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Mésaventure à Saintes.


Lundi 3.

Nous ne pouvons nous remettre en route qu’à cinq heures du matin. La méchanceté du maître de poste, qui, non content de nous avoir retenus la nuit, employa des moyens secrets pour nous retenir encore, fait que nous sommes contraints de gagner presque au pas le relais de Cognac, où le maître de poste et les spectateurs nous témoignent des sentiments bien différents. Il nous était aisé de juger que notre passage causait beaucoup d’agitation en sens divers. En atteignant Saintes, vers les onze heures du matin, nous avons failli tomber victimes d’une insurrection populaire. Un des zélés de l’endroit, nous a-t-on dit, avait dressé cette embûche, et organisé notre massacre. Nous sommes arrêtés par la populace, garantis par la garde nationale, mais menés prisonniers dans une auberge. Nous emportions, disait-on, le trésor de l’État ; nous étions des scélérats dont la mort seule pouvait faire justice.

Ceux qui se prétendaient la classe distinguée de la ville, les femmes surtout, se montraient les plus ardentes pour notre supplice.

Elles venaient défiler successivement à des croisées voisines pour insulter de plus près à notre malheur. Elles portaient la rage, le croirait--