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qualités, qui lui valurent une haute renommée parmi ses contemporains. Il était vaillant, généreux, équitable et ami des lettres, ainsi que le prouvent les poésies qu’il a laissées ; mais, quoi qu’il eût fait beaucoup pour l’agrandissement de sa maison, son manque de prévoyance fit naître une foule de discordes, qui, longtemps après sa mort, amenèrent la ruine de sa maison.


HENRI, dit Raspon, landgrave de Thuringe (1227-1247). Le pape Innocent IV et les évêques électeurs voulurent le nommer empereur pour l’opposer à Frédéric II (1246). Cet anticésar, que l’on nomma par dérision le roi des prêtres, après avoir remporté quelques avantages sur Conrad, fils de Frédéric, et s’être avancé en Souabe, fut repoussé jusqu’au cœur de ses États héréditaires, et mourut l’année suivante, devant Ulm, des suites d’une blessure.


HENRI Ier, dit l’Enfant, premier prince de Hesse, né en 1244, mort en 1308. Il était fils du duc de Brabant, Henri le Magnanime, et de Sophie, fille du landgrave de Thuringe, Louis le Pieux, et de sainte Élisabeth. Lorsque la ligne mâle de Thuringe s’éteignit, en 1247, avec Henri Raspon, sa mère se porta comme unique héritière de ce dernier ; mais, après une lutte longue et acharnée contre plusieurs prétendants, surtout contre le margrave de Misnie, Henri l’Illustre, elle ne put obtenir, par le traité de 1263, que la Hesse, qu’elle laissa à son fils, devenu majeur, et qui jusqu’alors avait été désigné sous le surnom de l’Enfant de Brabant. Henri, dont le frère aîné, qui portait le même nom, avait succédé, dès 1247, à son père dans le gouvernement du Brabant, fixa sa résidence à Cassel, délivra la contrée des bandits qui l’infestaient, la protégea contre les prétentions de l’archevêque de Mayence et s’acquit l’estime des grands seigneurs hessois, qui le reconnurent pour leur souverain. Il posa ainsi les fondements de la grandeur de sa maison, dont les possessions, d’abord restreintes au comté de Gudensberg et au bassin de la Werra, s’agrandirent bientôt considérablement ; car il y joignit la seigneurie de Giessen, le château de Grabenstein, etc. Il vécut en grande estime auprès de tous les princes de son temps et fut le fidèle allié de l’empereur Rodolphe Ier, qu’il aida à triompher d’Ottocar, roi de Bohème. Les querelles de ses fils, qu’il avait eus de deux mariages, troublèrent cependant les dernières années de son règne si bien rempli, et amenèrent, après sa mort, le partage de sa principauté. Mais cette division dura peu de temps, car un seul d’entre eux, Othon, continua sa lignée.


HENRI (Frédéric-Louis), prince de Prusse, frère de Frédéric II, né en 1726, mort à son château de Rheinsberg le 3 août 1802. Il fut un des meilleurs généraux et un des princes les plus éclairés de son temps. Bien qu’on lui ait reproché d’être trop méthodique à la guerre, il faut reconnaître qu’il fit souvent preuve de décision et d’impétuosité. À la bataille de Prague, il détermina la victoire (6 mai 1757) ; le succès des Prussiens à Rosbach lui est dû en grande partie (5 novembre) ; la déroute qu’il fit essuyer à l’armée autrichienne à la bataille de Freyberg (29 octobre 1762) mit le sceau à sa gloire militaire, et termina la guerre de Sept ans. Dans un banquet qui eut lieu peu après, Frédéric, ordinairement peu prodigue d’éloges à l’égard de son frère, lui porta un toast en ces termes : « Saluons, messieurs, le seul général qui, pendant cette guerre, n’a pas fait une seule faute. » Sous les deux règnes suivants, le prince Henri ne prit qu’une faible part aux affaires. Il aimait les lettres et les cultivait avec succès. Notre langue lui avait inspiré un goût tout particulier, et il l’écrivait avec autant de pureté que de finesse. Dans un premier voyage à Paris, qu’il fit en 1784, il reçut des littérateurs et des philosophes l’accueil le plus empressé. La France lui inspirait une si vive sympathie, qu’il résolut d’y fixer son séjour. Il y revint en 1788, assista à l’ouverture des états généraux ; mais les premiers troubles de la Révolution l’obligèrent à rentrer en Prusse. On l’entendit néanmoins se prononcer hautement en faveur des principes de cette Révolution. C’est malgré ses conseils que la cour de Berlin s’engagea dans la guerre de 1792 ; aussi est-ce sur lui que plus tard elle jeta les yeux pour conduire les négociations de la paix de Bâle (1795). Le prince Henri partageait les idées antireligieuses de son frère, le grand Frédéric, mais il se fit toujours remarquer par un sincère amour des hommes, par le respect de leurs droits. M. Sainte-Beuve a fait de ce prince un portrait fort intéressant dans ses Causeries du lundi.


