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rent composés les livres du Nouveau Testament (1785).

GULDEN s. m. (gouldn). Métrol. Syn. de florin. |[ On dit aussi guld.

GBLDENSTAEDT (Jean-Antoine), médecin et naturaliste suisse, né à Riga en 1745, mort en 1781. Il venait d’achever k Francfbrt-surl’Oder ses études médicales, lorsqu’il se rendit k Saint-Pétersbourg pour prendre part aux explorations scientifiques que Catherine II faisait faire dans toute l’étendue de son empire. De retour d’un voyage qui avait duré de 1768 à 1775, Guldenstaedt reçut k Saint-Pétersbourg une chaire d’histoire naturelle et devint président de la Société économique de cette ville. On a de lui : des Mémoires, écrits en latin, sur différents sujets d’histoire naturelle, et publiés dans les Mémoires di l’Académie de Saint-Pétersbourg, des Mémoires en allemand, insérés dans le Calendrier historique et géographique de SaintPétersbourg ; un Mémoire sur les produits de la Russie, propres à tenir la balance du commerce toujours favorable (1777, in-*o), écrit en français. Mais l’ouvrage auquel il doit surtout sa réputation est son Voyage en Russie et dans les montagnes du Caucase (Saint-Pétersbourg, 1787-1791, 2 vol. in-4o, avec fig. et cartes). Cette relation-, écrite en allemand, contient un grand nombre de faits curieux et se termine par de précieux vocabulaires des dialectes du Caucase. J. Klaproth a réédité la première partie de cet ouvrage sous le titre de Voyage en Géorgie et en Imérêthie (Berlin, 1815).

GULD1N (Paul), mathématicien suisse, né à Saint-Gall en 1577, mort à Gratz en 1643. Il abjura le protestantisme à l’âge de vingt ans, entra chez les jésuites et professa dans la suite les mathématiques dans les maisons de son ordre. Il est surtout connu par le théorème qui porte son nom : « Toute figure formée par la rotation d’une ligne ou d une surface autour d’un axe immobile est le produit de la quantité génératrice par le chemin de son centre de gravité. » Cette proposition se trouve énoncée dans la préface des Collections mathématiques de Pappus, qui paraît en être le premier inventeur. Toutefois, elle était ignorée lorsque Guld in la mit en lumière dans son ouvrage intitulé : De centra gravitatis (1635) ; la démonstration qu’il en donnait, au reste, n’était pas très-rigoureuse, ce qui ne doit pas étonner, puisqu’elle exige la considération des infiniment petits. Le P. Guldin se servit avec avantage de son théorème pour donner de nouvelles solutions d’un grand nombre de problèmes de Kepler, et il en tira occasion de chercher querelle k Cavalieri sur sa méthode et d’en critiquer le prétendu relâchement ; mais Cavalieri n’eut de peine ni à se justifier ni à battre Guldin sur son propre terrain, en lui envoyant une démonstration simple et rigoureuse de son théorème.

GULF-STREAM. Ce nom, qui signifie courant du golfe, a été donné à deux courants marins qui circulent, l’un dans l’océan Atlantique, 1 autre dans l’océan Pacifique.

— I. Gulf-Stream de l’Atlantique. C’est le mieux connu des courants marins ; c’est de lui qu’on veut parler, lorsqu’on dit le GulStream tout court.

■ Il est maintenant hors de doute qu’avant la découverte du nouveau monde, des indifènes d’Amérique avaient été poussés, par es courants et des tempêtes, jusqu’aux lies de la mer du Nord. Les habitants des Orcades avaient gardé la mémoire de ces apparitions de navigateurs inconnus ; et leurs traditions, recueillies par Colomb, pendant son voyage en Islande, l’affermirent sans doute, ainsi que les bois sculptés jetés par les courants sur la côte des Açores, dans sa croyance à l’existence d’un continent situé dans la partie occidentale des régions inexplorées, que les géographes arabes nommaient la mer immense et ténébreuse.

C’est dans le cours de son troisième voyage que Colomb reconnut l’existence du grand courant qui entraîne les eaux des mers equatoriales. « Les eaux, dit-il, se meuvent,

  1. comme le ciel, de l’E. k l’O. » Il ajoute

que ■ c’est dans la mer des Antilles que ce

« mouvement est le plus fort. » Cette observation très-juste lui fit supposer qu’un vase de tôle, qu’il avait trouvé entre les mains d’habitants de la Guadeloupe, pouvait provenir d’un navire entraîné par le courant équatotorial, et naufragé sur les côtes d’Amérique.

