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ressources, seule avec son ennemi, profitant de l’ombre et du silence pour redoubler ses désirs, renversant les flambeaux et de son poignard coupant ses lacets. De Mergy n’est cependant pas ridicule, parce qu’on le sait’ brave, et que, s’il tremble devant Diane, il n’hésite nullement lorsqu’il s’agit de jouer sa vie.

Le type de Diane résume les portraits des Dames galantes de Brantôme, avec moins de liberté et plus de poésie. Dès les premières pages, on comprend qu’elle n’a jamais connu d’amour comme celui de Bernard ; jusqu’alors elle n’avait été aimée que pour sa beauté, et elle entrevoit, dans les empressements respectueux de Mergy, une affection plus élevée, " qu’elle est fière d’inspirer. Quand Mergy veut la quitter, indigné des horreurs de la Saint-Barthélémy, et qu’après avoir vainement

tenté sa conversion elle essaye de le retenir en l’étreignant dans ses bras, elle s’élève aux accents les plus pathétiques de la passion. Il y a dans son amour furieux quelque chose de la colère naturelle d’une bonne défendant ses lionceaux. Le danger a sanctifié son amour en le décuplant.

La Chronique du temps de Charles IX est moins un roman qu’une suite de chapitres tour à tour ingénieux ou émouvants. Bien que l’attention se concentre sur Diane et sur Bernard, le lecteur voit défiler trop de personnages, qui le fatiguent en retardant la marche du récit, et regrette que ces chapitres si bien faits, écrits d’une main si sûre, ne soient pas plus étroitement liés. Néanmoins, l’intérêt ne faiblit jamais, parce que tous les acteurs du drame, môme les comparses, sont bien vivants, et parce que leur langage se recommande par son accent de vérité. Le livre révèle une connaissance profonde du xvie siècle. Peut-être les couleurs sont-elles un peu vives et l’amour analysé avec une précision trop voisine de la science médicale.

o Pour tous les esprits de bonne foi, dit Gustave Planche, ces deux figures sont deux créations puissantes. Je dis créations, car elles portent l’empreinte d’une imagination vive et féconde ; mais je suis convaincu que l’auteur a trouvé dans ses souvenirs le type de ces deux figures. Il a connu Mergy et Diane sous d’autres noms ; il a donné plus de hardiesse et de précision à leurs traits, mais il n’a pas tracé une ligne au hasard. Il ne s’est aventuré sur le terrain de l’invention qu’après avoir étudié à loisir les types qu’il voulait agrandir. Mergy et Diane sont admirablement vrais, parce qu’ils relèvent a la fois de la mémoire et de la méditation, comme toutes les grandes figures de la poésie. »

Le style est clair, net, élégant, et la parole ne semble que la très-humble servante de la pensée, à Qu’a-t-il fallu, dit M. de Lagenevais, a Mérimée, ce maître, ce modèle de sobriété, de sûreté et de justesse, pour rendre Diane de Turgis vivante, visible et palpable, pour nous faire croire que nous la connaissons et que nous allons l’aimer comme Bernard ? « Un léger souffle de vent souleva le bas de sa longue robe de satin, et laissa voir, comme o un éclair, un petit soulier de velours blanc et quelques pouces d’un bas de soie rose, » Pas un mot de plus, et l’on peut ajouter, sans songer à mal, que le diable n’y perd rien. »

Nous ne pouvons mieux terminer que par cette appréciation de M. Sainte-Beuve :

« M. Mérimée se prend de préférence, dans le choix de ses sujets, à des époques où les particularités ne sont pas trop commandées par un ordre dominant. Aussi le xvie siècle lui va à merveille, parce que ie moyen âge, en s’y brisant, le remplit d’éclats, et qu en crimes et en vertus l’énergie individuelle, poussée à son comble, y hérite directement de tout ce qu’avait amassé, durant des siècles, l’organisation féodale et catholique. Son talent d’observation et son génie de peintre y triomphent da’ris le choc violent des événements et l’originalité des caractères. Il s’y complaît et y excelle. »

Chronique. Il a paru sous ce titre un grand nombre de journaux et de recueils périodiques, et notamment plusieurs Chroniques de Paris, la Chronique de France (1791) ; la Chronique nationale et étrangère (1700-1792), avec cette épigraphe : La liberté sans la raison est une arme funeste ; la Chronique scandaleuse, journal royaliste (1789, 33 numéros) ; la Chronique scandaleuse de l’aristocratie, par Châles (fructidor an II, nivôse an III, 16 numéros) ; la Chronique universelle, la Chronique politique, la Chronique religieuse, organe du jansénisme, par Grégoire, Laujuinais et autres (1819-1821, G vol.) ; la Chronique édifiante, organe des ultras (1828-1829), etc. Nous allons analyser quelques-unes de ces publications, autant du moins que des journaux peuvent s’analyser.