HENRI, roi de Sardaigne. V. Enzo.


HENRI, ducs de Bavière. V. Bavière.


HENRI, ducs de Brabant. V. Brabant.


HENRI, cacique de Saint-Domingue. V. HENRIQUE.


HENRI, roi d’Haïti. V. Christophe.


HENRI, hérésiarque du xiie siècle, originaire d’Italie, mort en 1149. Il fut d’abord ermite, embrassa ensuite en partie les erreurs de Pierre de Bruys, prêcha sa doctrine en Italie, en Suisse, au Mans, dans le Poitou et en Languedoc, et se fit partout un grand nombre de disciples. Le pape Eugène III ordonna des poursuites contre le sectaire et sollicita l’intervention du pouvoir temporel. Cette mesure violente était d’autant plus pressante pour l’Église, que Henri exerçait un ascendant irrésistible sur les populations par son éloquence, ses doctrines et la pureté de ses mœurs. Saint Bernard lui-même avait tenté de le combattre par la parole, et il avait partout échoué. Il condamnait le baptême des enfants, la messe, les prières pour les morts, ne voulait point de culte apparent, niait l’eucharistie, n’acceptait que l’Écriture pour règle de la foi et rejetait la tradition. Cité plusieurs fois inutilement devant le légat du pape, il fut enfin arrêté, condamné à la prison perpétuelle, et mourut peu de temps après. Basnage le place avec raison parmi les précurseurs du protestantisme. Ses disciples, connus sous le nom d’henriciens, se confondirent dans la suite avec les vaudois et les albigeois.


HENRI. Pour d’autres personnages de ce nom v. Henry.


HENRI DE HUNTINGDON, historien anglais. V. Henry.


Henri Esmond, roman de Thackeray. V. ESMOND.


Henriade (la), poëme épique de Voltaire, en dix chants. Le titre de Poëme de la Ligue, que l’auteur avait d’abord donné à cet ouvrage, indiquait mieux l’objet qu’il s’était proposé. C’était la peinture des guerres de religion que Voltaire voulait faire, pour inspirer la haine de l’intolérance et de la persécution. Toute la Henriade est là. Voilà pourquoi ce poème n’a pas cessé d’être populaire, malgré la faiblesse du plan et la langueur de l’action. Si l’on considère maintenant la Henriade sous le rapport de l’art, il est certain que ce poëme ne peut, à aucun titre, être mis en parallèle avec les grandes épopées des temps anciens et modernes, dont il ne comportait pas, d’ailleurs, les conditions poétiques. Cependant, on ne saurait nier que la Henriade ne renferme de grandes beautés littéraires. On y trouve presque partout une diction élégante et noble, un goût pur. Le massacre de la Saint-Barthélemy, au second chant, est décrit avec une énergie d’expression peu commune ; l’assassinat de Henri III est vraiment épique ; ta bataille de Coutras est racontée avec l’exactitude de l’histoire et toute la richesse de la poésie ; la bataille d’Ivry mérite le même éloge ; l’esquisse du siècle de Louis XIV, au septième chant, est d’un peintre exercé ; enfin de belles descriptions, d’heureux épisodes, dans le genre terrible ou gracieux, comme la famine de Paris, d’éloquentes harangues, des portraits pleins de vigueur et de vérité, font de la Henriade une des œuvres les plus estimables de la littérature française.