Après Colomb, Anghiero reconnut que ce courant suivait les contours du golfe de Mexico et se prolongeait jusqu’à Terre-Neuve. Continuées par d’autres navigateurs, ces observations rendirent bientôt probable l’existence de l’immense circuit qui portait jusqu’aux rives de l’Irlande et de la Norvège les coquilles, les végétaux, les fruits et les graines des Antilles. Mais il fallait des observations plus nombreuses et plus exactes pour déterminer la direction de ce courant général qui tournoie dans la partie septentrionale de 1 Atlantique, et qui constitue une des principales artères de la circulation de l’Océan.

« Les plantes marines, arrachées au golfe du Mexique et flottant à la surface, ont d’abord indiqué aux navigateurs les deux branches qui viennent baigner les côtes de l’Europe occidentale, l’une so dirigeant vers la mer du Nord, et l’autre vers les Açores. On a retrouvé, sur nos côtes septentrionales, les

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épaves de bâtiments naufragés dans la mer des Antilles. De Humboldt cite le fait d’un navire brisé sur les écueils de la côte d’Afrique, près du cap Lopez, dont quelques débris furent reconnus k la pointe nord de l’Écosse, après avoir traversé deux fois l’Atlantique : d’abord de l’E. k l’O., en suivant le courant équatorial ; puis de l’O. k l’E., en suivant la prolongation de ce courant, qui traverse le golfe du Mexique et vient aboutir dans nos mers. ■> (Magasin pittoresque, 1863.)

Le Gulf-Stream n’est qu’une branche, ou plutôt le prolongement vers le N., du grand courant équatorial qui part du cap Vert. Le courant équatorial descend d’abord au S., s’approche de l’Amérique par une courbe, remonte vers le N. en suivant la côte de la Guyane, pénètre dans la mer des Antilles, puis dans le golfe du Mexique, dont il contourne les côtes. C’est k partir de 1k qu’il prend le nom de Gulf-Stream.

Ce majestueux courant est un immense fleuve d’eau chaude, qui sort du golfe du Mexique par la passe de la Floride. Il se trouve renforcé par des branches dérivées du courant équatorial et passant an N. des Antilles. Sa direction est d abord du^S.-O. au N.-0., en suivant d’un peu loin les côtes d’Amérique, dont il. est séparé par un courant inverse, froid. À partir du grand banc de Terre-Neuve, comme s’il était arrêté par cet obstacle, il s’infléchit vers l’E., et arrive presque en droite ligne sur les côtes occidentales de l’Europe, qu’il embrasse et réchauffe dans toute leur étendue.

À la hauteur des Açores, le Gulf-Stream se bifurque. Une branche longe l’Europe en remontant vers le N. ; l’autre branche descend le long des côtes de l’Espagne, puis de l’Afrique, contourne la mer de Sargasse (v. courant), et rentre, au delk du cap Vert, dans le grand courant équatorial.

La branche qui poursuit sa route vers le N. baigne les côtes de l’Angleterre et de l’Irlande : une partie revient par le canal Saint-George et la mer du Nord ; une autre partie pénètre jusque dans les mers polaires, en suivant les côtes de la Norvège.

Pendant qu’il traverse l’Atlantique de l’O. h l’E., son lit se déplace avec les saisons ; il atteint k peine, en hiver, le 41° degré de latitude N. ; il monte jusqu’au 4ge degré en septembre, époque où la température de l’Atlantique du Nord est la plus élevée. En dehors de ces oscillations régulières, il en éprouve d’autres, mais oui sont accidentelles : tantôt il se rapproche de nos côtes, tantôt il s’en éloigne. Les causes de ces déplacements sont complètement inconnues.

Les eaux du Gulf-Stream, dit M. Marié-Davy, diffèrent des eaux voisines par leur transparence, leur couleur, leur température, leur degré de salure et leur densité. La distinction est assez tranchée du côté des États-Unis, pour que l’œil puisse saisir la ligne de démarcation. Cela est vrai surtout du bord N.-O. du courant, ou de sa rive gauche, et l’on peut voir la moitié d’un navire dans les eaux du Gulf-Stream, et l’autre en dehors.

Jusqu’à la Caroline, les eaux du Gulf-Streain paraissent d’un bleu indigo. Cette teinte plus foncée vient probablement de ce que les eaux, ayant subi une évaporation considérable, sont plus salées.

