Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 3, Cem-Chan.djvu/198

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Vieux bourguignon, jeune champagne,
            Font l’agrément de nos festins.
                    Panard.

Du bourgogne rival, le champagne, à son tour,
Porte les jeux, les ris, les grâces et l’amour :
De sa vive liqueur la mousse enchanteresse
S’élance en bondissant, et fend l’air qui la presse :
Son éclat est plus pur que celui du cristal,
Et l’ambre de sa sève au nectar est égal.
                     Castel.

|| Ce mot est une ellipse pour vin de Champagne ; la locution pleine est aussi usitée, et nous allons en donner des exemples ; mais nous n’oserions pas affirmer, avec le Complément de l’Académie, que tous ceux qui disent champagne au lieu de vin de Champagne sont des gens mal élevés : On en a fait de nouveaux vins qu’on ne connaissait pas auparavant, tels que ceux de Champagne. (Volt.) Un homme qui porte aux nues le vin de Champagne aux dépens du bordeaux ne fait que dire, avec plus ou moins d’éloquence : J’aime mieux le champagne. (H. Beyle.) Quelle sublime, quelle admirable invention que celle du vin de Champagne ! (Scribe.)

J’aime mieux les Turcs en campagne
Que de voir nos vins de Champagne
Profanés par des Allemands.
                Béranger.

Champagne frappé de glace ou simplement champagne frappé, Celui qu’un a refroidi vivement, et même congelé, à l’aide de la glace pilée mise autour de la bouteille : Le docteur Corvisart ne buvait que du vin de Champagne frappé de glace. (Brill.-Sav.) Le carême est le temps où l’on est sage, même avec le Champagne frappé. (Brill.-Sav.)

Tisane de Champagne, Vin de Champagne plus léger que le Champagne ordinaire : Au lieu du vin de Constance, qui est perdu pour nous, vous boirez de la tisane de Champagne. (Roques.)

— Comm. Fine Champagne, Eau-de-vie de qualité supérieure, ainsi appelée du nom d’un petit pays de France, compris aujourd’hui dans les départements de la Charente et de la Charente-Inférieure.


CHAMPAGNE s. f. (chan-pa-gne ; gn mll. — rad. champ). Forme ancienne du mot campagne.

— Agric. Terres dont la couche végétales repose sur un tuf crayeux et tendre appelé BOUCHE,

— Techn. Cercle de fer garni d’un filet, qu’on suspend dans la cuve au pastel, pour empêcher que les étoffes touchent au fond.

— Mar. Nom donné par les marins français à des navires indiens et japonais, à bordages emboîtés et chevillés en bois.

— Blas. Pièce d’armoiries qui occupe, au bas de l’écu, deux parties des huit de sa hauteur, ce qui la distingue de la plaine, qui n’en occupe qu’une partie : La Champagne et la plaine diffèrent de la terrasse et de la rivière, en ce que les premières ont le bord supérieur uni et que les secondes ont des sinuosités arrondies ou aspérités.Orgerolles de Saint-Polques ; De gueules à la Champagne d’or, au lion du même, naissant de la Champagne.Brochart-du-Breuil : D’or à l’olivier de sinople, accosté de deux croissants de gueules, à la Champagne d’azur, chargé d’un brochet d’argent.

— Anc. cout. Droit de Champagne, Droit que les auditeurs des comptes prélevaient sures baux à ferme du domaine de Champagne.


CHAMPAGNE, ancienne province de France, qui, avant la Révolution, formait l’un des douze grands gouvernements de ce royaume. Le nom de Champagne, autrefois Champaigne, lui vient, selon quelques auteurs, des vastes plaines (campania) dont son territoire est couvert. Quoi qu’il en soit, ce nom ne semble remonter qu’au commencement de la monarchie française et on le trouve pour la première fois dans les chroniques de Grégoire de Tours.

