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tité de chaux vive réduite en poudre grossière. Après avoir remué le tas pendant une demi-heure, on peut ou l’éparpiller ou lui donner assez d’eau pour que la chaux s’éteigne. Dans le second procédé, on délaye la chaux vive dans une quantité d’eau suffisante pour qu’elle prenne la consistance d’une bouillie claire ; on y trempe le blé, préalablement mis dans des paniers à clairevoie, et on l’y laisse pendant un temps plus ou moins long, selon la force de la chaux. La première méthode a l’avantage de rendre plus complets les effets désirés, et de permettre de semer plus tôt ; la seconde imprègne le grain d’une plus grande quantité d’eau, et accélère la germination.

Ou obtient de bien meilleurs résultats si, comme l’a conseillé Mathieu de Domba’sle, on ajouta a la chaux, du Sulfate de soude ou sel de Glauber du commerce. On commence par faire dissoudre cette dernière substance dans l’eau chaude, puis on en arrose le grain placé dans un baquet et remué à l’aide d’une pelle, de telle sorte que ce grain soit bien humecté partout, et qu’il y ait même un léger excès de liquide. On répand alors la poudre de chaux éteinte, et on brasse bien le tout, afin que chaque grain soit exactement couvert de chaux. Pour j hectolitre de semence, il faut 2 kilogr. de chaux caustique en morceaux, et 640 gr. de sulfate de soude. En opérant ainsi, on est sûr d’avoir toujours des récoltes parfaitement saines.

Mais, quel que soit le procédé adopté, l’utilité du chantage en lui-même est contestée par beaucoup d’agriculteurs. D’après M. P. Joigneaux, le chaulage de graines suspectes, de même que leur vitriolais ou sulfatage, peut rendre des services ; mais il n’y a pas-lieu de croire à l’utilité de ces opérations sur des graines de choix provenant d’épis sains. Toutes les fois que l’origine de la semence n’est pas suffisamment connue, on a raison peut-être de recourir au chaulage et au sulfatage ; mais, du moment qu’elle est bien connue et que l’on peut répondre de la qualité, il est au moins inutile de préparer la semence. Les bons effets attribués au chaulage et au sulfatage sont dus plus souvent à l’eau chaude qui sert à ces opérations qu’à la chaux, au sulfate de cuivre ou au sulfate de soude. Cette eau ramollit la graine, la gonfle, facilite la germination et hâte la levée. Or, une graine qui ne dort pas en terre, qui lève vite en plein air, produit toujours une plante mieux portante qu’une graine tourmentée pendant sa germination. Pour arriver à. ce résultat, pas n’est besoin de drogues plus ou moins vénéneuses ; il suffit de jeter de l’eau chaude sur la semence, ou mieux encore do jeter la graine dans des baquets à moitié remplis d’eau chaude ou froide, de l’y laisser séjourner un jour ou deux et d’enlever les grains qui surnagent. « En résumé, ajoute M. Joigneaux, nous tenons en médiocre estime le chaulage etlç sulfatage ; mais, aussi longtemps que le cultivateur ne pourra pas répondre de sa semence, il y aurait peut-être imprudence à les proscrire : voilà pourquoi, bon gré malgré, nous nous inclinons encore un peu devant cette pratique si controversée. •

GHAULCE s. f. (chô-se). Ancienne orthographe du mot CHAUSSE.

CHAULCE-MARINE s. f. (chô-se-ma-ri-ne). Sorte de caleçon, de chausse ou de culotte que portaient anciennement les matelots.

CHAULDRIER ou COÎVDOR1ER (Jean), un des députés que les habitants de La Rochelle envoyèrent vers le roi Jean, après le traité de Brétigny. Lorsque ce malheureux prince leur eut ordonné de reconnaître les Anglais pour maîtres, Chauldrier s’écria : « Ah ! sire, pour vous obéir, nous deviendrons Anglais, mais nos coeurs demeureront français. ■ Elu maire de La Rochelle en 1371, il résolu^ de chasser les troupes anglo-gasconnes qui tenaient garnison dans la ville. Ne pouvant employer la force, il recourut à la ruse, et alla trouver Mancel, leur commandant, auquel il dit : « Le roi d’Angleterre m’écrit de payer vos troupes, qui réclament leur solde ; il vous ordonne de les faire sortir de la citadelle et de les passer en revue. Après quoi je les payerai de leur arriéré ; d’ailleurs, voici la lettre du roi. » Et il lui remit une lettre qu’il avait reçue longtemps auparavant. Mancel, qui ne savait pas lire, reconnut néanmoins le (cachet du roi, crut ce que Chauldrier lui disait, et sortit le lendemain avec toutes ses troupes. Le maire lit placer alors de nombreux hommes d’armes entre le fort et les Anglais ; à cette vue, l’ennemi, déconcerté, se rendit à discrétion. Le château, défendu par une douzaine d’Anglais, refusa quelque temps de se rendre : Chauldrier fit amener sous ses murailles ses principaux prisonniers et annonça aux défenseurs de la citadelle que, s’ils ne se rendaient pas à l’instant même, oh allait massacrer leurs compatriotes. Les Anglais lui remirent la forteresse.

