Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/342

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tourmentée par le défaut de subsistances, vu le manque de transports et l’épuisement du pays où avaient séjourné tant de troupes ; ce qui donna lieu à quelques désordres.

Serrurier, instruit à Garessio des batailles de Montenotte et de Millésimo, se mit en mouvement, s’empara de la hauteur de Saint-Jean, et entra dans Ceva le même jour qu’Augereau arrivait sur les hauteurs de Montezemoto. Le 17, après quelques légères affaires, Colli évacua le camp retranché de Ceva, les hauteurs de Montezemoto, et se retira derrière la Cursaglia. Le même jour, le général en chef porta son quartier-général à Ceva. L’ennemi y avait laissé toute son artillerie qu’il n’avait pas eu le temps d’emmener, et s’était contenté de laisser garnison dans le château.

Ce fut un spectacle sublime que l’arrivée de l’armée sur les hauteurs de Montezemoto ; de là se découvraient les immenses et fertiles plaines du Piémont. Le Pô, le Tanaro et une foule d’autres rivières serpentaient au loin ; une ceinture blanche de neige et de glace, d’une prodigieuse élévation, cernait à l’horizon ce riche bassin de la terre promise. Ces gigantesques barrières, qui paraissaient les limites d’un autre monde, que la nature s’était plu à rendre si formidables, auxquelles l’art n’avait rien épargné, venaient de tomber comme par enchantement. « Annibal a forcé les Alpes, dit le général français en fixant ses regards sur ces montagnes ;