Le sujet ne permettait que le merveilleux chrétien, c’est-à-dire un merveilleux tout allégorique, et Voltaire n’en a tiré un bon parti qu’une seule fois. C’est une belle fiction que le Fanatisme sortant des enfers sous la figure de Guise massacré à Blois, et venant dans la cellule du moine Clément lui demander vengeance et lui remettre un glaive pour frapper Henri III. Les autres allégories n’offrent aucun intérêt. En général, c’est l’esprit qui domine dans la Henriade, tandis que, dans les poëmes d’Homère, de Virgile et du Tasse, le génie seul se fait sentir : la conception et l’ensemble de la Henriade ne supposent point cet heureux don de la nature, cette qualité féconde qui crée, anime et vivifie tout. C’est par le mérite et la richesse des détails que l’ouvrage s’est soutenu ; c’est par les ornements du style qu’il brille, et ces ornements eux-mêmes appartiennent plus à l’esprit qu’au génie : ce sont des antithèses, des oppositions, des portraits plus joliment coloriés que fortement tracés, des observations morales ou politiques rendues avec plus de finesse que d’énergie et de profondeur, des pensées, des réflexions, des sentences ; sortes d’agréments qui supposent plus de combinaison et de calcul que de verve et d’imagination.

Le style de la Henriade n’est pas d’un écrivain vulgaire. Il pourrait parfois avoir plus de nerf, de chaleur et de précision ; mais il est toujours d’une grande élégance et d’une clarté lumineuse ; mérite qui suppose beaucoup de netteté dans la conception et dans les idées. Ce style, qui se développe et qui coule avec une extrême limpidité, cette transparence de la diction ne peuvent naître que d’une source très-pure : c’est une grande perfection dans les organes de l’intelligence qui produit cette clarté frappante et qui répand cette abondance de lumière dans les détails de l’élocution. Cependant la versification si facile et si brillante de la Henriade a un défaut assez sensible : Voltaire ne connaît pas la période poétique ; ses vers sont trop détachés, trop isolés ; ils sont tous coupés d’une manière uniforme ; ils manquent d’art et de variété.

En résumé, la Henriade ne vivra que parce qu’on y verra toujours une thèse morale contre le fanatisme et en faveur de la tolérance. C’est tout ce que Voltaire pouvait faire, et il sera toujours glorieux pour lui d’avoir fait lire sans fatigue et même d’avoir fait admirer dix mille alexandrins alignés à la file. Son exemple ne doit pas être perdu ; l’expérience qu’il a faite confirme ce que nous apprend l’étude comparée des littératures. Une épopée est plus que l’œuvre d’un homme ; c’est la production d’un siècle, d’un âge héroïque, simple, naïf, croyant, animé d’un sentiment profond, soutenu par une foi robuste ; le poète épique n’est que l’interprète de la poésie vivante qui circule autour de lui.


HENRICHEMONT, ville de France (Cher), ch.-l. de cant., arrond. et à 28 kilom. O. de Sancerre, sur une colline dominant la Petite Sauldre ; pop. aggl., 1,395 hab. — pop. tot., 3,377 hab. Fabriques de serges, droguets, cotonnades ; tanneries, corroieries ; commerce important de laines. Henrichemont était autrefois le ch.-l. d’une principauté indépendante qui appartenait à la maison d’Albret, et portait alors le titre de Boisbelle. Sully, dans la maison de qui était passée la principauté, lui donna le nom de Henrichemont. En 1769, cette ville fut réunie à la couronne de France.


HENRICI (Chrétien-Frédéric), poète allemand, connu sous le pseudonyme de Picander, né à Stolpe (Prusse) en 1709, mort en 1764. Il était fils d’un passementier qui lui fit étudier le droit ; il se fit connaître par des poésies et remplit diverses fonctions dans l’administration des postes et des douanes. On a de lui deux recueils de vers : Poésies badines et satiriques (Leipzig, 1748-1757, 5 vol., 4e édit.) ; Recueil de poésies mêlées (Leipzig, 1768), et trois comédies satiriques : l’Étudiant flâneur (1726) ; l’Ivrogne incorrigible (1726) ; l’Épreuve des femmes (1726) Ses pièces de théâtre, comme ses poésies, se font remarquer par de la verve, de la gaieté, mais, en même temps, par des jeux de mots grossiers et des plaisanteries qui dégénèrent en bouffonneries obscènes.


HENRICIE s. f. {an-ri-si — de Henri, n. pr.). Échin. Section du genre astérie.

— Bot. Genre de plantes, de la famille des composées, tribu des astérées, dont l’espèce type croît à Madagascar.


HENRICIEN s. m. (an-rt-siain). Hist. relig. Membre d’une secte du xiie siècle, qui avait pour chef Henri l’Ermite.

