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CILL

CILIFÈRE adj. (si-li-fè-re — du lat. cilium, cil ; fero, je porte). Qui porte des cils, qui est muni de cils.

CILIFORME adj. (si-li-for-me — du lat. cilium, cil, et de forme). Hist. nat. Qui a la forme d’un cil.

CILIGÈRE adj. (si-li-jè-re— du lat. cilium, cil ; gero, je porte). Qui es’t muni de cils.

CILIOBRANCHE adj. {si-li-o-bran-chede cil et branclde). Zoùl. Qui a des branchies en forme de cils.

— s. m. pi. Ordre de mollusques, dont la manteau est bordé de cils que l’on présume être des branchies.

CILIOGRADL adj. (si-li-o-gra-de — du lat. cilium, cil ; gradior, je marche). Zool. Qui marche à l’aide de cils.

— S. m. pi. Acal. Ordre formé de plusieurs espèces de béroés qui sont munies de cils natatoires.

CILIOLE s. m. (si-U-o-le— dimin. du lat. cilium, cil). Bot. Petit cil.

CILIOLE, ÉE adj. (si-li-o-lé). Bot. Genre de cilioles : Feuilles ciliolées.

CILIPÈDE adj. (si-li-pè-de — du lat. cilium, cil ; pes, pedis, pied). Zool. Qui a les pieds garnis de cils : Mouche cilipède.

CILIUM, ville de l’ancienne Afrique, dans

la Bvzacène, à 4S kilom. 0. de Sufetula. Elle

« devint le siège d’un évêché. C’est aujourd’hui

la ville de El liasrein, dans l’État de Tunis.

CILIX s. m. (si-likss). Entom. Genre de lépidoptères nocturnes, comprenant une seule espèce.

C1LLART DE KERAMPOUL (Clément-Vincent), lexicographe breton, né vers 1GS6, mort en 1749. Il entra dans les ordres, et devint chef des missions du diocèse de Vannes. On a de lui un Dictionnaire français-breton ou françaisCeltique du dialecte de Vannes (Leyde, 1744), qui est loin d’être sans défaut, et qu’on a attribué à tort à l’abbé Armerye. Il a également publié une traduction bretonne des Stations de Jésus-Christ.

CILLÉ, ÉE (si-llé ; Il mil.) part, passé du v. Ciller. Fermé, en parlant des yeux :

Ouvre tes yeux cillés, et vois de quelle sorte

D’ardeur précipité la rage te transporte.

P.ÉSN’IEB..

11 Vieux mot.

— Manég, Cheval cillé, Cheval chez qui des poils blancs se montrent vers l’arcade orbitaire.

CILLEMENT s. m. (si-lle-man ; H.mil.rad. ciller). Pathol. Action de ciller les yeux, les paupières, de les fermer et de les rouvrir convulsivement : Le cillement est rare, et n’a été observé qu’un petit nombre de fois. (Jourdain.)

CILLENON s. m. (si-lle-’non). Entom. Genre de coléoptères pentamères, de la famille des earabiques, comprenant une seule espèce, commune à l’Angleterre et au nord de la France.

CILLER v. a. ou tr. (si-llé ; Il mil. — rad. cil). Fermer et rouvrir rapidement, en parlant des paupières : Il ne fait que ciller les yeux, les paupières.

— Absol. : On ne peut regarder le soleil sans ciller. (Acad.) On lui a tiré un coup de pistolet aux oreilles, et il n’A seulement pas cillé. (Acad.) Ai-je cillé, même en le voyant dans tes bras ? (B. d’Aurevilly.)

— Fam. Personne n’ose ciller devant lui, Se dit d’une personne devantqui nul n’ose bouger.

— Fauconn. Ciller l’oiseau, Lui coudre les paupières, pour l’empêcher de voir la lumière et de se débattre.

— v. n. ou intr. Commencer à avoir des poils blancs’au-dessus des yeux, ce qui est un signe de vieillesse. Il On dit su ciller dans le même sens.

— Homonyme. Siller.