Ronsard, dans les vers suivants, s’honore d’appartenir à la famille de Chauldrier :

Du côté maternel, j’ai tiré mon lignage De ceux de La Trimouille et de ceux du Bouchage, Et de ceux des Réaux, et ceux des Chauldriers Qui furent eti tout temps si vertueux guerriers, Que leur nobla vertu, que Mars rend éternelle, Reprind sur les Anglois les murs de La ïtochelle, Où l’un de mes aveux tut si preux, qu’aujourd’hui Une rue à son lans (louange) porte le nom de lui.

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CHAULÉ, ÉE (chô-lé) part, passé du v. Chauler. Amendé avec de la chaux : Une terre chaulée, Il Trempé dans la chaux : Avant d’être confiée à la terre, la semence doit être chaui.be, c’est-à-dire déposée pendant quelques heures dans une lessive de chaux vive. (Raspail.)

CHAULELASME s. ni. (chô-le-Ia-sme). Ornith. Syn. de ciuuliode.

CHAULER v. a. ou tr, (chô-lé —rad. chaux).Agric. Amender avec de la chaux : Le Cultivateur ne doit jamais chauler de terrains trop humides. (A. Malo.) Il Tremper dans une solution de chaux ou même dans d’autres substances, telles que le sulfate de cuivre, pour détruire les germes des champignons parasites : Les cultivateurs doivent chauler leurs froments. (Bosc.)

Chauler des fruits, des raisins, Les asperger d’eau de chaux pour empêcher les passants d’en prendre, il Chauler un arbre, Le laver avec un lait de chaux.

Se chauler v. pr. Être chaulé : Tous les terrains ne doivent pas sk chauler.

CHAULIAC ou CAUL1AC (Gui de), savant chirurgien français, né à Chauliac, dans le Gévaudan, vivait dans le seconde moitié du xive siècle. Après avoir professé la médecine à Lyon, il se rendit à. Avignon, où il fut successivement médecin des trois papes Clément VI, Innocent VI et Urbain V. C est dans cette ville qu’il composa son principal ouvrage intitulé : Inventorium, sive collectorium partis chirurgienlis médicinal, traduit en français par Laurent Joubert, sous le titre de Grande chirurgie, et qui a contribué plus que tout autre à faire de la chirurgie un art méthodique et régulier. C’est à Gui de Chauliac que nous devons la description de la peste qui ravagea une grande partie de l’Europe en 1348.

CHAULlER s, m. (ehô-lié — rad. chaux). Celui qui exploite un four à chaux.

CHAUL1EU (Guillaume AmfrYE, abbé de),

f)Oëte français, né à Fontenay en 1639, dans e Vexin normand, mort à Paris en 1720. (1 s’attacha au grand prieur de Vendôme, dont il partageait les goûts épicuriens, et qui lui lit obtenir de nombreux bénéfices. L’opulent abbé se garda bien d’ailleurs de satisfaire aux règlements canoniques de la résidence. Eixé auprès de ses protecteurs, dans une délicieuse retraite de l’enclos du Temple, l’un des membres les plus brillants de cette société de gens de lettres et d’épicuriens dont le duc de Vendôme était le Mécène, il ne s’occupa, pendant toute sa vie, que de ses plaisirs, et n’employa son talent qu’à les chanter. On l’avait surnommé l’Anacréon du Temple. Voltaire, tout en lui donnant une place dans le Temple du goût, l’avertit cependant qu’il n’est que le premier des -poètes négligés. Les vers de Chaulieu, écho de ceux de Chapelle, sont écrits en effet avec un abandon qui ressemble trop à de la négligence ; mais ils ont de la grâce, de la facilité, de l’enjouement et du naturel. Ils sont empreints de l’insouciance et de l’épicurisme de l’auteur, qui s’enflamma, à près de quatre-vingts ans, d’une belle passion pour Mlle de Lanimy (plus tard M’ue de Staal). Les deux citations suivantes peuvent donner une idée du genre de ce poète :

Après de longs soupirs, j’ai fldchi ma Cîi’mène ; Depuis cet heureux jour, je sens mourir un feu Qui brûla tout le temps qu’elle fut inhumaine ; Hélas ! si tes plaisirs doivent durer si peu, Pourquoi, volage Amour, coûtent-ils tant de peine ?