— Encycl. Malgré les efforts tentés au xiie siècle pour rétablir la discipline en France, les désordres du clergé étaient extrêmes ; les clercs, les prêtres, les chanoines vivaient publiquement avec des femmes ; dans beaucoup d’églises, tout se vendait à prix d’argent, même les sacrements. Telles furent les circonstances qui aidèrent à la propagation des doctrines de Pierre de Bruys et de Henri l’Ermite. Un grand nombre de manichéens se rallièrent à la nouvelle secte, qui, en peu d’années, fit des progrès immenses, surtout dans le midi de la France. Les henriciens rejetaient l’Ancien Testament, le culte extérieur tout entier, surtout le culte de la croix, condamnaient l’usage des églises, des sacrements, des chants et des prières publiques ; ils repoussaient la messe, niaient l’efficacité des prières pour les morts ; ils admettaient le baptême, mais ne le conféraient qu’aux adultes comme dans la primitive Église. Sous l’influence des prédications des novateurs, dans plusieurs contrées, le peuple entra en fureur contre le clergé. Les sectaires se réunissaient en troupes, maltraitant les prêtres, saccageant les églises, brûlant les croix, rebaptisant de gré ou de force les habitants des lieux qu’ils traversaient. Les contradictions les plus singulières se rencontraient dans les doctrines des henriciens : tandis qu’ils condamnaient généralement le mariage, un certain nombre d’entre eux voulaient contraindre les moines à prendre femme.

Henri l’Ermite fut condamné à une prison perpétuelle ; ses doctrines furent anathématisées par le concile de Reims tenu en 1148 ; mais elles survécurent à ces condamnations et se fondirent dans l’hérésie des albigeois.


HENRICO (Scipion), littérateur sicilien. V. Enrico.


HENRICY (Jacques), chirurgien français, né à Puget-Théniers, comté de Nice, vers 1680, mort à Aix en 1749. Il était chirurgien en chef de l’hôpital d’Avignon, lorsque la peste commença à ravager Aix en 1720. Henricy se rendit dans cette ville, et, avec un infatigable dévouement, il prodigua ses soins aux malades de la ville et à ceux des infirmeries établies dans un château près de la rivière de l’Arc, fit prendre de sages règlements pour rétablir la salubrité, s’attira par sa belle conduite l’admiration universelle, et fut nommé, sur la demande des échevins, démonstrateur de chirurgie à l’université d’Aix.


HENRIET (Israël), graveur français, né à Nancy en 1608, mort à Paris en 1661. Élève de Tempesta et de Callot, il s’appropria si bien la manière de ce dernier, que plusieurs de ses estampes, notamment l’Enfant prodigue, ont été attribuées à Callot. Il enseigna le dessin à Louis XIV.


HENRIETTE s. f. (an-ri-è-te — d’Henriette Edwards). Arboric. Variété de poire.


HENRIETTE-MARIE DE FRANCE, reine d’Angleterre, née à Paris le 29 novembre 1609, morte à Colombes le 10 décembre 1669. Elle était la troisième fille et le sixième et dernier des enfants nés de Henri IV et de Marie de Médicis.