La Champagne était bornée au N. par le pays de Liège et le Hainaut français ; au S., par la Bourgogne ; à l’E., par le duché de Luxembourg et la Lorraine ; à l’O., par l’Orléanais, l’Île-de-France et la Picardie. Elle avait environ 280 kilom. dans sa plus grande longueur, sur 200 de l’E. à l’O., ce qui représente une superficie de 30,000 kilom. carrés ; la population était évaluée à 1,197,000 hab. Le gouvernement de Champagne, qui comprenait cette vaste étendue de territoire, se divisait en huit parties principales : 1o la Champagne propre, qui comprenait les villes de Troyes, de Châlons-sur-Marne, de Sainte-Menehould, d’Épernay et de Vertus, et qui avait 110 kilom. dans sa plus grande longueur, sur 80 kilom. de large ; 2o le Rémois, qui contenait Reims, Rocroy et Fismes ; 3o le Rethélois, ch.-l. Rethel, auquel se trouvaient réunies la principauté de Sedan, le duché de Bouillon, et la plus grande partie du pays et de la forêt de l’Argonne, avec Mézières et Charleville : 4o la Brie champenoise, avec les villes de Meaux, de Provins, de Château-Thierry, de Coulommiers et de Montereau ; 5o le Perthois, comprenant Vitry-le-François et Saint-Dizier ; 6o le Vallage, ch.-l. Vassy, avec les villes de Bar-sur-Aube et d’Arcis-sur-Aube ; 7o le Bassigny, qui renfermait les villes de Chaumont et de Langres ; 8+ le Sénonais, dont Sens était le chef-lieu et qui contenait, en outre, Joigny, Tonnerre et Chablis. Relativement à l’administration ecclésiastique, le ci-devant gouvernement de Champagne était partagé en deux archevêchés et quatre évêchés. Les archevêchés étaient ceux de Reims et de Sens ; les évêchés, ceux de Meaux, de Troyes, de Châlons et de Langres. Au point de vue judiciaire, la Champagne et la Brie étaient comprises dans le ressort du parlement de Paris, de la cour des aides et de la cour des comptes de la même ville. C’était un pays de droit coutumier ; mais, comme cela devait être pour un pays aussi étendu, il y avait, pour chaque partie, coutume particulière.

La nature du sol de la Champagne éloigne toute idée de pittoresque en même temps qu’elle appelle la culture ; des plaines, toujours de longues plaines crayeuses qu’ondulent à peine quelques basses collines ; pas de bois, pas de ces vastes forêts qui couvrent encore quelques parties de la France. Le cep de vigne y remplace l’olivier provençal, le chêne breton et le pommier normand, et, si de belles et nombreuses rivières, si la Meuse, la Seine, la Marne, l’Aube et l’Aisne traversent cette contrée ou y prennent leur source, toujours elles coulent au milieu de vastes plaines de blé, ou de coteaux chargés de ceps hauts à peine de 1 m. et appuyés à de grêles échalas. Cependant la vaste étendue de terre comprise entre la Fère-Champenoise, Vitry, Châlons et Troyes, est connue par sa stérilité ; c’est la partie que l’on appelle Champagne pouilleuse, désignation due non à une pauvreté absolue, mais à une fertilité moindre que celle du reste de la province. Cette partie de la Champagne renferme un assez grand nombre d’étangs, qui sont fort poissonneux, mais qui rendent le pays peu salubre. Les principales productions agricoles de la province qui nous occupe sont : les céréales, les vins rouges et surtout les vins blancs mousseux, si connus dans le monde entier sous le nom de vins de Champagne. En fait de richesses minérales, cette contrée renferme des mines de fer, qui alimentent de nombreuses forges et usines, ainsi que de bonnes ardoisières, qui donnent lieu à d’importantes exploitations.

— Le mot Champagne entre dans trois locutions restées proverbiales :

1o Être du régiment de Champagne ;
2o Regarder en Picardie pour voir si la
Champagne brûle ;
3o Il ne sait pas toutes les foires de Champagne.

Nous allons donner un commentaire de ces trois locutions, que nous empruntons au savant et consciencieux M. Quitard :

« Être du régiment de Champagne, c’est se moquer de l’ordre. Dans un bal qui fut donné en 1747, au palais de Versailles, en réjouissance du mariage du dauphin fils de Louis XV, un inconnu prit place sur une banquette réservée, et voulut y rester malgré l’injonction que lui fit un garde du corps de se mettre ailleurs. Comme cette injonction réitérée devint impérieuse, il répondit : Je m’en moque, en se servant d’une expression militaire que je ne rapporte pas très-historiquement ; et il ajouta : Si cela ne vous convient pas, monsieur, je suis un tel, colonel du régiment de Champagne. Une dame, témoin de cette scène, se trouvait également sur un siège qui était destiné à une autre ; invitée à son tour de quitter la place, elle s’écria fièrement : Je n’en ferai rien, je suis aussi du régiment de Champagne. Le mot fit rire et passa en proverbe.

