Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/129

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Napoléon causait volontiers avec les gens du pays, et leur montrait toujours des sentiments de justice qui les frappaient. Revenant de Syrie, une tribu arabe vint au-devant de lui, tout à la fois pour lui faire honneur et vendre ses services de transport. « Le chef était malade, il s’était fait remplacer par son fils, de l’âge et de la taille du vôtre que voilà, me disait l’Empereur ; il était sur son dromadaire, marchant à côté du général en chef, le serrant de très près, et causant avec beaucoup de babil et de familiarité. – Sultan Kébir, lui disait-il, j’aurais un bon conseil à vous donner, à présent que vous revenez au Caire. – Eh bien ! parle, mon ami ; je le suivrai, s’il est bon. – Voici ce que je ferais, si j’étais de vous : en arrivant au Caire, je ferais venir sur la place le plus riche marchand d’esclaves, et je choisirais pour moi les vingt plus jolies femmes ; je ferais venir ensuite les plus riches marchands de pierreries, et je me ferais donner une bonne part ; je ferais de même de tous les autres ; car à quoi bon régner ou être le plus fort, si ce n’est pour acquérir des richesses ! – Mais, mon ami, s’il était plus beau de les conserver aux autres ? – Cette maxime sembla le faire penser, mais non pas le convaincre. Le jeune homme promettait beaucoup, comme on voit, pour un Arabe ; il était vif, intrépide, conduisait sa troupe avec