automne, et demeuraient dans cet état environ quatre mois. Dès le commencement, ils éprouvaient de fortes sueurs, qui duraient une quinzaine de jours, et auxquelles succédait un écoulement fétide produit par un organe glanduleux qui existe derrière la tête. Pendant toute la durée du rut, ils ne mangeaient presque lien ; aussi maigrissaient-Us beaucoup. Ce qui leur plaisait le plus alors, c’était la litière sur laquelle ils avaient uriné. Ils se montraient méchants, presque intraitables, cherchant à mordre et à frapper des pieds ; pourtant, ils ne ruaient point, mais lançaient rudement un seul pied, à la manière des bœufs. Us avaient aussi l’habitude d’uriner sur leur queue, qu’ils tenaient exprès entre les cuisses ; quand elle était bien mouillée, ils la relevaient sur le dos et s’en servaient pour s’arroser de leur urine. Cette manœuvre leur était facile, car, comme on le sait, ils urinent en arrière. L’accouplement se faisait très-difficilement ; la femelle se couchait par terre, et le mâle, après l’accouplement, tombait lui-même à côté d’elle et paraissait exténué.

La mue a lieu immédiatement après le rut. Les poils tombent par grands lambeaux, et comme s’ils avaient été feutrés. Au bout de deux mois, tout le corps est nu. Bientôt la peau se couvre d’une inflorescence farineuse, qu’on enlève avec un peigne ; elle devient noire et lisse. Enfin, deux mois plus tard, le poil commence à revenir.

Le dromadaire se distingue facilement du chameau ordinaire en ce qu’il n’a qu’une seule bosse, placée au milieu du dos. Il est plus sensible aux rigueurs du froid j mais, par compensation, il supporte bien mieux la chaleur ; c’est lui qui s avance le plus loin vers la, midi. Etablie chez des peuples très-différents par leurs mœurs et par leur genre de vie, cette espèce est aussi celle qui a subi les plus grandes modifications, et l’on est encore fort loin de connaître exactement toutes ses variétés. On sait cependant qu’il existe entre elles une notable diversité dans la taille, les proportions, la couleur et la, nature du pelage. Les unes sont presque nues, d’autres sont entièrement couvertes de poils longs et soyeux. La couleur du pelage varie depuis le brun très-foncé jusqu au blanc le plus pur. Chez quelques-unes, la mue est complète ; chez d’autres, elle ne se fait que peu à peu et d’une manière partielle. L’époque du rut varie également avec les races et les pays. En Égypte, cet état commence dans le mois de mai ; on Algérie, il se manifeste dès le mois de février. Le dromadaire est la seule espèce de chameaux employée par les Arabes. Us l’ont conduit partout où ils se sont établis, en Syrie, en Babylonie et dans tous les pays qui s’étendent le long de l’Afrique, depuis 1 Abyssinie jusqu’à l’empire du Maroc. Les services qu’il- rend dans ces divers pays sont immenses. Sans lui, sans la faculté dont il jouit de supporter longtemps la faim et la soif, sans la facilité avec laquelle il franchit rapidement des espaces immenses, couverts de sables brûlants, il n’y aurait plus de communications

Îiossibles entre l’Égypte et l’Abyssinie, entxe a Barbarie et les contrées situées au delà du Sahara, entre la Syrie et la Perse ; l’Arabie Heureuse serait absolument isolée du reste de la terre. Les grands dromadaires portent depuis 300 jusqu’à 400 kilogr. ; Ils font, ainsi chargés, 10 lieues par jour ; mais le dromadaire de course, nomme mahari, qui ne porte pas de fardeaux, fait jusqu’à30 lieues, pourvu que ce Soit en plaine et dans un terrain sec. Les Arabes apprennent aux dromadaires à s’agenouiller pour se faire charger. Il y en a oui se chargent seuls, en passant la tête sous l’espèce de bât auquel les ballots sont atta CHAM

chés. Us ne se relèvent point lorsqu’ils sen 1tent que le fardeau jest trop lourd. On es ; t obligé de faire un batTiarticulier pour chaque individu, et d’avoir soin qu’il ne touche pas lé haut de la bosse ; autrement calle-ci se meurtrirait et la gangrène ne tarderait pas à s’y mettre. Quand cet accident se produit, on met sur la plaie du phltre râpé très-nu, qu’il faut changer souvent.

lies dromadaires aiment la musique, et c’est en chantant qu’on leur fait faire plus de chemin, lorsqu’on est pressé. Ils sont très-doux, excepté dans le temps du rut, où ils deviennent comme furieux, S’il faut en croire quelques auteurs, à cette époque ils se souviennent de tous les mauvais traitements qu’ils ont reçus, et ils cherchent à s’en venger. Four éviter les accidents, on coupe tous les mâles de service, et on n’en conserve qu’un seul entier pour huit ou dix femelles. On dit que les chameaux à deux bosses et les dromadaires produisent ensemble des individus inféconds comme les mulets, mais plus forts et plus durs à la fatigue que les races originelles.