« Quelques officiers français qui étaient allés à Berlin, ayant été admis à l’honneur de faire leur cour au grand Frédéric, l’un d’eux se présenta devant Sa Majesté sans uniforme et en bas blancs. Le monarque lui demanda : « Quel est votre nom ? — Le marquis de Beaucour, sire. — Et votre régiment ? — Le régiment de Champagne. — Ah ! ah ! repartit Frédéric en lui tournant le dos, ce régiment où l’on se moque de l’ordre. » Après cela, il ne lui adressa plus la parole et il causa beaucoup avec tous les autres, qui étaient en uniforme et en bottes.

« Regarder en Picardie pour voir si la Champagne brûle. On dit aussi : Regarder en Gâtinais, etc., témoin ces vers d’un poète comique :

…. Son œil qui toujours dissimule
Regarde en Gâtinais la Champagne qui brûle.

« Cette locution signifie avoir des yeux louches, des yeux qui prennent leur visée d’une manière si oblique, qu’en se dirigeant vers la Champagne ils semblent se tourner du côté de la Picardie, lors même que le point de mire leur est indiqué par un incendie, c’est-à-dire par l’objet le plus apparent. Ces provinces sont situées, par rapport à Paris, de telle sorte qu’on ne saurait les regarder à la fois de cette ville, ou de quelque autre lieu intermédiaire, sans une extrême divergence dans les rayons visuels. Les Anglais disent : To look at once on the ground, and at the north pôle star ; regarder à la fois vers la terre et vers l’étoile polaire. Presque tous les peuples emploient des phrases proverbiales de la même espèce pour désigner l’action de loucher. Mais ce sont les Grecs qui leur en ont fourni le modèle. On trouve, dans la comédie des Chevaliers, par Aristophane (acte Ier, scène III) : Tourner l’œil droit du côté de la Carie et le gauche du côté de la Chalcédoine, parce que la Carie et la Chalcédoine, jadis tributaires d’Athènes, l’une au midi, l’autre au nord de cette ville, étaient placées aux deux extrémités de l’Asie, et séparées par un espace qui comprenait la mer Égée, l’Hellespont et la Propontide. Nous disons aussi : Tourner un œil en Normandie et l’autre en Picardie.

« Il ne sait pas toutes les foires de Champagne. Cela se dit d’un homme qui se croit bien informé du fond et des détails d’une affaire, et qui ne l’est point. Les foires de Champagne, dont il est fait mention, dès l’an 427, dans une lettre de Sidoine Apollinaire à saint Loup, étaient fort célèbres au moyen âge, en raison de leur ancienneté et de leur importance commerciale. Elles offraient un point central de réunion aux marchands d’Espagne, d’Italie et des Pays-Bas, qu’on y voyait arriver en foule, et elles trouvaient dans la législation simple et commode qui les régissait toute sorte d’éléments de prospérité. Mais il cessa d’en être ainsi à dater du règne de Philippe le Bel, devenu maître de la Champagne par sa femme. Elles furent multipliées dans un intérêt tout fiscal, et donnèrent lieu à une grande quantité de règlements qui gênèrent beaucoup les transactions. À ces embarras s’en joignirent d’autres, produits par la variation et l’altération des monnaies, dont il n’était pas facile d’établir le pair ; et il fut très-naturel de juger de l’habileté d’un négociant d’après la connaissance qu’il avait de ce qui concernait ces foires. »

— Hist. À l’époque de la conquête romaine, la contrée que nous désignons sous le nom de Champagne faisait partie de la Gaule chevelue (Gallia comata ), et les Lingones (habitants de Langres), les Rhemes ou Remi (habitants de Reims), figurent parmi les peuples qu’énumère César. Reims et Langres étaient dès lors de puissantes cités ; le conquérant mit le siège devant la dernière, qu’il obligea de se rendre, et bientôt Reims effrayé envoya vers lui des députés chargés de faire sa soumission. Sous Auguste, la Champagne fut classée, partie dans la Gaule Celtique et partie dans la Gaule Belgique. Plus de trois cents ans après Auguste, Constantin le Grand habita Langres et combattit les Allemands et les Bourguignons aux portes mêmes de cette ville.