Chronique de Varia (la), un des jOUmaUX

les plus importants des premières années de la Révolution, fondé par Millin, qui a tant contribué à répandre on France le goût de l’histoire naturelle et de l’archéologie, et par Noël, si connu depuis par ses nombreuses publications classiques. Il parut du 24 août 1789 jusqu’au 25 août 1793 (8 vol. in-4"). Le marquis de Villette, Manuel, procureur de la commune, escarmouchaient en volontaires dans les colonnes de cette feuille, qui était d’abord dans la nuance du parti constitutionnel, mais sans être inféodée au feuillantisme, et qui

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dériva sensiblement vers les idées républicaines à dater de !a fuite de Varennes. Elle fut dès lors un des organes des girondins. En novembre 1791, Condorcet apporta sa collaboration à la Chronique, où il rédigea habituellement l’article Assemblée nationale. Rabaut, Ducos, y écrivirent également. Anacharsis Cloots y donna fréquemment des articles jusqu’à l’époque où les dissentiments politiques séparèrent en groupes ennemis la plupart des hommes du parti de la Révolution.

Après la chute de la Gironde, la Chronique, déjà languissante et privée dès lors de ses principaux rédacteurs, ne fit plus que se traîner et expira obscurément le 25 août. La collection de cette feuille est fort recherchée. Les principaux articles du marquis de Villette ont été réunis en un volume sous le titre de Lettres choisies sur les principaux événements de la Dévolution,

Chronique scandaleuse (la), publiée en

1791 par Rivarol et autres plumes batailleuses que ■ conduisaient la raison et l’amour de 1 humanité, ■ — lisez : la haine de la Révolution. Ce journal, « badin, mais ardent ; bouffon, mais austère, » avait pris l’engagement solennel de n’épargner personne et de ne rien respecter. Il tint largement sa parole : c’est une vraie boutique de scandale. Très-curieux, du reste.

Chronique du ’Mnnégo (la), par Marchant, auteur de la Constitution en vaudevilles (1789, in-8°, 24 nos, i vol.). C’était un journalpamphlet, dans l’esprit ultraroyaliste des Actes des Apôtres. Le Manège est ici une allusion à la salle où l’Assemblée nationale tenait alors ses séances, et l’on devine que le but du journal était de ridiculiser les actes et les membres de la Constituante. Nous trouvons dans le n° 15 le passage suivant : « Un aristocrate de mes amis vient de mourir de plaisir à la lecture des nouveaux décrets de l’Assemblée nationale, sans avoir eu la douce consolation de payer sa contribution patriotique. Ce qui peut excuser une pareille négligence, ce sont ses rentes non payées, la suppression de sa charge, ses biens ravagés, son château incendié, auquel il mit lui-même le feu pour faire niche aux démagogues, et dans lequel il avait enfermé sa femme et ses enfants, afin de mieux cacher son jeu. Les héritiers du gentilhomme cherchèrent parmi feu son bien de quoi composercette contribution patriotique ; ils ne trouvèrent qu’une grande bibliothèque qui contenait les livres suivants : l’Art des délations, les Déguisements nationaux, Description de la tour de Babel, De l’habitude de prendre les poches de ses voisins pour les siennes, etc. »

C’est au moyen de semblables pasquinades, qu’ils jugeaient fort spirituelles, que les royalistes s’imaginaient enrayer la Révolution.

Chronique du mois OU les Cnliiers patriotiques, de Clavière, Condorcet, Mercier, Bonneville, Garrau de Coulon, Brissot et autres. Recueil de politique et d’économie sociale assez semblable à nos revues actuelles, et qui paraissait sous les auspices et avec le concours de quatorze écrivains patriotes, dont chacun était chargé d’une partie distincte : Clavière avait les finances, Condorcet la législation et l’instruction publique, Kersaint la marine et les colonies, Garrau de Coulon la jurisprudence, etc. Ce recueil, qui contient des travaux solides et d’un haut intérêt, parut de novembre 1791 à juillet 1793, et forme 21 cahiers.

