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qu’il venait d’hériter, etc… Les nouvelles vont aussi vite que dans nos campagnes françaises. La vieille pipe canadienne que tous fumaient religieusement avait réchauffé les sympathies et rempli le compartiment de fumée. On parlait de tout et tout le monde à la fois : du dernier hiver si rigoureux, des récoltes, de la rentrée des foins, que sais-je encore ? le tout entremêlé de joyeux éclats de rire et pimenté d’un léger accent normand « Ça marche-t-il dans les tissus ? votre tournée est-elle bonne ? » —

— « Oui. les affaires reprennent, voilà la guerre terminée. Et les chevaux ? Y a-t-il de la demande ? » — « L’automobile nous fait grand tort. J’ai tout de même vendu hier un beau cheval de deux ans au curé de Saint-Raymond. » — « Tiens, il n’a donc plus La Roussette, sa jument grise ? » — « Non, il l’a cédée aux Nadeau de Montmorency. Et votre procès à propos de la clôture de votre champ ? L’avez-vous enfin gagné ? » — « Ah. je t’en fiche ! Est-ce qu’on sait jamais avec ces brigands d’avocats. En voilà qui s’y entendent pour traîner les affaires en longueur ! Vous devez connaître ça vous, l’avocat ? »

— L’avocat approuve et rit avec les autres, mais il riposte en disant qu’on a beau le maudire, on vient le chercher quand même.

Le commerçant annonce qu’il vient de traiter une