Les eaux du Gulf-Stream n’ont pas le même degré de chaleur sur toute leur largeur. Le courant principal se compose de courants parallèles, dont les températures sont inégales, et peuvent servir aux marins k rectifier la position de leurs navires par les temps de brouillards.

À sa sortie du golfe du Mexique, sa température maximum est de 30» ; elle dépasse de 50 la température de l’Océan, k latitude égale. Pendant l’hiver même, par le travers du cap Hatteras, vers le 35<* degré de latitude, sa température, k la surface, est encore de 26 k 27» ; à une profondeur de 900 mètres, elle n’est plus que de 140. Par le travers des caps de la Virginie, 50 lieues plus loin, la température de la surface n’a diminué que de 10 ; mais la couche de 14° s’est relevée de 180 mètres. En général, un changement de 10° en latitude n y produit guère qu’un abaissement de if ; en sorte qu’après avoir parcouru près de 5,000 kilomètres dans le Nord, ce courant conserve encore en hiver la chaleur de l’été. C’est ainsi qu’après avoir atteint le 40« parallèle, on le voit recouvrir les eaux froides de cette région sur une surface de plusieurs milliers do lieues carrées, et étendre de la sorte sur l’Océan un véritable manteau d’eau chaude. Son allure est alors plus lente, mais aussi la quantité de chaleur qu’il cède à l’air est plus considérable. Tous nos vents d’ouest ont parcouru sa surface ; ils s’y sont attiédis, mais, en même temps, ils s’y sont chargés de vapeurs. C’est au Gulf-Stream que les côtes O. et N.-O. de l’Europe doivent leur température relativement douce, alors que les côtes du Labrador sont emprisonnées par une barrière de glaces.

Une branche très-importante du Gulf-Stream se relève vers le N.-E., à partir du 450 degré de latitude ; elle passe entre l’Irlande et les côtes N.-O. de l’Angleterre et de la Norvège ; elle s’étend jusqu au Spitzberg, dont elle adoucit le rude climat, et probablement jusque dans la mer circumpolaire. Ce prolongement du, Gulf-Stream avait fait supposer par Maury l’existence, en quelque point des régions désolées du pôle, d’une mer

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libre de glaces et d’un climat moins rigoureux. Cette induction a été vérifiée par l’expérience. De Haven, Penny, Kane ont vu cette mer libre. Le docteur Kane l’a trouvée au N. du 82a degré de latitude, après avoir parcouru 40 ou 50 lieues dans les glaces.

L’eau chaude ne peut pas affluer ainsi vers le pôle sans que des courants contraires en retirent des quantités égales d’eau froide. Entre les côtes de Norvège et le Groenland, le Gulf-Stream est, en effet, bordé des deux côtés par des courants descendant du Nord. Ces courants s’étendent probablement jusque sous le Gulf-Stream, qui coulerait sur un lit creusé au milieu de leurs eaux. Il arrive, cependant, que les eaux chaudes, opérant la fusion des glaces polaires, donnent lieu k des eaux peu chargées de sel, et plus légères, malgré leur température moins élevée. Le Gulf-Stream plonge alors au-dessous de ces eaux froides, comme il plonge au-dessous des glaces polaires, avant d’arriver k la mer libre. Un effet de ce genre se produit, en particulier, dans le détroit de Davis. Le courant polaire y est superficiel et glisse k la surface du courant chaud du S.-O. ; il accroît la rigueur du climat du N.-E. de l’Amérique et du Groenland, tandis que le nôtre est adouci par le Gulf-Stream. C’est là, ajoute avec raison M. Marié-Davy, dans sa Météorologie, un des effets les plus remarquables de l’influence du degré de salure dominant celle des températures, dans les courants de dérive dus aux inégalités de densité des eaux.

Grâce k leur excès de salure, les eaux du Gulf-Stream favorisent la naissance et entretiennent la vie d’une multitude innombrable d’organismes. A cause de cette abondante

Population, Maury l’a appelé la voie lactée de Océan.

— II. Gulf-Stream du Pacifique. Ce courant, dont le trajet est remarquable par ses brouillards et ses orages, prend aussi son orifine dans le courant équatorial. Il s’en sépare l’extrémité sud de Fonnose, par 22° N. et 120O E. Il s’infléchit vers le N., suit la côte orientale de Formose, et, arrivé par 30» N., il s’arrondit vers le N.-E., et va baigner les •côtes S.-E. et E. du Japon, jusqu’à la hauteur du détroit de Sangar.