Chronique do Paris (la), petit journal bimensuel, fondé le 1er janvier 1850, par M. de Villemessant, avec le concours de MM. de Rovigo, Jouvin, Balathier de Bragelonne, Théodore Anne, Ch. de Besselièvre, Théodore Muret, comtesse de Bassanville, etc. La couverture de cette feuille, à la fois politique, littéraire et surtout épigrammatique, ne manquait pas de ragoût, puisqu’elle étalait en pleine république les armes flanquées de fleurs de lis du dernier Bourbon. Il faut dire aussi que son créateur criait Vive le roi.’ à tue-tête, sans beaucoup réussir, il est vrai, à faire retourner la tête aux gens, et qu’il houspillait à tout propos pour l’honneur de ’son prince les citoyens assez entichés de la République pour ne pas lui préférer Henri V. Un pèlerinage à Wiesbaden, pèlerinage conté et raconté sur un mode élégiaque à la France, hélas I trop peu attentive, achevait de montrer le but que poursuivait M. de Villemessant, qui d’ailleurs était loin de cacher ses opinions et en faisait même étalage à tout propos avec une forfanterie peu commune : « Voici ma profession de foi, écrivait-il un jour, ce sera la dernière. Je suis royaliste et je mourrai avec mes convictions premières, parce qu’on ne change pas de religion, surtout quand on a le bonheur d’en avoir une comme la mienne. Je suis jeune, et nous mourons vieux dans ma famille ; donc, en supposant que l’opinion à laquelle je suis fier d appartenir pût devenir plus tard une de ces curiosités qui survivent exceptionnellement aux idées et aux mœurs d’un autre âge, j’aurais la noble ambition d’être montré pour de l’argent à nos arrière-neveux, comme le dernier des royalistes, un royaliste qui n’a jamais changé, et, surtout, qui n’a jamais rien demandé) j> Certes il y aurait à gloser quelque peu sur ce petit échantillon de prose blanche, mais celui qui le fournit nous a prouvé depuis bien longtemps que la modestie n’entre pas dans son jeu ; la modestie 1 c’est son moindre

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défaut. Voilà donc M. de Villemessant et son gendre Jouvin et son ami de Rovigo et tous les hérauts de la monarchie restaurée qui déjà sonnent de la trompe au nom du roi, mais un article intitulé Déconciliation de la famille royale (mai 1850) est repoussé avec dédain par les abonnés à perruques, comme une transaction qui frise l’apostasie ; un peu plus tard, à propos de la dotation et des revues de Satory, deux autres articles font accuser le rédacteur en chef de bonapartisme : les douairières poussent de petits cris qui mettent la puce à l’oreille de ce dernier, et M. de Villemessant demeure convaincu que, dans le champ où croissent les lis, on est loin de s’entendre toujours. C’est quelque chose d’assez curieux que de voir aujourd’hui avec quelle verve batailleuse les républicains étaient attaqués, poursuivis, malmenés, eux, leurs personnes et leurs actes. Tout était sujet de critique et de dénigrement, le nez de celui-ci, les souliers de celui-là. Il y avait une sorte de rage et de lièvre dans la façon de lancer ces fusées qui allaient éclater et rebondir sur l’Assemblée ou à l’Élysée, les bonapartistes en voyaient aussi de cruelles. Louis Napoléon et les siens étaient le point de mire des quolibets les plus audacieux ; parfois on prenait le ton grave et l’on ne parlait plus que de l’orgie démocratique. Alors le noble faubourg souriait et croyait que c’était arrivé. Après deux années d’existence difficile, la Chronique de Paris, qui avait tout •fait pour déconsidérer le gouvernement républicain, subit le sort de ce dernier, et fut supprimée comme lui ; mais ce ne fut pas au profit d’une nouvelle restauration des Bourbons, encore moins de la liberté de la presse.