Voila l’inspiration purement erotique. Veuton y voir s’ajouter l’inspiration bachique pour avoir l’abbé de Chaulieu au complet ?

J’avais juré, quelque cher qu’il m’en coûte, De par le chef de monsieur saint Martin, Que pour guérir les douleurs de ma goutte 3e ne boirois de meshui plus do vin ; Bien me trouvois de ce sage régime ; De plus en plus ferme en cette maxime, J’oubliois jà ce jus délicieux, Quand un enfant vint s’offrir a, mes yeux, Qui dans Al ne faisoit que de naître. Qu’il eloit beau, vif, piquant, gracieux !

À peine le vis-je paroltre Que soudain de ma bouche il passa dans mon cœur ; 11 y remit battement et chaleur ; Puis, réchauffant tout à coup ma pensée,

Par l’eau déjà toute glacée. Il rappela, par ses douces vapeurs, Muses et vers, d’aimables rêveries, Les bois, les fleurs, les ruisseaux, les prairies, L’enchantement de cent autres erreurs. Mieux fit encore : me rappela vos charmes, De nos plaisirs le tendre souvenir ; Lors je laissai doucement revenir Cet autre enfant, qu’autrefois tant de larmes Entre nous deux n’auroient pu retenir. Et jurai bien, soit folie ou sagesse, Que passerais avec ces fripons-14 Quelques beaux jours qu’encor me laissera Le triste hiver qu’on appelle vieillesse.

On connaît les principales pièces de Chaulieu : Ode sur l’inconstance, la Retraite, la Goutte, la Solitude de Fontenay, etc. On sait aussi qu’il ne put pas arriver à l’Académie française, grâce à l’opposition inflexible et tenace de Louis XIV, qui n’aimait pas les abbés libertins, la galanterie en petit collet. Le crédit de Condé et de Vendôme n’y purent rien. La meilleure édition des œuvres de Chaulieu est celle de 1774". On réunit souvent ses

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poésies a celles de son ami le marquis de La Pare.

CHAULIODE s. m. (kô-li-o-de — gr. chauliodous, qui a des dents saillantes ; de chaulios, enflé, et odous, dent). Ornith. Genre de canards.

— Ichthyol, Genre de lucioïdes ou brochets, dont la mâchoire est armée de très-longues dents, et dont on connaît une seule espèce trouvée près de Madagascar.

— Entom. Genre de uévroptères, voisin des éphémères, il Genre de lépidoptères nocturnes, de la tribu des tinjites.

CHAOLIODONTE adj. (kô-li-o-don-te — gr. nhauliodous, qui a des dents saillantes ; de chaulias, enflé, et odous, dent). Mamm. Qui a des dents faisant saillie hors de la bouche, comme l’éléphant, le sanglier, etc.

CHACLIOGNATHE s. m. (kô-li-ogh-na-te — du gr. chaulios, saillant ; gnathos, mâchoire). Entom. Genre de coléoptères pentarnères malacodermes.

CHAULIOMORPHE s. m. (kô-li-o-mor-fedu gr. chaulios, saillant ; morphê, forme). Entom. Genre de lépidoptères, syn. de chauliodb.

CHAULMAGE s. m. (chôl-ma-je — rad. chaulme, qui s’est dit pour chaume). Agric. Action de couper le chaume. Il Vieux mot.

CHAULME s. m. (chôWne). Ancienne orthographe du mot CHAUME.

CHAULMER (Charles), littérateur français, né en Normandie, mort en 16S0. Il se rendit k Paris, où il se lia avec la plupart des hommes de lettres de son temps, et s’adonna à la littérature. Il devint, comme nous l’apprend le privilège pour l’impression d’un de ses ouvrages, conseiller du roi et historiographe de France. Chaulmer était doué d’une extrême fécondité ; il s’essaya dans divers genres, sans réussir dans aucun. Ses principaux ouvrages sont : Abrégé de l’histoire de France (1G36) ; le Nouveau monde ou l’Amérique chrétienne (1663) ; Tableaux de l’Europe, Asie, Afrique et Amérique (1664, 4 vol.), etc.