CILLEY (Ulbic, comte de), magnat de Hongrie. V. Ulric

C1LLI, C1LLY ou CILLE1 (Barbe DE), surnommée lu Alcssaliuo do l’Allemagne, née en 1377, morte en 1451, fille du comte de Cilli. Mariée en 1408 à Sigismond, margrave de Brandebourg, roi de Hongrie (1392), empereur d’Allemagne (1410) et roi de Bohême (1419), cette princesse, dont le surnom indique suffisamment la dépravation, voulut, à la mort de son époux (1437), s’emparer des couronnes de Hongrie et de Bohême, et les apporter en dot au jeune Vladislas, roi de Pologne. Elle était parvenue à attirer dans sa cause les principaux chefs hussites, lorsqu’elle fut arrêtée a Znaïin par les ordres de son gendre, Albert d’Autriche, il qui Sigismond avait légué ces royaumes. Barbe de Cilli fut bientôt après mise en liberté en échange de places qu’elle avait en Hongrie, et elle alla terminer ses jours à Gratz, en Bohème. iEneas Sylvius et Bonlini ont tracé de cette princesse le portrait le plus repoussant ; mais on a fait remarquer, avec une grande apparence de raison, qu’il no serait point surprenant que la protection accordée par Barbe aux hussites eût porté ces historiens orthodoxes à présenter sa conduite sous le jour le plus odieux.

CILLI ou CILLEI (comte db), prince allemand, mort en 1457, frère de la précédente. Pendant la minorité de son neveu Ladislas surnommé Posthume, roi de Bohême et de Hongrie, il fut chargé de la régence, concurremment avec Podiebrad et Huniade.

IV.

CIMA

Il entra aussitôt en rivalité avec ce dernier, se vit contraint de quitter la cour, où il revint quelque temps après. Il reconquit alors toute son influence et fut mis, après la mort d’Huniade, à la tête du gouvernement de la Hongrie. Cilli périt à la suite d’une violente altercation qu’il eut avec le fils d’Huniade, Ladislas Corvin.

CILLIBANTE s. m. (sil-li-ban-te — gr. killibas, même sens ; de killos, âne ; bainô, je marche). Antiq. gr. Echafaudage sur lequel on établissait une machine de guerre.

CILLIBE s. f. (sil-li-be-lat. cilliba ; dugr. killibas, tréteau). Antiq. Table carrée en usage chez les Romains dans les premiers temps de la république.

CILLICON, Milésien, dont le véritable nom était AcIiieuii. Il livra par trahison, aux habitants de Priène, une île dépendant de Milet. Quelqu’un lui ayant demandé, au moment où il méditait son crime, ce qu’il projetait de faire, il répondit ces mots : « Rien que de bon (pant’agatha), u réponse qui est devenue proverbiale. Il se retira alors à Samos, où un boucher, son compatriote, lui coupa un jour la main, en disant : • Cette main ne trahira plus d’autres villes. »

CILLICYRIEN s. m. (sil-li-si-riain — dugr. killos, âne ; kurios, maître). Antiq. gr. Nom des esclaves chez le Syraeusains.

CILLIER v. n. ou intr. (si-llé ; Il mil.). Forme ancienne du mot ciller.

CILLŒUS s. m. (sil-lé-uss). Entom. Genre de coléoptères pentamères, de la famille des brachélytres, comprenant six espèces propres à l’île de Madagascar.

CILLOSE s. f. (si-llo-ze ; Il mil. —rad ciller). Pathol. Tremblement convulsif chronique de la paupière supérieure.

CILLY, ou CILLFY, ou Z1LLY, ville de l’empire d’Autriche, dans la Styrie, cercle de Marbourg, à 90 kilom. S.-O. de Gratz, sur le San ; 2,000 hab. Collège ; commerce actif de vins et de blé. Eaux minérales. Cilly a été bâtie sur les ruines de Claudia Celeia, qui fut fondée, l’an 41 av. J.-C, par l’empereur Claude. Bans les environs, on a trouvé beaucoup de débris de l’époque romaine ; une grande partie de ces antiquités se trouvent dans les musées de Gratz et de Vienne. Au n.i'a siècle, Cilly fut érigée en comté par l’empereur Louis de Bavière. Près de la ville, on voit encore les ruines d’un vieux château des comtes de Cilly.

CILO ou CUILO (Lueius Fabius Septimianus), consul romain. Il gagnala faveur de Septime Sévère, devint consul en 193 et 204 de notre ère, fut nommé préfet de la cité, et chargé par l’empereur de la tutelle de ses deux enfants, Caracalla et Géta. Caracalla, après le meurtre de son frère, voulut se débarrasser de Cilo et chargea ses sicaires de le mettre à mort ; mais, aj’ant appris que les mauvais traitements que ceux-ci faisaient subir à Cilo excitaient l’indignation du peuple et pouvaient amener une émeute, il se rendit auprès de Cilo, le couvrit de son manteau, et fit périr ses émissaires, qui avaient commis à ses yeux la faute de ne point avoir assez promptement exécuté ses ordres.