La collection de la Chronique de Paris, à peu près introuvable aujourd’hui, est des plus curieuses à consulter. Entre autres articles a3’unt trait aux événements, nous citerons : Les royalistes et la candidature du prince deJoinville ; Une page des étals de service de M. Odilon Barrot ; Mort de M"«> la duchesse d’Angoulùme. Dieu sauve la France ; Autographe de Mme la duchesse d’Angoulàme ; Les salons en deuil ; Quelques pages du passé ; La presse française sur la tombe de Marie-Thérèse ; Lettres à M. le président de la Dépublique ; Alliance rompue ; La semaine des Barricades ; Pourquoi les rois sont tombés ; Suppression de la garde nationale ; La noblesse française ; Une page d’histoire du 2 décembre ; Que devonsnous faire ? Le journal /’Univers et l’opinion légitimiste ; Le legs du dernier des Condé ; Un renfort politique ; Le 13 février ; Du nouveau régime de la presse ; Distribution dm aigles ; Froltsdorf et Claremont ; La question de l’Empire, etc., signés de Villemessant, de la Pierre, René de Rovigo, de Bragelonne, Laurentie, Th. Anne, Th. Muret, Charles de !a Varenne, etc. De plus, la Chronique ne laissait pas passer un anniversaire légitimiste sans le saluer d’un article bien senti : Anniversaire de la mort de Louis XVIII ; Anniversaire de la naissance de Henri V, etc. Tous ces morceaux étaient d’une modération inouïe, si on les compare aux Nouvelles à la main qui reparaissent à chaque numéro découpées à l’emportc-pièce, incisives, mordantes, impitoyables. Il en est que nous ne pouvons reproduire, on devine pourquoi. Cueillons çà et là, au hasard, parmi les plus anodines :

« 11 janvier 1852.— Le Français ritde tout ; les choses les plus graves sont, pour lui, matière à jeux de mots, témoin le calembour que, depuis quelques jours, on se passe de bouche en bouche.— En quittant l’Élysée pour lesTuileries, le président a fait cinq cadeaux de sa garniture de cheminée ; il a donné : la pelle au peuple ; les pincettes au préfet de police ; le soufflet à la Législative ; le garde-cendres au maréchal Jérôme Bonaparte, et le balai aux socialistes. »

« 21 février. — Avez-vous vu la nouvelle monnaie de la République ? — Avec l’effigie du président ? — Oui... c’est un empereur sur numéraire. »

« 29 février. — Un bon vieux paj’san, appelé

par ses concitoyens aux honneurs de l’écharpe municipale, monte sur une chaise au sortir de l’élection, et harangue en ces termes ses nouveaux administrés : « Mes chers concitoyens, mon cœur n’oubliera jamais l’heureux jour où vous avez fait à mes cheveux blancs l’honneur de les mettre à votre tête. »

o i" août.—On demandait au docteur Louis Véron : — Eh bienl comment vous entendezvous avec l’Élysée ? — Oh ! mon Dieu ! répondit-il en haussant les épaules, je fais comme Jean-Jacques lorsqu’il était laquais : je porte ma livrée avec courage ! •

« Nous ne jurerions pas que l’anecdote qui suit soit de point en point historique ; mais enfin, puisqu’elle a cours dans le public, nous nous permettrons de la reproduire, sous bénéfice d’inventaire : c’était le 4 décembre dernier.... Un officier d’ordonnance accourt au grand galop provenir le général Saint-Arnaud qu’une barricade s’élève à la porte Saint-Denis. Il arrive au moment précis où le ministre, en proie à un rhume obstiné, lutte avec une quinte formidable. En deux mots, il peint l’état des choses, les progrès alarmants de l’insurrection et demande promptement des ordres. — Ma sacrée touxl s’écrie d’une voix étouffée M. de Saint-Arnaud en faisant des efforts désespérés pour recouvrer le libre. usage de la parole. Nouvelle quinte provoquée par cette explosion d’impatience.1—Mais, général, les boulevards sont couverts de monde,

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les manœuvres sont gênées par la foule, et l’on craint... — Ma sacrée toux ! ma sacrée toux I Sur ce, notre officier salue, pique des deux et reporte à son chef la réponse. Encore un calembour à ajouter à l’histoire du calembour ! •

« On lit dans la feuille de M. Véron, à l’occasion de la chambre basse :« Le Corps législatif continuera d’être inviolable comme par le > passé. » — Ah ! le bon billet qu’a La Châtre ! o

« À présent que la politique est exclue, ou peu s’en faut, des grands journaux, voilà le calembour qui s’en empare. Il circule dans les salons un mot qu’on attribue, comme d’usage, au grand faiseur, M. Dupin. — Savez-vous où nous mène l’an 1852 ? — À l’empire. »

Encore un calembour en circulation ; Le Sénat et le Corps législatif sont doux corps aux pieds du président, mais qui ne l’empêchent pas de marcher. •

« Il est très-sérieusement question, dans les parages du pouvoir, d’une grande distribution de parchemins destinés à. constituer le noyau de la noblesse du nouveau régime. On assure que, suivant l’exemple de l’empire, on s’attachera, autant que possible, à ce que les titres conférés rappellent quelque action d’éclat accomplie par le titulaire. C’est ainsi que M. Bineau, dont le nom est si glorieusement lié à la conversion du 5 pour 100, serait créé duc à’Ote-rente. »

« Figurez-vous, contait un ex-adorateur de Mme Doche, que, devisant un jour avec elle, j’aperçois le lacet de sa bottine qui flottait et la menaçait d’une chute. Je m’incline, plie le genou et me voilà... — Ainsi qu’Hercule aux pieds d’Omphale, interrompit un des ses auditeurs.

