Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/560

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En France, elle le fut avec des guerres étrangères ; et c’est à ces efforts, à cette contradiction des étrangers, que les Français attribuent avec raison la faute de leurs excès. Les Anglais n’ont aucune excuse de ce genre.

« C’est l’armée, en Angleterre, qui fut coupable de toutes les fureurs, de toutes les extravagances ; elle fut le fléau des citoyens.

« En France, au contraire, c’est à l’armée qu’on dut tout. Ce furent ses triomphes au-dehors qui affaiblirent ou firent oublier les horreurs du dedans ; c’est elle qui donna à la patrie l’indépendance, la gloire, les trophées.

« En Angleterre, la restauration fut l’ouvrage des Anglais mêmes ; elle fut reçue avec la plus vive exaltation : la nation échappait à l’esclavage, et crut retrouver la liberté.

« En France, au contraire, la restauration fut l’ouvrage des puissances étrangères ; elle porta l’humiliation, le deuil dans les âmes françaises, la nation vit ternir sa gloire et tout rentrer dans l’esclavage.

« En Angleterre, l’expulsion de Jacques II fut l’ouvrage d’un prince et de soldats étrangers ; il y eut hésitation ; et après son succès, le nouveau souverain ne se trouva guère qu’à la tête d’une faction.

« En France, l’expulsion identique fut l’ouvrage d’un seul homme ; il suffit de sa seule présence, parce qu’il ramenait l’indépendance, la gloire, les espérances nationales ; c’était l’homme de la patrie ; il réunissait tous les cœurs, tous les vœux ; sa marche fut un triomphe, son retour un délire.

« Enfin, en Angleterre un gendre renverse son beau-père du trône : il est appuyé de toute l’Europe, et l’ouvrage demeure impérissable et révéré.

« En France, au contraire, l’élu d’un peuple qu’il a déjà gouverné quinze ans avec l’assentiment du dedans et du dehors, ressaisit une couronne qu’il prétend lui appartenir. L’Europe entière se lève en masse ; elle le met hors la loi. Onze cent mille hommes marchent, contre sa seule personne ; il succombe ; on le jette dans les fers, et l’on prétend flétrir sa mémoire !!! »


Docteur O’Méara ; explication – Consulat – Opinion de l’émigration sur le consul – Idée de l’Empereur sur le bien des émigrés – Syndicat projeté – Circonstances heureuses qui concoururent à la carrière de l’Empereur – Opinion des Italiens – Couronnement par le pape – Les mécontents séduits lors de Tilsit – Bourbons d’Espagne – Arrivée du fameux palais de bois.


Lundi 6 mai.

L’Empereur m’a fait appeler sur les neuf heures. Il était tracassé des dispositions du nouveau gouverneur, surtout de l’idée qu’on osât violer le dernier sanctuaire de son intérieur ; il préférait la mort à ce dernier