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achevés pour ce pris, et on dut accroître les dépenses.

L’année 1787 fut employée à fonder la culée et la première pile du côté de la place de la Concorde. L’autre culée et les autres piles furent fondées en 1788 et 1789. En 178S eut lieu la cérémonie de la pose de la première pierre. Une boite fut enfermée dans le corps de la pile la plus rapprochée de la place de la Concorde. Elle contient six. médailles : une en or, deux en argent et trois en bronze. Sur la première se trouvent, d’un côté, la figure de Louis XVI avec cette légende :

LOUIS XVI, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE,

et à l’exergue :

VILLE DE PARIS ;

De l’autre côté, il y a une perspective du pont et de la ville, avec cette inscription : PONT DE LOUIS XVI, 1788.

L’inscription suivante a été gravée sur une planche faisant partie du couvercle de la boîte,

« 1788. Le lundi 11 août du règne de Louis XVI.’

t Le Roi avant chargé la ville de Paris de faire en son nom la cérémonie de la pose de la première pierre du pont de Louis XVI, ■ cette première pierre de fondation a été posée par messire Louis Le Peletier, cheva « lier, marquis de Montmélian, seigneur de Mortefoutaine, Plailly, Beaupré, Othis et autres lieux, grand trésorier, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, conseiller d’État, prévôt des marchands ; MM. J.-B. Guyot,

« écuyer, doyen des quarieniers et ancien > juge consul ; J.-B. Durival, écuyer, avocat au Parlement, commissaire au Châtelet ;

« J.-B. Buffault, chevalier de l’ordre du Roi, ^ son conseiller en l’Hôtel de ville ; Charles-’ Barnabe Sageret, écuyer, ancien consul, tous quatre" échevins ; messire l)ominique-L. Ethis de Corny, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis et de l’ordre de Cinoinnatus, avocat et procureur du roi ; M. Fr.-Joseph Veytard, écuyer, trésorier général de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, greffier en chef ; et P. Armand Vallet de Villeneuve, écuyer trésorier général de la’ville.

Ce pont, exécuté sur les dessins et sous la conduite de M. J.-Rodolphe Perronet, premier ingénieur des ponts et chaussées de France, de l’Académie royale des sciences de Paris, de la Société royale de Londres et aunes. »

Les voûtes furent achevées en 1790, et les travaux complètement terminés en 1793. Perronet était alors âgé de quatre-vingt-cinq ans.

Le pont est composé de cinq arches en arc de cercle reposant sur quatre piles et deux, culées en maçonnerie fondées sur des platesformes en charpente arasées à l m. 95 au-dessous de l’étiage, et reposant elles-mêmes sur pilotis. Les piles sont terminées par des avant.et arrière-becs affectant la forme de . colonnes engagées d’un quart de leur diamètre dans le corps des piles, et élevées jusqu’au niveau de la corniche qui règne sur les deux têtes du pont.

Perronet avait d’abord projeté pour ces piles des dispositions architectoniques semblables à celles qu’il avait appliquées au pont de Saime-Maxence sur l’Oise, c’est-à-dire ■qu’au lieu d’être pleines elles devaient offrir un système de colonnes groupées de manière à former une sorte de portique régnant dans toute la longueur du pont et au milieu de chaque pile. Mais, en présence des signes précurseurs d’un grand cataclysme social, on crut devoir se hâter de terminer cet ouvrage, et on til des piles pleines. La largeur entre les têtes est de 15 ni. 60, dont 9 m. 75 pour la chaussée, 4 m. 85 pour les trottoirs, etl m.

fiour les parapets à balustres qui couronnent a corniche. Dans ces derniers sont encioués, à l’aplomb de chaque pile, des dès en pierre destinés k servir de piédestaux à des statues monumentales. Ces statues furent en effet exécutées et mises en place ; mais elles furent ensuite enlevées, parce que leur hauteur avait été calculée de manière a s’harmoniser avec les dimensions du pont, vu d’ensemble et de très-loin ; or, dans ces conditions, elles étaient d’un effet écrasant pour les spectateurs qui, traversant le pont, les oyaient de près.