— Oui, mais j’ai filé quand j’ai vu les fuseaux. ■

«Une princesse du sang... impérial, qui ne dédaigne pas de se poser en quêteuse pour le compte de ses nombreux protégés", sollicitait tout récemment une place de préfet auprès de M. de Persigny : — En vérité, princesse, répondit le ministre, vous me voyez au désespoir, je n’ai absolument rien de disponible--Comment, mon cher ministre, pas une pauvre petite préfecture... fût-ce un département de rebut ? — Pas une seule, je vous en fais serment... Jen’ai plusque dessous-préfectures, ., ?

— Eh bien ! alors, donnez-m’en deux, i

« M. Ingres vientd’abjurerun peu tard lavis de garçon. On assure qu’il aurait à cette occasion régalé les rapins de son atelier d’un gala monstre peu digne de sa réputation d’économie. « Eh mais ! a dit un de ses convives, en sortant quelque peu ému de ce festin de Balthazar, je ne le trouve pas trop pingre.»

Nous ne voulons pas multiplier nos citations. Nous en avons assez dit pour qu’on ne soit pas étonné si, dans un pays où la liberté de la presse est encore un mythe, la Chronique ait plus d’une fois été visitée par la saisie. Ce qui faisait dire un jour au rédacteur en chef : o... Le parti le plus prudent et surtout le plus lucratif est de se mettre au diapason de MM. Granier (de Cassagnac), Céséna, La Guéronnière et tutti quanti, et d’entonner toujours l’air à la mode. Voilà, du moins, des braves qui connaissent et qui pratiquent l’art de se mettre à l’abri des rigueurs du parquet. La France changeât-elle vingt fois de maître, leur place n’est jamais ailleurs qu’à côté de la marmite gouvernementale. C’est toujours là qu’on les retrouve, faisant Cuire leur bœuf Apis de la veille, en l’entourant de carottes tirées par eux à tous les pouvoirs. »

Chronique do I.ngrange. Ce manuscrit précieux est conservé dans les archives de la Comédie-Française, et ne tardera sans doute pas à être livré à l’impression. Sur la couverture on lit : Extrait des recettes et des affaires de la Comédie, depuis Pâques de l’année 1659 jusqu’au l" septembre 1785, appartenant au sieur de Lagrange, l’un des comédiens du roi. C’est l’histoire la plus fidèle que nous possédions de Molière et de sa troupe ; les moindres détails y sont notés avec un soin scrupuleux, et l’on assiste avec émotion à l’enfantement de tous les chefs-d’œuvre de l’immortel aufeur. La Chronique de Lagrange a donc une importance capitale ; elle éclaire" d’un jour nouveau plus d une question controversée, et sa lecture est indispensable à tous ceux qui se préoccupent des gloires de notre littérature. Dès le début, Lagrange nous dit que le sieur Molière et sa troupe arrivèrent à Paris au mois d’octobre 1658, et se donnèrent à Monsieur, frère du roi, qui leur accorda l’honneur de sa protection, avec 300 livres de pension pour chaque comédien. Malheureusement, une note ironique de Lagrange nous apprend bien vite que si le protecteur n’a pas manqué, les 300 livres n’ont jamais été payées. Au reste, Molière avait encore plus besoin de protection que d’argent, dans cette lutte acharnée qu’il entreprenait contre les sots. La troupe ne comprenait que douzo artistes, dont nous pouvons donner les noms, car ils appartiennent à l’histoire : Molière, Béjard, Duparc ; Lépie, Debrie, de Croisy, Lagrange, M«’«8 Béjard, Debrie, Duparc, de Croisy et Hervé. Cette petite troupe devait jouer à la fois la comédie, la tragédie et la bouffonnerie. À cette époque, les recettes restaient bien loin des chiffres actuels. Il est juste d’ajouter que les frais étaient à peu près nuls. 11 est facile de s’en apercevoir en feuilletant le manuscrit. Lagrange nous apprend que lo total des dépenses de Psyché s’est élevé à