L’histoire se tait sur le sort de la Champagne pendant l’agonie du colosse romain ; pour trouver quelque certitude historique, il faut arriver à l’an 486, où Clovis défait Siagrius et s’empare de la plus grande partie des Gaules. Dans le partage qui suivit la mort de Clovis, la Champagne fit partie du royaume d’Austrasie. C’est sous le règne de Sigebert qu’on voit paraître le premier duc de Champagne. Loup, ce premier duc, qui devait sa faveur à la reine Brunehaut, perdit son duché à la mort de cette reine, et le titre passa aux mains de Guintrio ou Vintrio, qui, selon quelques historiens, était le propre fils de Loup. Les ducs de Champagne finissent avec la première race de nos rois, et, pendant un espace de plus de deux cents ans, on ne sait si quelques seigneurs portèrent ce titre ou s’il n’y eut pas plutôt des comtes de Troyes, de Reims, de Châlons, etc., non pas héréditaires, mais délégués par les rois. C’est à l’an 958 que nous devons arriver pour trouver véritablement l’histoire de Champagne. C’était alors le règne du malheureux Lothaire, qui porta le titre et les insignes de la royauté au milieu de l’anarchie qui précéda l’établissement de la monarchie féodale. Chaque jour, les seigneurs arrachaient à la couronne quelque lambeau de territoire. Robert, comte de Vermandois, était l’un des plus puissants de ces seigneurs ; l’an 958, il s’empara de Troyes, et prit le titre de comte de cette ville et de toute la Champagne. Vers 1130, la postérité directe de Robert de Vermandois s’étant éteinte, Eudes, comte de Blois, prit possession du comté de Champagne, et fut la tige d’une nouvelle famille de comtes, à laquelle appartiennent : Thibaut II, qui eut à soutenir une guerre sanglante contre le roi Louis le Jeune ; Henri II, qui mourut à Saint-Jean-d’Acre pendant la troisième croisade ; Thibaut IV, qui, après s’être joint à la ligue des seigneurs contre Blanche de Castille, se réconcilia avec cette princesse et lui céda, au moment d’aller prendre possession du trône de Navarre et moyennant une somme d’argent, les comtés de Blois, de Chartres et de Sancerre. Thibaut V, fils du précédent, n’avait que treize ans lorsqu’il succéda à son père. Dix-sept ans après, il partit pour la croisade (1270), et, à son retour, mourut à Trapani, en Sicile. Henri III, frère du précédent, fut, comme son prédécesseur, roi de Navarre, et mourut à Pampelune (1274). Jeanne, sa fille, avait épousé Philippe le Bel longtemps avant l’avènement de ce prince à la couronne de France. En 1285, époque de cet avènement, la Champagne et la Bric furent unies à la couronne pour n’en être plus séparées.

À partir de cette époque, il n’y a plus d’histoire particulière de Champagne ; mais, comme les autres provinces réunies, celle-ci conserva quelques usages particuliers, débris de son ancienne indépendance. Cependant cette province n’était pas pays d’états ; le pouvoir de ses comtes avait été absolu, et lorsqu’elle fut incorporée à la monarchie, elle n’eut pas d’assemblées provinciales. Toutefois, elle ne fut pas étrangère au mouvement de la liberté, et la charte de Sens, qui date de 1189, est une des premières dont notre histoire fasse mention. Cette province fut aussi le berceau du protestantisme en France, et, à l’époque de la Saint-Barthélemy, les villes de Meaux et de Troyes devinrent le théâtre d’horribles massacres.

Dans la nouvelle division de la France, la Champagne forma en totalité les quatre départements de la Marne, de la Haute-Marne, des Ardennes et de l’Aube ; et en partie ceux de Seine-et-Marne, de l’Aisne, de l’Yonne et de la Meuse.