CIMA (Jean-Baptiste), dit II Coucglinno, peintre italien. V. Conégliano.

CIMABUÉ (Jean Gualtieri), peintre italien, né à Florence en 1240, mort en 1300. Il est considéré à bon droit comme le restaurateur de la peinture dans les temps modernes. Sa famille était patricienne et le destinait à l’éloquence et aux lettres ; mais il s’éprit de peinture, dit Vasari, en voyant travailler des artistes grecs appelés à Florence pour décorer Suinte-Marie-Nouvelle. Il reçut d’abord leurs leçons et travailla dans la manière byzantine ; mais bientôt, en comparant la nature avec ses modèles, il fut choqué de la roideur et de la sécheresse de ces derniers, et s’il ne réussit pas entièrement à s’affranchir de la forme byzantine, au moins eut-il la gloire de frayer la route à Giotto et à ses successeurs. Par une innovation qui était alors une révolte contre la tradition, il se rapprocha de la nature, donna de la vie à ses figures, assouplit ses draperies, chercha le coloris et pressentit la science du clair-obscur. Le temps a détruit un grand nombre de ses peintures ; son chefd’œuvre est la fameuse Madone, qui émerveilla tellement ses contemporains qu’elle futportée processionnellement de son atelier à Sunta-Maria-Novella, au bruit, des fanfares et des acclamations du peuple florentin, si épris, comme on sait, des choses de l’art. Le musée du Louvre en possède une espèce de répétition, avec quelques chargements toutefois, peinte par Cimabué lui-même.

Stendhal, dans son Histoire de la peinture en Italie, trouve les ouvrages de Cimabué « déplaisants, » tout en reconnaissant que son dessin offre un moins grand nombre de lignes droites que celui de ses prédécesseurs, qu’il y a des plis dans ses draperies ; une certaine adresse dans sa manière de disposer les figures, et quelquefois une expression étonnante ; tout en avouant même que sans Cimabué nous n’aurions peut-être jamais eu Andréa del Sarto, de même que sans Cimon la Grèce n’eût jamais possédé Apelles et Polygnote. Mais on sait que Stendhal est un critique trop sévère pour être toujours juste, et qu’il ne tient pas toujours assez compte des époques.

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Nous avons déjà parlé de la fameuse Madone de Cimabué. Les plus anciennes fresques de lui, dont nous ayons connaissance, sont une Assomption et un Christ entre saint Cléophas et saint Luc, qu’il avait peint à Florence sur la façade d’un hôpital, et dont il ne reste malheureusement plus de traces. Ces peintures et divers tableaux l’ayant mis en réputation, dit quelque part M. E. Breton, il fut appelé à décorer Saint-François-d’Assisa en 1263, selon Vasari ; en 1265 seulement, selon d’autres historiens. Dès son début, il se montra supérieur à Giunta et aux peintres grecs, ses collaborateurs. Avec l’aide de ces maîtres byzantins, il commença par peindre dans l’église inférieure la Vie de Jésus-Christ et celle de saint François ; mais c’est dans l’église supérieure qu’il faut chercher les fresques de Cimabué, que Lanzi a surnommé avec justesse l'Ennius de la peinture ; c’est là qu’on le trouve véritablement admirable pour son siècle. Dans la tribune, il peignit des sujets de la Vie de la Vierge, sa Mort, son Assomption et son Couronnement ; aux compartiments des voûtes, les Quatre éoangélistes ; le Christ ; la Vierge ; Saint Jean-Baptiste ; Saint François, et quatre Docteurs de l’Église ; enfin, sur les murailles, entre les fenêtres, un grand nombre de traits de l’Ancien et du Nouveau Testament. Au-dessous de ceux-ei, Cimabué avait entrepris d’autres fresques, qu’il abandonna pour retourner à Florence, et qui ne furent terminées que longtemps après par le Giotto. Le temps a effacé une grande partie de ces peintures ; mais plusieurs de celles des murailles, et surtout celles de la voûte, sont encore bien conservées. Parmi les premières, la Nativité ; le Christ mort, entouré des saintes femmes ; trois figures colossales à’Anges tenant des sceptres ; la Résurrection de JésusChrist ; le Sacrifice d’Abraham ; la Tentation d’Eve ; VExpulsion du paradis terrestre ; la Chute des anges rebelles, et la Création de l’homme, sont les plus remarquables et aussi les mieux conservées/’On trouve dans la plupart de celles-ci, ainsi que dans celles de la voûte, une originalité de style, un art de composition, une vigueur d’expression, une force de coloris et une entente de l’effet, que nul n’avait encore atteints avant Cimabué. Ajoutons que dans ces fresques le maître florentin s’éloigne visiblement du genre néogrec pour affirmer un genre nouveau, qui est l’entente do la ligne et de la couleur. Sans rompre tout à fait avec la tradition, il la modifie, en l’élevant et en la faisant incliner du côté de la liberté, et c’est ainsi qu’il a la gloire de produire Giotto, le véritable fondateur de l’école moderne. La Madone portant l’Enfant, conservée aux Offices de Florence, provoque encore l’admiration des artistes, malgré ses réminiscences byzantines.