À son origine, il a environ 50 lieues de largeur. Il se développe au N. de Majirosima, atteint Loutchou et Bonin, et acquiert bientôt une largeur de 250 lieues.

Ses limites au N.-O. sont nettement accusées par une différence de 5°k 10° de température entre son lit et celui de la mer. Ses limites au S.-E. et k l’E. sont moins faciles k déterminer. Il y reçoit, en effet, successivement des eaux dérivées du courant équatorial. Le long des ses bords, et aussi dans sa partie centrale, où des tournants d’eau et des contre-courants se produisent près des îles, on observe des raz de marée violents, qui ressemblent souvent à des brisants.

Les Japonais connaissent très-bien ce courant, dont l’effet est d’adoucir singulièrement le climat de la partie méridionale de leur île ; ils lui donnent le nom de Kuro-Siwo, courant noir, à cause de la couleur foncée de ses eaux.

Par le travers du Japon, le Gulf-Stream du Pacifique se sépare en deux branches : l’une, qui remonte au N., longe les côtes du Kamtchatka, passe k l’O. des Aléoutiennes, et pénètre dans le détroit de Behring. Les habitants des Aléoutiennes, qui ne possèdent aucune espèce d’arbre, n’ont, pour construire leurs canots et pour leurs usages domestiques, d’autres bois que ceux qui sont jetés par la mer. Parmi ces bois se rencontrent souvent des débris de camphriers et d’autres arbres de la Chine et du Japon.

L’autre branche va se réfléchir contre la côte N.-O. de l’Amérique. Elle y prend, vers le S., une direction parallèle k cette côte, et dérive lentement vers le courant équatorial, à son origine orientale ;

Le courant dont nous venons de parler est appelé par quelques auteurs la Rivière du Pacifique.

GULISTAN (Pays des roses), village de Perse, dans le Karabagh (Jardin noir), au confluent du Kour et de l’Araxe. En 1816, il fut signé un traité en vertu duquel la Perse cédait a la Russie le Chirvan et renonçait à toute prétention sur l’Abasie, le Daghestan et la Géorgie.

GnlUtan (le), ou le Jardin de roses du cheik Moslah-Eddin Saadi de Chiraz (656), principal ouvrage du plus illustre des poètes persans, particulièrement connu parmi nous sous le nom de Sadi. C’est un livre très-célèbre, non-seulement dans tout l’Orient, mais aussi chez tous les peuples qui ont quelque teinture de la littérature orientale. Parmi les ouvrages orientaux traduits ou imités dans nos langues d’Europe, il en est peu, si l’on excepte les Mille et une Nuits, qui jouissent d’une réputation aussi méritée que le Gulistan de Sadi. On en a fait plusieurs traductions allemandes et anglaises ; Saint-Lambert et Voltaire, qui ne le connaissaient d’ailleurs que par la traduction latine de Gentius, en ont imité plusieurs morceaux.

Le Gulistan, composé de contes, d’apologues et d’anecdotes, se refuse absolument k fanalyse. C’est k peine si l’on peut essayer d’en exposer le plan : il faut, pour en apprécier le mérite, 1 étudier en lui-même, et eu extraire pour ainsi dire le suc. Sadi,

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il est vrai, a partagé son ouvrage en huit livres ; mais ces divisions, dont les titres ne font connaître que très-imparfaitement le contenu, sont destinées k rappeler par leur nombre le souvenir des portes du Paradis, autant qu’à établir, dans le Gulistan, une classification systématique. Voici les titres de ces livres : 1. Des mœurs des rois ; 2. Des mœurs des derviches ; 3. De l’excellence de la modération ; 4. De l’utilité du silence ; 5. De l’amour et de la jeunesse ; e. De la faiblesse et de la vieillesse ; 7. Des fruits de l éducation ; 8. De la manière de se conduire dans la société.