Quoi qu’il en soit, le pont Louis XV T, que l’on appelle aujourd’hui pont de la Concorde, est incontestablement un des plus beaux ponts de Paris. La largeur des arches et de 25 à 30 m., et la plus surbaissée l’est au huitième, ce qui donne une hardiesse que ne possède aucun des autres ponts de la capitale. Si l’on ajoute à cela le peu d’épaisseur des piles {2 m. 92) et leur forme heureuse, on peut se eonvain- ’ cre qu’aucun des ponts qui ont été construits depuis soixante-dix ans ne peut lutter avec l’oeuvre de Perronet, au double point de vue de l’art de l’ingénieur et de l’aspect monumental. On peut néanmoins regretter que ce pont n’ait pas plus de largeur, et bientôt peut-être son élargissement va devenir nécessaire. Heureusement, il pourra être opéré sans rien changer aux dispositions architecturales de ce bel ouvrage. En effet, de larges empattements régnent autour des piles et des culées. On pourra augmenter d environ 5 m. la largeur entre les parapets, sans construire de nouvelles fondation», et en transportant, pour ainsi dire, les têtes parallèlement à elles-mêmes. Il est à souhaiter que ces travaux soient faits en respectant autant que possible le caraeLère général da l’œuvre de Perronet.

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Concorde {place : de la). Connue, jusqu’à la Révolution, et désignée sous le nom de place Louis XV, cette place, située entre la principale entrée des Tuileries, l’entrée des ChampsÉlysées, le débouché de la rue Royale et le pont de la Concorde, est une des plus grandioses et des plus vastes de Paris. Sa création est relativement récente : elle remonte k1748. Louis XV venait de tomber malade à Metz, et le peuple, qui voyait en lui un père, après le règne ruineux de son aïeul, se portait en fouléaux églises, implorant du ciel le rétablissement du Bien-Aimé. Qu’ai-je donc fait k ce peuple pour être aimé ainsi ? disait avec étonnement le jeune roi, versant, dit-on, quelques larmes attendries, les seules peut-être qui mouillèrent jamais sa face royale. Louis XV guérit et revint à Paris. Ce fut alors que le conseil de la ville vota à son roi, d’enthousiasme, une statue équestre. Le roi, pour ériger la statue, fit don à la ville d’un vaste emplacement situé à l’extrémité des Tuileries. C’était dans l’origine une esplanade entourée d’un fossé, laquelle séparait le jardin du Coursla-Reiiie, et dont une partie servait de magasin pour les marbres du roi. Bien que les lettres patentes faisant don de ce terrain à la ville n’aient été expédiées qu’en 1757, dès 1754 la première pierre du monument en l’honneur du Bien-Aimé fut posée avec pompe. Ce travail fut mené lentement : le 20 juin 1763 seulement, apparut aux regards de la foule la statue, œuvre de Bouchardon. Le roi était vêtu de l’éternel costume romain, mais’ coiffé à la moderne et couronné de lauriers. La statue était médiocre ; le cheval valait mieux. Bouchardon, il est vrai, était mort avant d’avoir donné à son œuvre la dernière main. Pigalle, qui lui succéda, exécuta aux quatre angles du piédestal quatre figures : la Paix, la Prudence, la Force et la Justice, dont le style était maniéré et mesquin. Des guirlandes de lauriers, des cornes d’abondance, etc., etc., ornaient la corniche du piédestal, dont la hauteur était de 22 pieds. Les quatre faces du piédestal étaient surchargées de bas-reliefs en bronze, et aux deux côtés principaux, du socle étaient posés deux trophées guerriers également en bronze. Mais depuis le jour où la ville de Paris, unissant ses sentiments à ceux de la France entière, avait décrété l’érection de ce monument à son roi, le temps avait marché ; cette statue venait trop tard. A M"1" de Châteuuroux, la Vénus Victrix de Fontenoy, avait succédé la fille du boucher Poisson, travestie en marquise de Pompadour. Chaque jour la royauté, perdant toute pudeur, faisait un pus vers le gouffre qui devait l’engloutir. Les libelles les plus sanglants circulèrent, saisissant avec empressement l’occasion de l’inauguration de la statue royale. Les quatre Vertus du piédestal donnèrent lieu notamment à l’allusion suivante :

Oh ! lg belle statue ! oh ! le beau piédestal !" Les Vertus sont ù pied, le Vice est k cheval.