Cimabué mourut riche et honoré dans la soixantième année de son âge. Il fut enterré dans la cathédrale de Florence, dont il avait été l’Un des architectes. ’Ne poiirrait-on pas dire de lui qu’il fut le précurseur de la Renaissance, et ne serait-ce pas à cette cause que son nom a mérité de survivre au milieu même des splendeurs du xvie siècle ?

CIMAIN s. m. (si-main). Forme ancienne

du mot CHEMIN.

CIMAISE s. f. (si-mè-ze). V. ctmaize.

CUIABELLI (Vincent-Marie), historien italien, néàCorinaito, mort en 1060. Il entra dans l’ordre des dominicains ; et remplit l’office d’inquisiteur. On a de lui -.Istoria délia stato d’Urbino da’ Senoni, delta Umbria Senonia etc. (Brescia, 1642).

CIMAROSA (Domenico), compositeur italien, né à Aversa, dans le royaume de Naples, le 17 décembre 1754, mort à Venise le 11 janvier 1801. Le divin Cimarose,

Le gai Napolitain à la bouche de rose !

a dit Antony Deschamps. Oui, le gai. Cimarosal Gai de cette gaieté chaste et sereine, de ce rayonnement d’un caractère heureux et d’une conscience pure, qui s’est un jour épanoui dans II Matrimonio segreto. Le père de Domenico Cimarosa, pauvre maçon, vint s’établir à Naples quelque temps après la naissance de son fils. Le père et la mère de Cimarosa habitaient une maisonnette voisine du couventde Saint-Sévère, dépendantde l’ordre des franciscains. Cimarosa avait atteint sa septième année quand son père se tua en tombant d’un échafaudage sur lequel il travaillait. Par bonheur pour le pauvre enfant, le père Polcauo, organiste du couvent de Saint-Sévère et confesseur de la mère de Cimarosa, avait remarqué l’heureuse organisation de Demenico et la vivacité de son esprit. Ce religieux voulut bien se charger do l’éducation du futur maestro, et lui enseigna les éléments de la langue latine et ceux de la musique. Quand il eut communiqué tout son savoir à son élève, il le fit entrer au conservatoire de Sainte-Marie de Lorette (1761). Cimarosa avait alors douze ans. Dans cette école, l’enfant eut d’abord pour professeur de chant François Manna, puis Sacchini, et étudia le contre-point sous la direction de Fenaroli, élève de Durante. Piccinni, dont Cimarosa fit plus tard la connaissance, et qui le prit en amitié, compléta son éducation en l’initiant à l’art de la composition. Après onze ans de solides études, Cimarosa, à peine âgé de dix-neuf ans, sortit du Conservatoire

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et se mit a parcourir l’Italie, improvisant des partitions avec une incroyable facilité. Toutes les villes se le disputaient. Rome, si capricieuse, appelait sans cesse l’illustre compositeur. À Naples, il contre-balançait les triomphes de Paisiello. Tant de productions souriantes, gracieuses, vivantes portèrent la réputation de Cimarosa dans toute l’Europe, et jusqu’en Russie, où Catherine l’appela pour remplacer Paisiello, retourné à Naples après un séjour de neuf ans à la cour de laezarine. Cimarosa s’embarque à Naples, au mois de juillet 1791, pour se rendre à Livourne. Une tempête ne laisse aborder le vaisseau qu’au bout de dix-sept jours. Prévenu de l’arrivée de Cimarosa, le grand-duc de Toscane le mande à Florence, et le comble de présents après l’audition de plusieurs morceaux tirés de ses opéras. De Florence, Cimarosa se rend à Vienne. L’empereur Joseph II se le fait présenter, le retient plusieurs soirées pour entendre des fragments de ses œuvres, et, après lui avoir fait le plus gracieux accueil, le comble de magnifiques cadeaux. En quittant Vienne, l’artiste se dirige vers Varsovie, où la noblesse polonaise lui fait une réception si séduisante qu’il y séjourne un mois entier. Enfin, il arrive à Saint-Pétersbourg. Ravie de son talent, Catherine lui assigne un traitement considérable, à la charge d’enseignerle chant à ses neveux. Pendant son séjour en Russie, Cimarosa écrivit quatre opéras, dont l’un, la Vergiiïe del sole, obtint un succès d’enthousiasme. Il composa une messe et environ cinq cents morceaux.