En donnant, sous forme d’anecdotes, des préceptes de morale et des règles de conduite pour les actes les plus importants de la vie, Sadi n’a fait que se conformer k l’usage établi depuis une longue suite de siècles parmi ses compatriotes. Strabon nous apprend que, chez les Perses, les maîtres chargés d’instruire la jeunesse racontaient à leurs élèves des fables k l’appui des vérités qu’ils voulaient leur enseigner. Aussi les fables abondent-elles dans le Gulistan, et Sadi commence chacune d’elles par les mots : « Je vais vous raconter.... Écoutez le récit, etc. » Du reste, comme plusieurs de ses devanciers, il fait parler dans ses apologues jusqu’aux objets inanimés, les meubles et les étoffes. On en a un exemple dans la fable suivante, intitulée : le Drapeau et te Tapis :

« Écoutez le récit suivant. Il s’éleva un jour une dispute dans Bagdad entre un Drapeau et un Tapis de Perse. Le Drapeau, mécontent des fatigues et des dangers auxquels il était exposé au milieu des marches militaires et de la poussière des batailles, dit au Tapis d’un ton de reproche : « Ne sommesnous pas tous deux au service du même maître, de la même cour, du même sultan ? u Continuellement en voyage, moi, cependant, je n’ai pas un moment de sécurité, et toi tu n’as jamais été exposé aux fatigues et aux

« combats ; tu n’as jamais connu ni les déserts, ni leurs tourbillons de sable, ni leur chaleur « étouffante. Dans toutes les expéditions des armées, c’est moi qui marche k leur tête. Que ton sort est heureux ! tu me surpasses en éclat et en magnificence ; tu ne sers que pour de belles esclaves, brillantes comme la lune et parfumées comme le jasmin odo « rant ; moi, je suis toujours, ou entre les mains des plus vils valets porté au (’lus fort des batailles, ou planté, livré aux vents qui agitent continuellemont ma tête. » Ce Tapis répondit : « Je repose humblement étendu et foulé aux pieds sur le sol du palais ; je ne « m’élève point comme toi vers le ciel. On t’a vu souvent lier de t’èlever ainsi, et gonflé de ta gloire. Quiconque a cet orgueil ne doit pas se plaindre d’être exposé aux fatigués et aux périls. Demande k tapisser humblement quelque muraille, si tu es las de cet honneur, et laisse en paix qui ne te cherche pas querelle. »

Il y a un mot qui peut embarrasser le lecteur dans ce qu on vient de lire. Chez les Orientaux, ce ne sont pas des officiers qui sont chargés de porter les drapeaux. Chaque chef de troupe, dans les combats et dans les marches, fait porter devant lui son drapeau par un esclave qui l’accompagne, et qu’on nomme beyrakdar. De lk le passage de la fable de Sadi, où le Drapeau se plaint d’être toujours entre tes mains des plus vits valets, au contraire des drapeaux des armées européennes, qui sont confiés toujours aux mains les plus honorables.

Un des plus courts et des meilleurs apologues du même genre, et qui a surtout rendu familier le nom de Sadi parmi les gens du monde, est celui que Saint-Lambert a si bien rendu de la manière suivante :

« Es-tu de l’ambre ? disais-je k un morceau de terre que j’avais ramassé dans un bain ; tu me charmes par ton parfum. Il me répondit : « Je ne suis qu’une terre vile, mais j’ai ■ habité quelque temps avec la rose. »

Voici à quelle occasion Sadi composa son ouvrage et lui donna le titre de Gulistan. Il venait de retrouver un ami avec lequel il avait fait le voyage de La Mecque : « Nous sortîmes, dit-il ; c’était au retour du printemps, la rigueur du froid était calmée et le temps des roses était venu... Il arriva par hasard que je passai avec cet ami une nuit dans un jurdin. C’était un lieu enchanté, couvert d’arbres charmants... On entendait dans le verger le chant du rossignol aussi harmonieux qu’une douce poésie... Le lendemain, lorsque l’intention de partir l’eut emporté sur le désir de rester, je vis mon ami qui, ayant recueilli dans un pli de sa robe des roses, des basilics, des jacinthes et des herbes odoriférantes, voulait retourner à la ville ; je lui dis : «La rose des jardins, comme tu le sais, ne dure pas longtemps, et la saison des roses est bientôt passée... Il est en mon pouvoir de composer un livre intitulé : le Jardin de n roses, sur les feuilles duquel le vent d’automne pourra souffler en vain. La rose ne dure que cinq ou six jours, et ce Jardin de roses sera toujours beau, 1 Aussitôt que j’eus prononcé ces paroles, mon ami, s’attachant à mon vêtement : « L’homme généreux > acquitte sa promesse, » dit-il. En quelques jours, un ou deux chapitres sur l’élégance de la conversation et la politesse des entretiens furent composés. En un mot, il y avait encore des roses du jardin, lorsque le Jardin de roses fut achevé. »

Tout cela est un peu bizarre, mais bion