Un autre jour, les passants remarquaient avec stupéfaction que le roi avait les yeux bandés avec un muuchoir. L’autorité prévenue s’empressait de vérifier le fuit, et de plus trouvait pendue au cou du monarque une boîte de ferblanc, comme en portent beaucoup de mendiants, avec cette inscription" : N’oubliez pas le pauvre aveugle, s’il vous plaît. Cependant, les architectes, sous la direction de Gabriel, travaillaient à encadrer la place. Gabriel entoura son plan d’une sorte de fossé de place forte, avec un revêtement en maçonnerie et une balustrade en pierre ; puis de chacun des angles, il dirigea vers le centre une large bande coupant l’enceinte. Il est aisé, encore aujourd’hui, de se rendre compte de ce plan primitif, qui, sauf la suppression des fossés, a à peine varié. Le tort de l’architecte fut d’avoir choisi pour une place de cette étendue des décorations qui n’en marquaient pas suffisamment la limite : il le comprit au dernier moment, et construisit au fond les deux bâtiments qu’on y voit encore, l’ancien Garde-Meuble et le Ministère de la marine actuel. Des avant-corps ornés de frontons forment les extrémités de ces édifices, d’un style assez imposant, et dans l’espace qui sépare ces constructions, une suite d’arcades décorées de bossages et formant galeries, sert de soubassement à un péristyle de colonnes d’ordre corinthien ; au-dessus, dans toute la longueur, règne une balustrade. On.le voit, ces constructions rappellent un peu la colonnade du Louvre dont elles copient le style ; elles sont destinées à sauver l’apparence trop déserte de la place.

Les travaux d’aménagement n’étaient pas encore achevés quand eut lieu la célèbre et épouvantable catastrophe de la nuit du 30 au 31 mai 1770. À l’occasion du mariage du Dauphin, depuis Louis XVI, avec l’archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche, la ville avait préparé une fête splendidë, dont le principal attrait devait être un feu d’artificégigantesque, chef-d’œuvre de Ruggieri. Tuut allait bien, quand le vent, soufflant tout à coup aveu violence, fit voler, sur la foule des flammèches et des bouts de fusée encore en feu. La panique s’empara des spectateurs : plus de deux cent mille personnes se ruèrent à.la fois vers la rue Royale, trop étroite pour une semblable invasion. Les uns périrent écrasés, d’autres furent jetés et étouffés dans un des fossés non encore munis de balustrades. Pour comble de malheur, un flot de eu CONG

rieux, ignorant le désastre, débouchait du boulevard, voulant avoir sa part de la fête, et la mêlée devint épouvantable. On vit des hommes, à demi fous, suffoqués, tirer l’épée et frapper au hasard pour échapper à la mort. Mercier, dans son Tableau de Paris, dit au sujet de cet événement ; « J’ai vu plusieurs personnes languir pendant trente mois des suites de cette presse épouvantable, porter sur leur corps l’empreinte forte des objets qui les avaient comprimées. D’autres ont achevé de mourir au bout de dix années. Cette presse coûta la vie à plus de douze cents infortunés, et je n’exagère point. Une famille entière disparut. Point de maison qui n’eût à pleurer un parent, un ami. • Mercier, homme indépendant, est tout à fait digne de foi ; les bulletins officiels n’accusèrent néanmoins le lendemain que 133 cadavres, chiffre déjà prodigieux. Mais tout s’oublie : les travaux furent terminés, et Paris ne songeait plus guère à la nuit du 30 mai 1770, lorsqu’il venait rire à la foire Saint-Ovide, moins de deux ans plus tard.

Cette foire célèbre qui, un beau jour, s’était emparée de la place Louis XV pour en faire son quartier général, était la rivale de la foire de Saiut-Cloud : avaleurs de sabres,charmeurs de serpents, danseurs de corde, marchands de pain d’épice y foisonnaient ; le personnel de ces sortes de tohu-bohus n’a pas changé. Mais la foire Saint-Ovide prit une ■telle extension, que les nobles proprié&dres des hôtels voisins, étourdis par le brouhaha et le tumulte, adressèrent une supplique à l’autorité pour l’éloignement de cette foire gênante. On délibérait à ce sujet quand un terrible incendie, dans la nuit du 22 au 23 septembre 1777, en dévorant les baraquesjusqu’à la dernière, trancha la question. La foire Saint-Ovide avait vécu.