CHAULMINE adj, (chôl- ihi - ne — rad. chaulme). Couvert de chaume : Cabane chaulmine. H Vieux mot.

— s. f. Forme ancienne du mot chaumine. CHAULMOOGRE s. f. (chol-mou-gre). Bot.

Syn. d’HYDNOCARPE.

CHAULNES (Calneria), bourg de Franco (Somme), ch.-l. de cant., arrond et à 1S kilom. S.-O. de Péronne ; pop. aggl. 1,150 hab.pop. tôt. 1,170 hab. Commerce de grains, laine, bestiaux, moutons. On voit à Chaulnes les restes d’un beau château vanté par Mme de Sévigné ; la statue du grammairien Lhomond, sur la place principale du bourg. La terre de Chaulnes, en Picardie, appartenait anciennement h la maison de Brimeu.d’où elle passa dans celle d’Ongnîes, en faveur de laquelle elle fut érigée en comté, en 1563. La sœur et héritière de Louis d’Ongnies, comte de Chaulnes, porta sa succession dans la maison d’Ailly. Emmanuel-Philibert d’Ailly, vidame d’Amiens, qui l’avait épousée, ne laissa qu’une fdle, Charlotte-Eugénie d’Ailly, qui, par son mariage avec Honoré d’Albert, ht entrer le comté de Chaulnes dans cette maison. Il fut érigé en duché-pairie, sous le nom de Chaulnes, en 1G-21, en faveur de ce même Honoré d’Albert, maréchal de France, dont la postérité mâle s’éteignit en 1698, en la personne de Charles d’Albert, duc de Chaulnes, en sorte que cette pairie se trouva éteinte. Louis-Auguste d’Albert, arrière-cousin dudernierde Chaulnes, hérita de sesdomaines, et obtint, en 1711, le rétablissement en sa faveur du duché et de la pairie pour la seigneurie de Chaulnes.

Les principaux membres de cette famille sont les suivants :

CHAULNES (Honoré d’Albert, duc de), maréchal de. France, mort en 1C49. Il fut d’abord connu à la cour sous le nom de seigneur de Cadenet, et, grâce à la protection de son frère, deLuynes, favori de Louis XIII, il eut une élévation rapide. Il fut nommé maréchal en 1619, duc et pair en 1621, assista aux sièges de Saint-Jean-d’Angely et de Montauban, combattit les Espagnols dans la Picardie, dont il fut gouverneur de 1633 à 1643, et mourut gouverneur de l’Auvergne,

CHAULNES (Louis - Auguste d’Albert d’Ailly, due de), maréchal de France, né en 1676, mort en 1744. Il combattit en Flandre, en Italie, à Rainillies, à Oudenarde, à Malplaquet, à Denain, aux prises de Marchiennes, du Quesnoy, de Bouchain, reçut le gouvernement d’Amiens et de Corbie, et servit de nouveau au siège de Philipsbourg.

CHAULNES (Michel-Ferdinand d’Albert d’AUi, y, duc de), descendant du précédent, militaire et savant, né en 1714, mort en 176». Il fut pair de France, lieutenant général et gouverneur de Picardie. Passionné pour les sciences, il y consacra une partie de sa vie, et employa presque tous ses revenus à faire construire des instruments et à former des collection". En 1713, il fut reçu membre honoraire d^ l’Académie des sciences. Jl n fait d’intéressantes expériences sur l’optique et l’électricité. Outre divers mémoires diins lo Journal de physique et dans le recueil de l’Académie, il a laissé une Nouvelle méthode pour diviser les instruments de mathématiques (17GS).

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CHAULNES (Marie-Joseph d’Albert d’Ailly, duc i>b), fils du précédent, chimiste et naturaliste, né en 1741, mort en 1793. Il quitta, le service à vingt-quatre ans pour se consacrer entièrement aux sciences, entreprit plusieurs voyages, visita l’Égypte et fit dans ce pays des observations intéressantes. On lui doit des recherches utiles en chimie. Il prouva que l’air méphitique des cuves de brasserie est de l’acide carbonique, enseigna le moyen de faire cristalliser les alcalis en les saturant d’acide carbonique au-dessus d’une cuve de bière, et proposa un moyen de secourir les asphyxiés, en leur administrant sous différentes formes l’alcali volatil. Il eut même le courage d’expérimenter son procédé sur lui-même, en s’asphyxiant par la vapeur du charbon, après avoir donné à son valet les instructions nécessaires pour qu’il le rappelât a. la vie.

CHAULTHIE S. f. (chôl-trî). V. CHAUDERIE.