— Linguist. Patois de la Champagne. Les dialectes locaux de l’ancienne province de Champagne ont gardé la trace des idiomes de tous les peuples qui ont concouru à former la nation française. On y trouve encore ça et là des mots gaulois, latins et francks, peu ou presque point altérés : des prononciations ou des tours de phrase que le français a perdus depuis longtemps. Enfin, ces dialectes ou patois sont restés romano-germains. Au premier aspect, ils révèlent leur origine : ils sont latins de race, romans de forme. Chaque contrée, chaque village a sa prononciation, son orthographe, son caractère propre ; ici on se rapproche du tudesque, là du roman, ailleurs du français. « La Champagne, dit M. Tarbé dans ses Recherches sur l’histoire du langage et des patois de Champagne (Reims et Paris, 1851, 2 vol. in-8o), la Champagne est bourguignonne par Langres et Troyes, lorraine par Saint-Menehould et Vitry-le-François, wallonne par les Ardennes, picarde par Reims et Château-Thierry, française par la Brie. »

Du XIe au XIIe siècle, il y eut un patois français né dans l’Île-de-France, dans les comtés de Reims, de Vermandois, d’Orléans, de Sens et de Valois, que l’on a nommé langue d’oïl par opposition à la langue d’oc, et c’est celui-là que les littérateurs et les poètes ne cessèrent de cultiver et de polir pour l’amener à l’état de langue régulière. Le langage de la cour de France devint rapidement celui de la Champagne, dont le territoire possédait la ville du sacre, ce qui permit à cette province de se mettre à la tête du mouvement littéraire par ses historiens et ses poètes, parmi lesquels on peut citer surtout Villehardouin, le sire de Joinville et le comte Thibaut.

Généralement, dans le patois de la Champagne, on dit i pour in et in pour », le pour ble, che pour ce, lo pour le, ch pour ss. Par exemple : chemî (chemin), fusin (fusil), etc. La lettre r est antipathique à ce patois, et on la supprime presque partout, même dans les villes. Ainsi, à Reims, on dit mette pour mettre, allé à pied pour aller à pied, descende pour descendre. Mais dans les campagnes on va plus loin : le r y est supprimé à la fin des syllabes or, oir, our et eur : Lorsqu’il est conservé, il ne tient pas régulièrement dans la conversation le rang qu’il occupe dans l’écriture. Ainsi on entend souvent prononcer la syllabe er comme re, tandis que la syllabe re produit les sons eur, er, ur, ar, ze, etc. Les syllabes os, ot, aus, aut, sont très-fréquentes comme finales. Le v disparaît souvent, et le w, comme dans les langues germaniques, prend la place du g. On trouve aussi t pour d ; dz, tz, d pour g et j. La substitution du d au g n’est pas de date récente en Champagne, puisque, suivant le témoignage de Flodoard, l’archevêque de Reims qui vivait en 455 se nommait Bennade ou Bennage, sans qu’on pût savoir quelle était la vraie manière d’écrire ce nom.

Près de l’Île-de-France, en Brie, dans les départements de l’Aisne et de l’Yonne, la prononciation diffère peu de la prononciation française. Dans l’Aube et la Haute-Marne, le champenois se rapproche plus ou moins du patois bourguignon ; dans la Marne, l’arrondissement d’Épernay excepté, on rencontre des altérations plus sérieuses du langage par la prononciation ; on cite, entre autres localités, le canton de Sézanne et les communes de Gourgançon, Semoine et Salon, celles de Cernay-lès-Reims et Béru, dont le patois est plus caractérisé. Quant aux villages situés entre Châlons, Vitry et Sainte-Menehould, on y trouve de vrais dialectes, parmi lesquels celui de Courtisols est resté célèbre. (V. Courtisols.) Dans les Ardennes, les patois usités sont en grande partie des sous-dialectes du wallon.

— Agric. Vignes de la Champagne. La plupart des grands vignobles de la Champagne reposent sur des calcaires crayeux recouverts d’une couche végétale généralement peu épaisse. Le carbonate de chaux entre le plus souvent pour les quatre cinquièmes dans la composition du sol ; l’argile et la silice forment le reste. Les cépages les plus cultivés sont le franc pinot ou plant doré d’Aï, le même qui, dans la Côte-d’Or, porte le nom de noirien ; le pinot gris, appelé aussi beuret, malvoisie grise, auxerrois, muscadet, tokai gris, etc. ; le pinot blanc, nommé aussi épinette ou pinot doré blanc. Les détails de la culture sont à peu près les mêmes partout. Le terrain destiné à recevoir une vigne est défoncé préalablement à une profondeur de 0 m. 50 à 0 m. 60 ; on le nivelle ensuite, et on y trace des sillons dans lesquels, de distance en distance, s’ouvrent les fosses destinées à recevoir le plant. Ce plant a passé ordinairement deux ou trois ans en pépinière. On le dispose en quinconce ; les lignes sont distantes l’une de l’autre d’environ 0 m. 80,