Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/517

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devant la place. La perte de l’équipage d’artillerie ne laissait plus d’espérance de pouvoir en faire le siège. Cet équipage, formé à grande peine de pièces recueillies dans les différentes places de l’Italie, était presque entièrement perdu. D’ailleurs la saison devenait trop mauvaise, l’ouverture et le service de la tranchée eussent été trop dangereux pour les troupes, au moment où la malignité du climat allait exercer ses ravages. Le général français n’ayant donc pas sous la main un équipage de siège qui pût lui donner l’assurance de prendre Mantoue avant six semaines, ne voulut pas songer à en former un second, qui n’eût été prêt qu’au moment même où de nouveaux évènements pouvaient l’exposer à le perdre de nouveau, en le forçant de lever le siège une seconde fois. Il se contenta donc d’un simple blocus. Le général Sahuguet en fut chargé ; il attaqua Governolo, et le général Dallemagne Borgo-Forte : ils s’en emparèrent ainsi que de tout le Séraglio, rejetèrent l’ennemi dans la place et en resserrèrent étroitement le blocus. On s’occupa de multiplier les redoutes et les fortifications autour de la ville, afin d’y employer le moins de monde possible ; car tous les jours les assiégeants diminuaient par le ravage de la fièvre, et l’on prévoyait avec effroi que ce ravage ne ferait qu’accroître avec l’automne. Il était vrai que la garnison était soumise aux mêmes maux et à la même diminution.

X. Conduite des différents peuples d’Italie durant cette crise. — Cependant la position de l’Italie, dans le peu de jours qui venaient de s’écouler, avait été une véritable révélation. Toutes les passions s’étaient montrées au grand jour ; chacun se démasqua. Le parti ennemi se montra à Crémone, à Casal-Major, et quelques étincelles se laissèrent voir à Pavie. En général, la Lombardie montra un bon esprit ; à Milan surtout presque tout le peuple témoigna une grande constance et beaucoup de fortitude : ils gagnèrent notre confiance, et méritèrent les armes qu’ils ne cessaient de demander avec instances. Aussi le général français leur écrivait-il dans sa satisfaction : « Lorsque l’armée battait en retraite, que les partisans de l’Autriche et les ennemis de la liberté la croyaient perdue sans ressource, lorsqu’il était impossible à vous-mêmes de soupçonner que cette retraite n’était qu’une ruse, vous avez montré de l’attachement pour la France, de l’amour pour la liberté ; vous avez déployé un zèle et un caractère qui vous ont mérité l’estime de l’armée, et vous mériteront la protection de la république française.

« Chaque jour votre peuple se rend davantage digne de la liberté. Il acquiert chaque jour de l’énergie. Il paraîtra sans doute un jour avec gloire sur la scène du monde. Recevez le témoignage de ma satisfaction