Jusqu’à la fin de la monarchie, la place Louis XV n’offre plus de souvenirs saillants. Mais l’heure a sonné : ta Révolution emporte les derniers souvenirs de la monarchie ; le peuple se rue sur la statue da l’avant-dernier roi. Arraché de son piédestal, où il siégeait plus haut que les Vertus, l’amant de Mme du, Barry est traîné dans la boue. Le temps marche : voici 1793 ; la guillotine se dresse en permanence et fonctionne sans relâche. Nous rencontrons à ce sujet un arrêt de la Commune, du 23 août 1792 : t Le procureur de la Commune entendu, le conseil général arrête que la guillotine restera dressée jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, k l’exception du coutelas, que l’exécuteur des hautes œuvres sera autorisé d’enlever après chaque exécution. » La place Louis XV est devenue la plate de la Révolution ; la tète de Louis XVI y tombe, puis bien d’autres après celle-là. Mais glissons sur cette heure sombre de notre histoire, et, suivant la magnifique expression de Victor Hugo, quand un nuage qui s’est formé pendant dix-huit siècleséeiaie en orage, ne faisons pas le procès au coup de tonnerre, L’orage est passé : vuici le Directoire, cette autre régence ; une loi du 26 octobre 1795 enlève à la ei-devant place Louis XV le nom que la Convention lui a donné, et lui substitue celui de place de la Concorde, que le Consulat et l’Empire lui ont conservé.

De la Révolution à la chute de Napoléon, la place de la Concorde resta nue et vide de tout embellissement. La Restauration rendit à la place Je nom de Louis XV, qu’une ordonnance du 27 avril 1826 remplaça par celui de Louis XVI. La même ordonnance décrétait l’érection d’un monument à la mémoire de l’infortuné monarque ; ce monument ne fut jamais exécuté. Enfin, un nouveau décret signé de Charles X, du 20 août 1828, concéda la propriété de cette place et des ChampsÉlysées à la ville de Paris, à la charge par elle d’exécuter, « dans un délai de cinq ans, des travaux d’embellissement, jusqu’à concurrence de 2,230,000 fr. au moins. » La révolution de 1830 se contenta de rétablir le nom de place de la Concorde, et les travaux de la municipalité allaient commencer, quand la première invasion du choléra (1832) les entrava, en obligeant la ville à une énorme réduction de son budget. Une nouvelle loi du 31 mai 1834 réduisit la dépense à 1,500,000 fr. Les travaux furent immédiatement poussés avec vigueur. Commencés en 1836, ils n’ont pas dépassé le chiffre définitivement fixé. Les embellissements principaux se composent de deux fontaines jets d’eau, monumentales, avec figures de tritons et de naïades d’un bel effet, du côté du pont et de la rue Royale ; de huit statues posées sur les pavillons, et représentant les principales villes de France personnifiées : Lyon ; Marseille, Bordeaux, Rouen, Nantes, Lille, Strasbourg et Brest, enfin de l’obélisque dit de Louqsor, présent du pacha d’Égypte, inauguré le 25 décembre 183S. On reproche à ce monument d’être un peu maigre pour servir d’ornement central à une place de l’importance de la place de la Concorde. Vers 1852, l’autorité a fait combler les fossés, " source permanente d’accidents, surtout les jours de fêtes publiques, dont la place est un point central. Un grand nombre de candélabres de bronze d’un beau travail et d’une forme spéciale l’éclairent chaque soir, et tout porte à croire que les vicissitudes nombreuses dont nous venons de résumer l’historique sont pour elle enfin terminées. Telle qu’elle est, c’est assurément la plus belle, sinon la plus vaste du monde, non-seulement à cause de sa décoration, mais aussi et surtout par la beauté des perspectives qui l’entourent sans

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la gêner : au midi, le pont de la Concorde et le-Corps législatif ; au nord, les deux élégants bâtiments du Garde-Meuble et du Ministère de la marine, au milieu desquels s’étend la perspective de la rue Royale terminée par l’église de la Madeleine ; k l’est, les massifs du jardin des Tuileries avec une vue sur le palais ; à l’ouest, les Champs-Eiysées terminés dans le lointain par l’arc-de-triomphe de l’Etoile. Les chevaux de Coysevox décorent l’entrée des Tuileries ; ceux de Coustou, plus remarquables encore, sont placés à l’entrée des Champs-Élysées.

Concorde (fête de la). Trois solennités de notre histoire nationale ont porté ce nom. La première eut lieu, au Champ-de-Mars, pendant la grande période révolutionnaire. Le cortège, immense, précédé des membres du gouvernement provisoire et de l’Assemblée des représentants, suivi des autorités municipales et du char emblématique de l’Agriculture, partit de la Bastille, suivit les boulevards et gagna le Champ-de-Murs.’La garde nationale 1 y attendait, ainsi qu’un grand concours. Un cirque provisoire, ayant au centre la statue de la Liberté, et à ses côtés celles de l’Agriculture, du Commerce, de l’Armée et do la Marine, reçut les autorités. Le tout se termina par un défilé général, par l’ascension d’un ballon, et par un feu d’artifice. Quelque chose manquait : c’était l’âme de la République. La fête eut néanmoins un grand retentissement. V. Champ-dk-Mars.