CHAUMAGE s. m. (chô-ma-je — rad. chaume). Agric. Action de couper le chaume. || Époque à laquelle on le coupe.

— Homonyme. Chômage.


CHAUMARD ou CHOMARD s. m. (chô - mar). Nom donné à des blocs de bois percés de plusieurs clans qui reçoivent des réas. || Gros montant de bois que l’on fixe sur un banc du premier pont, dans les grands bâtiments, et qui reçoit les garants des drisses des basses vergues, ainsi que ceux des guinderesses du mât de hune. Cet appareil n’est plus guère usité.


CHAUMAREYX (Hugues, vicomte Duroy ou Duroys de), capitaine de vaisseau, né à Vars (Corrèze) en 1766. Il doit sa triste célébrité au désastre de la frégate la Méduse, désastre qui fut dû en grande partie à son inexpérience, et qu’il ne sut pas racheter par une conduite dévouée et courageuse à l’heure du danger. Revenu de l’émigration avec le grade de capitaine de vaisseau, Chaumareyx reçut, en 1816, le commandement de la Méduse, frégate qui portait 400 hommes, avec l’ordre de faire voile pour le Sénégal. Arrivé dans les parages du cap Blanc, Chaumareyx, en dépit de tous les conseils, de toutes les prédictions de ses officiers, vint donner à pleines voiles sur le banc d’Arguin, signalé par toutes les cartes, et indiqué même dans les instructions spéciales dont était porteur l’inexpérimenté capitaine ; et cela, sans tempête, sans gros temps, sur une belle mer et dans cette zone de vents alizés où l’on est maître absolu de sa route. On sait ce qui suivit le moment où la Méduse toucha le banc d’Arguin : officiers, équipage, soldats, passagers se jetèrent dans les chaloupes et sur un radeau construit à la hâte. Le terre était à douze lieues, tout le monde pouvait encore être sauvé. Mais le capitaine ne sut pas montrer plus d’énergie à ce moment décisif qu’il n’avait montré d’habileté et d’expérience dans la navigation. Le sauvetage, grâce à son indécision, s’opéra dans le plus grand désordre ; on s’embarqua précipitamment et pêle-mêle ; on chargea tellement d’hommes les canots et le radeau, qu’il fallut jeter bientôt les provisions à la mer. M. de Chaumareyx entra l’un des premiers dans l’une des embarcations, et arriva sain et sauf à terre, après trois jours de houle. Les autres embarcations atterrirent également après une navigation plus difficile. Quant aux 148 hommes abandonnés sur un radeau, au milieu de l’océan, avec quelques barriques de vin et un quart de farine mouillée, l’histoire et le beau tableau de Géricault ont rendu leurs malheurs populaires. Ils n’étaient plus que quinze quand ils furent recueillis par le brick l’Argus, et neuf seulement survécurent à ces épouvantables épreuves. Enfin, cinquante-deux jours après l’échouement, l’Argus recueillit encore sur la coque de la Méduse, trois matelots, sur les dix-sept qui n’avaient pas voulu quitter la frégate. Ainsi 153 hommes au moins furent victimes de l’inexpérience du capitaine de vaisseau de Chaumareyx, qui a encouru ainsi devant l’histoire une lourde responsabilité.

À son retour en France, M. de Chaumareyx fut traduit devant un conseil de guerre, qui le condamna à trois ans de prison militaire, le déclara déchu de son grade et incapable de servir l’État. Tardive expiation, moins sévère que celle que la postérité réserve à ceux qui ont si mal rempli leur devoir à l’heure du danger.

De pareilles catastrophes sont bien faites pour inspirer de sérieuses réflexions. De tout temps, les gouvernements, pour récompenser ce qu’ils appellent leurs serviteurs, ont distribué à tort et à travers, à l’incapacité servile ou fidèle, des places auxquelles le mérite seul devrait donner accès. Tant que ces injustices ne compromettent que le fonctionnement plus ou moins parfait d’une administration, qu’elles n’affectent que les deniers publics, le mal, toujours regrettable, peut du moins être réparé jusqu’à un certain point ; mais lorsque follement on confie à un homme notoirement incapable la vie de quatre cents personnes, c’est se rendre complice volontaire d’un inévitable désastre. Nous n’hésitons pas à faire remonter jusqu’au gouvernement de la Restauration la responsabilité du deuil qui vint frapper trois cents familles. La conduite du conseil de guerre, épargnant M. de Chaumareyx, qui, ayant abandonné son navire avant que le dernier homme de l’équipage l’eût quitté, eût dû,