Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/762

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il, rendait ces principes fautifs ; les localités particulières demandaient à chaque instant des déviations de leur grande uniformité. Les douanes, que les économistes blâmaient, ne devaient point être un objet de fisc, il est vrai, mais elles devaient être la garantie et les soutiens d’un peuple ; elles devaient suivre la nature et l’objet du commerce. La Hollande, sans productions, sans manufactures, n’ayant qu’un commerce d’entrepôt et de commission, ne devait connaître ni entraves ni barrière. La France, au contraire, riche en productions, en industrie de toute sorte, devait sans cesse être en garde contre les importations d’une rivale qui lui demeurait encore supérieure ; elle devait l’être contre l’avidité, l’égoïsme, l’indifférence des purs commissionnaires.

« Je n’ai garde, disait l’Empereur, de tomber dans la faute des hommes à systèmes modernes ; de me croire, par moi seul et par mes idées, la sagesse des nations. La vraie sagesse des nations, c’est l’expérience. Et voyez comme raisonnent les économistes : ils nous vantent sans cesse la prospérité de l’Angleterre, et nous la montrent constamment pour modèle. Mais c’est elle dont le système des douanes est le plus lourd, le plus absolu ; et ils déclament sans cesse contre les douanes ; ils voudraient nous les interdire. Ils proscrivent aussi les prohibitions ; et l’Angleterre est le pays qui donne l’exemple des prohibitions ; et elles sont en effet nécessaires pour certains objets ; elles ne sauraient être suppléées par la force des droits : la contrebande et la fantaisie feraient manquer le but du législateur. Nous demeurons encore en France bien arriérés sur ces matières délicates : elles sont encore étrangères ou confuses pour la masse de la société. Cependant quel pas n’avions-nous pas fait, quelle rectitude d’idées n’avait pas répandue la seule classification graduelle que j’avais consacrée de l’agriculture, de l’industrie et du commerce ! objets si distincts et d’une graduation si réelle et si grande !

« 1° L’agriculture : l’âme, la base première de l’empire ;

« 2° L’industrie : l’aisance, le bonheur de la population ;

« 3° Le commerce extérieur : la surabondance, le bon emploi des deux autres.

« L’agriculture n’a cessé de gagner durant tout le cours de la révolution. Les étrangers la croyaient perdue chez nous. En 1814, les Anglais ont été pourtant contraints de confesser qu’ils avaient peu ou point à nous montrer.

« L’industrie ou les manufactures, et le commerce intérieur ont fait sous moi des progrès immenses. L’application de la chimie aux ma-