— Hist. Le chameau est mentionné fréquemment dans la Bible. Dans la Genèse, les chameaux figurent parmi les présents envoyés par Pharaon à Abraham, lorsqu’il était en Égypte ; d’où l’on a conclu que cet animal était connu en Égypte, quoique, circonstance bizarre, on n’en retrouve pas la reproduction dans les anciens bas-reliefs et peintures. Les Ethiopiens avaient des chameaux en abondance. Lorsque la reine de Saba vint à Jérusalem, elle amenait avec elle des chameaux chargés d’épices, d’or et de pierres précieuses. Les peuples qui entouraient les Israélites, fiar exemple les Madianites, les Amaléciles, es Ismaélites, possédaient beaucoup de chameaux, au dire de la Bible. Les troupeaux do chameaux de Job se composaient de 3,000 têtes ; le nombre en fut doublé après l’épreuve qu’il subit si victorieusement. La vraisemblance de ce chiffre est confirmée par ce passage d’Aristote, dans son Histoire des animaux (IX, xxxvn, § 5) ; « Il y a dans l’Asio supérieure des hommes qui possèdent jusqu’à 3,000 chameaux, » Il résulte de différents passages de la Bible qu’on se servait des chameaux. comme monture et comme bête de somme. Un passage de Samuel, concordant avec l’affirmation d’Hérodote, de Xénophon, de Tite-Live et de Pline, nous apprend qu’on les employait aussi dans les combats. Cyrus en avait dans son armée lorsqu’il défit Crésus. Hérodote prétend qu’il les fit opposer à la cavalerie ennemie, parce que, selon lui, le cheval craint le chameau et ne peut en supporter ni la vue ni l’odeur. Xénophon confirme ce témoignage, en assurant que dès que la cavalerie lydienne aperçut les chameaux, les chevaux se cabrèrent et s’enfuirent pleins d’épouvante. Les Perses, lorsqu’ils furent défaits par Agésilas, avaient des chameaux dans leur cavalerie. Dans la bataille qu’Antiochus livra aux Romains, Tite-Live parle d’archers arabes montés sur des dromadaires, et portant des êpées à lame étroite, mais longue de quatre coudées, afin de pouvoir, du haut du leur monture, atteindre l’ennemi. Les chamelles étaient très-estimée^ pour le lait qu’elles fournissaient. Il est probable que les Hébreux le consommaient, comme la plupart des autres peuples orientaux, bien que cela ne soit pas dit expressément dans la Bible. Il est certain que la chair de chameau, dont les Arabes sont si friands, était défendue comme impure par les prescriptions mosaïques. Le poil de chameau fournissait également aux peuples orientaux une matière textile précieuse par ses emplois multiples, quoique donnant une étoffe assez rude. Saint Jean-Baptiste portait une robe faite de poils de chameau. Elien nous dit que dans les environs de la mer Caspienne on faisait, de son temps, avec le poil de chameau, de très-bonnes étoffes, ce qui est confirmé pour les temps modernes par le témoignage de Chardin.

En dehors du mot gamal, les Hébreux enavaient deux autres pour désigner le chameau : bêkèr ou bikra et kirkarot. Le békar ou bikra n’était autre que le dromadaire, servant exclusivement pour les courses rapides. On en a retrouvé dans les bas-reliefs assyriens de très-exactes reproductions. Le kirkarot semble avoir été une espèce particulière de chameau servant de bête de somme.

En Europe, les chameaux ont été amenés a plusieurs reprises, notamment au tv siècle, par les Goths, dans la vallée du Danube. Ils paraissent ne pas avoir été rares en Occident à l’époque mérovingienne. Au temps des Maures, le dromadaire était connu en Espagne, et, longtemps après [apprise de Grenade, on l’employait encore dans le sud de la Péninsule. Aujourd’hui même, dans la province do Huelva, il remplace en partie le cheval, le mulet et le bœuf ; il laboure la terra, traîne les voitures et fait tourner les moulins à huile. Le dromadaire existe en Toscane depuis plus de deux cents ans ; on a même voulu taire remonter sou introduction dans ce pays jusqu’au temps des croisades. On trouve aussi des dromadaires en Grèce, mais leur existencu y est plus récente ; elle date de la guerre de l’Indépendance. Ilyen a également en France ; toutefois, dans ce dernier pays, leur acclimatation est peu avancée, ou plutôt elle commence à peine, parce que rien n’y a été fait jusqu’à ce jour que sur une très-petite échelle et sans esprit de suite. En Amérique, à y a,