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part accomplissent avec sollicitude tous les devoirs de la maternité ; cependant on en voit quelquefois qui dévorent leurs petits. — Les chats ont la mastication lente et difficile ; leurs dents sont disposées pour déchirer et non pour broyer ; aussi cherchent-ils de préférence les viandes les plus tendres. Ils boivent fréquemment. Leur sommeil est léger, et Us dorment moins qu’ils ne font semblant de dormir. Ils marchent légèrement, presque toujours en silence et sans faire aucun bruit. Ils se cachent pour rendre leurs excréments, qu’ils recouvrent de terre. Comme ils sont très-propres, et que leur robe est toujours sèche et lustrée, leur poil s’électrise aisément, et l’on en voit sortir des étincelles dans l’obscurité, lorsqu’on les frotte avec la main. Les chats craignent l’eau et les mauvaises odeurs. Ils aiment à se tenir au soleil, à se gîter dans les lieux les plus chauds, derrière les cheminées ou les fours ; ils aiment aussi les parfums et se laissent volontiers caresser par les personnes qui en portent ; l’odeur de la valériane et de la cataire les affecte si fortement et si délicieusement, qu’ils en pâraisssent transportés de plaisir.

— Hist. Depuis que les chiens ont presque un état civil, un sort fatal menace la gent féfine : un impôt, la cote personnelle, c’est-à-dire une l’erreur, un massacre des Innocents, attend les chats. Bientôt peut-être les rivières charrieront leurs cadavres ; bientôtleurs membres palpitants rissoleront à foison dan^i les casseroles des gibelottiers de nos barrières. Eloignons ces funèbres idées, et, quel que soit le sort réservé a cette intéressante espèce de quadrupèdes, ayons le courage de prendre ■ leur défense en portant à. la connaissance de tous des faits qui, depuis la plus haute anti 3uité, n’ont cessé de témoigner de l’estime ans laquelle ils ont toujours été tenus par les humains.

D’abord, et pour être fixé sur la valeur intrinsèque, tant morale que physique, d’une race d’animaux, consultons les proverbes, cette sagesse des nations. Que disent les proverbes ? Fripon comme une chouette ; Triste comme un hibou ; Cruel comme un tigre ; Sale comme un pourceau ; Sauvage et misanthrope comme un ours ; Rusé comme un renard ; Vorace comme.un loup ; Myope comme une taupe ; Têtu comme un mulet : Colère, vindicatif comme une vipère ; Inconstant comme tin papillon, etc. Le chien, cet ami de l’homme, voyez comme l’homme le comprend : un mauvais souper, c’est un souper de chien ; il pleut à verse, la neige tombe en flocons serrés, il venta à décorner les bœufs.il grêle à briser les vitres, c’est un temps de chien. Comment s’ennuie-t-on ? On s’ennuie comme un chien. Achille, en colère contre Agamemnon, traite le roi des rois de face de chien. Mais le chat !... le chat, au contraire... Jugez-en, toujours d’après la sagesse des nations : Chut échaudé craint l’eau froide. Ici, le chat symbolise la prudence : un chat ne peut être dupe qu’une soûle fois en sa vie ; l’eau chaude lui a joué un tour pendable, il redoute l’eau, même froide. Être debout avant que les chats ioient chaussés. Ce proverbe indique clairement l’opposé de la paresse. On est du nature ! des chats lorsqu on retombe toujours sur ses jambes, ce qui est le comble de l’habileté, et le mot chat a eu l’honneur d’être pris comme terme de comparaison, quand on a voulu peindre la dextérité avec laquelle le plus fin politique du siècle passait sain et sauf d’un gouvernement à un autre. Nous pourrions continuer ces honorables citations, mais une étude ne se composant pas que d’apophthegmes, rompons le courant et passons à d’autres détails.

Si les bêtes étaient susceptibles d’Smourpropre, quels animaux devraient en avoir autant que les chats ? Us ont, non pas une figure, mais une véritable physionomie. Et puis, ils portent la moustache... et fièrement ! L’élasticité de leur corps, leurs mouvements agiles, leurs bonds sans retentissement semblent faire d’eux des êtres mystérieux qui paraissent vouloir garder un secret.