On donna aussi le nom de fête de la Concorde a la grande solennité militaire du 20 avril 1848, où le gouvernement provisoire distribua les drapeaux de la République à la fois a la garde nationale, à la garde nationale mobile et à l’armée, fraternellement unies.

Le gouvernement siégeait sous l’arc-cietriomphe de l’Étoile. Après la remise des drapeaux aux colonels des différents corps, le défilé commença et dura sans interruption pendant douze heures ; à dix heures du soir, il était à peine terminé. On a calculé que. 400,000 hommes armés dénièrent ainsi, mêlés à toutelapopubitionde Paris.ee fut un des spectacles les plus grandioses qui se soient jamais déployés dans la capitale. Cette manifestation eut lieu au milieu d un enthousiasme inexprimable et des acclamations les plus passionnées pour la République. Le soir, toute la ville s illumina spontanément.

L’armée était éloignée de Paris depuis la révolution de Février. Le gouvernement provisoire profita de l’effusion universelle pour garder quelques troupes, et porta rapidement la garnison de la capitale à 15,000 hoimnes.

Une autre fête de la concorde eut lieu k Paris le 21 mai 1848. Offerte aux gardes nationales de province, qui envoyèrent des délégués, cette fête ne souleva pas un grand enthousiasme. Au lendemain du 15 mai, à la veille de luttes nouvelles, que tout le monde pressentait, une telle solennité ne pouvait apaiser les ressentiments du passé ni les craintes de l’avenir. Elle ne manqua cependant ni d’éclat ni d’originalité. Au Chainp-de-Mars s’élevaient des pyramides, des statues colossales de la France, de l’Italie, de Y Allemagne, de la Liberté, de ('Égalité, — de la Fraternité, de l’Agriculture, du Commerce, enfin, au centre de la vaste plaine, celle de la République, œuvre de Clésinger. Dévastes gradins avaient reçu les 900 représentants du peuple à l’Assemblée constituante. L’épisode le plus intéressant fut le défilé des corporations ouvrières. D’innombrables essaims de travailleurs des deux sexes, portant des instruments et des produits de leur art ; des jeunes filles vêtues de blanc, parées de fleurs ; des bannières, des emblèmes, etc. ; enfin, le soir, de splendides illuminations : tel fut l’aspect de cette fête, qui n’eut rien de bien caractéristique, si ce n’est cette illusion de la concorde, à la veille de cette terrible bataille de juin, qui allait ensanglanter la cité et porter un coup mortel à la République.

Concorde (tkéÂtrk de la). L’un des innombrables théâtres qui virent le jour k l’époque de la Révolution, et dont l’obscurité désespère les annalistes spéciaux. Situé au milieu d’un quartier assez mal choisi, dans la rue du Renard-Saint-Merri, il n’attirait que médiocrement les amateurs. « Le public de ce quartier-là, dit un chroniqueur contemporain, entêté comme une mule, s’obstina à n’y pas mettre le pied, et puis les querelles se mirent de la partie, et le théâtre de la Concorde devint celui de la Discorde ; tant qu’à la fin il est redevenu ce qu’il était dans l’origine, spectacle de société. La salle est petite, mais assez jolie. La rue où ce spectacle est situé est si étroite qu’une voiture n’y peut pas entrer, ce qui ne laisse pas d’avoir son agrément, lorsqu’il pleut k verse. C’est un" nommé M. Bouillot, assez bon acteur, qui est propriétaire de cette salle. >

Ce petit théâtre parut et disparut en 1791, et, depuis, lors, on n’en entendit plus jamais parler ; on ne sait même quelles pièces il jouait, ni quels artistes montaient sur ses planches. Le prix des places variait depuis 12 sous jusqu’à 30 sous.

Concorde (ordre de la). En Espagne, cet ordre fut fondé eu 1261, par Ferdinand, roi de Castille et de Léon, en mémoire de la conquête du royaume de Grenade sur les Maures. Il se composa de 154 chevaliers. Un autre ordre de la Concorde fut fondé en 1660, par Chrétien-Ernest, marquis de Brandebourg,