Il est peu d’histoires aussi singulières et aussi dramatiques que celle de cette fille de Henri IV, mariée à seize ans à Charles Ier. L’union des deux couronnes de France et d’Angleterre avait été, dès la naissance d’Henriette-Marie, une des pensées de Henri IV ; mais Jacques Ier préférait pour son fils Charles, alors prince de Galles, une fille du roi d’Espagne Charles III, à cause de la grande puissance de la maison d’Autriche. Le jeune prince, aventureux et fou, s’était même embarqué incognito avec son favori Buckingham, sous les noms de Jean et Thomas Smith, afin de voir par ses yeux celle qui lui était destinée et de lier quelque intrigue. Traversant Paris, ils assistèrent, déguisés, à un bal de la cour, et le prince vit là pour la première fois Henriette-Marie, qu’il ne songeait pas du tout à épouser ; mais les pourparlers avec Madrid ayant été rompus, ce fut sur cette princesse que Jacques Ier jeta les yeux, et bientôt il annonça au Parlement ce mariage comme devant prochainement s’effectuer. Pendant ce temps, peut-être pour se faire pardonner son équipée espagnole, le prince de Galles écrivait à sa fiancée que dans ce voyage, entrepris pour une autre, il n’avait fait attention qu’à elle seule ; il lui disait « combien, outre la renommée de ses vertus, il avait été frappé de ses perfections. » — « Mon bonheur a été grand, ajoutait-il, par l’honneur que j’ai eu déjà de voir votre personne sans être connu de vous, et je ne puis, en écrivant, vous exprimer la passion que j’éprouve d’avoir l’honneur d’être estimé de vous comme votre très-humble et passionné serviteur. » Cette lettre, assez embrouillée et probablement peu sincère, est conservée à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford. Le mariage fut célébré, par procuration, au Louvre, en juin 1625 ; Jacques Ier, qui l’avait négocié, était mort le 25 mars précédent. Dans sa pensée, cette union devait fortifier les deux couronnes, spécialement celle de son fils ; elle fut cause du contraire, car on peut dire qu’elle hâta pour Charles Ier le dénoûment tragique de sa vie. La situation des esprits en Angleterre rendait dangereux un mariage de l’héritier de la couronne avec une princesse catholique, et les négociateurs français, aidés par la duplicité de Jacques Ier, se firent comme un plaisir d’aggraver encore les dangers. Tandis que Jacques présentait au Parlement cette affaire comme purement politique et n’intéressant en rien les questions religieuses, c’était la religion qui, du côté de la France et dans l’esprit des fondés de pouvoir de Henri IV, était le principal objet du contrat. La dispense papale, nécessaire à cause de la différence de religion des deux fiancés, ne fut accordée par Urbain VIII qu’à des conditions ridicules. Non-seulement tous ceux qui seraient placés autour de la princesse devaient être catholiques, mais il était spécifié que les enfants à naître du mariage ne pourraient avoir que des domestiques catholiques. Vingt prêtres de l’Oratoire devaient, de plus, accompagner la reine. C’est le P. de Bérulle, de l’Oratoire, tant vanté par Bossuet, qui avait mené à bien cette négociation, un vrai chef-d’œuvre.

Henriette-Marie fut la première à souffrir des bévues du clergé français, qui n’avait aperçu, dans ce mariage, qu’une occasion d’inonder l’Angleterre de mitres et de soutanes. Il choisissait bien le moment ! À peine débarquée à Douvres et reçue par son époux, celui-ci, jugeant avec sang-froid la situation, ne vit rien de mieux à faire que de congédier poliment toute cette séquelle cléricale, malgré le serment juré au pape pour obtenir la dispense. De là ces « premiers nuages » dont parle Bossuet, qui obscurcirent l’aurore de l’union royale et qui ne devaient se dissiper qu’un peu plus tard. La reine était débarquée à Douvres le 22 juin 1625. Son entourage avait indisposé, dès le premier abord, le sombre fanatisme puritain et refroidi le roi d’Angleterre. Un homme d’esprit et de sens politique, le comte de Tillières, précédemment ambassadeur en Angleterre, et qui a laissé de curieux mémoires sur cette époque, était intendant de la maison de la reine ; Mme de Tillières, dame d’honneur ; Mme de Saint-Georges (Jeanne du Harlay), dame du lit ; proprement ou malproprement, comme on voudra, elle avait le titre de lady of the stool, dame de la chaise-percée, ce qui était alors une grande marque de distinction. De Tillières raconte ainsi lu première entrevue.

« La reine fut logée au château et le reste de son train dans la ville. Le château est un vieux bâtiment fait à l’antique, où la reine fut assez mal logée, pirement meublée, et son train traité avec bien peu de magnificence, considérant une telle occasion ; ce qui commença à l’étonner et à la faire douter des grandes richesses et magnificences d’Angleterre, que le comte de Carlisle, le comte de Holland et autres Anglais, qui avaient passé en France, lui avaient décrites. Elle ne vit point le roi ce jour-là ; le lendemain, il vint la trouver sur l’heure du dîner, mal habillé, encore plus mal accompagné, et avec une mine triste et bien différente de celle que les Français et les Anglais lui avaient représentée. Si la reine trouva qu’elle était trompée au corps, l’ayant un peu entretenu, elle jugea qu’elle l’était encore davantage quant à l’esprit ; et, dès lors, elle commença à retrancher quelque chose en soi-même de cette extrême affection que la vanité d’être reine d’un royaume qu’on lui avait décrit comme un paradis terrestre lui avait formée au cœur ; ce