Les Arabes adoraient un chat d’or, d’après Pline. Les Alains, les Suèves, les Vandales,

Î>our représenter la Liberté, avaient adopté e chat, qui peut être dompté, jamais soumis. En Égypte, dès la plus haute antiauité, le chat fut divinisé. Le dieu chat (le ieu de la musique) était représenté avec sa tête naturelle sur un corps d’homme et tenant un cystro. La déesse châtie était la déesse des amours. À Memphis, la beauté des femmes était d’autant plus appréciée qu’elle se rapprochait davantage du type chat. Il n’y avait pas un temple qui n’eût une famille de chats. Alors on vouait les enfants au chat, d’après Diodore, comme aujourd’hui on les voue à la Vierge, ou au bleu, ou au blanc. Les enfants ainsi consacrés portaient au cou un petit médaillon sur lequel était figurée la tête du chat du temple où le vœu avait été prononcé. Chaque temple en élevait une espèce différente. La vente de ces médailles produisait de gros bénéfices aux prêtres de ce culte, dont les mystères furent plus tard révélés aux pontifes grecs par Orphée. On voit bien que rien n’est nouveau sous le soleil. Au temps d’Hérodote, lorsqu’il mourait un chat dans une maison égyptienne, tous les habitants se rasaient les sourcils en signe de deuil. Si quelqu’un en tuait un, même accidentellement, le peuple se jetait sur le meurtrier et te faisait

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expirer dans les plus cruels tourments. On sait que la ville de Corinthe possédait une statue colossale de bronze représentant un chat accroupi.

Les Turcs considèrent le chat comme un animal pur ; ils l’admettent et le choient dans leurs maisons, tandis qu’ils en proscrivent le chien, animal impur. Chez tous les musulmans, d’ailleurs, les chats sont encore en grand honneur ; Mahomet avait pour eux beaucoup d’égards, comme le prouve le conte suivant : Le chat du Prophète s’était un jour couché sur la manche de son habit et semblait y méditer si profondément, que Mahomet, pressé de se rendre à la prière, mais n’osant le tirer de son extase, coupa, pour ne pas le déranger, cette partie de son vêtement. À son retour, le chat, qui était revenu de son assoupissement, vint lui faire la révérence pour le remercier d’une attention si marquée. Mahomet comprit ce que cela signifiait, et assura au chat, qui faisait le gros dos, une place dans son paradis. Ensuite, passant trois fois la main sur l’animal, il lui imprima par cet attouchement la vertu de ne jamais tomber que sur ses pattes.

Il existe au Caire, près de la porte de la Victoire ou Babel Nazz, un hôpital créé spécialement pour les chats. Dans cet établissement, on recueille tous les chats malades et sans asile. Un voyageur raconte avoir vu plus d’une fois les fenêtres encombrées d’hommes et de femmes qui leur donnaient à manger a travers les barreaux. « Je me suis souvent arrêté, dit-il, devant ce curieux spectacle ; ces chats avaient sur leurs bonnes laces une véritable expression de béatitude. »

Homère, dans la Batrachomyomachie, ne parle des chats qu’avec les plus grands égards, et Platon, le divin Platon, leur donne la plus belle place dans sa description de cet âge d’or, où, dit Montaigne :

Où l’épouse tendre et chérie

Ne connaissait de sort plus doux

Que de passer toute sa vie

Entre son chat et son époux.

Pour l’homme, en effet, le chat est un ami avec lequel il s’entretient et converse tout à l’aise. Il est aussi un comédien pantomime qui l’égayé, le distrait.et l’amuse. C’est un astronome météorologiste, qui lui prédit les changements de temps beaucoup mieux que ne pourra jamais le faire le directeur actuel de l’Observatoire impérial. De plus, le chat est musicien. Musicien ? — Oui ; ne vous récriez pas, nous allons vous le démontrer.

Deux savants éminents, Grew et Le Clerc, ont dit : • Les chats sont très-avantageusement organisés pour la musique ; ils sont capables de donner diverses modulations à leur voix, et, dans l’expression des différentes passions qui les occupent, ils se servent de différents tous. » En effet, aucune nuance ne leur est inconnue, depuis le ronron en pédale jusqu’au fortissimo le plus aigu, en passant par toutes les transitions notées sur la musique des maîtres. Il est probable, presque certain, que ces dissonances qui nous agacent sont de réelles beautés, qui, faute d’une intelligence musicale suffisamment développée, nous échappent. Peut-être est-ce la musique de l’avenir, peut-être celle du passé, dans les temps anténistoriques, alors que probablement la délicatesse des organes humains était développée sur une échelle différente. Les arts ne sont-ils pas sujets a de grandes révolutions ? Voyez d ailleurs les Asiatiques : notre musique leur semble ridicule, et, par contre, nous trouvons que la leur n’a pas le sens commun. L’organisation musicale du chat persiste jusqu’après sa mort ; après le rôle actif, le rôle passif. N’est-ce pas avec les boyaux de chats que l’on fabrique les meilleures chanterelles, ces cordes à violon sonores entre toutes !