Les rigueurs du climat ayant altéré sa santé, Cimarosa quitta la Russie en 1792, et s’arrêta à Vienne. L’empereur Léopold, pour l’attacher à sa cour, lui assura un traitement de 12,000 florins, lui assigna un logement, et lui conféra le titre de maître de chapelle. C’est-là qu’il écrivit son chef-d’œuvre, // Matrimonio segreto. On sait ce qui se passa au théâtre de Vienne, le soir de la première représentation de cet opéra : l’empereur et toute sa famille assistaient a cette représentation, et l’opéra venait de finir au milieu d’acclamations délirantes, quand l’empereur, en dilettante qu’une première audition n’a fait que mettre en goût, décide qu’on recommencera séance tenante. Vite une table est dressée pour les chanteurs. Paolo, Fidalma, Caroline, Robinson courent souper sans prendre le temps d oter leurs costumes ni d’essuyer leur fard ; puis, après un repos d’une heure, le maestro reparaît à sa place, et les violons s’accordent de nouveau. Bientôt le chef d’orchestre frappe sur son pupitre, ou rejoue l’ouverture, la toile se lè%re sur le duo de l’introduction, et l’opéra entier déroule une seconde fois tous ses trésors de mélodie. Cimarosa avait alors trente-huit ans, et, depuis son départ du Conservatoire de Naples, en dix-sept années, il avait composé soixante et dix partitions dramatiques, sans parier d’une prodigieuse quantité de morceaux de tout genre.

En 1793, Cimarosa revit l’Italie. Son Matrimonio segreto fut le premier ouvrage qu’on lui demanda à Naples. Jamais opéra ne produisit pareil entraînement ; soixante-sept représentations suffirent à peine à satisfaire l’empressement du public. Pour remercier Naples de cet accueil sans exemple. Cimarosa composa et fit jouer dans cette ville quatre partitions, dont l’unej les Astuzie femminili, est peut-être supérieure au Matrimonio segreto. Rome appela Cimarosa dans l’année 1796, et / nemici générosi furent représentés dans cette ville. De Rome, il passa à Venise, où il écrivit Gli Orazzi e à Curiazzi, revint à Rome où il donna deux opéras pendant la saison du carnaval, et, en 1799, retourna à Naples. Une.maladie grave, survenue pendant qu’il se trouvait dans cette dernière ville, faillit le mettre au tombeau. Des bruits singuliers ont couru sur les causes de la mort de cet illustre compositeur. Il avait embrassé vivement le parti de la révolution napolitaine, lors de l’arrivée de l’armée française sous les ordres du général Championnat. Il faillit être victime de la sanglante réaction opérée pur le cardinal Ruffo et les égorgeurs à sa solde. Il fut mis en prison, et, sans l’intervention de l’ambassadeur de Russie, il y eût succombé. À peine rétabli, Cima- : rosa se retira à Venise, et y mourut deux ans après, à l’âge de quarante-sept ans. Suivant les uns, la reine Caroline l’avait fait empoisonner ; selon les autres, sa mort serait due aux mauvais traitements qu’il avait essuyés à Naples dans la prison. Une messe de requiem composée par le maître de chapelle Bertoni fut chantée par les meilleurs artistes de Venise, dans l’église paroissiale de San-Angelo, à la mémoire de Cimarosa ; et, à Rome, le cardinal Consalvi, son protecteur et son ami, fit à l’artiste illustre des obsèques magnifiques dans l’église Saint-Charles.

Cimarosa a abordé tous les genres, opéras buffas, opéras sérias, cantates, messes, oratorios. Parmi ses ouvrages sérieux, les plus répandus sont Cajo Mario et Gli Orazzi e i Curiazzi. Cette dernière partition est l’opéra séria de Cimarosa le plus connu en Europe. Sous l’empire, il était souvent exécuté à la cour de Napoléon par la Grasstni et Crescentini, deux merveilleux virtuoses pour lesquels Cimarosa avait écrit cette œuvre. Nous ne comprenons pas la routine qui s’attache exclusivement à deux ou trois productions d’un compositeur, et recule par paresse devant l’étude et la comparaison de ses au 38