Astronomes et météorologistes, voyez-les : la patte qu’ils contournent et promènent avec tant de grâce sur leur tête est un signe certain d’un prochain changement dans l’état de l’atmosphère : s’il fait beau, attendez-vous au mauvais temps ; s’il pleut, espérez le soleil et le ciel pur. Le froid s’apprête à sévir, le vent doit bientôt souffler avec violence : le chat couche son poil aussi près que possible de la peau ; résultats ; concentration de la chaleur, défaut de prise pour le vent. La chaleur promet de devenir intense : le chat dresse et hérisse son poil ; résultats : rayonnement de sa chaleur, déperdition de vapeur, équilibration de sa température animale. Le chat est l’être logique par excellence.

Quant au savoir-vivre, quel autre animal peut lui être comparé ? L’heure des repas lui est indifférente ; chaumière ou palais, il n’est aucun endroit d’une maison qui ne lui soit lieu de plaisance ; sur l’appui d’une fenêtre, sur le bras d’un fauteuil, il dort en équilibre ; étendu ou pelotonné sur un fagot de broussailles, il s’y trouve plus à l’aise qu’un sybarite sur un lit de feuilles de roses. Sa propreté est traditionnelle. Pline l’a signalée, et Dubellay l’a célébrée dans l’épitaphe qu’il composa pour la tombe de son chat Bélaud : Il avait cette honnêteté De cacher dessous de la cendre Ce qu’il était contraint de rendre.

Ajoutons que le chat ne devient jamais enragé spontanément.

Etudions maintenant notre sujet au point de vue de la sociabitité. Richelieu raffolait des

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chats. Montaigne avoue que les actions et les jeux de son chat étaient pour lui une récréation autant qu’une véritable étude. Colbert avait toujours, dans son cabinet ministériel, un troupeau de jeunes et folâtres chatons. Fontenelle, dès son enfance, adorait les chats ; un entre autres, qu’il plaçait dans un fauteuil, et à qui il.débitait des discours pour s’exercer à parler en public. Un beau jour, ennuyé du rôle d’auditeur que son maître le forçait à jouer, ce chat, à bout de patience, se sauva et ne revint jamais.

Les philosophes du siècle dernier affirmaient, avec connaissance de cause sans doute, que le goût prononcé de certaines personnes pour les chats était l’indice d’un mérite supérieur. Témoin nos contemporains, dont l’affection pour les chats, est de notoriété publique : Théophile Gautier, Albéric Second, Léon Gozlan, Champfleury, Théodore Barrière, Paul de Kook et quelques autres. Mme de la Sablière, qui avait passé une partie de sa vie au milieu des chiens, s’en défit un jour et les remplaça par autant de chats, tous noirs. Mnie la duchesse du Maine composa un rondeau sur les mérites de son chat Marlamain. Mme de Lesdiguières fit élever un mausolée en marbre blanc à sa chatte morte vierge, et y fit graver ce quatrain :

Ci-gtt une châtie jolie : Sa maîtresse, qui n’aima ri< ; n. L’aima jusques à la folie. Pourquoi le dire ?... on le voit bien.

Mme Deshoulières aussi a dit en l’honneur de sa chatte : « Quand mon mari s’absente Grisette me suffit. » Ronsard détesta d’abord les chats :

Homme ne vit qui tant haïsse au monde

Les chats que moi, d’une haine profonde.

Je hais leurs yeux, leur front et leur regard ;

En les voyant, je m’enfuis d’autre parj.

Mais il revint bientôt a de meilleurs sentiments ;

Mais parsus tout l’animai domestique.

Le chat a l’esprit prophétique ; Et faisoient bien ces vieux Égyptiens

De l’honorer

Est-ce assez d’exemples pour prouver la haute estime et l’amitié dont les chats ont été honorés ? Ajoutons cependant que la Bibliothèque impériale possède une médaille frappée en 1 honneur d’un chat. L’exergue, autour de la tête, porte

CHAT NOIR ter, NÉ EU 1725.

Sur le revers on lit :

SACHANT k QUI JE PLAIS, CONNAIS CE QUE JE VAUX.

Si l’on envisage leur utilité et les services qu’ils rendent au genre humain, les chats ne peuvent être trop vantés. Le plus grand reproche qu’on puisse leur adresser, c’est de croquer quelques inoffensifs pierrots ; mais, en revanche, ils détruisent les immondes animaux qui rongent et empestent nos habitations.

L’île de Chypre, jadis, était infestée de serpents. Près de Bafa (Paphos), au cap des Chattes, s’élevait un monastère dont les religieux entretenaient autrefois une véritable armée de chats, élevés à faire la guerre aux reptiles qui pullulaient. Dèsmatines, les portes du couvent s’ouvraient, et les légions félines se répandaient dans la campagne. Le soir, aux premiers coups de Vangelus, qui annonçait le souper, les chats accouraient comme une fourmilière et rentraient dans le couvent, pour recommencer le lendemain. Les Turcs, en s’emparant de l’Ile, détruisirent le monastère.

Richard Whittington, le fondateur de la Bourse actuelle de Londres, dut à un simple et modeste chat d’avoir la vie sauve ; d’immenses richesses et les honneurs de l’édilité. Orphelin, sans fortune, il s’embarque comme mousse pour les Indes. Pour toute pacotille, il possédait un chat qu’il avait sauvé des flots de la Tamise. D’abord navigation heureuse, puis tempête, puis naufrage et perte du navire sur les côtes d’une île peuplée de cannibales, mais ravagée par les rats de la plus pitoyable façon. Sitôt que les naufragés sont amenés à terre, le premier mouvement du chat, en apercevant ses ennemis naturels, est de s’élancer sur eux, à la grande joie des indigènes, qui n’avaient jamais pu se débarrasser de ces animaux, aussi incommodes que sans gêne. À la suite de cette première hécatombe de rats, qui fut bientôt suivie de beaucoup d’autres, et en reconnaissance de cet éminent service, les sauvages font grâce de la broche à tout l’équipage ; Richard est nommé premier ministre, et son chat généralissime des armées du roi. Quelques années après, Richard, prodigieusement enrichi paries libéralités de la nation, revint à Londres, où it fut bientôt nommé lord-maire. Son aventure connue, on ne l’appela plus que mylord Gat (myiord Chat), nom qu’il conserva et qui devint patronymique.

Les chats ayant de tout temps rendu service a l’espèce humaine, il devait fiécessairement arriver un moment où celle-ci se montrerait ingrate. Aussi ont-ils été souvent victimes, ou de l’ignorance, ou des préjugés, ou de la mauvaise foi. Nous en citerons un exemple, dans lequel ces trois vices se trouvent réunis. Pendant une interminable suite d’années, et presque jusqu’à la fin du xvure siècle, à Metz, on célébrait annuellement sur la place publique une atroce cérémonie, dont les chats

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étaient les héros et les victimes. Les magistrats, assistés du clergé en habits de fête, apportaient une cage de fer remplie de chats. Ils la plaçaient au sommet d’un bûcher élevé par la populace, puis mettaient le feu aux fagots. Alors cette populace se gaudissait et se tordait de rire aux cris affreux et aux horribles convulsions des pauvres bêtes grillées vives. Qui avait inventé ces réjouissances publiques ? La légende lorraine dit que c’est en mémoire d’une sorcière qui, autrefois condamnée par les prêtres à périr dans les flammes expiatoires, s’était métamorphosée en chatte et sauvée au moment où on allait la tirer de prison pour la conduire au bûcher. La vérité estque la prétendue sorcière était jeune et jolie, qu’elle avait fait une vive impression sur le cœur du prélat en chef, et qu’elle préféra l’alcôve épiscopale aux fagots de l’intolérance. On sait que, jusqu’à la fin du vue siècle, les prêtres ne faisaient pas vœu de continence, et qu’ils pouvaient se marier, . Pour donner satisfaction a l’opinion publique hébétée de cette époque et des époques qui suivirent, on immolait à chaque anniversaire une certaine quantité de chats pris au hasard ou offerts par la plèbe elle-même.

Cet usage, du reste, n’était pas particulier"’ au pays messin. À Paris, le feu de la Suint-Jean s’allumait autour d’un mât élevé sur la place de Grève ; des chats, retenus dans un minier, étaient lâchés lorsque le feu flamboyait tout autour d’eux. Us n’avaient de retraite possible que le mât au haut duquel ils grimpaient ; mais là, bientôt étouffes par la fumée, ils retombaient dans les flammes et y périssaient. Frédéric Soulié raconte une scène de ce genre dans un de ses romans. « Cependant, dit-il, le roi Charles IX était arrivé ; ort lui avait remis une torche de cire blanche do deux livres, garnie de deux poignées do Velours rouge. Sa Majes’.é, s’étant approchée do l’arbre de la Saint-Jean, en avait allumé les premiers fagots, puis était remontée à l’Hôtel de ville. Peu à peu le feu gagna les bourréescotrets et les tonneaux vides accumulés à une grande hauteur autour de l’arbre ; et alors, tandis que Michel Noiret, trompette juré du roi, et six compagnons trompettes jouaient des fanfares, on vit un spectacle réjouissant. Les chuts, amarrés et retenus jusquelà au pied de l’arbre, se prirent à s’élancer de toutes les façons, les uns grimpant jusqu’au plus haut de l’arbre pour retomber dans la fournaise allumée au pied, d’autres s’y précipitant de rage et s’y débattant avec des hurlements qui dominaient le bruit des trompettes. Tout à coup, du milieu des flammes, on vit s’élancer un maître chat qui gravit jusqu’à la plus fine pointe du mât, et qui, de cette hauteur, tournait autour de lui des yeux aussi flamboyants que le feu lui-même ; en même temps, on entendit par-dessus les rires do la multitude la voix d’une vieille femme qui criait de toutes ses forces : » Le voila, Martial 1 mon chat Martial, MartialI Martial 1 • La vieille avait reconnu son chat. L’animal reconnut aussi la voix de sa maîtresse, car, au moment où il était près de disparaître dans les tourbillons de flammes, il s’èlunça d’un bond prodigieux et tomba au delà du cercle, de feu qui entourait l’arbre. Les sergents qui veillaient autour pour l’attiser voulurent frapper le chat, mais il s’enfuit du côté de sa maîtresse, au milieu des rires de la cour et du peuple, ravis de voir cet animal sauvé par son intrépidité. «

Au moyen âge, avouons-le, chez les nations chrétiennes, la gent féline n’était pas à beaucoup près aussi estimée que chez les peuples infidèles. On croyait que les chats assistaient au sabbat, qu’ils y dansaient avec les sorcières, et que celles-ci, do même que le diable leur maître, prenait volontiers la forme et la figure de cet animal. On fit à ce sujet, dans la Démonomanie de Bodin, que des sorciers de Vernon s’assemblaient ordinairement en très-grand nombre dans un vieux château, sous la forme de chats." quatre hommes qui avaient résolu d’y coucher se trouvèrent assaillis par cette multitude de chats ; l’un d’eux y fut tué, les autres blessés. Les prétendus sorciers furent poursuivis, et, par conséquent, condamnés.

Aujourd’hui encore, une horrible coutume que la Révolution n’a pas abolie, c’est la manie qu’ont certaines personnes de faire mutiler leurs chats. Nous savons que jadis le prêtre de Cybèle, après cette opération, n’en était que plus considéré ; mais le chat qui a subi cet outrage est en butte aux mauvais traitements des autres chats et au mépris des chattes ; car les chattes ne sont pas du mémo sentiment que l’amante d’Abailard, qui avait assez de philosophie pour écrire : " Le cœur fait tout, disait-elle ; le reste est inutile ! « Le» chattes sont plutôt de l’avis de Psyché :

Bncor si j’ignorais la moitié de tes charmes ! Mais je les ai tous vus ! }’ai vu toutes les armes Qui te rendent vainqueur.

Au xvne et au xvine siècle, les chaudronniers avaient la spécialité de ces sortes dB mutilations. Après 1793, ce furent les frotteurs d’appartements, les écrivains publics, les cardeurs de matelas et les tondeurs da chiens, qui héritèrent de ce triste privilège. La mutilation ne s’opérait que sur les mâles ; mais la deuxième moitié du xixe siècle u vu apparaître la castration des chattes. A propos des chattes, Aristote, qui a dit tant de bonnes choses, a commis cette sottise :